Israël, Parlons-en ? Voilà qui peut paraître étrange tant les médias nous parlent d’Israël. Mais les raisons du conflit sont-elles claires ? Israël : terre sans peuple pour un peuple sans terre ? Démocratie en légitime défense ou Etat d’apartheid ? Choc des civilisations, conflit religieux ou enjeu pétrolier ? Pourquoi une solution paraît-elle impossible ?
Michel Collon a interrogé 20 témoins et spécialistes. Israéliens et Arabes, juifs et musulmans, Européens et Américains.
Chacun éclaire une question spécifique dans un langage simple et direct. Pourquoi parler d’Israël ? Pour tenter de mener un débat raisonné. Entre ceux qui crient à l’antisémitisme dès qu’on critique le gouvernement israélien et ceux qui imaginent un grand complot juif.
Comment parler d’Israël ? En laissant de côté les préjugés et en découvrant tous les faits, les pages d’Histoire occultées. Lever tous les tabous c’est permettre à chacun de se faire son opinion librement. Et de débattre autour de soi. Car ce conflit se joue aussi bien au Moyen-Orient qu’en Europe. C’est de la discussion entre citoyens de tous horizons que surgiront les solutions pour la paix.
Extraits du chapitre « Comment parler d’Israël ? »
(Avec l’aimable autorisation de Michel Collon).
Sommes-nous impuissants ? Beaucoup de gens demandent comment il faut s’y prendre pour ouvrir les yeux de ceux qui se croient bien informés ou bien pensent que ça ne les concerne pas ou que de toute façon, ils ne peuvent rien y changer ? (…) L’enjeu est important : il s’agit de montrer le dessous des cartes, exposer les pages cachées de l’Histoire et les intérêts dissimulés. En un mot, faire reculer la désinformation, Ouvrir un véritable débat dans l’opinion est indispensable pour qu’une solution puisse être enfin trouvée.
Tel est l’intérêt des Palestiniens, bien sûr. Victimes d’une injustice historique qui doit être réparée. Mais c’est aussi l’intérêt des juifs d’Israël, intoxiqués par la propagande de leurs gouvernements, et qui ne pourront vivre en paix sans que justice soit faite. C’est également l’intérêt des juifs du monde entier, soupçonnés de soutenir un colonialisme raciste et ses crimes de guerre.
Et c’est aussi l’intérêt des citoyens d’Europe ou des Etats-Unis. C’est avec leur argent qu’on arme Israël. Et si l’on sème la haine au Moyen-Orient, quelle partie du monde restera à l’abri ? Comme l’a dit un Israélien lucide, la Palestine est le baromètre de l’état du monde, du combat entre domination et liberté.
Il s’agit de proposer une méthode pour permettre à chacun, s’il le souhaite, là où il est, de peser sur l’information. Pour cela, il convient d’abord de bien saisir les quelques grands médiamensonges qui conditionnent l’opinion. Que nous dit-on, que nous cache-t-on, que répondre ?
Médiamensonge n° 1 :
« Israël a été créé pour offrir aux juifs un abri après le génocide de 40-45 »
Faux. Ce projet a démarré bien plus tôt : en 1897, au Congrès sioniste de Bâle. Ce mouvement nationaliste de juifs européens décide alors de créer un nouvel Etat où pourront se réfugier les juifs. Lesquels subissent alors la misère et les violences du pouvoir en Russie ou en Pologne, ainsi que la montée du racisme anti-juifs en France (affaire Dreyfus en 1894).
Mais les sionistes sont relativement faibles, et peu de juifs soutiennent ce projet, il faut donc l’appui d’une grande puissance impériale. Justement, la Grande-Bretagne s’empare de la Palestine en 1920 et elle soutient l’envoi de colons juifs. La « Déclaration Balfour » annonce au dirigeant sioniste Lord Rotschild que : « Le gouvernement de Sa Majesté considère favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif ». Quels sont les intérêts britanniques ? 1. Contrôler le canal de Suez, route stratégique vers les colonies indiennes. 2. Affaiblir l’Egypte. 3. Diviser le monde arabe en deux. Plus tard, intéressés par le pétrole, les Etats-Unis prendront le relais de la Grande-Bretagne comme « parrain » d’Israël.
Le projet sioniste de conquérir la Palestine n’est pas une conséquence de 40-45, c’est un pur produit de l’époque coloniale.
Médiamensonge n° 2 :
« Les juifs retournent sur leur terre dont ils ont été exilés il y a deux mille ans »
Faux. Cet exil n’a jamais eu lieu. De 1.000 avant J-C à aujourd’hui, les populations de la Palestine sont en gros restées sur place, bien qu’il y ait eu des migrations et des invasions, et donc des mélanges, comme partout. L’invention d’un « peuple juif » resté pur et qui aurait des privilèges divins et exclusifs sur cette terre promise est donc : 1. Absurde au point de vue génétique (quel peuple est resté « pur » après deux mille ans ?). 2. Antidémocratique au point de vue politique (il n’y a pas de « peuple élu »). 3. Et raciste puisqu’il exclut les populations non juives présentes sur cette terre depuis des siècles.
En réalité, les véritables descendants des juifs d’alors seraient plutôt les… Palestiniens ! Mais alors d’où sont originaires les juifs qui se sont installés récemment en Palestine ? Surtout de Russie, d’Ukraine et de Pologne. Mais aussi du Maghreb et d’Europe de l’Ouest. Et qui étaient-ils ? Tout simplement des populations locales qui s’étaient converties à la religion juive au cours des siècles. Scientifiquement, il n’existe donc pas de « peuple juif ». N’ayant ni la même Histoire, ni la même langue, ni la même culture, et provenant d’Etats très divers, ces juifs qui se sont installés en Israël n’avaient en commun que la religion.
Tout ceci, les historiens et archéologues israéliens le savent, mais c’est caché à l’opinion. Car l’existence même d’Israël est justifiée par ce mythe du « retour ».
(…)
Médiamensonge n° 9 :
« Le problème, c’est la violence des Palestiniens, surtout du Hamas »
Ne posons pas le problème à l’envers. La violence première, c’est la colonisation. Le vol de la terre, la brutalité de l’armée israélienne, l’impossibilité pour les Palestiniens de mener une vie normale depuis plus de soixante ans…
Ceux qui donnent des leçons aux Palestiniens devraient indiquer par quel moyen ceux-ci peuvent obtenir satisfaction : ils ont tout essayé, y compris les méthodes les plus pacifiques, et Israël n’a jamais rien cédé. En réalité, les colonisés n’ont pas le choix, il y va de leur survie. D’ailleurs, les Nations Unies ont solennellement affirmé « le droit inhérent des peuples coloniaux de lutter par tous les moyens nécessaires contre les puissances coloniales qui répriment leur aspiration à la liberté et à l’indépendance. » (résolution 2621, 1970).
N’empêche que beaucoup d’Européens ont une mauvaise image de la résistance palestinienne ; ils la jugent dominée par le terrorisme ou le fanatisme. Mais la résistance a comporté dès les années 50 trois courants : nationaliste (Fatah), marxiste (FPLP) et islamiste (Hamas). C’est aux Palestiniens de décider quelles organisations les défendent le mieux. De toute façon, Israël a toujours diabolisé ces trois courants, emprisonnant ou assassinant des dirigeants de chacun. Il a aussi réprimé très brutalement les manifestations populaires spontanées : Journée de la Terre en 1976, Intifada en 1987 et en 2000.
Résister est un droit. La violence vient de l’occupant.
« Israël, Parlons-en » Investig’Action - Couleur livres, 18 €.
www.michelcollon.info
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