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" Des portions de notre histoire sont en train de disparaître comme si elles n’avaient jamais existé."

Conversation avec Julian Assange (Wikileaks) 2/3

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HUO : je suis toujours intéressé par ces projets qui meurent parce qu’ils ont été censurés ou parce qu’ils sont trop gros ou pour toute autre raison. Quels sont les projets de Wikileaks qui n’ont pas vu le jour ?

JULIAN ASSANGE : il y en a beaucoup. Je ne suis pas certain que ce soit exact de dire qu’ils sont morts parce qu’il faut espérer que beaucoup seront réalisés, ou sont en cours de réalisation. Nous sommes encore trop jeunes pour faire un bilan et dire "ah, ça c’est quelque chose que nous aurions du faire". Mais nous avons effectivement connu un échec.

J’avais cette idée que le volume d’information à traiter et qui n’avait jamais été rendue publique était bien trop gros pour être gérée uniquement par le Quatrième Pouvoir. Pour prendre un exemple récent, tous les journalistes du monde ne suffiraient pas pour faire une analyse des 400.000 documents que nous avons publiés sur l’Irak et, bien sûr, ils ont aussi d’autres choses à faire. J’ai toujours su que ce serait le cas, j’étais confiant dans le volume d’information que nous allions recevoir.

Nous avons donc pensé à faire appel au bénévolat, à tous ceux qui passent du temps à écrire sur des sujets qui ne sont pas vraiment importants et les orienter vers les documents que nous avions publiés, un matériel qui représente un grand potentiel de changement si les gens s’en saisissent, s’ils l’analysent, le remettent en contexte et le diffusent autour d’eux.

J’ai tout essayé, mais en vain. Je voyais tous ces gens qui écrivaient des articles pour Wikipedia, et tous ceux qui écrivaient dans des blogs, surtout qui traitent des questions de guerre et de paix. Et je pensais à toute cette énergie gâchée. Lorsqu’on demande aux blogueurs pourquoi ils n’écrivent pas des articles originaux, ils répondent «  eh bien, nous n’avons pas de sources originales pour écrire un article original ».

Alors je pensais que plutôt que d’écrire pour Wikipedia sur un sujet qui n’aura aucun effet sur la politique, la possibilité d’écrire sur un rapport secret qui venait d’être révélé au monde entier allait être irrésistible. C’est du moins ce que je croyais.

Mais je vais vous donner un exemple de ce que nous avons découvert. J’ai publié un rapport secret des services de renseignement de l’armée américains sur les évènements à Falloujah lors de la première bataille de Falloujah en 2004, et cela avait l’air d’être un très bon document - recouvert de tampons officiels et tout, avec de jolies cartes en couleur, et une bonne description militaire et politique des évènements, et même du rôle primordial d’Al Jazeera. Et il contenait une analyse sur ce que les Etats-Unis auraient du faire, à savoir préparer politiquement et psychologiquement la ville avant d’y entrer. A Falloujah, certains sous-traitants de l’armée US avaient été attrapés et pendus, et la riposte US a été d’envahir la ville. Alors, a la place d’une opération soigneusement préparée, on a assisté à une escalade. Ils n’avaient même pas mis en place les éléments politiques et médiatiques de soutien à une telle opération.

C’était un document très intéressant, et nous l’avons envoyé à 3000 personnes. Pendant cinq jours, rien n’a été publié. Puis, un petit rapport d’un ami à moi, Shaun Waterman à (l’agence de presse US) UPI, a été publié sous forme de dépêche, puis un autre par un type appelé Davis Isenberg, qui passe la moitié de son temps au Cato Institute, mais qui l’a publié pour le magazine Asia Times. Mais avant la dépêche dUPI, il n’y avait rien chez les blogueurs, rien chez les gens de Wikipedia, rien de la part des intellectuels de gauche, rien du côté des intellectuels arabes, absolument rien. Qu’est-ce qui se passait ? Pourquoi est-ce que personne n’a passé du temps sur ce document extraordinaire ?

J’en ai tiré une conclusion à deux niveaux. Premièrement, et pour ne fâcher personne, ces gens ne savent pas mener le débat intellectuel. Ils ont été pacifiés et se contentent de réagir aux grands médias. Lorsque le New York Times publie quelque chose en première page, là ils réagissent. Alors prétendre qu’ils débusquent l’information et la révèlent au public, ça c’est une interprétation généreuse.

Mais je crois que le principal facteur, pour ceux qui ne sont pas des professionnels, et peut-être aussi pour ceux qui le sont, est simplement qu’ils recourent à l’écrit pour défendre des valeurs qui sont en conformité avec le support pour lequel ils écrivent. L’objectif de la plupart des auteurs non-professionnels est de produire au moindre coût un contenu qui leur permettra de démontrer leur degré de conformité auprès du groupe visé et d’en séduire le plus grand nombre possible.

Si je suis, disons, un européen de gauche, pourquoi est-ce que l’analyse du document secret sur Falloujah ne m’intéresserait-il pas ? En réalité, il m’intéresse, mais la quantité de travail à fournir comparée aux bénéfices que je pourrais escompter en tirer n’est pas encourageante. Le travail à fournir serait de lire et de comprendre un document de 30 pages, et ensuite de rédiger un article qui serait diffusé au sein de son groupe et leur prouverait que ce document est important.

