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Kadhafi : ils ont exaucé son souhait

Ils ont donc fini par le tuer. Depuis le début, ils ont cherché à le faire. Les frappes de l’OTAN le cherchaient sans arrêt. Mais aujourd’hui, tel Ponce Pilate, ils veulent s’en laver les mains. Ponce Pilate avait livré Jésus aux marchands du Temple et aux grands prêtres proches des Romains. Il avait préféré laissé les collaborateurs de l’empire Romain décider de sa mise à mort. Pour Kadhafi, l’OTAN a fait l’essentiel du travail, mais il a laissé faire le sale travail, finir le travail à des Libyens contre un autre Libyen. Le crime était presque parfait, mais il y a eu d’abord cet anonyme qui a filmé et mis ces images sur You tube, puis les images d’une extrême cruauté de cette hystérie collective hallucinante sur le site "The Global Post". Il a bien fallu ensuite trouver des explications.

Le colonialisme a toujours agi ainsi : libyens contre libyens, algériens contre algériens, vietnamiens contre vietnamiens, irakiens contre irakiens. Faire ainsi coup double : éliminer l’ennemi, Kadhafi, et tenter de faire perdre son âme à tout un peuple, en tentant de faire peser sur sa conscience un acte ignoble.

Mais pourquoi l’OTAN a-t-il si peur de dire la vérité, qu’il est le véritable responsable de cet assassinat car les autres ne sont que des exécutants. Pourquoi cette campagne médiatique inouïe, acharnée, non seulement pour dégager sa responsabilité de ce crime, mais pour dévaloriser et salir sans cesse la personne de Kadhafi. Il ya certes la tentative bien vaine de faire encore croire que l’OTAN a agi dans le cadre de la résolution 1973 de l’ONU, que son but était de protéger des populations civiles et non d’intervenir comme belligérant dans cette guerre pour abattre le régime libyen. Il y a aussi l’éventualité d’une accusation de crime de guerre, Kadhafi ayant été fait prisonnier puis assassiné. Mais on découvre soudain que cette campagne traduit au fond une peur, celle que les dominants ont toujours, la peur de leurs victimes, la peur de la mémoire des peuples. En effet, pourquoi parler autant de Kadhafi s’il est une personnalité aussi monstrueuse, aussi misérable qu’il est décrit dans les médias occidentaux et les medias arabes qui leur sont liés. Pourquoi lui consacrer autant de temps. Pourquoi cette obsession le concernant.

J’avais toujours été impressionné par la rage de Rome envers Hannibal et Jugurtha. Ils les avaient traqués partout, sans leur laisser un endroit où se refugier dans le monde connu de cette époque, menaçant quiconque leur donnerait asile, alors même qu’ils ne représentaient plus un danger militaire. Comme Kadhafi.., ai-je songé le jour de sa mort. N’avait il pas d’ailleurs appelé l’un de ses fils Hannibal, comme une provocation, comme un symbole, comme une continuité de la lutte de ses ancêtres, de l’ancienne à la nouvelle Rome.

LA TACHE

Déjà la vérité commence à se frayer un chemin dans le torrent de mensonges dont on a voulu inonder la planète au sujet de la Libye. C’est ainsi qu’on découvre stupéfait qu’il n’y a aucune image, aucune preuve des allégations qui ont permis le déclenchement de l’intervention de l’OTAN : aucune preuve sur l’allégation que l’aviation de Kadhafi bombardait Benghazi et qu’il y avait des milliers de morts. On apprend que le responsable de la ligue des droits de l’homme libyen, à l’origine de ces allégations, qui ont été à la base de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, est en réalité lié au CNT libyen et que des ministres du CNT sont membres de cette Ligue.

Lumumba avait été tué par d’autres congolais, Che Guevara par un bolivien pour le pays duquel il luttait pourtant, Kadhafi par d’autre libyens. Certes la vie de chacun est différente, plus ou moins exemplaire, plus ou moins "pure", plus ou moins glorieuse, plus ou moins critiquable. Ils n’ont peut être pas tous la même dimension. L’Histoire fera le tri. Elle dira les mérites et les fautes de chacun. Mais ils ont en point commun d’avoir refusé la domination étrangère sur leur pays ou leur continent, d’avoir refusé de se soumettre, d’avoir préféré la mort à la honte de l’esclavage, d’avoir voulu mourir debout, la tête haute. J’ai souvenir de ces images de Lumumba, ligoté mais qui gardait la tête haute et fière, même lorsqu’on le trainait dans la poussière pour la lui faire baisser. 50 ans après, le même geste chez Kadhafi quand ils le ballotent, le brutalisent, le frappent et qu’il tente quand même de rester debout, et qu’il s’efforce, le cou raide, tendu, de dresser la tête sous les coups. Ils ont tous en commun ce qu’on appelle le courage, ceci personne ne pourra le leur nier, et encore moins ceux qui bombardent du ciel, sans risques des villes et des populations, ou qui lynchent.

Certains aujourd’hui se félicitent de l’intervention militaire étrangère tout en déplorant les violences qui s’en sont suivies, la guerre civile qu’elle y a enflammée, la destruction du pays, et jusqu’à la façon avec laquelle a été assassiné Kadhafi et probablement ses fils et bien d’autres. Quelles contradictions, quelle naïveté feinte ou alors quelle cécité ! Qu’attendaient-ils de la violence extrême de cette intervention militaire ? Quand le colonialisme a-t-il eu un état d’âme, une pitié quelconque. Peut on être si aveugle pour ne pas comprendre que le véritable objectif sont les richesses de la Libye et qu’il ne s’agit que de rapine et de brigandage international.

En tout cas, ils ont rendu au fond le meilleur service à Kadhafi. Il avait voulu ne jamais quitter son pays, y mourir debout. Ils ont exaucé son souhait. D’un coup, ils l’ont réhabilité, ils l’ont lavé de tous ses péchés, de toutes ses fautes et l’ont fait rentrer dans l’Histoire, comme celui qui a refusé la soumission. Mais pour les autres, tous les autres, les commanditaires comme les exécutants, ils sont souillés à jamais. Comme Ponce Pilate, ils auront beau se laver les mains, la tache est indélébile.

Djamel LABIDI

Paru dans "Le Quotidien d’Oran" du 23 Octobre 2011.
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5159489

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Jean Bricmont est professeur de physique théorique à l’Université de Louvain (Belgique). Il a notamment publié « Impostures intellectuelles », avec Alan Sokal, (Odile Jacob, 1997 / LGF, 1999) et « A l’ombre des Lumières », avec Régis Debray, (Odile Jacob, 2003). Présentation de l’ouvrage Une des caractéristiques du discours politique, de la droite à la gauche, est qu’il est aujourd’hui entièrement dominé par ce qu’on pourrait appeler l’impératif d’ingérence. Nous sommes constamment (…)
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