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Démocratie, le nom volé d’une idée violée

dessin : "On peut voir la démocratie par là  ?"

C’est de DEMOCRATIE dont parle ainsi celui qui fut, entre autres titres et fonctions, Recteur de l’Académie de Bordeaux, Jean-Claude Martin.

Il livre, dans son essai, «  Démocratie, le nom volé d’une idée violée », une analyse de ses recherches sur la démocratie et le pouvoir et présente une nouvelle grille d’analyse de ses recherches sur la démocratie et le pouvoir, et présente une nouvelle grille d’analyse des régimes politiques qui aboutit à un constat critique sur les «  démocraties » parlementaires existantes.

Quand on consulte la table des matières, on s’aperçoit qu’il s’agit d’une somme de 400 pages. Difficile d’en faire un court résumé sérieux

Heureusement, Jean-Claude Martin termine son ouvrage par une «  conclusion générale » d’une vingtaine de pages dont il est plus facile d’extraire les idées essentielles.

POURQUOI LA DEMOCRATIE N’A PAS ETE APPROFONDIE ?

D’autant qu’il y a une courte conclusion à la générale, et l’habitude prise de «  commencer par les fins » nous conduit à en donner connaissance sans attendre.

«  Si le progrès humain existait, la démocratie, idée née et pratiquée en Grèce, il y a plus de vingt-cinq siècles, aurait été approfondie, améliorée, épanouie et étendue à toute l’humanité. Les hommes et les femmes auraient, partout sur Terre, des droits égaux, associés à des possibilités réelles d’en bénéficier également et concrètement, sans discriminations, mais sans privilège ni excès.

«  L’état dans lequel se trouve notre planète est tel, après tant d’années d’exercice de gouvernements imposés ou délégués, que seul le peuple paraît pouvoir modifier la trajectoire de son destin qui le mène tout droit vers des catastrophes humaines et écologiques sans précédent. »

L’ISSUE : CROIRE AU PEUPLE

«  Il n’y a d’autre issue que de croire au peuple, insiste le texte, car, à désespérer de lui, c’est l’homme qu’on désespère. Il n’y a pas d’autre issue que l’espoir en nous-mêmes rassemblés en démocratie, pour décider, agir, et mieux vivre, plus nombreux, différents mais semblables. »

Jean-Claude Martin considère que, parmi les termes politiques les plus usités, celui qui remporte la palme est, sans doute, le mot «  démocratie ». Le mot volé, l’idée qu’il était censé recouvrir a été affadie, dénaturée, et dit-il tout net, violée par ses prétendus défenseurs. Le mot restait encore à définir et la tâche était réputée impossible - dans le sens où aucune définition ne serait acceptable par tous.

Il est ressorti du premier examen, que définir la démocratie à partir de la «  chose » qu’elle désigne - les systèmes politiques anciens ou actuels qui portent son nom ou se réclament d’elle - ne convenait pas : ils sont tous différents et intègrent dans leur organisation d’autres principes ou critères, liés à des objectifs pluriels.

LE PEUPLE ET LES POUVOIRS

En reprenant l’étude du mot grec, la démocratie est composée de deux éléments fondamentaux : le peuple et les pouvoirs de gouvernement. Elle exprime la possession de ces pouvoirs par le peuple. Et le peuple, ce sont les gens !

Pour Jean-Claude Martin, «  la démocratie est un régime politique dans lequel le peuple, avec ses classes inférieures, possède les pouvoirs de gouvernement. »

Mais quels pouvoirs sont à considérer parmi le nombre incalculable et de types variés qui peuvent être dénombrés ? Il est donc indispensable de connaître la nature du pouvoir, s’il en a une, unique, et si elle recouvre tout ce qu’on considère comme pouvoirs.

L’étude doit donc bifurquer vers un essai de détermination de la nature du pouvoir...

