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Le Traité de Versailles : droits des travailleurs et champagne

tableau : William ORPEN

En cherchant de la documentation sur les droits des travailleurs, les acquis sociaux etc., je suis tombé sur un extrait du Traité de Versailles (1919) qui montre à quel point la classe dominante internationale est allée de conquête en conquête depuis cette époque, et donc à quel point la cause des travailleurs n’a fait que reculer. Je cite la Partie XIII, section 1 du Traité :

« Attendu que la Société des Nations a pour but d’établir la paix universelle, et qu’une telle paix ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale ;
Attendu qu’il existe des conditions de travail impliquant pour un grand nombre de personnes l’injustice, la misère et les privations, ce qui engendre un tel mécontentement que la paix et l’harmonie universelles sont mises en danger, et attendu qu’il est urgent d’améliorer ces conditions : par exemple, en ce qui concerne la réglementation des heures de travail, la fixation d’une durée maxima de la journée et de la semaine de travail, le recrutement de la main-d’oeuvre, la lutte contre le chômage, la garantie d’un salaire assurant des conditions d’existence convenables, la protection des travailleurs contre les maladies générales ou professionnelles et les accidents résultant du travail, la protection des enfants, des adolescents et des femmes, les pensions de vieillesse et d’invalidité, la défense des intérêts des travailleurs occupés à l’étranger, l’affirmation du principe de la liberté syndicale, l’organisation de l’enseignement professionnel et technique et autres mesures analogues ;
Attendu que la non adoption par une nation quelconque d’un régime de travail réellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations désireuses d’améliorer le sort des travailleurs dans leurs propres pays ;
 »

En consultant un certain nombre d’articles, parmi les 440 que compte le Traité, je suis tombé sur le n° 275 qui traite, sans le dire explicitement, du champagne :

« L’Allemagne, à la condition qu’un traitement réciproque lui soit accordé en cette matière, s’oblige à se conformer aux lois, ainsi qu’aux décisions administratives ou judiciaires prises conformément à ces lois, en vigueur dans un pays allié ou associé et régulièrement notifiées à l’Allemagne par les autorités compétentes, déterminant ou réglementant le droit à une appellation régionale, pour les vins ou spiritueux produits dans le pays auquel appartient la région, ou les conditions dans lesquelles l’emploi d’une appellation régionale peut être autorisé ; et l’importation, l’exportation, ainsi que la fabrication, la circulation, la vente ou la mise en vente des produits ou marchandises portant des appellations régionales contrairement aux lois ou décisions précitées seront interdites par l’Allemagne et réprimées par les mesures prescrites à l’article qui précède. »

C’est tout bonnement merveilleux : la Première Guerre mondiale s’est soldée par 8 millions de morts (plus de deux millions de Français). Sans compter les 30 millions de victimes de la grippe espagnole - H1N1 - qui a suivi, chiffre effarant dû à la grande fragilité des populations européennes en 1919-1920. Ce qui n’a pas empêché, au contraire, les dirigeants français de se préoccuper de nos appellations contrôlées, celle du champagne au premier chef. C’était d’autant plus important que la méthode de champagnisation n’avait pas été inventée par un Français (Dom Pérignon ou un autre) mais par le médecin anglais Christopher Merret (qui eut bien du mérite, ouaf !), en ajoutant à du vin du sucre et de la mélasse. La " méthode champenoise " est donc protégée dans le monde entier, sauf - je vous le donne en mille - aux États-Unis. Comme ce grand pays n’a pas ratifié le Traité de Versailles, dont il était pourtant l’un des initiateurs (parce qu’il trouvait qu’il faisait la part trop belle aux exigences françaises), on trouve outre-Atlantique du " Californian Champagne " .

A noter que l’Allemagne nous a payé des dommages de guerre jusqu’à la semaine dernière (le 3 octobre 2010).

Bernard GENSANE

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"L’un des grands arguments de la guerre israélienne de l’information consiste à demander pourquoi le monde entier s’émeut davantage du sort des Palestiniens que de celui des Tchétchènes ou des Algériens - insinuant par-là que la raison en serait un fonds incurable d’antisémitisme. Au-delà de ce qu’il y a d’odieux dans cette manière de nous ordonner de regarder ailleurs, on peut assez facilement répondre à cette question. On s’en émeut davantage (et ce n’est qu’un supplément d’indignation très relatif, d’ailleurs) parce que, avant que les Etats-Unis n’envahissent l’Irak, c’était le dernier conflit colonial de la planète - même si ce colonisateur-là a pour caractéristique particulière d’avoir sa métropole à un jet de pierre des territoires occupés -, et qu’il y a quelque chose d’insupportable dans le fait de voir des êtres humains subir encore l’arrogance coloniale. Parce que la Palestine est le front principal de cette guerre que l’Occident désoeuvré a choisi de déclarer au monde musulman pour ne pas s’ennuyer quand les Rouges n’ont plus voulu jouer. Parce que l’impunité dont jouit depuis des décennies l’occupant israélien, l’instrumentalisation du génocide pour oblitérer inexorablement les spoliations et les injustices subies par les Palestiniens, l’impression persistante qu’ils en sont victimes en tant qu’Arabes, nourrit un sentiment minant d’injustice."

Mona Chollet

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