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Le cri "Hurriya" (liberté) retentit de la place Tahrir au camp de Shatila !

Les échos du "Hurriya !" de la place Tahrir qui se répandent dans tout le Moyen Orient auront ou n’auront pas été la cause de ce qui se passe aujourd’hui dans l’état historiquement libéral du Wisconsin et dans d’autres endroits des USA, mais la plupart d’entre nous sommes d’accord pour dire que les révolutions tunisiennes et égyptiennes ont des répercussions larges et profondes et semblent prendre de plus en plus d’ampleur. Les camps de réfugiés palestiniens au Liban ne font pas exception.

Il est possible que tôt ou tard à peu près une demi douzaine de despotes arabes se retirent à contre coeur en Arabie Saoudite pour raisons médicales. Et même que des Saoudiens s’installent aux USA pour profiter des vastes propriétés qu’ils y possèdent, certaines se trouvant dans les quartiers occupés principalement par des Israéliens qui ont la double nationalité, quartiers dont le taux d’occupation augmente aussi drastiquement car beaucoup d’Israéliens ont l’impression que la prédiction de la CIA sur l’effondrement de leur occupation coloniale se concrétise.

D’autres sentent aussi l’inondation torrentielle se rapprocher, ce sont ceux qui s’étaient abrités sous les accords de 1978 de Camp David et son "bébé de Rosemarie", "le traité de paix" de 1979 qui a castré l’Egypte, trahi les Palestiniens et octroyé le leadership régional à Israël pour trois décennies. Il semble que la Maison Blanche soit prête à "renégocier" les accords de Camp David mais craigne, comme Israël, qu’ils ne soient gelés et indéfiniment suspendus pour ne pas dire complètement abandonnés dans les prochains mois. Cela est la conséquence du nouvel ordre qui est en train de se mettre en place et de la culture de la résistance qui gagne du terrain.

Des leaders israéliens paniqués et leurs supporters au Congrès s’affairent à convaincre les public étasunien de l’importance vitale et de l’économie financière que représentent les 3 milliards par an d’aides consenties à Israël pour sa sécurité lors de ces accords tout en sachant très bien que c’est le contraire qui est vrai. L’AIPAC (le lobby israélien aux USA, NdT) est monté à l’assaut des collines du Capitole cette semaine ainsi que de tous les leviers médiatiques pour sonner l’alarme avec son "Appel Urgent" ainsi rédigé : "Nous vous prions de faire signer par vos députés au Congrès une lettre à la secrétaire d’état Hillary Clinton qui demande instamment à toutes les branches du gouvernement étasunien de bien insister auprès des leaders potentiels de l’Egypte et des figures d’opposition sur l’importance des obligations internationales de l’Egypte et spécialement du traité de paix de Camp David avec Israël."

Hier seulement, le 18.2.2011, la délégation palestinienne à l’ONU, dans une rare manifestation de courage, sans doute due à la révélation par des documents palestiniens de leur duplicité et de leur trahison et aussi à cause de la place Tahrir, ont rallié les 130 membres de l’ONU qui soutenaient la résolution de UNSC et ont résisté à Barak Obama et l’ambassadeur Susan Rice qui voulaient leur faire renoncer à la modeste Résolution du Conseil de Sécurité qui condamnait les colonies israéliennes. Avant le vote, des menaces ont été proférées par la Maison Blanche à l’encontre du "Président" de l’AP, Mahmoud Abbas, pendant un coup de fil tendu du Président des USA et avant qu’Abass ait pu récupérer de cette première admonestation, il a reçu un second coup de fil de Hillary Clinton.

Les ambassadeurs anglais, russes et chinois faisaient partie de ceux qui se sont levés pour soutenir la résolution. Même si elle n’a pas été acceptée, elle n’en reste pas moins un exemple rare de solidarité du Conseil de Sécurité avec la Palestine avec ses 14 votes pour et un seul vote contre. Pour la 63ième fois, le veto étasunien a montré au peuple étasunien et au monde entier que, grâce aux pressions exercées par le Congrès, ce sont les colons israéliens qui vivent sur de la terre volée qui triomphent et non le peuple étasunien et ses valeurs qui se manifestent pourtant dans le fait que les USA et Israël récoltent un réveil arabe et islamique qui hâtera leur expulsion de la région. Quelques heures avant le vote courageux de l’ONU, le nouveau gouvernement provisoire du Caire a annoncé l’ouverture du passage de Rafah même si c’est encore de manière limitée.

