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« Affaires » libyennes.

Nouri el-Mismari, à Paris, le 22 février. (Libération.fr)

La guerre de Libye qui semble maintenant s’installer dans la durée a laissé apparaitre de nombreuses divergences au sein d’une coalition à géométrie éminemment variable. Ces divergences dans la stratégie comme dans les objectifs ne font que refléter l’instabilité et la dureté des rapports entre alliés, rapports reflétant une crise économique à laquelle n’échappe aucun d’entre eux. Cas classique d’exacerbation des contradictions inter-impérialistes qui n’est pas sans rappeler la période ayant précédé l’éclatement de la première guerre mondiale.

Une des ces contradictions a été mise à jour par un journaliste italien Franco Bechis qui, à la fin du mois de Mars, a publié deux articles comportant d’intéressantes révélations sur les dessous économiques de la politique de la Présidence française vis-à -vis du régime libyen.

La traduction française d’un de ces articles a été publiée par le Réseau Voltaire (1) l’autre publié sur le blog de Franco Bechis (2) (traduction ci-dessous) et constitue un complément indispensable au premier.

Pour commencer qui est Franco Bechis ? Rédacteur en chef du quotidien Libero, il appartient et se revendique du centre droit. Dans la conjoncture politique italienne présente il faut comprendre ce positionnement comme celui d’une droite proche à la fois du patronat et du Vatican mais prenant ses distances par rapport à une droite au pouvoir : Berlusconi, Fini, Bossi et consorts divisée, de plus en plus instable et imprévisible et qui ne doit son maintien au pouvoir qu’à l’inconsistance de l’opposition parlementaire. Cette droite qui pense en termes de compétitivité, de parts de marché, dont le langage est celui du Capital est évidemment très consciente de la concurrence entre pays impérialistes.

Qu’elle soit très attentive à la politique extérieure du locataire de l’Elysée et qu’elle jette une lumière crue sur ses échecs n’est donc pas pour surprendre.

Quand à partir de 2003 le régime libyen est redevenu fréquentable, les pays européens se sont tous rués sur ce marché longtemps fermé pour cause d’embargo. La France a offert en priorité ses produits habituels : avions de chasse (le fameux Rafale toujours à la recherche d’un client étranger) centrales nucléaires et à en croire les communiqués de la Présidence de la République au lendemain de la spectaculaire visite de Kadhafi à Paris en Décembre 2007, les contrats étaient quasiment signés. Il n’en fut rien et Dassault dut se contenter d’une modeste modernisation de quatre anciens Mirage. Des espoirs avaient également entretenus d’un contrat pour la construction d’un métro à Tripoli mais la Deutsche Bahn appuyée par l’ancien chancelier Schröder l’avait finalement emporté. L’Italie très prompte elle aussi à se réconcilier avec son voisin libyen avait eu quelques succès : pétroliers d’ abord puisque l’ENI était devenu le plus important pétrolier étranger en Libye, industriels ensuite puisque la FINMECCANICA avait conclu un accord de partenariat avec le fonds souverain libyen pour mettre à disposition de l’Etat libyen ses compétences et ses productions en aéronautique et en électronique. FINMECCANICA devait en particulier mettre en place la surveillance électronique des frontières Sud de la Libye pour freiner l’immigration.

Enfin au point de vue du matériel militaire la Russie avait pris la place de la France pour la fourniture d’avions et d’hélicoptères.

Franco Bechis a donc de bonnes raisons de penser que le locataire de l’Elysée tout à sa colère de voir lui échapper tous ces marchés avait dés le milieu de l’année 2010 décidé d’en finir avec le colonel Kadhafi. Il avait trouvé dans l’entourage du Colonel le traitre qui prendrait sa place et il ne restait plus qu’à trouver le moment propice au renversement du régime. Il arriva avec les soulèvements tunisien et égyptien La mise à la retraite de Ben Ali et Moubarak permettait d’emboucher les trompettes de la « révolution arabe » (expression de circonstance qui a aujourd’hui disparu du vocabulaire médiatique dominant) et de crier « Au suivant » en installant à Benghazi une équipe hétéroclite bricolée dans d’obscures officines et que l’on présenterait comme un gouvernement.
Mais il fallait en même temps tout faire pour garder le bénéfice commercial de la paternité de la guerre de Libye et de la position de premier assaillant - à défaut d’être le premier contributeur aux opérations militaires ce qui est impossible vue la disproportion des moyens entre les Etats-Unis et les autres pays.