C’est d’ailleurs ce que font le New York Times et les autres grands médias. Et par la même occasion, ils ont aussi organisé le marché de leurs critiques. Il suffit de lire un seul article du New York Times et de publier une réaction. Tout est déjà en place et exploité.

HUO : vous avez des projets d’avenir ?

JULIAN ASSANGE : Oui, beaucoup. Je vais en citer un qui est intéressant. La phrase d’Orwell, «  Celui qui contrôle le présent contrôle le passé, et celui qui contrôle le passé contrôle l’avenir », n’a jamais été aussi vraie. Avec les archives électroniques, avec toutes ces archives numériques, le contrôle du présent permet de supprimer le passé sans laisser de traces. Comme jamais auparavant, on peut faire disparaître, et pour toujours, le passé, et sans lasser de traces.

La phrase d’Orwell est née de ce qui est arrivé en 1953 à la Grande Encyclopédie Soviétique. Cette année-là , Staline est décédé et Beria est tombé en disgrâce. Avant sa disgrâce, la Grande Encyclopédie Soviétique contenait une page et demi sur Beria. Il a été décidé que la description flatteuse de Beria devait disparaître. Alors on a produit une page de mise à jour qui a été envoyée à tous les détenteurs connus d’un exemplaire de l’Encyclopédie, en leur indiquant que la nouvelle page - une version augmentée sur le Détroit de Béring - devait être collée sur l’ancienne.

Mais les lecteurs de l’Encyclopédie pouvaient voir qu’une page avait été collée par dessus ou que l’ancienne avait été déchirée - en fait tout le monde se rendait compte de la substitution ou de l’omission, nous sommes donc au courant. C’est à ça que se référait Orwell.

En 2008, un des hommes les plus riches de la Grande-Bretagne, Nadhmi Auchi - un Irakien qui est devenu riche sous un des ministères du pétrole de Saddam Hussein et qui est parti s’installer en Grande-Bretagne au début des années 80 - a engagé toute une série d’actions en justice contre des journaux et des blogs. Il avait été condamné en France en 2003 pour corruption par la juge Eva Joly en rapport avec le scandale ELF.

HUO : Elle était la juge d’instruction. Je m’en souviens, je vivais en France à l’époque. La presse en parlait tous les jours.

JULIAN ASSANGE : Exact. Nadhmi Auchi a des intérêts partout dans le monde. Sa société de holding au Luxembourg chapeaute plus de 200 sociétés. Il a des sociétés au nom de sa femme au Panama, des intérêts au Liban et dans le marché des télécommunications en Irak, et il est accusé d’être impliqué dans le trafic d’armes en Italie. Il a aussi un investissement de 2 milliards de dollars près de Chicago.

Il est aussi le principal financier d’un dénommé Tony Rezko, qui était un des principaux récolteurs de fonds d’Obama, pour ses différents compagnes avant celle de la présidence, pour le Sénat par exemple.

Rezko levait des fonds aussi pour Rob Blagojevich, l’ancien gouverneur de l’Illinois tombé en disgrâce. Rezko a été condamné pour corruption en 2008. Mais en 2008, Barack Obama était dans la course contre Hillary Clinton pour la nomination à la candidature du Parti Démocrate. Alors on s’est intéressé à Tony Rezko, qui était impliqué dans l’achat d’une maison pour Barack Obama. Et on s’est intéressé ensuite à la source d’une partie du financement de l’achat de cette maison, et de là on s’est intéressé à Nadhmi Auchi, qui à l’époque avait donné à Tony Rezko 3,5 millions de dollars en violation d’une décision de justice. Auchi a ensuite ordonné à un cabinet d’avocats, Carter-Ruck, de poursuivre tous ceux qui avaient publié quelque chose sur l’affaire de corruption de 2003 en France.

Et ces articles ont commencé à être retirés, à disparaître de partout.

HUO : Ils étaient littéralement supprimés des archives électroniques.

JULIAN ASSANGE : Oui. Le quotidien The Guardian a retiré trois articles. Le Telegraph, un. Et il y en a eu d’autres. Si vous tapez l’adresse de ces articles vous tombez sur une page «  not found », la page n’existe plus. Il n’est pas dit que la page a été retirée sous la menace d’actions en justice, seulement que l’article n’existe plus, qu’il a même cessé d’avoir existé. Des portions de notre histoire sont donc en train de disparaître comme si elles n’avaient jamais existé.

HUO : Ce qui est très différent des livres - même avec les dictateurs qui tentent de supprimer ou de brûler un livre, il y avait toujours des copies qui traînaient. Les livres ont cette capacité, n’est-ce pas ? On ne peut jamais vraiment les éliminer totalement.

JULIAN ASSANGE : exact. Avec les journaux, c’est très différent, et c’est très différent aussi avec la Grande Encyclopédie Soviétique. La situation actuelle est bien pire. Alors que faire ?