Il se passe des tas de choses d’ordre symbolique. Qui aurait pensé que, juste après le départ de Mubarak, l’Egypte laisserait passer, pour la première fois depuis 1979, des navires de guerre iraniens à travers le canal de Suez ? Quand les bateaux iraniens arriveront à Port Said ils seront certainement accueillis et peut-être fêtés par les dockers et le peuple égyptien en dépit des menaces et revendications du ministre des affaires étrangères israélien Avigdor Lieberman selon lesquelles l’utilisation du canal international par l’Iran est "un acte d’hostilité" et "prouve que les Iraniens ont de plus en plus de toupet."

De nombreux Palestiniens dans les camps et les communautés du Liban, semblent, comme la plupart d’entre nous, être complètement fascinés par ce qui se passe. Une étude publiée par le Monde Arabe pour la Recherche et le Développement (AWRAD) le 2 février 2011 a montré que 74% des Palestiniens soutiennent les manifestations en Tunisie qui ont renversé le Président Zine El Abidine Ben Ali. Dans les camps libanais il semble que le soutien au réveil arabe augmente avec chaque nouvelle révolte dans la région.

Dans les camps, on croit, comme sans nul doute la plupart de ceux qui ont oeuvré pour les droits civils des Palestiniens au Liban, y compris plus de deux douzaines d’ONG locales et internationales et d’organisation issues de la société civile, que la force émanant de la place Tahrir permettra aux réfugiés palestiniens d’obtenir enfin le droit de posséder une maison et de travailler qui sont des droits élémentaires garantis à toute la communauté internationale et dont tous les autres réfugiés bénéficient de par la loi.

Ma meilleure amie au camp de Shatila, Zeinab al Hajj qui y est né, y a été élevée et y habite toujours est un exemple lumineux du nouveau leadership palestinien dans les camps de réfugiés du Liban. Il faut la voir accueillir les visiteurs occidentaux et les convertir rapidement à sa cause ! Se rendre au domicile de Zeinab qui lui sert aussi de bureau, pour l’écouter parler de l’urgente nécessité d’accorder aux Palestiniens les droits civils et expliquer pourquoi elle et ses amis pensent que le nouveau gouvernement mené par le Hezbollah, et inspiré lui aussi par la place Tahrir, tiendra ses engagements moraux, religieux, légaux et politiques et leur donnera le droit de travailler et de posséder un logement, est assez simple.

La famille Al Hajj qui compte 14 membres sur trois générations accueille toujours les visiteurs étrangers dans leur trois pièces avec sur le toit une terrasse qui surplombe le camps où certains des massacres les plus intenses ont eu lieu pas seulement pendant le massacre de Sabra et Shatila de 1982 mais aussi pendant les guerres contre les camps de 1985-88 quand les camps de Shatila et Burj Barajneh étaient promis à la destruction par des factions qui se vantent cependant aujourd’hui d’avoir épousé la cause palestinienne. D’ailleurs on trouve, rappel funèbre, les posters de certains de ceux qui ont donné l’ordre d’assassiner les hommes, les femmes et les enfants de Shatila pendant la regrettable "guerre des camps" placardés dans divers endroits du sud du camp de Shatila.

Bien sur ce n’était pas une "guerre des camps" au sens propre du terme mais plutôt une série d’attaques ponctuelles de 1985 à 1988 visant à assassiner des civils désarmés soit disant pour empêcher le retour de l’OLP d’Arafat jusqu’à ce que, Subli al-Tufayli qui était alors le porte parole du Hezbollah (et qui est devenu son secrétaire général en 1989-92) et d’autre personnalités interviennent et demandent au président Hafez Assad de Syrie de mettre fin aux meurtres en déclarant que le Hezbollah était prêt à envoyer des combattants pour défendre les camps palestiniens. On peur imaginer ce que ressentent aujourd’hui les familles palestiniennes, dont presque toutes ont perdu un parent tué par leurs voisins arabes, quand elles passent devant les visages au sourire amical de ces posters en conduisant leurs enfants à l’école. Voir leurs photos sur les murs soulève en elles la même colère que si elles voyaient des tasses à l’effigie d’Ariel Sharon et de Rafael Eitan dans le camp de Shatila.

