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Adieu Madiba

Adieu Madiba

Dans la lutte

Né dans une famille « royale » de la communauté Xhosa (Cap Oriental), Mandela fait partie d’une petite élite africaine. Il s’engage dans des études de droit dans la seule université sud-africaine qui accepte des Noirs et s’implique politiquement avec l’ANC.

En 1948, le nouveau gouvernement sud-africain institutionnalise les pratiques de discrimination qui deviennent l’apartheid. Autour de Johannesburg, le poumon du pays avec les mines où s’entassent des milliers de semi-esclaves, Mandela se retrouve à la tête de grandes manifestations. Il rallie l’opposition autour de la Charte de la liberté et de ses revendications simples et limpides : la démocratie pour tous, le droit de vote pour la majorité africaine et l’abolition des lois racistes. Par la suite, la lutte s’intensifie. La police assassine près de 70 personnes à Sharpeville (1961).

Devant cela, Mandela met en place un appareil militaire dont les actions visent les symboles du régime. Le 5 août 1962, il est arrêté par la police, avec l’appui de la CIA américaine qui estime que l’ANC est une organisation « procommuniste ». Lors de son procès, Mandela frappe l’imagination de la nation : « Toute ma vie j’ai combattu contre la domination blanche et contre la domination noire. J’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble en harmonie et avec les mêmes opportunités ». Il est condamné à la prison à perpétuité en 1964.

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Mandela et les chefs de l’ANC sont alors relégués dans une prison sur l’île de Robben Island en face de la ville du Cap. Le régime renforce l’apartheid en expulsant des millions de paysans africains de leurs terres ancestrales.

Mais en 1976, de grandes émeutes éclatent dans les « townships » (bidonvilles). À Soweto, des milliers de jeunes confrontent la police en brandissant la photo (interdite) de Mandela. Inquiet, le gouvernement offre à Mandela d’être libéré à condition qu’il accepte de devenir le « roi » du Transkei, un territoire que le régime a « cédé » aux Noirs dans le cadre du sinistre système des bantoustans. Il tient tête et reste en prison. En 1977, le Conseil de sécurité de l’ONU condamne l’apartheid et demande la libération de Mandela.

La marche vers la libération

Au début des années 1980, les grèves paralysent le pays qui devient ingouvernable sous la conduite d’une nouvelle génération de syndicalistes et de leaders communautaires et religieux.

Le Mozambique, l’Angola, le Zimbabwe maintenant indépendants abritent l’aile militaire de l’ANC qui réussit quelques opérations spectaculaires. Dans le monde, un vaste mouvement anti-apartheid dénonce la complicité des puissances occidentales. Désespéré, l’apartheid tente de régionaliser la guerre. Même là, le vent tourne, notamment lorsque l’armée angolaise avec l’aide de Cuba inflige à l’armée sud-africaine une sérieuse défaite en 1988.

Devant ces reculs, la partie « réaliste » du régime encouragée par la communauté des affaires décide de négocier. Encore une fois, on offre à Mandela la liberté, en autant qu’il dénonce la lutte armée et qu’il laisse tomber l’idée de démanteler l’apartheid. Mais le vieux chef tient tête.

Le dos au mur, le régime cède et le 11 février 1990, Mandela est libre. Une foule innombrable l’acclame au Cap dans les pleurs et la joie. Dans le monde des millions de personnes voient l’impensable. L’apartheid est officiellement aboli par le gouvernement blanc. Une page est tournée.

La transition

Sans concéder sur les principes, Mandela négocie en affirmant que la lutte armée, c’est fini. Il encourage la communauté internationale à appuyer une transition pacifique devant mener à une réelle démocratie, et non à un simulacre de partage de pouvoir comme le proposent le régime. Malgré les tueries commises par des policiers et des miliciens d’extrême droite, le processus de négociation tient bon et mène aux élections du 27 avril 1994 aisément remportées par l’ANC.

