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La libération conditionnelle de Michelle Martin et la prison, la prison...toujours la prison

L’annonce de la libération conditionnelle de Michelle Martin, compagne et complice de Marc Dutroux, après 15 ans de réclusion, par le Tribunal d’application des peines (TAP) de Mons, a été suivi d’un scénario médiatique sans surprise. Scoop dans les médias, avec des titres, face à cette libération, variant entre « incompréhension, stupéfaction et colère ». Interviews de certaines familles des enfants assassinés ou disparus, exprimant leur désarroi et tristesse. Groupes sur Facebook de 80000 personnes et un appel à une Marche Noire fin mai. Et pour conclure, l’inévitable réaction des partis politiques, allant dans le sens du poil, qui se disent favorables à un renforcement des conditions d’une libération conditionnelle, en y introduisant la possibilité d’un simple appel contre une décision du TAP, si pas pour l’introduction des peines incompressibles ou pour l’annulation pure et simple de la loi Lejeune. Après, la déception lorsque le procureur général a annoncé qu’il n’irait pas en cassation, parce qu’il n’y avait pas eu de fautes dans ce jugement. Puis la satisfaction s’installait à nouveau quand les autorités françaises, opposition socialiste inclue, annonçaient qu’elles ne voulaient pas accueillir Martin sur leur territoire, même pas dans un couvent.

Tout ça m’a laissé avec cette question : est-ce vraiment de la mémoire des enfants assassinés dont il s’agit ? Ou s’agit-il, après la loi sur le renvoi des détenus marocains vers les prisons surpeuplées au Maroc ou la joie pour l’assassinat extra-judiciaire de Ben Laden, d’une nouvelle occasion pour exprimer notre dureté et notre intransigeance, notre vengeance et notre haine. Car ce sont ces sentiments qui caractérisent de plus en plus le climat inhumain dans notre société quand il s’agit de la délinquance et de la criminalité ou de problèmes sociaux en général.

D’abord, au niveau formel et juridique, une loi sur la libération conditionnelle d’un détenu est une loi. Et, en principe, elle sert à être appliquée, qu’elle nous plaise ou non. Cette loi a déjà été démocratisée en réponse au mouvement de masse après l’affaire Dutroux. Si la libération conditionnelle d’un détenu était de la compétence du ministre à l’époque de Dutroux, à partir du 1er février 2007, c’était à un vrai tribunal de prendre cette décision et non plus au ministre. Dès lors, les libérations conditionnelles sont au ralenti. Elles sont devenues plus rares, plus difficiles à obtenir pour tous les détenus. Parce que les magistrats ne veulent plus prendre le risque d’être accusés par leur décision d’avoir contribué à une récidive. Les conditions imposées sur l’emploi ou le logement d’un candidat à une libération conditionnelle sont de plus en plus sévères. Ce fait est une des raisons majeures de l’engorgement et de la surpopulation actuelle des prisons.

Mais quinze ans de prison, c’est trop peu pour ce qu’elle a fait, me dira-t-on.

D’abord, il est faux de dire qu’une peine de 15 ans ce n’est « rien du tout ». Si vous avez déjà eu des contacts avec des ex-détenus qui l’ont vécue vous comprenez de quoi je parle. Il s’agit d’un enfermement pendant une longue tranche de sa vie. Un enfermement pendant une si longue période laisse des marques et des cicatrices ineffaçables chez un être humain et rend son retour à la vie normale extrêmement difficile, si pas impossible. Est-ce qu’ajouter cinq ans, ou dix ans, ou quinze ans à cette peine de quinze ans, y changerait quelque chose ? Oui, on aurait à faire avec une personne qui dispose d’encore moins de capacités humaines et qui, si elle n’est pas morte par maladie ou par suicide en prison, pourra se préparer petit à petit à la fin de sa vie, sans l’avoir vécue. Mais finalement, si cét’ait ça l’arrière-fond de la discussion et de nos pensées ? Qu’en fait, ce qu’on veut vraiment c’est que l’auteur du crime crève, oui, on veut sa mort, mais on se retient encore pour le dire, et on se cache derrière des peines de prison qui signifient la mort et rien d’autre.

Ne pensez pas pour autant que je ne me soucie pas des victimes. En 2006, j’ai réalisé un livre avec Tiny Mast, « Kim & Ken, mes enfants disparus », avec une préface de Carine Russo. Deux personnes que j’apprécie énormément. Ce livre fut une ode à tous les enfants disparus et à leurs mamans tragiques et courageuses, qui, à la recherche de leurs enfants enlevés et assassinés n’étaient pas crues, étaient méprisées, souvent traitées comme des accusées, abandonnées par la justice et la police. S’il y a bien une chose qu’on peut reprocher à la justice et la police, c’est que leur responsabilité dans la mort des enfants n’a jamais été établie jusqu’au bout. Et que les réseaux qui font enlever des enfants pour en abuser n’ont pas été touchés.

Je ne me mets pas à la place des parents des victimes. Je ne partage pas leur vie brisée pour toujours et on ne partage sûrement pas les mêmes conceptions sur la punition. Mais je sais une chose : pour leur vie cassée, quinze ans ou trente ans ne feront pas la différence. La douleur sera toujours là , la perte toujours aussi inacceptable et la souffrance toujours aussi présente.

Et là , je me retourne vers tous ceux qui se déchainent contre la libération conditionnelle de Martin, et finalement vers nous tous et toute la société : qu’a-t-on fait ces dernières quinze années en mémoire des enfants disparus ? Où sont les Fondations d’éducation et de soutien en mémoire à ces enfants ? Avez-vous participé à la commémoration annuelle pour les deux enfants de Tinny Mast, dans le froid de janvier de chaque année, où on est 20 ou 30 personnes au maximum ? Quelle a été notre activité pour la défense et la protection de ces milliers de petits Julie, Melissa, Elisabeth, Kim et Ken et tous les autres... ici et dans les pays du Sud, qui sont abusés, maltraités, tués dans des guerres, renvoyés de chez nous quand ils demandent l’asile ? Et est-ce qu’on soutient avec tout ce qui est en notre pouvoir les parents des enfants assassinés qui doivent survivre chaque jour, et dont certains n’ont souvent pas les moyens nécessaires pour se payer tous les soins nécessaires ? Poser la question, c’est y répondre, et ce serait bien si toute la colère suscitée par la libération de Michelle Martin trouvait son chemin dans cette direction-là .

Et quant à la personne concernée, il ne faut pas être un grand médecin pour réaliser que par ses actes, elle s’est mise hors de l’humanité comme nous devons le concevoir. Et ce n’est pas sûr qu’elle se réalise cela maintenant. Tout ce qu’on peut faire c’est de lui procurer des soins nécessaires, dans un environnement contrôlé. Ce n’est pas la prison qui est le lieu adapté pour le faire. Par cet acte, on honorerait la mémoire des enfants. En même temps on exprimerait que notre réaction face à l’horreur et l’indicible est de devenir plus humain. Pas moins. Stay Human, comme le disait Vittorio Arrigoni.

Luk Vervaet

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