Pour pouvoir s’asseoir là et écouter "Miss internationale", ses amis et ses parents âgés qui quand ils étaient enfants ont fait en une demi-journée le trajet entre Safed au nord de la Palestine et le Liban le 12 mai 1948, il suffit d’entrer dans le camp de Shatila par la porte sud et de marcher en diagonale à travers ce qui reste de l’hôpital Akka de la croix rouge palestinienne. Continuez vers le nord le long de la rue Sabra vers ce qui reste de l’ancien hôpital PRCS de Gaza. L’hôpital de Gaza a été, pendant les années précédent le départ de la résistance palestinienne en 1982, l’hôpital le mieux équipé et le mieux administré du Moyen Orient. Il a été bombardé, détruit et dépouillé de tout son équipement pendant la "guerre des camps" et l’enveloppe extérieure de l’hôpital sert maintenant d’abri à environ 1000 réfugiés qui s’entassent dans toutes les pièces, les entrées et les recoins, de la salle d’opérations à la morgue. Continuez plus au nord au delà du cimetière des martyrs où environ 1000 victimes non identifiées sont enterrées puis prenez la troisième allée à gauche, si étroite qu’elle n’a pas vu le soleil depuis 60 ans. Contournez les mares d’eaux usées et les ornières, regardez les douzaines de beaux enfant qui jouent, qui courent ou qui vont et viennent entre les deux écoles de l’UNWRA (Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens) du camp, évitez les bicyclettes qui foncent et les Palestiniennes dignes malgré le stress, avec leurs sacs à provision, parfois en équilibre sur la tête, et leur bébé dans les bras et vous arriverez à une masure carrée couleur de cendre, sur votre gauche qui jouxte un abri au toit de zinc rouillé que les résidents du camp évitent. Personne ne veut plus aller dans l’abri parce que il y a 29 ans la famille al-Hajj avait autorisé ses voisins à se cacher dans leur abri pendant les massacres de 1982 pendant qu’eux-mêmes fuyaient vers l’est vers l’ambassade algérienne de l’époque par la route qui mène du camp de Shatila à l’aéroport - aujourd’hui l’hôtel de ville de la municipalité Hezbollah de Ghouberi.

Quand la famille Hajj est rentrée chez elle après le massacre, elle a appris que les 17 voisins qui s’étaient réfugiés dans son abri avaient été assassinés parce que les Israéliens avaient communiqué aux miliciens de la Phalange libanaise les cartes qui indiquaient la position des 11 abris. Zeinab qui avait 7 ans à l’époque se souvient qu’elle avait voulu rester dans l’abri au lieu de fuir parce qu’elle voulait jouer avec ses poupées et son amie Mona et que toutes les deux aimaient jouer dans leur "cachette". La totalité des 278 résidents du camp cachés dans les abris du camps de Shatila que les Israéliens avaient repérés a été assassinée sauvagement entre jeudi vers 6 heures du soir et vendredi vers minuit les 16 et 17 septembre 1982, à l’exception de 4 personnes.

La nuit dernière, tout en dégustant un délicieux bol de shorba palestinien brûlant préparé par Mme Hajj, nous avons parlé de ce que Zeinab et ses amis appellent "Le grand réveil arabe et palestinien". "Que se passe-t-il ? Est-ce possible que les victimes de Sykes-Picot* puissent être libérés maintenant et non pas dans un futur incertain ?" Suha, la soeur de Zeinab, qui est infirmière résidente a l’hôpital voisin de Bahman a demandé en faisant référence à Israël.

Certains espèrent que les soulèvements qui agitent le Moyen Orient inciteront les Palestiniens du Liban à se révolter à leur tout pour protester contre leur situation économique et sociale qui est pire que celle des pays qui se soulèvent actuellement. Si l’éruption a lieu, ce sera pour la liberté, la dignité et la justice. Des quantités de meetings et de débats ont lieu mais jusqu’à maintenant il n’y a pas encore de démonstrations de masse organisées, bien que le calme actuel puisse brusquement voler en éclats.