Nouveau président, Mandela joue la carte de la modération. Il accepte de laisser tomber la nationalisation de grands conglomérats industriels et miniers et la redistribution des terres (que promettait l’ANC). Sous la pression du FMI, il maintient la pléthorique fonction publique blanche et s’engage à rembourser la dette accumulée par le régime de l’apartheid. Ces reculs lui créent des problèmes, y compris avec son épouse Winnie Mandela (le couple divorce en 1996). Il accepte également d’accorder l’impunité aux responsables des crimes commis à l’époque de l’apartheid, même si la Commission de la vérité et de la réconciliation révèle l’ampleur des violations.

Trois ans plus tard, il cède le pouvoir à son proche collaborateur Thabo Mbeki.

Le père de la nation

Mandela a ramené la paix en payant un coût élevé. Il quitte la présidence (1997) en laissant une situation politique stable. Mais le « grand compromis » empêche une reconstruction économique équitable. La pauvreté persiste, en dépit de réformes qui permettent l’amélioration des conditions de vie dans les townships. Une nouvelle classe moyenne noire profite du démantèlement des institutions racistes pour accéder à des postes de responsabilité dans le secteur public et privé.

Réalité triste et persistante, l’Afrique du Sud postapartheid demeure le pays où les inégalités sociales sont les plus élevées au monde.

Loin du pouvoir et libre de ses dires, Mandela s’indigne. Il dénonce la crise du SIDA (1000 victimes par jour) qui lui semble le résultat de la malgestion par le gouvernement Mbeki. Il parcourt le monde pour dénoncer l’injustice et l’ostracisme dont sont victimes des États malaimés des grandes puissances comme la Libye et Cuba. Face aux États-Unis qui ont appuyé l’apartheid pendant longtemps, Mandela se fait conciliant, même s’il s’oppose au président Bush à propos de l’invasion de l’Irak (2003).

Ubuntu

En 2004, Mandela qui a 85 ans annonce son retrait de la vie politique. Cette retraite est plutôt théorique. Il s’active pour faire pression sur le président du Zimbabwe, Robert Mugabe qui mène son pays à la ruine. Il se manifeste fortement contre la répression israélienne dans les territoires occupés et réitère son appui à la cause palestinienne.

Face aux enjeux sud-africains, il préconise la philosophie de l’Ubuntu, une sorte d’humanisme africain qu’il amalgame à la pensée de Gandhi pour construire le rêve d’une nouvelle nation « arc-en-ciel ». Lors des élections de 2009, il appuie le candidat de l’ANC Jacob Zuma, quoiqu’avec certaines réticences par rapport aux histoires de corruption qui lui sont associées. Il rappelle la nécessité de continuer la lutte contre la pauvreté et le SIDA pour la « construction d’une société unie et non-raciale ».

L’histoire continue

Depuis quelques mois, Madiba est entré dans sa dernière station. Relativement serein et tant aimé par des millions de gens, il part en paix. Néanmoins en Afrique du Sud et ailleurs, la tristesse est sincère.

Il n’y aura pas un autre Mandela. Il a été l’homme d’une cause, mais quelle cause ! Il s’est tenu droit. Il a dit non à la capitulation et au racisme, et en même temps, il a dit oui à l’unité et à la démocratie. Il n’a pas tout réussi, mais ce qu’il n’a pas fait sera moins retenu par l’histoire que ce qu’il a fait. Dans cette Afrique du Sud encore meurtrie, la flamme de la résistance brille toujours.

Des nouveaux contingents de jeunes s’organisent contre le « néo-apartheid » qui marginalise la grande majorité des Noirs. Le nom de Mandela reste dans le cœur de tous et chacun.

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Islamophobie. Comment les élites françaises construisent le "problème musulman"
A. Hajjat et M. Mohammed
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« Le fait de se définir Blanc ne s’est pas construit à travers des séances d’œnologie ou de dégustations de glaces entre amis, mais sur le saccage de la vie, de la liberté, du travail et des terres ; sur la lacération des dos ; l’enchaînement des membres ; l’étranglement des dissidents ; la destruction des familles ; le viol des mères ; la vente des enfants ; et tant d’autres actions destinées avant tout à nous refuser à toi et moi le droit de protéger et de disposer de nos propres corps. »

Ta-Nehisi Coates

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