Je veux m’assurer que Wikileaks ne sera jamais corrompu de cette manière. Nous n’avons jamais dépublié quelque chose qui a été publiée. C’est facile pour moi de le dire, mais comment convaincre le public ? Impossible.

Il y a certaines choses que nous avons pris l’habitude de faire, comme fournir des clé de cryptage pour certains fichiers que nous avons publiés, ce qui permet de faire une vérification partielle si vous avez une portion d’un fichier crypté. Mais cela ne suffit pas. Et nous sommes une organisation dont le contenu est constamment sous attaque. Nous avons eu plus de 100 menaces sérieuses d’actions en justice, et de nombreuses actions des services de renseignement et autres.

Mais ce problème, et sa solution, est aussi la solution à un autre problème, qui est celui-ci : comment désigner de manière consistante et globale une portion de notre mémoire collective de manière à pouvoir s’y référer avec précision ? En lorsque je parle de s’y référer, je ne parle pas de le faire comme nous le faisons maintenant, dans une conversation, mais à travers l’espace et le temps.

Par exemple, si je commence à parler du Premier Amendement, que vous connaissez, dans le cadre de la présente conversation. Je parle du premier amendement de la Constitution des Etats-Unis. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Ce n’est qu’une abstraction de quelque chose. Imaginez que ce premier Amendement n’existe que sous forme numérique, et que quelqu’un comme Nadhmi Auchi s’y attaque et le fait disparaître pour toujours, ou le fait remplacer par un autre texte. Bon, nous savons que le premier amendement a été recopié partout alors, dans ce cas, ce sera facile à vérifier. S’il y a un doute au cours de notre conversion sur le premier amendement, ou si on veut vérifier un détail, on pourra trouver une copie n’importe où, et toutes les copies seront identiques. Mais ça c’est parce que le texte est court et ancien et très répandu.

Dans le cas de Nadhmi Auchi, huit articles ont été retirés. Mais des retraits similaires, sous des pressions juridiques ou politiques, il y en a partout. Et ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Et il y a aussi toutes les formes du suppression moins intentionnelles mais plus pernicieuses, comme par exemple lorsqu’une société fait faillite et disparaît en même temps que ses archives électroniques.

Il faut donc trouver un moyen pour pouvoir identifier chaque information, indépendamment de se représentation - texte, video, audio - un moyen où le nom de l’objet serait intrinsèquement lié à ce qu’il est. Un moyen où le nom servirait à se référer à une information, et si quelqu’un tente de modifier cette information, ce serait soit impossible, soit facilement détectable. En fait il existe bien un moyen pour créer des noms qui dépendent intrinsèquement du contenu intellectuel, sans considération de facteurs extrinsèques.

Je vais essayer d’être plus clair : imaginez que l’URL (l’adresse internet d’une page - NdT) soit le nom de quelque chose. Imaginez par exemple que le texte de la bible de King James dans le Projet Gutenberg soit désigné par un URL. Cet URL est un raccourci, facile à manier, qui vous amène directement au texte en question.

Mais le problème avec cet URL est qu’il ne désigne rien en tant que tel. Il renvoie vers une page, une page dont le contenu est contrôlé par une organisation ou une entreprise, celle qui est propriétaire du site.

On peut parfaitement imaginer que les responsables du projet Gutenberg décident de substituer le texte de la bible par celui du Talmud. L’adresse de la page, l’URL, ne changera pas pour autant. C’est tout une question de volonté de la part de celui qui contrôle le contenu de la page à l’adresse en question.

HUO : C’est devenu une affaire privée.

JULIAN ASSANGE : exactement. Nous subissons tous la privatisation des mots, une privatisation d’abstractions fondamentales que les êtres humains emploient pour communiquer. La manière de faire référence à notre mémoire collective est en train d’être privatisée, en train d’être aspirée dans des noms de domaines contrôlés par des sociétés privées, des institutions ou des états.

HUO : Ce n’est donc plus ce que Lawrence Weiner appelait un «  contenu public libre », mais le contraire.

JULIAN ASSANGE : oui, le contraire. Et nous pourrions assister à des changements délibérés, pernicieux, comme quelqu’un qui remplacerait volontairement le texte de la bible de King James par celui du Talmud. Bien sûr, dans ce cas il est peu probable que cela arrive.

Par contre, ce qui est plus probable, c’est que les sociétés privées cessent de s’intéresser à une information, si l’information n’est plus rentable, ou si la société disparaît. Ou si vous avez des archives importantes et certaines personnes puissantes en retirent simplement des petits bouts.

Alors j’ai pensé à un concept qui consiste à identifier chaque portion de notre mémoire collective, passée et future. (…) L’idée est de pouvoir déduire de chaque information, de chaque bout d’information, un nom qui serait intrinsèquement et mathématiquement lié à son contenu. Pas d’enregistrement de noms de domaine, pas de serveurs, pas de société qui contrôle la relation entre un nom et une information.

Par exemple, pour revenir au Projet Gutenberg, un certain nombre de serveurs de domaine et le Projet Gutenberg lui-même font le lien entre l’adresse de la page et la bible de King James. Lorsque vous faites circuler l’adresse, en réalité vous êtes en train de faire circuler quelque chose qui représente une dépendance qui s’est instaurée entre le nom de domaine, le propriétaire du nom de domaine et le contenu du domaine.

