Madame la présidente,
Messieurs les présidents,
Vous avez cosigné, chose rare ont souligné de nombreux journalistes, une lettre à la Ministre de la Culture, lettre de soutien contre L’amendement assujettissant les oeuvres d’art d’une valeur de plus de 50 000 euros à l’ISF.
A la simple lecture du nom des signataires, président-es de sept des plus grands musées français, j’ai eu pu constater avec amertume que la parité est loin d’être de mise. Avec une seule présidente et six présidents, la route est encore longue.
Sur le fond vous invoquez deux arguments, cette mesure serait à la fois un obstacle majeur à la diffusion du patrimoine et un frein sérieux à la politique d’enrichissement des collections publiques et de protection du patrimoine national. Je n’ai pas votre expertise mais je ne suis pas convaincu par vos arguments.
Selon vous, cet assujettissement à l’ISF pourrait inciter les propriétaires des oeuvres d’art "à ne pas les prêter, de peur de les voir exposées et donc identifiées en public." En l’état actuel du droit, les oeuvres d’art bien que non assujetties à l’ISF ne sont pas hors du champ de la fiscalité, notamment de la fiscalité sur les ventes, donations et successions. Les propriétaires qui prêtent aujourd’hui leurs oeuvres n’en permettent pas moins leur identification, même si le calcul des droits de mutation intervient plus rarement que celui de l’ISF. D’autre part, il est fort probable que les détenteurs d’oeuvre d’art de plus de 50.000 euros aient pris le soin de les assurer, ce qui peut permettre aussi leur identification.
Toujours selon vous ce dispositif serait de plus un frein sérieux à la politique d’enrichissement des collections publiques et de protection du patrimoine national. Et vous faites bien là la distinction entre les "grands collectionneurs pouvant être assimilés à des investisseurs financiers" et les descendants d’artistes, érudits ou collectionneurs amateurs, qui possèdent des oeuvres de grande valeur, souvent sans rapport avec le reste de leur patrimoine. Concernant la première catégorie, vous conviendrez sans peine qu’il y aurait peu de logique à traiter différemment les différents placements financiers qu’ils réalisent. Pour les autres, vous évoquez des oeuvres de grande valeur sans rapport avec le reste de leur patrimoine, n’oublions pas que le dit patrimoine, pour être imposable, doit excéder 1,3 millions d’euros. De plus, et vous le notez, la France a su créer des dispositifs législatifs spécifiques, tels que la dation, qui permet le paiement de certains impôts en nature, sous forme d’oeuvres d’art, une extension de ce dispositif au paiement de l’ISF répondrait parfaitement à votre objection.
Au-delà des deux arguments que vous évoquez, votre courrier me semble poser deux questions essentielles.
La première est celle du financement des services publics et notamment celui de la culture, question que vous évoquez dans votre courrier, remerciant la Ministre d’avoir su préserver les dispositions législatives relatives au mécénat pour vous aider "à pallier dans une certaine mesure les conséquences d’un resserrement des crédits publics." Ne serait-il donc pas plus juste fiscalement et plus efficace en matière de définition de politique publique que ces mécènes paient des impôts permettant ainsi un desserrement des crédits publics et rendant aux prestigieux musées, et aux autres équipements culturels, la possibilité de mettre en oeuvre un politique publique sans se la faire dicter par les mécènes en fonction de critères liés à la gestion de leur image ?
La deuxième est celle du sens de la propriété privée, en l’occurrence sur les oeuvres d’art. Les oeuvres d’art doivent-elles être traitées comme de simples produits spéculatifs sans considération pour l’apport culturel qu’elles peuvent représenter ? Un collectionneur privé peut-il continuer à refuser de prêter des oeuvres ? Les oeuvres d’art ne doivent-elles pas au contraire être considérées comme partie intégrante d’un patrimoine commun ?
Le 19 octobre 2012
Jean-Michel Arberet
Conseiller municipal d’Arcueil
Partenaire du groupe communiste
jm-arberet.over-blog.com