Pleinement d’accord avec cette analyse.
Parler avec les mots de l’autre, c’est lui être soumis. Raison pour laquelle des groupes humains, pour des raisons politiques ou non, se sont créées leur propre langage pour se distinguer de la " distinction " (Bourdieu) : taulards, truands, marchandes des Halles, mineurs de fonds, cyclistes professionnels.
Je voudrais apporter ma contribution au débat en lançant une petite piste. Comme disait Hugo, la forme, c’est le fond qui remonte à la surface. Je dirai dans cette optique que les pratiques militantes ont commencé à avoir du mou lorsque - il y a dix, quinze ans, environ - les responsables politiques de gauche ont mis le verbe " porter " à toutes les sauces. D’abord les socialistes, puis les communistes, la CGT, même le NPA. Ainsi, on « porte une revendication », on « porte un programme », ce qui ne veut rien dire, mais ce qui fait très « partenaire social ». Comme si on portait des fleurs ou des escarpins. Aubry, Buffet, Thibault utilisent ce verbe dix fois par discours. On a donc cessé de « défendre » une revendication (ou de la « soutenir »), on a cessé de vouloir « imposer » un programme.
Quand on fait passer des mots à la trappe, ce sont les idées que ces mots incarnent (et non pas « portent ») qui disparaissent.