HUO : il s’agirait en quelque sorte de créer une sorte de cadenas digital.

JULIAN ASSANGE : C’est ça, l’idée est de créer un cadenas intellectuel. Pensez aux URL comme à des citations. Lorsque nous créons une oeuvre intellectuelle, nous sommes toujours juchés sur les épaules de géants, de ceux qui nous ont précédés, nous le faisons tous et nous citons toujours d’une manière ou d’une autre nos références - pas nécessairement dans le sens académique, mais nous y faisons référence simplement en faisant un lien vers l’objet original.

Les URL sont une illustration de notre dépendance intellectuelle à ce mécanisme de citations. Mais si le mécanisme de citation est fait de pâte à modeler, et s’il est en train de s’effriter de partout - si les oligarchies et les milliardaires arrachent des bouts de notre histoire ou les connexions entre différentes parties de notre histoire qui les gênent - alors les bases intellectuelles sur lesquelles nous sommes en train de bâtir notre civilisation est instable. Nous sommes en train de bâtir une potence intellectuelle, faite de pâte à modeler, pour notre civilisation.

HUO : dans ce sens, nous assistons à une régression par rapport au livre. Aucun dictateur de peut retirer des portions d’un livre de la même manière.

JULIAN ASSANGE : exactement. Cette idée nouvelle que je veux développer pour protéger le travail de Wikileaks pourrait être étendue à toute forme de protection intellectuelle. Toutes les oeuvres de création numérisées pourraient être référencées par un code qui dépendra uniquement du contenu, pas des serveurs ou d’organisations tiers. C’est simplement une fonction mathématique à appliquer sur le contenu intellectuel, et les gens n’auraient besoin de rien d’autre.

HUO : C’est donc un de vos rêves, de pouvoir mettre en place un tel système.

JULIAN ASSANGE : en fait, je pense que c’est plus qu’un rêve. Cela a déjà été réalisé. Cela deviendra un nouveau standard qui, je l’espère, s’appliquera à toute oeuvre intellectuelle, une manière consistante de désigner chaque création intellectuelle, tout ce qui peut être numérisé. Ainsi, si on a un article sur un blog, il se verra affecter un nom unique. Si l’article change, le nom changera, mais l’article et le nom seront toujours reliés. Si nous avons l’enregistrement numérique d’une sonate, on aura un nom unique. Si on a un film numérisé, il aura un nom unique. Et il ne sera pas possible de changer le contenu sans changer le nom. Je crois que c’est quelque chose de très important - une forme d’indexation de la tour de Babel, de la connaissance pure.

HUO : je suppose que la plupart des gens ne sont pas conscients du danger de la disparition des archives ?

JULIAN ASSANGE : Non, ils ne le sont pas parce que les journaux tentent d’étouffer l’affaire. Et tout le monde tente de l’étouffer. Sinon, il paraitront fragiles, et ils donneront l’impression de trahir leur lectorat s’ils suppriment quelque chose qui pouvaient l’intéresser. Et gardant le silence, ils encouragent de nouvelles attaques, parce qu’il y eu des précédents.

Il est quand même assez extraordinaire que dans la loi britannique, le fait même de mentionner que vous avez retiré quelque chose peut être considéré comme un délit. Nous l’avons vécu dans un cas flagrant, lorsque j’ai remporté le Index of Censorship Award pour mon combat contre la censure.

HUO : J’étais membre du jury cette année. On m’a dit que vous aviez remporté le prix il y a deux ans.

JULIAN ASSANGE : Après avoir remporté ce prix, Marin Bright a écrit un article sur son blog hébergé par The New Statesman pour dire que notre rencontre fut agréable, etc et ainsi de suite. La suite de son article mentionnait la disparition de ces articles sur Nadhmi Auchi qui avait été condamné pour corruption. Et il indiquait les titres de ces articles, il ne mentionnait que les titres. Une action en justice a été entamée contre cet article précis, celui-là même qui annonçait notre prix contre la censure.

HUO : c’est étonnant.

JULIAN ASSANGE : Et l’article a été censuré. D’abord, c’est la liste des articles qui a été retirée de l’article, puis finalement c’est tout l’article qui a disparu. C’est comme ça que je me suis intéressé à Nadhmi Auchi, et nous avons réussi à obtenir ces articles et aussi un énorme rapport du Pentagone sur les activité d’Auchi. Et nous avons réussi à faire soulever la question au Parlement, où nous avons eu une discussion de 90 minutes sur l’affaire. Mais il y a plus : Martin Bright a perdu son emploi au New Statesman.

HUO : à cause de cette affaire.

JULIAN ASSANGE : Oui

HUO : Avant de passer aux questions posées par les artistes, je voulais vous parler de Bourbaki, un groupe anonyme de mathématiciens auquel vous faites souvent référence. J’aimerais en savoir davantage sur votre intérêt à leur égard, et s’il y a un rapport avec votre décision d’apparaître en public plutôt que de rester anonyme.

