Le dimanche 9 août 2015, après quatre longues années, trois élections ignorées et sept séries de carnaval les Gouvernements Martelly/Lamothe/Paul ont finalement accepté de réaliser les premiers tours des élections législatives. Malgré les timides tentatives de la Communauté Internationale, de convaincre du contraire, il ne fait aucun doute que ces élections ont été les plus frauduleuses de la nouvelle ère de la démocratie haïtienne.
Il n’est nullement question ici, d’énumérer les diverses irrégularités qui les ont émaillées, car certainement cet espace ne serait pas suffisant. Il ne s’agit pas non plus d’émettre des complaintes. Le combat pour la justice et pour l’égalité laisse très peu de places aux larmes et aux gémissements. L’heure n’est point aux épanchements. Nous n’avons ni le temps et encore moins le désir de nous laisser gagner par la détresse ou le découragement.
« La politique est l’activité humaine fondamentale, le moyen par lequel la conscience individuelle se met en contact avec l’univers social et naturel sous toutes ses formes » [1]. Cependant, comme pour beaucoup d’autres activités liées à l’ensemble de la société, elle a perdu toute son essence dans notre pays. Elle est devenue l’expression des appétits individuels et celle de la déchéance collective.
Haïti aujourd’hui, est caractérisée par les indicateurs de la faillite et de la pauvreté absolue. Nous sommes rongés par la faim, bouleversés par la violence aveugle des rues, dans les quartiers et dans les familles. La corruption, la drogue et la destruction accélérée de notre environnement, la laideur qui entoure nos villes, sont devenues, pour notre pays presque des traits caractéristiques. Les options qui s’ouvrent à l’horizon, pour notre jeunesse sont tout aussi maigres que désespérantes, rejoindre la pègre, s’accrocher à un « boss » ou « trouver un visa ».
Sur le plan économique, la situation est encore plus catastrophique. Les faibles ressources ont été dilapidées, soit dans des œuvres de charité sans impact sur l’économie réelle, soit pour grossir les caisses des nouveaux barons.
Pourquoi donc cet acharnement des oligarchies haïtiennes et de l’International à entretenir et à reproduire à tout prix ce modèle qui est l’expression même de l’échec ? Ce modèle qui absout sans aucune forme de procès les trafiquants de drogue et les criminels ?
La réponse à cette question doit être abordée du triple point de vue idéologique, politique et économique. D’abord il fallait (et il faut) apprivoiser ces masses populaires têtues comme des mules, dont l’irruption sur la scène politique a été mal vue par les tenants du pouvoir traditionnel.
L’international et l’oligarchie haïtienne, « comme ces chiffonniers qui fouillent sans cesse dans les tas d’ordures, ont judicieusement fouillé dans la lie la plus fétide de la nation pour en extraire » [2] une image populaire mais dépourvue de toute conscience nationale. Il faut donc la sauver, la préserver et, tenter l’impossible, c’est-à-dire l’améliorer.
D’un autre côté cette expérience a permis à un large pan de cette bourgeoisie décapitalisée, décadente et décrépie, de se refaire une santé grâce aux pots de vin, aux surfacturations, aux contrats sans appels d’offre de ce pouvoir corrompu mais grâce aussi aux largesses offertes par le trafic de stupéfiants.
Cette démarche vise également à éviter que ceux qui se sont enrichis de manière insolente et honteuse sous le regard et sur le dos de ce peuple affamé et désespéré, soient jugés et punis pour leurs forfaits. Nombreux sont ceux qui ont déjà pris la fuite avec leur fortune encaissée.
Nous voulons lancer un appel à toutes les forces progressistes et démocratiques de la nation, même à celles, surtout à celles qui ont été repêchées et qui croient avoir quelque chance dans ce soi-disant second tour.
Cette occasion leur a été offerte non pas en reconnaissance de leur mérite réel, mais dans un processus de légitimation de la percée de l’oligarchie supportée par l’International. Ce qui semblerait être de la graisse sur les pattes n’est au fait qu’une coupe de « cicuta » [3] destinée à neutraliser ceux qui l’auront acceptée. Jusqu’ici la politique de l’entonnoir a toujours bien réussi aux décideurs internationaux. Il s’agit d’attirer tout le monde vers l’entonnoir et une fois coincé dans le segment serré il ne reste plus qu’à avancer, car il n’y a plus de possibilité de retour.
Dans le meilleur des cas tout se passera comme ils le désiraient, comme ils l’avaient planifié. Dans le pire, il y aura des contestations qui mettront à mal (une nouvelle fois) les institutions, la stabilité et la vie des haïtiennes et des haïtiens. Mais qu’à cela ne tienne. Cela leur est bien égal. N’a-t-on pas entendu un ambassadeur déclarer, qu’importe si les élections sont bien ou mal faites pourvu qu’elles aient lieu.
Compagnons des forces démocratiques :
• Arrêtons cette offensive macabre.
• Dressons nous face à cette nouvelle « coalition des élites ».
• Construisons pour une fois le Rassemblement pour la défense de la Volonté populaire et pour refuser ce nouvel équilibre de l’échiquier politique construit à coups d’argent et de fraude.
• Travaillons à l’édification d’une démocratie basée d’abord sur les valeurs républicaines.
En politique toute mesure est une anticipation de la réalité et rien de bien ne peut sortir de ce à quoi nous venons d’assister.
Jean Hénold Buteau
médecin et homme politique