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Ce qui manque aux indignés

Ce samedi 15 octobre s’est déroulée la "journée planétaire des indignés". Sans appel ni de la part des syndicats ni de celle des partis politiques, elle fut organisée dans plus de 85 pays, et plus de 1000 villes à travers le monde, réunissant tout de même au total plusieurs centaines de milliers de personnes réclamant une "véritable démocratie" . Cette mobilisation, assez unique en son genre, ne peut pourtant pas être considérée comme une victoire, car elle n’a malheureusement pas atteint ses objectifs : les 99 % d’indignés que doit compter le monde n’étaient pas encore au rendez-vous, et loin s’en faut.

Pour comprendre les raisons de ce "demi-échec" (ou cette demi-victoire, c’est comme on voudra), il faut admettre que ce mouvement comporte des lacunes, et ce tant au niveau de ses revendications que de ses structures.

Mais tout d’abord, il faut avouer que le mouvement des "indignés" souffre d’un manque certain de médiatisation : bien que relayée sur internet et quelque peu médiatisé dans les journaux "papier" ou à la radio, la télévision n’en a pour sa part quasiment pas fait état dans ses journaux…

Ce défaut de médiatisation peut s’expliquer de deux manières : soit ce mouvement est délibérément occulté par les médias "au service du pouvoir" pour ne pas qu’il prenne de l’ampleur, soit il n’est tout simplement pas assez "crédible" pour faire peur au gouvernement ou intéresser les médias "populaires" (la télévision).

Car qu’on le veuille ou non , la médiatisation semble être le facteur essentiel de réussite (ou d’échec) de ce genre de mouvements, et ce malgré l’apparente contradiction de ce système (une fois la médiatisation obtenue, le mouvement s’amplifiera de lui-même, mais pour arriver à cette médiatisation le mouvement devra tout d’abord être déjà assez large…) (voir http://calebirri.unblog.fr/2010/10/05/le-nombre-et-la-force-pour-une-internationale-du-web/).

Pour tenter de choisir entre ces deux alternatives, il convient de se rappeler le fameux "bankrun" (voir http://calebirri.unblog.fr/2010/12/04/bankrun-2010-ou-le-symbole-du-dysfonctionnement-capitaliste/) qui avait fait réagir jusqu’à madame Lagarde, et qui tendrait à prouver que les médias sont moins soumis au contrôle des politiques qu’à celui des financiers : en effet, si le mouvement venait à être plus crédible, peut-être serait-il alors plus largement médiatisé.

Ces considérations une fois établies, il convient tout de même de s’interroger sur ce manque de "crédibilité" : les revendications portées par les indignés sont sans doute audibles par une population ayant soif de changements dans les politiques économiques et sociales conduites en Europe ou aux Etats-Unis, mais elles ne peuvent permettre à tous de s’engager derrière le flou qu’elles entretiennent. En réclamant des changements pour une "véritable" démocratie, les indignés ne font que contester sans proposer : parvenus à prendre conscience de l’injustice engendrée par le système capitaliste, ils n’ont en réalité aucune idée précise des moyens de la réduire. Et établir un diagnostic n’est pas guérir le malade.

Si on se réfère aux revendications émises, le changement de politique ne peut constituer ni une base suffisante pour unir et fédérer les mécontentements, ni véritablement inquiéter un pouvoir qui se bat déjà pour conserver la main. Il leur faudrait donc tout d’abord se mettre d’accord, ensemble, sur les réponses que les indignés voudraient voir adoptées par les gouvernements contestés pour aller les réclamer publiquement : car plus de justice, plus d’emplois, plus de partage des richesses ou plus de démocratie, cela ne signifie rien de bien concret pour développer la mobilisation.

Ensuite, la structure même de ces mouvements ne saurait être suffisante pour appuyer ces faibles revendications. Peu structurées (ça se construit peu à peu il est vrai) et mal organisées, les mobilisations avec occupation de places publiques sur un temps long sont à peu près improductives d’un point de vue stratégique, car elles permettent au gouvernement non seulement de satisfaire l’illusion démocratique (que les indignés dénoncent par ailleurs), mais aussi de s’autoriser à terme le recours à la force en cas de "trouble à l’ordre public" . On l’a vu à l’occasion de cette journée du 15 octobre, la mise en exergue des violences de casseurs isolés est utilisée à la fois pour décrédibiliser le mouvement et pour l’affaiblir : une fois le mouvement installé en nombre sur une surface limitée, il devient alors facile pour un gouvernement de le pousser à la faute en lui opposant une pression policière constante, jusqu’à pouvoir ensuite revendiquer l’expulsion par la force, avec dispersion sur des places plus petites et moins visibles où le mouvement périclitera sans doute, à l’abri des regards journalistiques lassés par la durée du mouvement.

Ce mouvement, on le voit bien, ne dispose donc pas encore des qualités nécessaires au développement de ses mobilisations, car il souffre d’une part d’un manque de médiatisation du à sa crédibilité, ainsi que d’un manque d’organisation de ses structures d’une autre part…

Et c’est bien pour pallier à ces manques que "Un RIC pour une AC" a été lancé ! En proposant à la fois une revendication claire et fédératrice, la mise en place d’une Assemblée Constituante, et l’organisation d’un mouvement unitaire fondé non pas sur la manifestation mais sur l’engagement "ponctuel" (en un lieu, en une fois), le "RIC pour une AC" se propose de préparer en amont une "révolution démocratique" qui doit s’effectuer autour d’une sorte de "Référendum d’Initiative Citoyenne" auto-réalisateur…

Une fois les objectifs de ce mouvement clairement définis, une fois le rassemblement effectué autour de ces objectifs clairs et concrets, la médiatisation de ce dernier ne tardera pas : en un seul jour et en une fois nous pourrons réclamer tout, car en réalité le pouvoir nous appartient déjà … de le prendre ou pas.

Caleb Irri

http://calebirri.unblog.fr

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Thomas Frank. Pourquoi les pauvres votent à droite ? Marseille : Agone, 2008.
Bernard GENSANE
Rien que pour la préface de Serge Halimi (quel mec, cet Halimi !), ce livre vaut le déplacement. Le titre d’origine est " Qu’est-ce qui cloche avec le Kansas ? Comment les Conservateurs ont gagné le coeur de l’Amérique. " Ceci pour dire que nous sommes en présence d’un fort volume qui dissèque les réflexes politiques, non pas des pauvres en général, mais uniquement de ceux du Kansas, dont l’auteur est originaire. Cela dit, dans sa préface, Halimi a eu pleinement raison d’élargir (…)
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« Nous pouvons faire sauter un navire américain et en rejeter la faute sur les Cubains. La publication des listes des victimes dans les journaux américains accroîtrait encore l’indignation. Nous pouvons aussi détourner des avions. Dans des endroits bien choisis où l’impact serait énorme, nous pourrions poser des charges de plastic. Nous pourrions également repeindre des B26 ou C46 de nos forces aériennes aux couleurs cubaines et nous en servir pour abattre un avion de la République dominicaine. Nous pourrions faire en sorte qu’un prétendu appareil de combat cubain abatte un avion de ligne américain. Les passagers pourraient être un groupe de jeunes étudiants ou de vacanciers. »

Général Lyman LEMNITZER (1899 – 1988)
Chef d’état-major des armées (1960-62) et Supreme Allied Commander de l’Otan (1963-1969)

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