Je crois comprendre ce sentiment, le partager en partie ou plus. L’information n’est souvent plus de l’information mais une quête d’auditeurs, de spectateurs, de lecteurs. La mauvaise télévision a imposé les règles à pratiquement toute la presse - fascination pour l’image, processus d’élaboration masqué, superficialité, émotion immédiate, urgence, absence d’analyse, consensualité, absence de débat (au sens de discussion d’idées) ... Au-delà , nous tombons dans le piège d’un hameçonnage par Internet, la fascination nous gagne et nous sommes pris au piège à consommateurs d’"information". Notre humanité devient ouatée, engourdie. A quel degré sommes-nous encore des humains, pris de compassion, d’empathie, ce qui est une caractéristique fondamentale de l’humain, lorsque nous voyons la souffrance de l’autre ? Je ’n’ai pas la télévision et m’abstiens de lire trop souvent les quotidiens. Je suis parfois happé par une accroche sur Yahoo. Mais l’information est rare aujourd’hui. Dans chaque quotidien sérieux, on en trouve, ne jouons pas les critiques à tout va ; dans le Monde diplo du samedi, dans le Courrier International, sans doute. Mais ne sommes-nous pas devenus face à l"l’info", comme ces ados que nous critiquions il y a peu, insensibilisés par la fréquentation de certains jeux vidéo ou en ligne, qui banalisaient la violence, le meurtre et la souffrance ?
Drogués - d’où, peut-être l’impression de bouche pâteuse -, anesthésiés. Alors, à quoi bon ne pas être d’accord ? Que les politiques fassent comme ils l’entendent. Que la finance fasse comme elle l’entend. Nous, nous jouons à l’info. Même plus mal.
Ou alors, entrons dans le jeu démocratique et mettons-nous à écrire, engageons-nous pour des causes morales, histoire de faire passer ce mauvais goût que nous avons lorsque nous nous (dé)goûtons nous mêmes. On peut aussi vivre en ermite ou dans une tour d’ivoire, "Belle âme" kantienne qui ne se salit pas les mains. Le supporterions-nous ?
Alors, la vue du sang, encore. Et, oui, le durillon qui se forme sur notre compassion. Et un message pour passer la râpe.