LA DEMOCRATIE ET LA LIBERTE

L’idée de démocratie est également toujours associée à celle de liberté, dès même l’époque grecque. Mais la liberté est aussi une notion complexe en soi, recouvrant des aspects divers qui ne sauraient être réduits à la liberté de pensée et de décision...
Aussi, selon Jean-Claude Martin, «  indépendamment de toute notion de morale ou de devoir qui relèvent d’autres critères d’appréciation, on considère qu’un individu est libre, dans une situation donnée de la vie en société, lorsque ses possibilités d’action sont supérieures à l’opposition de contraintes qu’il subit en la circonstance (rapports sociaux, nécessités morales et matérielles, exigences de la loi, etc...), c’est-à dire tant que son pouvoir s’impose, par son effet, à ce qui s’oppose éventuellement à lui.

«  En conséquence, dit-il, la reconnaissance par le droit de «  libertés politiques et sociales : liberté de conscience, d’opinion, d’expression, de communication des idées, de circulation des personnes, de réunion, droit de grève, etc..., ne saurait être considérée comme l’octroi de réelles libertés si les conditions ne sont pas réunies pour que les individus aient le pouvoir de les accomplir...La vision dynamique de la liberté implique que la société donne prioritairement aux faibles, aux défavorisés, dominés ou abusés, le pouvoir qui leur manque...

LE ROLE PRIMORDIAL DE L’EXECUTIF

«  La liberté, poursuit-il, est donc, comme la démocratie, une question de possession de pouvoirs, et la démocratie, quand elle est conçue, non pas comme un régime de droit égalitaire, mais de pouvoir populaire maximum est, alors, le régime de la liberté maximum possible, tout en excluant que cette liberté soit celle «  du renard dans le poulailler. »

L’approfondissement de l’étude de la démocratie montre que l’objet primordial de l’organisation de la société est exécutif. Il s’agit de répartir entre les individus les tâches nécessaires à la survie, la vie, le bien-être, voire le bonheur de tous...au profit d’une caste ou catégorie sociale ou, pour la démocratie, de tous...

«  Quoi qu’il en soit, continue Jean-Claude Martin, la démocratie, pas plus qu’un autre régime, ne peut s’envisager sans qu’un système exécutif des fonctions nécessaires à assurer soit mis en place. »

UNE DELEGATION DE SOUVERAINETE

Pour lui, «  cela implique donc une délégation de souveraineté populaire en matière d’actions de gouvernement et de décisions, pour celles qui sont propres à l’exécution des tâches...

«  Soit l’exécutif a trop de pouvoirs et le caractère démocratique du régime est affaibli, soit l’exécutif n’a pas assez de pouvoirs pour réaliser les fonctions nécessaires, et l’efficacité sociale en pâtit.

«  La solution consiste à mettre en place un contrôle de l’exécutif, avec possibilité de corriger ses dérives, plutôt qu’à trop le ligoter.

«  Ce mode de contrôle doit être décidé démocratiquement et les corrections suivre les délibérations populaires. »

Selon Jean-Claude Martin, le système d’économie de marché en place ne paraît pas pouvoir être changé radicalement, c’est du moins son opinion, après l’échec des pays communistes. Cela génère des excès de pouvoir, des injustices et des inégalités sociales, ainsi que d’énormes pollutions.

L’ECONOMIE DE MARCHE ET LES EXCES DE POUVOIR

Selon lui, il est de plus en plus évident que, dans un sens de démocratie, voire simplement d’humanisme, il doit être imposé à ce système des règles, concernant notamment le partage des richesses et les effets sur l’environnement.

Aussi, Jean-Claude Martin poursuit : «  Répartissant les pouvoirs, et les moyens matériels étant des éléments actifs (énergie) de pouvoirs, la démocratie est un régime de partage des richesses. C’est la raison pour laquelle elle ne peut s’épanouir dans un pays pauvre. »

Dès lors, il est conduit à considérer qu’il a réuni assez de conditions pour examiner en quoi les «  démocraties parlementaires » et tous les régimes représentatifs qui gouvernent l’essentiel des Etats modernes, se conforment ou s’éloignent des principes et propriétés caractéristiques de la démocratie et de leurs implications en matière de gouvernement.

LES DELEGATIONS ET LES DELEGUES

«  Que la grande masse des citoyens puisse en permanence effectuer les choix que nécessite le gouvernement de la société est irréalisable. Outre la nécessité qu’il a de déléguer la conduite des actions à un Exécutif, le peuple souverain doit donc, aussi, déléguer à des élus censés le représenter, la part du domaine législatif qu’il ne peut objectivement assumer.

