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Les élections régionales de mars 2010 : un voile démocratique peut cacher une dictature.

Voila nous y sommes. A moins de quinze jours des élections régionales. Depuis cinq mois de campagne électorale, voila que s’amplifie le vacarme des vociférations de toutes sortes orchestré par les magnats industriels de la fabrique de l’opinion. Ceux-là même qui s’attachent à tant stériliser le débat public où s’affrontent tranquillement journalistes et politiciens, VRP du grand capital, comme des tribuns de la plèbe, patriciens et gladiateurs sur la scène de la joute électorale verbale.

Voter aux régionales de mars 2010 ?

Bien sûr, une campagne électorale, ce n’est pas un jeu où l’on déclare l’ouverture des hostilités dans l’arène sur un son de trompettes joués par la garde prétorienne sur ordre de l’empereur, mais plutôt un combat politique qui a débuté sans qu’on le déclare directement, et qui s’invite lentement à table dans la sphère médiatique. De scandales en polémiques médiatiques, de cotes de popularités en sondages, de faits divers riches en émotion à toute sorte de matraquages idéologiques, insérés dans l’esprit de l’auditeur-lecteur comme un marteau enfonce un clou, l’industrie de la pensée unique excelle dans l’art de déglutir ses palabres affublées de fausses réalités. Quel intérêt ? Entourer la réalité de faits divers tels des électrons gravitant autour d’un atome, jouer sur les communautarismes, la laïcité, le sentiment de peur qu’ont les «  braves » gens, artisanalement construit par ces mêmes médias. Bref détourner l’attention du citoyen par une myriade de fioritures, et lui dire ce qu’il faut penser, voter, est une bonne arme de poing à l’usage des soldats de la guerre idéologique.

Cela, pour que les franges de l’électorat qui ont été s’inscrire en pensant à leur échelle pouvoir exercer du poids sur la politique à l’échelon local votent bien, librement et démocratiquement au mois de mars 2010. Qu’ils votent bien, librement et démocratiquement, c’est-à -dire qu’ils choisissent leurs têtes de listes aussi librement qu’un chien remuant sa queue, se pâmant devant un os que lui tend son maître s’il a été sage, docile et coopératif. La comparaison est certes un tantinet poussée à l’extrême, mais il y a tellement de données (informations, publicités, socialisation, influences diverses etc) émises par notre environnement social à nos cerveaux, ce depuis tout petit, que nous ne sommes pas libres de penser par nous même. Comme esclaves de nous même, nous vivons tous par procuration en ayant peur de l’avenir, tant au niveau familial qu’au niveau professionnel, financièrement ou simplement par souci de réalisation de soi dans ce microcosme sociétal où il faut batailler sec et bouger les lignes juste pour se frayer une «  place à table ». Alors on vote, persuadé que notre bulletin, même s’il n’est qu’un pavé dans l’océan, pèse du poids dans le processus des prises de décisions pseudo démocratiques. Le suffrage universel, direct ou non, n’est ni plus ni moins qu’une invention dogmatique bonapartiste et bourgeoise née en 1848, au service de la classe dominante, et qui a remplacé la prière et l’hostie du dimanche à l’église catholique. Le citoyen lambda vote pour des énarques éclairés et cravatés, et se déresponsabilise ainsi de sa propre vie en acceptant de se soumettre à l’autorité à des gouvernants, encensant de non sens les choix les plus élémentaires de sa vie quotidienne.

A l’ère de la communication, tout le tapage politico-médiatique organisé autour des échéances électorales ressemble à une vulgaire partie de Monopoly, où le vainqueur est toujours le même, où tout est joué d’avance : j’achète la rue du peuple avec une liasse de promesses, et je touche le pactole au second tour en passant par la case départ grâce à ma carte chance. Pour les autres, (le peuple travailleur) il faudra payer les loyers, les surtaxes, les rentes, les crédits. Et soyez sages, big brother vous surveille !

Les élections, la démocratie locale représentative, la décentralisation : une chimère bien ficelée.

