L’année 2002 s’annonce une année pleine d’incertitudes aussi bien sur
le plan politique qu’économique. L’oeuvre destructrice de la
mondialisation libérale continue mais sur fond de récession
économique, car la croissance de l’économie mondiale marque le pas
avec son lot de chômage, de précarité et de violence sociale. En plus,
la situation politique marquée par les évènements tragiques du 11
septembre 2001 est l’occasion pour l’occident capitaliste et les
Etats-Unis en particulier, d’asseoir leur hégémonie sur l’
économie-monde et la géopolitique mondiale en usant de guerres, "d’
opérations chirurgicales" et de chantages économiques.
L’option néo-libérale inaugurée par Thatcher en Grande-Bretagne et
Reagan aux Etats-Unis à la fin des années 80, sera adoptée par toute l
’Europe et généralisée à l’Asie et à tous les pays du Tiers-monde dont
l’Algérie. Il en résulte des politiques économiques fondées sur le
primat des critères monétaires et financiers tournant le dos aux
besoins sociaux et à toute perspective de développement durable pour
les pays sous-développés. Les conséquences de ce processus de
"mondialisation libérale" sont connues : chômage massif,
désindustrialisation, baisse très nette des salaires réels,
élargissement des inégalités sociales, augmentations des surprofits
capitalistes, résurgences des formes de dépendances néo-coloniales, de
la malnutrtion et de la pauvreté de masse, etc.
L’Algérie n’échappe pas à ce processus. Depuis la fin des années 80,
elle subit les programmes draconiens imposés par le FMI et la Banque
Mondiale. Après l’intifah rampant de l’ère Chadli, les gouvernements
de Hamrouche, de Reda Malek et d’Ouyahia ont mis en ouvre des
politiques d’ajustements structurels qui ont enterré un secteur
industriel public en crise, qui ont poussé au délabrement des services
publics (santé, éducation, protection sociale,...) et réduit au
chômage et à la pauvreté plus de 15 millions de citoyens algériens.
Ces effets, même si ils ont été longtemps occultés par les évènements
de ces dix dernières années où la violence intégriste et la tout
sécuritaire du pouvoir ont été un concentré de tragédies, ne cessent
de travailler au démenbrement de la société et à la dislocation du
tissu industriel et social. Ce contexte tragique a inévitablement
anesthésié le mouvement social et laissé le terrain libre à la
libéralisation économique à outrance et à a privatisation des biens
publics au dinar symbolique. Les tenants des appareils d’Etat, les
prédateurs du secteur public et les arrivistes de l’ère affairiste se
sont inscrits dans le tout-marchand et le laisser-faire,
laisser-aller, accumulant, sans aucun scrupule, richesses matérielles
et arrogance sociale face à une majorité de la population largement
pauprisée et marginalisée. La société algérienne a essayé tant bien
que mal de résister aux coups que lui assénaient les "chargés de
mission" de l’option néo-libérale que ce soit dans leur version
"moderniste" ou leur version "islamiste". Le mouvement social,
désarconné par l’alignement de la majorité des partis politiques sur
les choix libéraux du pouvoir, par une UGTA réduite à un rôle d’
auxiliaire de ce dernier et par un contexte de violence politique peu
favorable à l’action sociale, n’a pas cédé à la résignation. Des
velléités de résistace au "tout libéral" se sont exprimées aussi bien
à travers le mouvement syndical (des secteurs combattifs de l’UGTA,
des syndicats autonomes,...) que dans la rue à travers des mouvements
de protestation et des émeutes populaires dont le dernier en date et
le plus radical st le mouvement populaire en Kabilie.
On ne peut indéfiniment fermer les horizons sociaux à toute une
jeunesse sans voir cette même jeunesse s’exprimer à travers les seuls
moyens qui lui restent, c’est-à -dire l’émeute dans la rue. On ne peut
indéfiniment licencier des centaines de milliers de travailleurs,
installer dans la précarité des millions d’algériens et noircir leur
devenir social sans créer des situations de désespoir social propices
aux idéologies irrationnelles at aux populismes régressifs.
Actuellement, le gouvernement algérien tente de parachever cette mise
à mort du tissu industriel algérien et de l’économie publique en
concrétisant la signature de l’accord d’association avec l’Union
européenne (UE) et en préparant l’adhésion de l’Algérie à l’
Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Sans aucun débat de fond et
public, les autorités algériennes veulent nous entraîner, à travers
leur politique, dans l’aggravation de la crise que nous traversons et
faire de l’Algérie un segment du marché mondial pour les marchandises
des pays développés et une chasse gardée des multinationales en ce qui
concerne l’approvisionnement en pétrole de ces même pays. L’insertion
de notre pays dans la globalisation capitaliste nous enferme dans une
logique de marchandisation destructrice. Le peuple argentin des
bindonvilles et des usines privatisées nous montre le chemin, lui qui,
par sa détermination, a fait fuir le président de la République en
occupant les rues pour protester contre la misère sociale générée par
la politique néo-libérale du gouvernement et le diktat des
institutions internationales.
Nous ne pouvons subir sans réagir. Nous ne pouvons cautionner cette
convergence libérale où, islamistes et démocrates, aparatchiks de l’
Etat et trabendistes font consensus sur le choix libéral derrière le
pouvoir politique sur le dos de la société. Notre position n’est ni
celle des nostalgiques du socialisme spécifique algérien, ni celle de
ceux qui, logés dans la bureaucratie politique, adminsitrative
(holdings, ministère) ou syndicale, essaient de faire perdurer leur
situation de prédateurs et de rentiers du monde du travail. Nous
sommes clairement opposés aux chantres du libéralisme, de l’économie
de marché et de la mondialisation sous son aspect le plus hideux, c’
est-à -dire la misère pour la majorité et l’essentiel des richesses
pour la minorité sociale.
Le mouvement alter-mondialiste qui se bat contre le modèle néo-libéral
et la transformation du monde en marchandise et qui a su créer un pôle
de résistance international à la mondialisation libérale participe
activement et efficacement à esquisser par ses actions et sa réflexion
une alternative à la mondialisation libérale. Notre position ne peut
que rejoindre celles et ceux qui se battent au niveau international
pour une mondialisation sociale, c’est-à -dire qui place comme première
préoccupation la prise en charge des besoins de la population à
travers des modes de développement qui échappent au despotisme de la
marchandise et du profit.
Notre objectif est de construire ensemble une association qui aura à
cour de débattre et de vulgariser ces questions qui restent accaparées
par les pseudo-experts et de se battre pour exiger une autre politique
économique. Elle sera un cadre de réflexion et d’action où
universitaires, syndicalistes, acteurs associatifs et citoyens
conjugueront leurs efforts pour construire ensemble un courant d’
opposition à ce libéralisme débridé porté par la mondialisation
libérale, au sein de l’opinion publique, dans les médias, dans le
mouvement syndical et social, ...
Ce texte trace les bases programmatiques élémentaires d’une telle
action et n’est qu’un projet qu’il faudra discuter et enrichir afin
que tous ceux qui veulent se battre sur ce terrain puissent se
regrouper et s’organiser dans une association dont il faudra définir
les contours ensemble.
cet article a été diffusé par ATTAC
Contact pour cet article : Adel Abderrezak