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Arabe, Musulman et Islam

Arabe, musulman, Islam. Arabe, musulman, Islam. Arabe, musulman, Islam. Et si on se penchait sur ces mots ? Oui, ces mots qui résonnent dans la matrice de l’information mainstream ? Ces mots qui grattent, d’autant plus fort qu’ils sont entourés de mots mielleux. Sur les feux de la rampe depuis des décennies, ils font partie intégrante de notre paysage médiatiquo-politique. Indémodables et modulables. Déclinables à souhait, mots tiroirs, mots fourre-tout, mots poubelles. Bouc émissaires idéaux. Ils sont devenus les mots rêvés pour tout journaliste ! "A manier avec précautions" , vous diront les plus conservateurs. Car ces mots-valises ont leur mode d’emploi et leur public, leur message cachés et leurs cibles. Après toutes les vagues de marketing ou de propagande (au choix) successives dont ils ont pâti, je n’ai pas la prétention de redorer leur blason, mais plutôt de m’attarder sur le phénomène linguistique qu’ils révèlent, phénomène qui a des conséquences sociologiques et politiques dangereuses, à savoir celui de l’appropriation du sens des mots et du pouvoir de l’imposer. En revanche, je ne me limiterai qu’à de courtes considérations qui me paraissent essentielles.

Ces mots donc, et leurs valises débordantes de linges sales, se sont déguisés et infiltrés en stoemeling comme on dit chez nous, par nos oreilles d’abord, dans notre inconscient ensuite, ils y sont entrés par le carré de lumière et ne sont plus jamais repartis. Ils se sont imprimés dans nos pensées et font à fortiori bonne figure. Nous sommes convaincus que la perception que nous en avons est la bonne. Mais que trop rarement nous nous interrogeons sur la signification première des mots et le risque que peut comporter leur manipulation. Revenons à ceux qui nous occupent, arabe, musulman et Islam. Le cocktail ne peut être que détonant lorsqu’on les sacralise d’abord et qu’on les récupère ensuite. On les utilise allègrement, leurs réputations en font les mots les plus courus, employés à tort et à travers, cuisinés à toutes les sauces, surtout les plus épicées, de "l’islam" à "l’islamiste" en passant par "l’islamisme", eux mêmes déclinés en "modéré", "fondamentaliste" ou encore "terroriste", ils ont un goût particulier et une odeur qui les rend diaboliquement attirants, vecteurs d’audimat et de résultats électoraux irrésistibles, que voulez-vous ? Qu’ils soient prononcés en français ou dans une autre langue, leurs effets sont garantis, ce qui explique qu’ils trônent inexorablement en tête des classements.

Cette ascension fulgurante dans le monde du langage courant me paraît néanmoins suspecte. Arrivisme ? Pistons ? Lobbyisme ? Corruption ? Qui se cache derrière ces succès ? A qui profite le crime ? Tentons peut-être d’abord de se poser les bonnes questions, les questions de base. Cela me rappelle les conseils de mon instituteur de primaire : " Commençons par les définitions ! " Alors, allons-y ! Qu’est ce qu’un mot ? Et quels sont les critères qui déterminent son statut et son usage ? A première vue, les mots ont des compositions, des identités et des fonctions officielles et théoriques. Ce sont celles que leur confèrent l’orthographe et la grammaire. Mais une fois qu’on tente de les analyser en dehors de l’environnement figé qu’est le dictionnaire et sans pour autant s’aventurer dans des thèses philosophiques, on s’aperçoit très vite que la tache s’avère moins facile. En effet, la dimension qu’ils acquièrent lorsqu’ils sortent de la bouche d’une personne ou qu’ils sont lus est tout autre. Et c’est précisément à ce niveau-là de la réflexion que l’importance du contexte devient évidente et prend tout son sens.

Prenons le mot "tuer" par exemple et intégrons le dans les deux phrases suivantes : "tuer le temps" et "tuer un homme" . Les images que l’on voit en lisant chacune des deux phrases sont complètement différentes, sans compter l’intensité et le ressenti qu’elles suscitent dans l’esprit du lecteur. De la même manière, utiliser le mot "musulman" dans un discours et l’associer à d’autres éléments telles que la violence, la peur, la guerre provoque une réaction naturelle de rejet ou pour le moins un sentiment de rejet, tant chez l’auditeur, le spectateur que le lecteur, ce qui n’a pas d’autre effet sur le mot que de le dénaturer, de le standardiser, sous vide, dans un emballage qui se substitue à ce qu’il désigne et signifie. Dans l’inconscient populaire, la répétition permanente de ce genre de procédé, en apparence inoffensif, biaise et réduit la perception de l’élément à son emballage. Le mot "musulman" transporte dès lors une multitude d’images sordides dans sa besace, une bombe pour certains, une burqa pour d’autres, etc. Aujourd’hui, les mots "l’arabe", "le musulman" et "l’islam" ont mauvaise presse dans le langage courant, les émotions qu’ils véhiculent sont de mauvais augure, même si les adeptes du politiquement correct se refusent à l’admettre. C’est un fait. Et la souffrance que ce constat provoque chez les musulmans est dégradante et stigmatisante. Et cela aussi, malheureusement, c’est un fait.

Plus récemment, un autre mot a fait son entrée dans le haut du classement. Bien qu’il soit en position du challenger, sa détermination oblige nos radars à le suivre de très près. Tout comme ses ascendants, il aspire à acquérir une étiquette plus agréable mais la différence fondamentale avec son prédécesseur étymologique, le mot "islam" , réside dans ses intentions et surtout dans celles que l’imaginaire populaire va lui prêter. Quel accueil nos esprits vont-ils lui réserver ? Quelle rôle joue-t’il parmi les autres. N’est-il qu’un valise ou un tiroir supplémentaire. N’est-t’il qu’un mot de substitution pour étouffer définitivement le sens des mots arabe, musulman et islam ? Plus que jamais, le trafic et l’exploitation des valeurs morales à travers le camouflage rhétorique des mots et de leurs images sont des facteurs de diversions. Voilà pourquoi, avant de quitter cet angle de vue, certes décalé mais révélateur, je vous présente le nouveau venu, qui tente depuis son arrivée parmi le gratin des mots miroirs, de passer inaperçu malgré les nombreuses dénonciations dont il a fait l’objet. C’est pourquoi je le place délibérément en queue de peloton des candidats à la réhabilitation, qu’on ne le perde pas de vue, que l’on retienne son nom et son vrai visage. J’ai nommé : l’islamophobie.

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