«  Il est évident que la somme de ces délégations atténue le caractère démocratique du régime représentatif.

«  Au-delà de la question théorique de représentabilité du peuple, ou de conservation de sa souveraineté à travers la délégation, se pose le problème concret de sa représentation par des délégués issus, en grande majorité des classes sociales dominantes et de leaders politiques et gouvernements formés au même moule.
«  Le jeu des partis, la possibilité exagérée du cumul des mandats et de réélections successives, aboutit à la constitution d’une véritable oligarchie politique de profession qui confisque les pouvoirs de gouvernement, dont le peuple est propriétaire...

LA DEMOCRATIE REPRESENTATIVE PEU DEMOCRATIQUE

Pour le Recteur Martin, à la lumière de l’analyse précédente et de la formulation du degré de démocratie, on se voit contraint de tirer la conclusion, qui en choquera plus d’un, que les systèmes de démocratie représentative parlementaire, sont bien moins démocratiques qu’on le prétend couramment. Ils sont loin de mériter l’estime qu’on leur accorde, en les considérant comme le modèle de démocratie réelle et réaliste.

«  Le fait, dit-il, est encore aggravé, dans leur formule «  présidentialiste » qui leur donne des attributs de monarchie constitutionnelle et atténue, même, les pouvoirs du Parlement. »

En fait, montre Jean-Claude Martin, ce sont, plus que tout, des «  Etats de droit ». Cette notion à la mode rejoint, dans l’esprit de beaucoup de commentateurs politiques et politiciens, la conception limitée qu’ils ont de la démocratie, pour peu que le droit de vote, même appliqué dans des conditions discutables, y soit reconnu.

ETAT DE DROIT OU POUVOIR POPULAIRE MAXIMUM

«  C’est en cela, poursuit-il, qu’il est important de mettre en exergue qu’une vraie démocratie n’est pas seulement un Etat de droit égalitaire, mais de pouvoir populaire maximum.

«  C’est au pouvoir qui reste au peuple, tout compte fait, en incluant celui qu’il a sur le gouvernement, que se mesure le caractère démocratique des régimes politiques.
«  Ceux qui, aujourd’hui, prétendent représenter le meilleur modèle démocratique sont les «  démocraties libérales » et les «  social-démocraties » des pays occidentaux.

«  Au regard de la plupart des autres, ces systèmes représentatifs sont, sans conteste, des Etats de droit meilleur, surtout en ce qui concerne les droit électoral et le droit d’entreprendre. »

LIBERALISME ECONOMIQUE ET DEMOCRATIE, C’EST INCONCILIABLE

«  Mais, poursuit Jean-Claude Martin, la «  démocratie libérale » croyant pouvoir régler le dilemme «  libéralisme économique-démocratie », allie deux principes qui, sans paraître, a priori, antinomique, sont réellement inconciliables. »

Et Jean-Claude Martin d’expliquer que la «  main invisible » et supposée «  magique » du «  libre-marché » ne régule pas l’économie, dans le sens où, accroissant les richesses pour tous, elle donnerait plus de possibilités (pouvoirs par la possession de biens) à tous. Elle accroît, au contraire, les inégalités en générant de plus en plus de richesses pour les riches et en faisant porter le poids des difficultés économiques, réelles ou prétendues, parfois m^me provoquées, sur les pauvres !

Elle recrée, ajoute-t-il, une noblesse de l’argent, qui vit côte à côte, en s’en protégeant, d’une catégorie de miséreux, en croissance constance, non seulement dans le tiers et le second monde, mais aussi dans les pays développés. 

UNE NOBLESSE DE L’ARGENT ET DE NOUVEAUX ESCLAVAGES

Les pouvoirs économiques étendus que cette caste privilégiée a accumulés, empiètent sur ceux des gouvernements légitimes. L’oligarchie politique, dépassée ou complice, n’est plus capable de gouverner dans l’intérêt du peuple qu’elle est censée représenter et servir.

Le peuple y perd peu à peu le pouvoir d’exercer ses droits fondamentaux et, a fortiori, sa souveraineté. Dans la jungle économique, la démocratie régresse vers un nouvel «  ancien régime » aussi difficile à vivre, pour les classes défavorisées, que celui des royaumes et des empires du passé.