C’est là qu’interviennent les céréaliers français (voir article du réseau Voltaire) très présents dans la préparation du complot de Paris telle qu’elle est relatée par Franco Bechis. En effet comme l’Egypte et les autres pays du Maghreb la Libye est un fort importateur de blé et les céréaliers français en étaient les premiers fournisseurs, les céréaliers des Etats-Unis très puissants sur le marché mondial, se « contentant » de monopoliser l’énorme marché du blé égyptien, le premier du monde. Impliquer les céréaliers français dans la préparation du coup d’Etat c’était s’assurer que le nouveau régime libyen ne changerait pas de fournisseur après son installation. Pour les « Rafale » on verrait …. l’expérience ayant montré que les Etats-Unis avaient jusqu’à présent réussi à empêcher la moindre exportation de cet avion (et ayant par contre accepté qu’il soit adapté pour apponter sur les porte-avions US en cas d’indisponibilité du Charles de Gaulle).

Le déroulement de la guerre de Libye laisse penser que la Perrette Elyséenne risque fort de renverser son pot au lait et ses « amis » coalisés attendent ce moment avec jubilation car tous font déjà la balance comptable prévisionnelle des dépenses certaines de la guerre et des futures recettes éventuelles pour la reconstruction du pays et ont certainement sélectionné d’autres remplaçants de Kadhafi que celui présélectionné par Paris, l’ex chef du protocole Mesnari, « réfugié » à Paris à l’Hôtel Concorde Lafayette.

COMAGUER

Mais quel Kadhafi ! Sarko a déclaré la guerre à la Libye.

Franco Bechis

Source : http://fbechis.blogspot.com/2011/03/ma-quale-gheddafi-sarko-ha-dichiarato.html

Bechis’ Blog

22 mars 2011.

Depuis trois ans, le président français Nicolas Sarkozy et son entourage s’occupaient de deux affaires colossales, qu’ils n’arrivaient cependant jamais à faire aboutir : la vente à la Libye de toute une flotte aérienne de combat construite par Dassault et un investissement transalpin non moins colossal pour la construction de centrales nucléaires à Tripoli et aux alentours. Les deux gigantesques affaires avaient été conclues entre Sarkozy en personne et le colonel Muammar Kadhafi, en décembre 2007, à Paris, quand le leader libyen était venu planter sa tente, au milieu des polémiques, devant l’Élysée. Mitraillé de critiques non seulement par les intellectuels (au premier rang desquels le philosophe Bernard-Henri Lévy) mais aussi par des membres de son parti, Sarkozy se défendit en prétendant qu’il avait obtenu de Kadhafi, en plus d’un engagement direct sur le respect des droits de l’homme en Libye, la signature des fabuleux contrats préliminaires qui devaient faire pleuvoir sur les entreprises françaises plus de dix milliards d’euros.

Ces contrats, à la vérité, personne ne les a jamais vus, mais c’est le président français lui-même qui en a fait la révélation au lendemain de son face à face avec le dictateur libyen. Une seule chose est sûre : c’est qu’en dépit du forcing pratiqué par l’Élysée, cet accord avec la Libye n’a jamais donné le moindre des résultats escomptés. Dassault n’a obtenu qu’une mini-commande pour remettre en état quatre vieux Mirage vendus dans le passé à Kadhafi. Et chaque accord préliminaire avec la France contenu dans le package deal de 2007 s’est transformé en chiffon de papier, au fur et à mesure que Kadhafi remplaçait les entreprises françaises par des russes et des italiennes, faisant écumer Sarkozy de rage. Lequel n’a qu’une seule chance aujourd’hui en Libye : il n’est pas en train de bombarder des intérêts ni des infrastructures françaises. Le premier objectif, la flotte aérienne du colonel libyen, est composée de 20 avions, tous de fabrication russe : Mig 21s , Mig 23s et Sukhol 22s. Deux des quatre vieux Mirage français ont été détournés sur Malte par les pilotes qui ont déserté bien avant la résolution de l’ONU. Presque tous de fabrication russe sont aussi les 40 hélicoptères de guerre que possède le colonel, y compris les Mi-18 identiques à ceux que Vladimir Poutine a vendus à l’OTAN pour la mission en Afghanistan. Quatre seulement sont américains : vieux Chinooks remis en état en Italie par des usines du groupe Finmeccanica.