JULIAN ASSANGE : Les Bourbaki étaient un groupe de mathématiciens français qui a publié des livres sur une période 20 ans sous un pseudonyme collectif, Nicolas Bourbaki. Ils ont caché leurs identités et leurs livres sont encore considérés parmi les meilleurs livres de mathématiques jamais publiés en français. En 2006, j’ai pensé que Wikileaks devait publier de manière totalement anonyme, puis sous pseudonyme - sous un pseudo collectif, comme les Bourbaki.

D’abord, en tant que jeune organisation qui publiait des textes très controversés, nous ne voulions pas être des cibles trop faciles. J’étais publiquement simplement membre du conseil d’administration, et ce n’est pas la même chose que d’être le rédacteur en chef ou un des principaux rédacteurs. Je voulais aussi éviter au maximum les problèmes d’ego, pour être certain que les gens écrivaient ce qu’ils écrivaient pour d’autres raisons que leur ego. En même temps, en tant qu’organisation qui n’avait pas encore de réputation, il nous fallait une figure identifiable pour acquérir rapidement une notoriété. Si nous nous présentions sous un nom collectif comme Jack Bourbaki, ou tout autre pseudo, nous serions rapidement reconnus à cause du volume de nos publications. Mais un mois après notre apparition publique, il y a eu une fuite à partir d’un de nos listes de diffusion interne par un architecte New-yorkais, John Young, qui avait été impliqué dans notre projet initial de publication, qui était plus agressif. John a réalisé par la publicité que nous recevions que Wikileaks allait devenir important et risquait de menacer son propre projet.

Mais ce fut une grande découverte que d’être moi-même victime d’une fuite, si tôt. Et je me suis dit, eh bien, tout ceci est intéressant - maintenant je sais l’effet que ça fait. En fait, c’était plutôt agréable, dans la mesure où ça montrait que nous étions un groupe très restreint, composé d’idéalistes dont le discours en interne était encore plus radical qu’à extérieur. Il n’y avait donc aucune hypocrisie dans ce que nous faisions, et même le contraire - nous étions encore plus idéalistes et pétris de principes que ce que nous laissions entendre.

J’ai assez rapidement acquis une notoriété et j’en ai profité pour chercher d’autres volonaires. Mais lorsque la presse a commencé à fouiner, très curieuse de connaître qui étaient ces gens pétris de principes, certains de mes amis ont malheureusement vendu la mèche, ils ont dit "eh bien c’est Julian qu’il faut remercier". J’avais envie de les étrangler !

J’ai aussi compris qu’en essayant d’occuper une position où je me faisais passer pour le porte-parole et non comme le chef d’orchestre, nous nous retrouvions avec des gens qui n’étaient pas impliqués dans l’organisation et qui parlaient en son nom. Ensuite nous avons commencé à souffrir de l’opportunisme de certains, et il fallait y mettre un coup d’arrêt.

Puis nous sommes devenus politiquement plus puissants, avec de nombreux soutiens partout dans le monde. Du coup nous n’avions plus besoin du même anonymat - j’avais besoin d’un anonymat local pour des raisons de sécurité, mais le fait que mon nom soit connu n’avait plus la même importance, puisque, pour celui qui voulait bien chercher, l’information circulait déjà .

HUO : cet anonymat local vous a obligé a bouger beaucoup, dans les interviews on parle souvent de votre nomadisme qui a démarré très jeune. On dirait que vous avez voyagé partout avec juste un sac-à -dos et deux carnets de notes, en vivant chez les gens.

JULIAN ASSANGE : Eh bien, je voyage partout et seul depuis l’age de 25 ans, dès que j’ai eu assez d’argent pour le faire. Mais pour Wikileaks, je me déplace sans cesse depuis début 2007. Jusqu’au dernier problème avec le Pentagone, qui a démarré vers juin/juillet de l’année dernière, je n’étais pas un fugitif. C’était plus une question d’opportunités et de faire en sorte de ne pas rester en place trop longtemps pour éviter l’installation d’un véritable système de surveillance, ce qui implique une effraction et l’installation de caméras, d’appareils de surveillance, etc. De telles opérations prennent du temps à mettre en place. Alors lorsque vous êtes une organisation aux ressources limitées qui court le risque d’être surveillée par les agences les plus sophistiquées, comme la NSA ou le GCHQ, vous n’avez que deux options : changer régulièrement d’endroit ou vous isoler totalement.

HUO : et vous avez choisi la première option ?

JULIAN ASSANGE : oui. J’ai vécu un temps au Caire, et c’est pourquoi je me suis tant intéressé aux évènements en Egypte.

HUO : Vous avez vécu en Islande aussi ?

JULIAN ASSANGE : En Islande, en Allemagne - dans de nombreux pays. A la fin de 2008, l’économie islandaise s’est effondrée à la suite de la crise financière globale. Le secteur bancaire islandais était 10 fois plus gros que l’ensemble du reste de l’économie islandaise. La plus grande banque s’appelait Kaupthing, et nous avons mis la main sur des documents concernant les prêts que cette banque accordait, accompagnés de commentaires francs et détaillés sur chaque prêt - des prêts de plus de 45 millions d’euros, pour un total de 6 milliards d’euros.

