"Avant même les attaques contre Charlie et le supermarché cacher de la porte de Vincennes, des responsables de l’Agence juive, qui organise l’émigration vers Israël, avaient déclaré qu’ils espéraient attirer 10 000 Français en 2015 et jusqu’à 40 000 en 2017. Pour soutenir ce mouvement, un lobby parlementaire vient d’être créé à la Knesset. Et des mesures d’incitation très convaincantes ont été adoptées par le gouvernement israélien.
Les « aides à l’intégration » recensées par l’Agence juive comprennent notamment la gratuité du billet d’avion aller, un pécule payable en 6 versements mensuels, de multiples réductions douanières et fiscales, des bourses d’études, un stage de formation professionnelle, des réductions d’impôts et dispenses de déclaration pour les revenus obtenus hors d’Israël pendant dix ans. Selon le ministère israélien de l’Immigration, plus de 90 000 Français juifs sont venus s’établir en Israël depuis la naissance de l’Etat juif en 1948. On évalue aujourd’hui à 150.000 le nombre de Franco-israéliens vivant en Israël.
Les nouveaux immigrants arrivés de France se dispersent pour la plupart autour de trois pôles principaux : la cité balnéaire de Netanya, à une trentaine de kilomètres au nord de Tel Aviv, pour les retraités, en particulier les plus fortunés ; la ville côtière d’Ashdod, à mi-chemin de Tel Aviv et Gaza, pour les immigrants aux revenus plus modestes et Jérusalem, pour les religieux.
A la sortie sud de Jérusalem, face à Bethléem, la colonie urbaine de Har Homa (Jebel Abou Ghneim, pour les Palestiniens), créée en 1997, sous le premier gouvernement de Benjamin Netanyahou, est devenue l’un des lieux de résidence préférés des immigrants francophones. Har Homa abrite actuellement une dizaine de milliers d’habitants mais, selon les experts de B’Tselem et La Paix maintenant, les extensions en cours devraient pouvoir en accueillir près de 40.000 dans les prochaines années.
Malgré les incitations et aides multiples offertes aux nouveaux arrivants (Français ou non) l’adaptation à la vie en Israël, l’obstacle de la langue franchi, n’est pas toujours simple. Le pays connait une grave pénurie de logements, qui s’accroit, ces dernières années avec l’arrivée des Français. En 2014, les prix de l’immobilier ont augmenté de 4 à 10% selon les villes. Les professions libérales françaises ne sont pas reconnues en Israël et nombre de médecins, dentistes, kinés doivent passer des examens d’habilitation avant de pouvoir exercer. Certains choisissent d’ailleurs « l’émigration Boeing » en installant leur famille en Israël, en conservant une activité professionnelle en France et en faisant la navette le week-end.
L’adaptation des enfants à l’école israélienne pose aussi de sérieux problèmes.
L’Association Elem, qui aide les « jeunes dans la détresse » estime qu’à Netanya, près de 200 enfants arrivés de France qui sont sortis du système scolaire vivent en marge de la société et qu’ils seraient plusieurs centaines dans l’ensemble du pays à errer entre vagabondage et délinquance.
A cela s’ajoutent les mauvaises surprises des systèmes d’allocations familiales, de sécurité sociale et d’éducation israéliens, moins généreux que le système français. L’orthodontie, par exemple n’est pas remboursée en Israël alors qu’elle l’est en France.
« Au bout de trois ou quatre ans lorsque les aides de l’agence juive et du ministère de l’Intégration n’arrivent plus, les dettes s’accumulent, explique un Français de Jerusalem et il arrive que la question du retour se pose ». Les « déçus de l’alya » souhaitant rarement rendre leur décision publique, il n’existe pas de statistique indiscutable des retours en France. Un chiffre circule cependant avec insistance en Israël : 20 % des immigrants français reprendraient l’avion dans les cinq ans suivant leur arrivée. Une partie d’entre eux rentreraient en France. D’autres choisiraient de s’installer au Canada ou aux Etats-Unis.
« Les Français juifs qui sont inquiets pour leur sécurité feraient mieux d’émigrer au Canada, vient d’ailleurs de conseiller, dans une déclaration au Toronto Star, le rabbin Shmuel Herzfeld, responsable d’une synagogue de Washington. L’option israélienne n’est pas tellement attirante pour des gens qui ne parlent pas l’hébreu et qui n’ont pas envie de vivre dans un autre pays où le terrorisme est une inquiétude quotidienne ».
28 janvier 2015