Certes, cette vision de la partie de Monopoly est réductrice pour des élections régionales, puisque l’on élit des représentants aux conseils régionaux qui seront, par leur pouvoir décentralisé, mieux placés que l’Élysée ou sa lanterne pour gérer les affaires publiques en matière de développement local. En théorie, mais le papier ne refuse pas l’encre. Car il n’y a pas vraiment de représentation du peuple parmi le cortège cravaté des élus de la république : à partir du moment où la fonction politique est un métier uniquement réservé à la classe dominante, il ne peut y avoir ni égalité, ni démocratie puisqu’un petit groupe de privilégiés oligarques dicte ses lois en jouant au poker sur la vie de la majorité. Par exemple, en 2007, 59% des députés étaient des fils/filles de cadres, ou de professions intellectuelles supérieures, et 22% étaient enfants de professions libérales contre 10%, fils d’agriculteurs, d’artisans, commerçants. En clair, 4/5 des 577 députés font partie de l’élite sociale en France (1). Quant au pactole qu’un président de conseil régional reçoit mensuellement, il dépasse de 5.4 fois le smic du salarié moyen.

Il me paraît inconcevable que la démocratie locale puisse avoir du sens si elle n’est pas séparée de ses fondements exécutoires de domination du pouvoir, de l’autorité centrale ; et si elle n’est pas en contrepartie exercée directement par les gens du peuple, réunis par quartiers pour délibérer ensemble. Même si en mars, les sièges régionaux sont attribués aux bourgeois encartés au PS ou au PG, ceux-là seront légitimes de par leurs suffrages, mais ne s’engageront pas plus pour combattre la précarité, la misère, l’inégalité, le retour du fascisme, la fonction politique ne laissant que peu de place à la défense des valeurs humanistes. C’est ça, la démocratie bourgeoise à l’ère de la globalisation néolibérale : seule la légitimité du vote suffit, les élus peuvent en attendant faire passer leurs lois autoritaires en toute impunité sans avoir à craindre le moindre contrôle populaire sur leurs actions. Ce peuple, à qui l’on demande l’avis seulement de temps en temps, n’a qu’à bien se tenir s’il n’est pas satisfait de ses gouvernants, qu’il n’a par ailleurs parfois jamais élus, et sur qui il devrait pourtant être le seul juge, le seul «  souverain ». C’est aussi ça la république décentralisée, où l’exercice des fonctions politiques, de gauche comme de droite, est un métier réservé à presque tous les échelons à l’élite qui gouverne la masse considérée comme stupide, incompétente. Dans tout rendez-vous électoral, les promesses proférées en forme de programme politique n’ont de rôle que de satisfaire, les intérêts de classe d’une certaine catégorie de la population ayant voté pour tel ou tel parti politique, ce qui n’est autre que du clientélisme. Vote pour moi, et je protègerai ton patrimoine. Vote pour moi, et je t’assure que je rétablirai l’ordre dans les villes, pour assurer la tranquillité publique. Vote pour moi, tu auras ta piste cyclable et des bus écolos. Qui, parmi ceux que l’on entend, luttent vraiment pour l’égalité sociale, les luttes sociales de la classe travailleuse pour revendiquer sa condition, contre la marginalisation des plus pauvres dans les banlieues, qui condamne les expulsions arbitraires pour parvenir aux quotas, quels politiques militent pour le droit des sans logis etc ?

Même si le NPA peine à chuchoter encore quelques questions sociales notamment autour de l’emploi, le fait que cette organisation se prenne au jeu du marketing politique décrédibilise son programme antilibéral. Et oui, il est préférable d’oublier les revendications du peuple quand ce sont les lobbies et le Medef qui gouvernent, sous prétexte que le socialisme, dépassé, est un vestige du XIXème siècle. Bref, vous aurez saisi mon point de vue, les élections même régionales, ne risquent pas d’apporter le changement, encore moins la démocratie directe et populaire dans ce pays. Par exemple, un conseil régional a beau être géré par la gauche (caviar), cela n’empêche pas ces mêmes collectivités d’autoriser l’implantation d’un «  canceropôle » géré entre autres par la multinationale Sanofi-Aventis sur l’ancien site toulousain d’AZF, où Total a par ailleurs été écarté de toute responsabilité dans l’explosion.