Nous l’avons publié, et Kaupthing a menacé de nous envoyer, nous et nos sources, en prison pour un an. Puis ils ont empêché la plus grande chaine de télévision, RUV, d’en parler dans leur journal télévisé du soir. Une injonction est arrivée à la rédaction à 18h55 alors que le journal commençait à 19h00. Alors le présentateur a dit «  eh bien, voici le journal télévisé mais nous ne pouvons pas vous donner toutes les informations ce soir parce que nous avons reçu une injonction. » Alors ils ont redirigé les spectateurs vers notre site internet pour en savoir plus.

Du jour au lendemain, Wikileaks est devenu très important pour les Islandais, parce que les banques et les banquiers ont été perçus comme les responsables de la destruction d’une partie très importante de leur économie, et d’avoir ruiné la réputation internationale du pays.

HUO : Et c’est là qu’a démarré l’ «  Initiative pour des Médias Modernes  » en Islande  ?

JULIAN ASSANGE : Oui. Après, on m’a invité à venir parler en Islande. J’avais dans l’idée de divulguer la nature des opérations offshore et des paradis fiscaux - comme celles de la banque Julius Baer aux îles Caïman, etc.

Le secteur offshore fonctionne pour les havres opaques. Vous avez un pays comme les Iles Vierges Britanniques, qui fournit certaines structures d’entreprises et bancaires très opaques, et où il existe même des lois qui interdisent de révéler certaines informations. Les états voisins des Caraïbes et d’autres petites économies dans d’autres parties du monde vont adopter à leur tour les parties les plus attractives de cette législation. Une concurrence s’installe et provoque une surenchère entre différents paradis fiscaux.

Peu importe le nom qu’on leur donne à ces opérations offshore, ce sont en réalité des havres d’opacité explicitement faits pour blanchir l’argent. L’armée américaine et la CIA ont fait la même chose à Guantánamo, sauf qu’il s’agit d’opacité appliquée à des êtres humains et à leurs droits dans une juridiction extra-territoriale pour échapper aux lois communément admises dans la plupart des pays.

Je me suis demandé si on ne pouvait pas inverser le problématique, au lieu d’avoir un îlot d’opacité, voir si on ne pourrait pas avoir un îlot de transparence.

On a vu aussi apparaître un nouveau type de réfugiés : les éditeurs. Le Rick Ross Institute on Destructive Cults a du déplacer son site internet et l’héberger à Stockholm pour éviter des procès aux Etats-Unis. Malaysia Today a du être transféré à Singapour et aux Etats-Unis pour échapper à la censure de la Malaisie. Nous avions nous-mêmes certains services aux Etats-Unis mais ils ont été déplacés à Stockholm. Il s’agit d’une évasion juridique parce de nombreux abus sont commis dans le cadre du système judiciaire. Il faut donc s’exiler.

HUO : contre sa volonté, comme un réfugié de l’édition ?

JULIAN ASSANGE : exactement. Ces réfugiés de l’édition sont demandeurs d’une certaine protection juridique, une demande d’ordre économique similaire à ceux qui veulent planquer leurs biens.

Je n’arrivais pas à trouver une île qui réponde aux critères, parce qu’il faut aussi quelque chose de plus - il faut un attachement à la liberté de la presse, une île avec une population et une économie suffisamment développée et indépendante pour ne pas céder aux premières pressions venues. Il faut des connexions internet de qualité et une main-d’oeuvre qualifiée.

J’ai vu que l’Islande pouvait être l’endroit parfait. Et avec une île, on peut faire évoluer la législation assez rapidement parce que l’économie est suffisamment petite pour ne pas vous heurter à des lobbys. J’ai parlé de ça à la plus grande émission dominicale de l’Islande et le lendemain tout le monde en parlait. Il était clair que de nombreux Islandais soutenaient l’idée.

Je suis retourné là -bas en compagnie de 13 consultants juridiques pour réfléchir aux différents moyens pour mettre ça en place. Vu que j’étais un étranger, il fallait que les Islandais s’emparent eux-mêmes de l’idée, sinon le projet n’allait jamais aboutir. Il fallait que l’idée se diffuse sur l’île. J’ai travaillé dur et nous avons pondu une proposition de loi, rédigée en islandais, et présentée au Parlement. Le projet a été soumis au vote et a été adopté à l’unanimité.

HUO : Passons à présent aux questions des artistes.

JULIAN ASSANGE : OK, commençons par la première.

Luis Camnitzer : la première question concerne votre célébrité dans les médias, alors que Bradley Manning, qui apparaît comme le véritable héros (pour le moins en ce qui concerne la partie des documents d’origine américaine), est peu connu. Je sais que Wikileaks a donné de l’argent au fonds de défense de Manning et c’est bien, mais là n’est pas la question. Wilileaks opère en s’appuyant sur un collectif de donneurs d’alerte et de contributeurs, et son pouvoir provient donc d’une entreprise collective. On a pourtant l’impression que le projecteur n’est braqué que sur une seule personne et non sur le collectif. L’idée n’est-elle pas que nous sommes tous, ou devrions êtres tous, Wikileaks ? Ne devriez-vous pas le rappeler dans vos prestations publiques ?