Les amis de Zeinab sont aussi très optimistes ces temps-ci sur la probabilité d’obtenir enfin quelques droits civils élémentaires. L’excitation croissante résulte de la certitude partagée par beaucoup de réfugiés des camps que la Tunisie, l’Egypte et peut-être toute la région va obtenir sa liberté mais provient aussi de l’espoir que suscite le nouveau gouvernement du Liban. L’échec du parlement, l’été dernier, à obtenir des améliorations significatives en matière de droit de travailler et du droit de posséder un logement a beaucoup déçu les réfugiés des camps mais le nouveau gouvernement leur a redonné espoir.

Leur zèle croissant se manifeste dans le militantisme qui gagne de plus en plus de jeunes Palestiniens, encouragés par leurs aînés parmi lesquels il y a beaucoup de héros de la résistance palestinienne, parfois honorés et parfois oubliés, qui pendant les 50 dernières années ont contribué à faire connaître la cause palestinienne dans le monde et à obtenir du soutien. Je dis cela pour faire honneur à tous ceux qui sont maintenant d’âge mûr et qui restent assis dans les camps sans rien avoir à faire d’autre que se souvenir et se demander ce qui n’a pas marché, tout en parlant des derniers développements comme les Documents palestiniens, tout ceux qui se sont battus si longtemps pour retourner en Palestine. Beaucoup d’entre eux ont connu l’époque qui a précédé celle où la sioniste en chef Golda Meir pouvait dire "il n’y a pas de peuple palestiniens" et où la plupart des médias rapportaient ses mensonges comme si c’était la vérité ; cette génération-là n’a jamais renoncé aux principes qui sous-tendaient la lutte du peuple palestinien pour la justice. J’ai rencontré récemment un habitant du camp de Shatila qui en 1950 à Gaza travaillait au Comité exécutif de la conférence des réfugiés. C’était 14 ans avant la fondation de l’OLP au Caire. C’était le Comité qui a conduit la premier conseil législatif de Gaza au début des années 1960, et qui a envoyé la première délégation de réfugiés à l’ONU en 1961.

Les camps du Liban sont pleins de héros vieillissants. Il faut compter au nombre de ces héros les milliers de mères qui ont souffert et ont tant fait pour leurs familles, leur cause et leur pays. Leur progéniture se presse dans les camps surpeuplés. Il y a un jeune Nelson Mandela au camp de Rashedeyeh près de Tyre. Une autre jeune que j’ai rencontré à Ein el Hewe ressemble comme deux gouttes d’eau à Dalal Moughiby. A Nahr al Bared, qui attend toujours d’être reconstruit après sa destruction en 2007, j’ai regardé un jeune Khalil al Wazir (Abu Jihad) parler de son espoir de raviver la résistance palestinienne jusqu’à la libération. Au camp de Wavall dans la Bekaa, j’ai passé une soirée avec un jeune qui paraissait être un nouveau Hassan Nasrallah et qui voulait ramener son peuple en Palestine.

Comme les rues du Caire, les camps du Liban commencent à retentir du cri "Hurriya !" Les camps ici ont donné naissance à de nouveaux leaders qui avec l’aide des anciens, vont s’assurer que le nouveau gouvernement respecte ses engagements de résistant et vote au parlement la liberté complète de travailler et annule la loi discriminatoire de 2001 qui criminalise la possession d’un logement par les Palestiniens.

On peut joindre Franklin Lamb à l’adresse : fplamb @ gmail.com

Pour consulter l’original : http://countercurrents.org/lamb220211.htm

Traduction : D. Muselet

note :

*Les accords Sykes-Picot, sont des accords secrets signés le 16 mai 1916, entre la France et la Grande-Bretagne (avec l’aval des Russes et des Italiens), prévoyant le partage du Moyen-Orient à la fin de la guerre (espace compris entre la mer Noire, la mer Méditerranée, la mer Rouge, l’océan Indien et la mer Caspienne) en zones d’influence entre ces puissances, dans le but de contrer des revendications ottomanes.

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