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Jean Ferrat : "C’est si peu dire que je t’aime"

Par Michel Taupin

J’ai mal à « Ma France »,
et toute « Ma France » a le coeur très gros !

Jean Ferrat … le Poète, le Combattant, l’Humaniste est mort samedi.

Je reste sans voix, abattu. Putain, « On ne voit pas le temps passer » ! Je le croyais immortel cet immense bonhomme, à la crinière blanche et légère, avec ses bacchantes de guérillero qui lui barrait son beau visage comme taillé à la serpe, ça lui donnait cette allure sauvage, altière et si douce à la fois. Et puis quelle voix, quelle bonté dans le regard ! Il a marqué à jamais les coeurs et les consciences de toute une Nation, bien au-delà d’une génération. Il a chanté toute la noblesse du peuple, porté par une voix grave, envoûtante au timbre chaud comme le désir, d’une belle tessiture à nulle autre pareille. Ses intonations vibraient en moi comme les fibres des muscles au moment du plaisir. Il savait sans artifice offrir à des paroles d’une infinie beauté poétique, des mélodies haute-couture qui, lorsqu’on les entend encore aujourd’hui, excluent toute autre possibilité harmonique. Une parfaite symbiose entre les mots, la musique et sa voix ! Allez donc tenter un autre choix musical sur les paroles de « la Montagne », c’est tout simplement impossible ! Et nombre de ses chefs d’oeuvre sont de la sorte.

Ses oeuvres appartiennent depuis longtemps au patrimoine de la France, cette France généreuse que d’aucuns aujourd’hui s’acharnent à avilir… Quand de « Nuit et Brouillard » surgissent « Deux enfants au soleil » qui se murmurent enlacés « Nous dormirons ensemble » avant de s’ « Aimer à perdre la raison » simplement parce que « C’est beau la vie », c’est l’amour de son prochain qui l’animait. Avec « Que serais-je sans toi ? », admirable poème d’Aragon qu’il fit sien, c’est un hymne à cet amour sublimé qui nous bouleverse. Et puis nous confiait-il, « Je ne chante pas pour passer le temps » car « On ne voit pas le temps passer » !

Quand je l’ai rencontré, lui le fidèle Ardéchois, dans son joli petit village d’Antraygues qui lui voue un respect et un amour authentiques, il m’a dit : « J’ai chanté la Vie, l’Amour et la seule Aristocratie qui en toutes circonstances a su garder toute sa Noblesse, celle qui a construit de ses mains multicolores mais toujours d’or, les usines des nantis, celle qui a coulé l’acier et la fonte, se brûlant la chair auprès des hauts-fourneaux, celle qui a usé ses yeux et brisé son corps dans les manufactures, celle qui a ruiné sa jeunesse pour le profit de bourgeois sans scrupule, celle qui a donné sa vie à la France pour la liberté de tous, la Classe Ouvrière ! » Et d’émotion ses yeux s’embuaient !

Ah, qu’il était fier ce peuple quand il entendait « Ma France » résonner dans tout le pays, car c’était la sienne qu’enfin on osait chanter avec tant de force et de talent, ou quand il frissonnait aux accents pleins d’espoir de « Potemkine » ce cuirassé russe révolté qui annonçait la Révolution d’Octobre. Dans ses chansons politiques, chaque mot était une flèche acérée qui faisait mal car elle faisait mouche. Jean Ferrat « disait un monde où l’on n’est pas du côté du plus fort ». Et la droite ne s’y trompait pas qui ne cessait de le censurer. Jean était un poète combattant non par choix mais par conviction, parce qu’il haïssait intrinsèquement l’injustice et ne supportait pas dans sa chair que sur cette terre des hommes puissent en dominer d’autres. Il aimait tant ton nom Liberté.

En 1967, il se rendit naturellement à Cuba. Il en reviendra marqué profondément et définitivement par sa Révolution Humaniste. Il laissera alors pousser sa moustache qu’il ne rasera jamais en hommage aux Barbudos et composera notamment « Cuba Si », « Guérilleros » et « Santiago ».

Aujourd’hui, la tristesse nous étreint. Tu nous manques déjà . Avec Aragon, tu disais : « Vivre est un village où j’ai mal rêvé ! », j’ose te répondre que tu as vécu en homme véritable, en homme d’une infinie bonté qui n’a eu de cesse de magnifier la femme, de chanter l’amour, de louer la dignité des petites gens et de les faire bien rêver.

Très cher Jean, « Lorsque s’en vient le soir » au moment où les lilas vont fleurir, tu as beau nous « Ouvrir cent fois tes bras, c’est toujours la première fois » et nous ne saurons jamais t’offrir « Autant d’amours autant de fleurs » que tu as su le faire tout au long de ta belle et trop courte vie. Aussi, comme Aragon que tu admirais tant, « C’est si peu dire que nous t’aimons ».

Michel Taupin

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