Une autre question porte sur le sujet plus complexe des fuites. Je suis totalement favorable, et j’applaudis à la transparence, et je n’ai pas de problème idéologique avec ça. Lorsque les enjeux sont clairs, comme la corruption du système bancaire, ou les méfaits de l’impérialisme, il faut un maximum de transparence. Mais dans le domaine politique, c’est un peu comme si on assistait à un jeu de poker et que quelqu’un annonçait à voix haute toutes les cartes. Ca aussi, ça peut être bien, mais ça demande une certaine jugeote quant aux conséquences. Dans tout jeu qui se respecte, il ne s’agit pas uniquement des cartes en main, mais aussi de la stratégie globale. Une fuite peut révéler un mauvais tour mais ignorer le plan qui justifiera les coups suivants. Vu sous cet angle, le bien fondé de la transparence devient plus difficile à juger puisque ce qui est révélé est toujours partiel et l’intention derrière pas forcément avouable. Je n’aimerais pas être juge en la matière parce que j’aurais toujours l’impression que je n’ai pas toutes les cartes en main. En tous cas, je préférais dénoncer le jeu lui-même que les cartes distribuées. Je vote donc en fonction de ce que je connais, mais je ne m’engage pas tant que je ne suis pas persuadé d’en savoir assez. Accessoirement, je n’aimerais pas pouvoir lire toutes les pensées de mon interlocuteur et je n’aimerais pas qu’il puisse lire les miennes. Où sont les limites ? Une telle détermination implique de véritables décisions éthiques qui sont difficiles à prendre et très imbriquées. Par simple curiosité, et sans agressivité aucune : qu’est-ce qui vous autorise à tenir ce rôle ?

JULIAN ASSANGE : ce sont deux questions qui m’ont souvent été posées. La première est malicieuse, même si je suis persuadé que la comparaison entre mes déboires et celles de M. Manning n’est pas dans les habitudes de Luis Camnitzer. C’est quelque chose que nos adversaires nous réservent.

Nous ne sommes pas dans une compétition pour déterminer celui qui souffre le plus. Bradley Manning et moi, avec d’autres, sommes victimes d’une opération très agressive des Etats-Unis au nom des intérêts de certains responsables US et nous devons rester unis. Son sort, évidemment, mérite plus d’attention, et notre organisation a fait des efforts significatifs pour attirer l’attention sur son lui. Une partie de cette attention se produira naturellement, à l’approche de son procès.

Il a été arrêté à Bagdad et détenu au Koweit pendant six semaines avant d’atterrir à Quantico, en Virginie, où il attend son procès depuis plus de 250 jours dans une prison de haute sécurité et en isolement. Comme quelqu’un qui a connu la prison de haute sécurité et l’isolement, je m’identifie à son malheur. C’est une situation qui a été dénoncée par Amnesty International et j’espère qu’elle le sera de plus de plus.

En ce qui concerne votre deuxième question, pourquoi il est si important de donner l’information aux gens sur ce qui se passe en coulisses et sur les limites : nous disons que nous croyons à la "transparence", simplement parce que c’est un mot qui décrit plutôt bien une réalité plus complexe. Je ne suis personnellement pas un fan de ce mot.

Je pense que si nous devons bâtir une civilisation solide, nous avons besoin de savoir ce qui se passe, pas nécessairement en temps réel, mais nous avons besoin d’une historique sophistiquée et plutôt complète sur tout ce qui concerne l’humanité. Ce n’est pas une simple question de transparence, mais celle de la construction d’une mémoire collective. Et cette mémoire devrait contenir tout, sauf dans quelques cas justifiés, parce que tout dans le monde, d’une manière ou d’une autre, a un effet sur le reste.

Nous devons examiner le pouvoir sous chaque angle si nous voulons le comprendre et le changer. La liberté d’expression implique le droit de savoir. Les deux réunis forment ce que l’on pourrait appeler le droit de transmettre du savoir. On n’a pas besoin de développer des théories pour montrer l’utilité de la chose en pratique.

Wikileaks publie depuis quatre ans, chose dont nous pouvons être très fiers, eu égard à nos ressources. Notre travail a provoqué d’immenses changements positifs à travers le monde, et - pour ce que nous en savons et pour ce que les officiels au pouvoir ont reconnu - personne n’a eu à en souffrir, autre que perdre son poste ou une élection.

Pour ce qui concerne les limites par rapport à nos publications, je pense que la question est trop simpliste. Chaque fois que quelqu’un entreprend une action, on peut l’analyser sous un angle moral et se demander si c’est une bonne action ou pas.

Peut-être pourrions-nous la reformuler autrement : de quel droit un gouvernement se permettrait-il d’interdire aux gens de transmettre du savoir ? Ce droit est reconnu à un niveau élémentaire, mais qui décide de l’interdire à un deuxième, troisième ou sixième niveau ? Est-ce au gouvernement de décider ? Je pense que non. On pourrait peut-être lui reconnaître le droit d’en interdire, dans des cas très particuliers. Quant à savoir où sont les limites, le service postal ne trace pas de limites - le droit d’échanger des informations par la poste est total. La compagnie de téléphone ne trace pas de limites. Le courrier électronique ne trace pas de limites. Le droit de transmettre un savoir par tous ces moyens est reconnu.