Pendant de longs mois, le président français a vraiment tout essayé pour sceller ses accords avec Kadhafi. Il est allé jusqu’à former une sorte de régie à l’Élysée même, pour soutenir par tous les moyens les commandes militaires qu’il voulait pour Dassault. Il a même essayé d’impliquer dans l’opération les Émirats Arabes Unis, qui se sont déclarés disposés tant à former des pilotes libyens pour ces avions (les Rafale) susceptibles de recevoir des missiles Scal Cruise américains (voir ici : http://grendelreport.posterous.com/libya-first-operational-launch-of-a-scalp-cru NdT), qu’à financer l’opération libyenne de renouvellement total de sa flotte avec Dassault. Dans le cadre de son opération « pression sur Kadhafi », Sarkozy a même enrôlé, en novembre dernier, le meilleur ami français du colonel, Patrick Ollier, ex-président du groupe des Amitiés Franco-Libyennes, devenu ces jours-ci ministre des relations avec le Parlement. Ollier, tête-de-pont en direction du régime libyen, est par ailleurs le compagnon cohabitant de la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, forcée de démissionner fin février après qu’ait été découvert un voyage qu’elle avait fait à Noël aux frais du président tunisien Ben Ali. Si on y ajoute le lien étroit entre le premier ministre français François Fillon et Hosni Moubarak, on comprend aisément quelle passion pour les droits de l’homme en Afrique méditerranéenne peut avoir poussé la France dans cette expédition punitive contre Kadhafi.

A quel point les persécutions subies par les populations civiles comptent peu aux yeux de Sarkozy, on en a la preuve par les longs rapports contenus dans la lettre d’information privée Maghreb Confidential que publie une agence proche de l’Élysée, dont elle relaie fréquememnt les commentaires officiels et officieux. De ces notes émerge la colère croissante du président français, à propos de ces pactes avec la Libye qui restaient lettre morte et finissaient par lui être soufflés par la Russie de Poutine et les deux méga-entreprises italiennes responsables de son ulcère : ENI et FINMECCANICA. Colère également, provoquée au début de 2010 par l’ex-chancelier allemand Gerhard Schröder, pour son rôle de conseiller auprès de la Deutsche Bahn, qui a été en mesure de souffler aux Français la construction du métro de Tripoli.

Ainsi, dès la fin du mois de novembre dernier, Sarkozy avait entamé sa contre-offensive envers Kadhafi, en trouvant le pied de biche qui lui permettrait de fracturer beaucoup de secrets du régime libyen, car c’est alors qu’est arrivé à Paris, avec toute sa famille, un des hommes les plus proches du colonel, Nouri Mesmari, chef du protocole de Kadhafi. Officiellement, il venait en France pour y subir une délicate opération. Mais ce n’était qu’une excuse. Le colonel s’en est si vite aperçu qu’il a aussitôt signé de sa main le mandat d’arrêt international lancé contre son ex-collaborateur. Mesmari a été arrêté pour la forme par la police française et, début décembre, il a demandé à Sarkozy l’asile politique pour lui et pour sa famille. Dès lors, il est devenu le plus précieux collaborateur de la France, lui dévoilant tous les secrets militaires et économiques de la Libye. Il offrait ainsi à Paris les clés de son pays. A charge pour Paris, bien entendu, de débarrasser la Libye de Kadhafi et des siens.

Posté par Franco Bechis.

Traductin C.L.

Pour http://lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.skynetblogs.be

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