Dans ce contexte, explique notre recteur, la «  social-démocratie » échouant dans ses intentions, n’en est plus l’alternative possible. Elle ne s ’en différencie que par des mitigations qui sont autant d’aveux d’impuissance de ces régimes, que palliatifs à leur caractère démocratique défectueux.

La «  mondialisation » contrôlée par les tenants de la «  démocratie libérale », au lieu de répandre liberté et bien-être, fait renaître de nouveaux esclavages, généralise la domination de l’argent, détruit, de fait, les égalités de principe et reconnaît la liberté d’abuser au nom de la liberté.

«  Comment, dit-il, dans un tel contexte, le peuple peut-il répondre aux appels au civisme que lui adressent les politiciens qui, par système interposé, dont la légitimité les sert, l’ont dépossédé de son dû ?

«  Il lui reste la manifestation qui lui fait prendre conscience momentanément du poids du nombre.

«  Mais il fait souvent les frais de ses révoltes. Le vote-sanction qu’il inflige, stigmatisé pour être un acte irresponsable, est en fait une vraie réponse, seulement décalée, aux questions qu’on aurait dû lui poser...

«  La déception profonde que le peuple ressent rique d’en pousser la majorité vers un autre excés : li pire choix antidémocratique. »

EXISTE-T-IL UNE SOLUTION ?

C’est la question que pose Jean-Claude Martin, qui pense qu’elle ne saurait se limiter à quelques arrangements du type de ceux qu’a exploré, en vain, la social-démocratie, ni aux tentatives de «  démocratie sociale », «  participation » ou autres...

«  Un progrès net et praticable vers la démocratie directe est seul envisageable. Or, le seul acte de démocratie directe institutionnalisé, le référendum, a été trop souvent utilisé comme moyen de restauration ou de confirmation et de renforcement plébiscitaire de l’autorité de gouvernements en perte de vitesse. »

QUEL REFERENDUM POUR UNE DEMOCRATIE DIRECTE ?

«  C’est pourtant, dit-il, le seul moyen d’expression directe et forte de la souveraineté populaire, en matière de conduite de la société.

«  Une des premières mesures à prendre est de la redresser dans son déclenchement - initiatives populaires et parlementaires -, et dans son déroulement, de plus largement l’utiliser et de l’étendre à tous les niveaux de la vie publique.

«  Le référendum-débat, dont nous avons jeté les bases, répond à l’exigence de restaurer la souveraineté populaire sur ses propres décisions.

«  Un premier référendum fondamental devrait, alors, pouvoir lancer un processus de démocratisation qui aboutisse à un nouveau contrat social, une nouvelle constitution, un degré choisi par le peuple lui-même de possession des pouvoirs de gouvernement, donc un degré de démocratie plus élevée. »

Nous avons déjà donné à lire la conclusion de la conclusion de l’ouvrage...
Certes, Jean-Claude Martin n’apparait pas être marxiste.

Cependant, même s’il est nécessaire de penser et faire vivre d’autres conditions générant de la liberté et de la démocratie, on peut s’accorder avec lui sur nombre de meures institutionnelles à prendre en compte dans le débat public indispensable

SI LE PEUPLE LE VEUT...

Dans cet esprit, dit Jean-Claude Martin, si le peuple le veut, s’il n’est pas grugé une nouvelle fois, l’adoption de mesures que suggère cet ouvrage - limitation du cumul des mandats, suppression des pouvoirs régaliens du Président, du monopole «  énarchique », etc...- et d’autres qui s’y ajouteraient, lui permettrait d’améliorer sensiblement la mauvaise démocratie représentative en vigueur.

«  Il démontrerait, en quelques actes puissants, que la démocratie directe est praticable si elle est appliquée à ce pour quoi elle a été conçue et ce pour quoi elle est mieux adaptée que toute autre : faire que la volonté populaire, non seulement s’exprime, mais prime, sur toute question essentielle de gouvernement de la société des hommes. »

Michel Peyret
5 avril 2011

(pour voir le site : www.la-democratie.fr )

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