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Colère en République Dominicaine

Mettre un Dominicain en colère n’est pas chose aisée. Mais pour mettre le pays en colère, il faut vraiment être très, très fort. Lorsqu’on vous raconte que la cause principale en seraient les fréquentes pannes d’électricité, la réponse est un peu simpliste. La République Dominicaine a connu de tous temps ce genre de problèmes liés à son budget modeste, une facture pétrolière lourde, des achats d’alternateurs insuffisants ou mal choisis, comme les turbines à gaz achetées à la France. Une partie importante de la population ne paie pas d’électricité car on se branche facilement de manière sauvage sur le réseau ou on trafique les compteurs. Certes, les « beaux quartiers » sont moins touchés que les quartiers plus modestes, mais dans le meilleur des cas, les coupures ne sont jamais descendues en dessous de 4 à 6 heures par jour. Les Dominicains vivent ce problème avec une philosophie, une bonhommie, une nonchalance et un fatalisme qui les caractérisent. Les plus riches ont des alternateurs ou un système de batteries qui prend le relais lors des coupures. Les plus pauvres attendent que ça revienne, et ça peut durer plusieurs jours. Et quand on n’a pas d’électricité, on n’a pas d’eau, puisque la pompe ne marche pas pour tirer l’eau du réservoir. A titre d’exemple, je ne citerai que le cas de ce menuisier venu faire un travail chez moi, qui a attendu paisiblement que l’électricité revienne de 9 h du matin à 4h de l’après-midi ! Il est vrai que la durée des coupures s’est considérablement amplifiée ces derniers mois après la faillite de la banque Baninter qui détenait 50% du capital des deux entreprises qui alimentent en électricité une grande partie du pays. Mais ceci ne saurait tout expliquer.

Depuis la chute de Trujillo en 61, le pays a été presque sans discontinuité gouverné d’une main de fer par Balaguer pendant plus de trois décénies, avec des injustices sociales flagrantes mais aussi avec une relative prospérité économique. Leonel Fernandez du PLD (Parti de Libération Dominicain, centre-droit) a succédé à Balaguer et à mené une politique de grands travaux améliorant de manière conséquente l’infrastructure, néanmoins modeste, de ce petit pays. Ceci accompagné d’un peu de corruption puisque Leonel habitait un appartement dont le propriétaire emportait la majeure partie des contrats. Les mauvaises langues disaient qu’il ne payait pas de loyer. Le tourisme a explosé. Les investissements étrangers ont afflué dans la construction d’hôtels type Club Med en bord de plage. En 95, Air France avait un avion par semaine et en 98 un par jour. Bon pour le pays ? Oui, enfin, pour certains ! La majeure partie des plages dominicaines sont aujourd’hui inaccessibles à la population et sont devenues des plages privées squattées par ces consortiums en toute illégalité, et en parfaite impunité, puisque la loi stipule que la plage est publique jusqu’à 20 mètres de la mer. Mais vous trouvez des gardiens armés à chaque extrêmité qui en empêchent l’accés. Paix aux touristes. Ceux qui vont en Rep. Dom. ne sortent pratiquement pas de ces hôtels. On leur fait peur en leur disant qu’ils vont se faire braquer à l’extérieur. Archi-faux ! Les Dominicains sont adorables et courtois. Si on veut faire un tout petit effort d’intégration à la population, c’est on ne peut plus facile.

Les Dominicains n’ont donc aucunement profité de cet afflux touristique qui a surtout contribué à développer la prostitution. Et en plus, on leur a piqué leurs plages qui restaient leur seul lieu de détente bon marché pour une population paupérisée. La présidence de Leonel s’est donc soldée par un boum économique dont le profit est resté entre les mains de multinationales étrangères et de quelques petits malins locaux.

Arrive Hipolito Mejà­a du PRD (Parti Révolutionnaire Dominicain, centre-gauche). Attachez vos ceintures ! Pour vous donner une petite idée de la grandeur de son esprit, je vous citerai cette anecdote que les journaux dominicains ont à peine relaté, et à mots couverts, tellement celà faisait honte. Il reçoit le roi d’Espagne, quelques semaines après son élection, lui offre un cigare en lui commentant que c’est la marque qu’utilise Clinton avec Monica Lewinsky ! Lors de sa dernière entrevue télévisée, il s’est fait ridiculiser par le journaliste Jorge Ramos de Univisión en se contredisant d’une phrase à l’autre, sans analyse de la situation et du mécontentement général, et faisant preuve d’un manque d’éthique navrant en évoquant la prétendue homosexualité d’un dirigeant de l’opposition. Il est aussi accusé de népotisme.

Hipolito est arrivé au pouvoir car c’est un homme d’appareil et n’a rien d’un gestionnaire. Le cours du peso s’est effondré et le pays est à la botte du FMI. Il a conduit en quelques années un pays pauvre à la ruine avec une inflation galopante.
Les prix des produits de première nécessité ont flambé :
700% pour les oeufs et la banane à frire.
500% pour le pain.
300% pour la yucca.
250% pour le poulet.
150% pour les haricots noirs.
160% pour l’essence, conséquence de l’effondrement du peso et
75% pour la bière, au moins ne vont ils pas crever de soif.

Il faut savoir enfin qu’en Rep Dom, si on n’a pas un peso, on trouvera toujours un voisin, un parent, un ami qui donnera le minimum pour subsister, une assiette de riz avec des haricots noirs par exemple. Les gens sont très solidaires. Mais quand on n’a même plus de quoi acheter le strict minimum pour soi, qu’est-ce qu’on fait ? Logiquement, on commence à gueuler.

Mais Hipolito avait tellement peur d’une malheureuse grève d’une journée qu’il a envoyé, non pas la police mais l’armée faire des rafles dites « préventives » de militants et de dirigeants du mouvement. Et ils ont tiré sur les manifestants ! Mais ça, vous l’avez lu dans vos journaux habituels.

Il est fort probable que la situation va se tendre considérablement dans les semaines et les mois qui viennent.

Et ben oui, il est vraiment très, très fort !

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L’auteur : Christophe OBERLIN est né en 1952. Chirurgien des hôpitaux et professeur à la faculté Denis Diderot à Paris, il enseigne l’anatomie, la chirurgie de la main et la microchirurgie en France et à l’étranger. Parallèlement à son travail hospitalier et universitaire, il participe depuis 30 ans à des activités de chirurgie humanitaire et d’enseignement en Afrique sub-saharienne, notamment dans le domaine de la chirurgie de la lèpre, au Maghreb et en Asie. Depuis 2001, il dirige régulièrement des (...)
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