Ou même d’autoriser l’entreprise coloniale israélienne Agrexco à s’installer dans la ville de Sète (2). Parts de marchés et débouchés économiques se serrent toujours fougueusement la main, quitte à écraser convictions et idéaux politiques. Voila six ans maintenant que les collectivités territoriales sont administrées par les majorités PS (à part Alsace et Corse), et leur seul objectif est de conserver leur pouvoir, de garder leurs région, pas plus. Les élus dits socialistes travaillent moins à gangréner ce système capitaliste marchand en appliquant des politiques socialistes nettes, qu’à maintenir la population dans un état de dépendance économique permanente en l’obligeant à se prostituer au grand patronat. Et pour cause, la fausse décentralisation des années 1982 à 2003 accélère le capitalisme : elle contribue à la démission de l’État sur la gestion des services publics, via les «  Partenariats Public/Privé », elle facilite l’implantation sur le territoire français des multinationales étrangères et renforce leur autonomie. Comment peut-on alors croire aux mérites de la décentralisation telle qu’elle est, pendant que les petits bobos de la gauche libérale s’attardent sur les transports en commun gratuits et les pistes cyclables ? Au lieu d’organiser une résistance dure avec les citoyens contre un pouvoir central de plus en plus autoritaire, liberticide qui tend à criminaliser, surveiller, ficher, étouffer et réprimer toute dissidence ? La réponse que l’on pourrait donner est que les collectivités n’en ont pas la possibilité quand bien même elles voudraient appliquer une réelle démocratie locale avec forte participation politique. La plupart des réformes-cassures libérales avalisées par les autorités publiques correspondant à un processus européen ou mondial, la moindre résistance des élus locaux est confinée dans un mouchoir de poche.

Agir, militer et lutter collectivement au lieu d’élire ?

Décentralisation ou non, pouvoir local ou pas, la globalisation néolibérale impose que les décideurs politiques soient soumis à l’élite économique des pays ayant emboité le pas de la libéralisation, ce depuis vingt ans. Et la cadence s’accélère depuis quelques années, avec la crise économique, tombée à pic pour concentrer un peu plus le capital. Tant que banquiers, financiers, lobbyistes et grands patrons dicteront leurs lois mercantiles aux pouvoirs politiques, il ne pourra y avoir d’élections locales ayant une réelle portée démocratique.

Les élections municipales et régionales auraient du sens si la gestion locale des affaires publiques était réellement séparée de l’administration générale centralisée, et surtout, en phase avec les intérêts de la population. Or les collectivités n’ont de liberté d’action que dans la mesure où elles doivent agir en fonction des compétences et des ressources qui leur ont été transférées par l’État. D’autant que celui-ci se charge de nommer les préfets qui accepteront d’être bien tranquille au chaud, à la botte du pouvoir. Ce qu’il y a de plus antidémocratique dans ce pays royaliste où la fleur de lys n’a jamais disparu des caméras et des discours, c’est que l’abstention n’est même pas prise en compte dans l’analyse sociologique et politique des votes. Les personnes qui s’abstiennent régulièrement aux élections sont considérées comme des brebis galeuses, ignares, désintéressés par la politique, et (cerise sur le gâteau) étiquetées comme appartenant à des milieux sociaux défavorisés où la culture politique issue de la socialisation est faible. Et si ces gens étaient tout simplement des gens qui ont compris que ce n’est pas en désignant des conseillers régionaux, maires, députés, et présidents que leurs vies s’amélioreront ? L’État est une entité créée par l’Homme : il naît, vit, meurt et disparaît. L’objectif affiché, est que l’on soit tous les esclaves de la caste intouchable des riches dans le «  nouvel ordre mondial ». A nous d’empêcher cette spirale, et de penser aux alternatives : créer des collectifs, des associations, rejoindre des mouvements sociaux, créer des sociétés coopératives de production, guérir de l’addiction télévisuelle et publicitaire, boycotter au maximum les produits industriels pour consommer autrement, etc.

Pour finir, peut-être que lorsque le point de non retour du capitalisme créera l’onde de choc dans les consciences collectives mondiales, l’on regardera derrière nous mais trop tard, en se disant qu’il faut d’urgence penser collectivement à une nouvelle société alternative. Une société plus équitable, d’économie sociale et solidaire, égalitaire, écologique. Car quand le processus de démantèlement des acquis du CNR sera effectif, il sera trop tard. C’est-à -dire quand l’enseignement des mômes se paiera à coups de crédits bancaires, quand la santé publique et gratuite ne sera qu’un paragraphe dans les pages de l’Histoire européenne, lorsqu’il y aura autant de caméras de vidéosurveillance dans la rue que d’arbres jonchés le long des boulevards, lorsque toute navigation sur internet sera surveillée au peigne fin par big brother hadopi2/loppsi2, et enfin quand les droits sociaux, les syndicats, les retraites, et les services publics seront enterrés, il faudra même rembourser la scie qui a servi à couper la branche sur laquelle le citoyen était assis.

Samuel MOLEAUD
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Caitlin Johnstone

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