HUO : Ce droit peut être reconnu et avoir quand même des limites...

JULIAN ASSANGE : Il n’y a pas de limite a priori, et il n’en a jamais été question. Une fois que l’information a été transmise, toute tentative de la limiter devient futile. Donc, en pratique, il n’y a pas de limites.

Contrairement à tous les autres moyens d’information, nous nous engageons sur ce que nous publions et sur ce que nous ne publions pas, et c’est très simple. Cette simplicité fait que nos sources et nos lecteurs ont confiance en nous. Nous disons que nous publierons tout document d’importance diplomatique, politique, éthique ou historique, qui n’a jamais été publié auparavant et qui est censuré - censuré par une classification secret-défense, par des menaces, ou par tout autre moyen. Nous nous engageons à publier un tel document après l’avoir examiné par souci de sécurité envers les personnes physiques. Cet examen n’a pas pour objectif d’empêcher la publication mais de retarder la publication ou d’en retirer une petite partie pour une durée limitée ou lorsque tout risque est écarté.

Il est évident que toute information devrait être publiée si personne ne court un risque. Il est évident que notre procédure a jusqu’à présent parfaitement fonctionné. Nous avons donc raison de tenir notre engagement de publier tout ce qui représente un intérêt diplomatique, politique, éthique ou historique, et qui n’a jamais été publié auparavant. C’est une bonne politique et ça marche.

Goldin+Senneby : Bonjour, je m’appelle Angus Cameron, et je suis le porte-parole des artistes suédois Goldin+Senneby. Leur question commence par une citation «  je rencontre un être qui me fait rire parce qu’il est sans tête, qui m’emplit d’angoisse parce qu’il est fait d’innocence et de crime : il tient une arme de fer dans sa main gauche, des flammes semblables à un sacré-coeur dans sa main droite. Il réunit dans une même éruption, la Naissance et la Mort. Il n’est pas un homme. Il n’est pas non plus un dieu. Il n’est pas moi mais il est plus moi que moi : son ventre est le dédale dans lequel il s’est égaré lui-même, m’égare avec lui et dans lequel je me retrouve étant lui, c’est-à -dire monstre. » Georges BATAILLE , La Conjuration Sacrée, 1936 (citation trouvée sur internet et reproduite telle quelle - NdT)

Vous avez déclaré dans d’autres interviews que votre objectif initial pour Wikileaks était d’être «  sans visage ». Vous n’est pas le premier à avoir tenté, et échoué, cette forme d’organisation transcendantale. Différentes organisations militantes ont eu recours au secret et à l’anonymat comme partie intégrante de leur stratégie politique - vous avez mentionné les Bourbaki, mais il y a eu aussi l’Acéphale de Bataille dans les années 30 et le mouvement Zapatiste mexicain, pour n’en citer que quelques uns. Dans tous les cas, ces groupes ont finit par abandonner leur anonymat ou ont eu recours à un porte-parole (tel que le sous-commandant Marcos) dont l’identité est plus ou moins connu. Quel était votre stratégie et pensée politique au moment de devenir le visage et la voix de Wikileaks - «  le paratonnerre » selon vos termes.

JULIAN ASSANGE : J’avais un certain nombre de raisons pour ne pas garder l’anonymat total et de maintenir la hiérarchie de Wikileaks dans une relative opacité. Mais pour des raisons pratiques ce n’était plus possible, alors je suis devenu le paratonnerre de l’organisation. C’est d’ailleurs assez intéressant d’essayer de faire parler quelqu’un d’autre au nom de Wikileaks. Il y a maintenant Kristinn Hrafnsson, un journaliste d’investigation primé islandais, qui parle au nom de l’organisation. Les attaques ad hominem contre l’organisation sont dirigées vers ses figures publiques. En attirant les attaques sur nous, nous épargnons ceux qui n’ont pas les mêmes moyens ou capacités pour se défendre.

Il se crée aussi une sorte d’appel d’air vers les attaques personnelles tout simplement parce que nos publications sont par définition inattaquables. C’est clair, net et précis : nous n’avons jamais été accusés d’avoir commis une erreur. Nous ne rédigeons pas des articles d’opinion, même s’il nous arrive d’analyser certains documents, mais la majeure partie de nos publications sont des documents bruts qui ne peuvent pas être attaqués parce que nous n’agissons pas sur leur contenu. Alors la seule façon de nous attaquer est de s’en prendre aux personnes, d’attaquer le messager. C’est une position très inconfortable, mais puisque j’y suis déjà , il est inutile d’y entraîner les autres membres de l’organisation.

(à suivre)

1ère Partie | 2ème Partie | 3ème Partie

Source en deux parties :
http://www.e-flux.com/journal/view/232
http://www.e-flux.com/journal/view/238

Traduction «  la traduction est-elle contagieuse ? » par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement les fautes et coquilles habituelles

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