RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

A propos d’un autre otage

En décembre 2006, nous avions décidé, ma femme et moi, de revoir le musée d’art moderne de Céret. Proportionnellement à sa population (environ 7000 habitants), Céret abrite certainement le musée le plus riche de France, avec ses Picasso, Soutine, Braque, Miro, Chagall, Matisse etc. A partir de 1905, ces artistes, pour beaucoup étrangers sans problèmes d’ADN, se sont installés dans cette petite ville des Pyrénées-Orientales et s’y sont plu. Ils lui ont légué un grand nombre d’oeuvres impérissables. Je recommande en particulier une époustouflante série tauromachique de Picasso sur assiettes en terre cuite.

Avant de me rendre au musée, je me plongeai, comme je le fais systématiquement lorsque je séjourne dans une ville que je ne connais pas ou peu, dans la lecture de la presse locale, en l’occurrence L’indépendant de Perpignan. J’eus l’occasion de vérifier que tous les quotidiens provinciaux de France sont interchangeables, avec la même proportion de chiens écrasés, de remises de médailles aux valeureux pompiers et de goûters dans les maisons de retraite, honorés par les édiles du cru. Mais pour relativement indigente qu’elle puisse être, la lecture - même cursive - de cette presse permet de se mettre dans le bain, de devenir en quelque sorte un indigène dans son propre pays.

Je tombai sur une nouvelle qui m’avait complètement échappé : un natif des Pyrénées-Orientales venait d’être libéré par ses ravisseurs vénézuéliens, après une détention d’un an. Je ne suis pas l’information minute par minute, mais tout de même ! Je n’avais jamais entendu parler de cette histoire dramatique. En décembre 2006, trois affaires d’otage faisaient l’objet d’une couverture médiatique régulière : celle d’Ingrid Betancourt, celle de Florence Aubenas, journaliste libérée après une campagne nationale politico-médiatique d’une ampleur sans précédent, et celle de Guy-André Kieffer, journaliste franco-canadien, peut-être assassiné par un commando proche de la Présidence de la République ivoirienne alors qu’il enquêtait sur des malversations dans la filière du cacao.

Pourquoi le malheureux Christophe Beck avait-il été ainsi condamné à une discrétion aussi remarquable ? Au lieu d’être journaliste ou homme politique, le pauvre homme n’était qu’éleveur de bovins. A la cinquantaine, il s’était expatrié et avait monté une hacienda à la force du poignet. Après neuf ans de labeur, il avait été enlevé par des ravisseurs qui avaient fort bien évalué le montant de sa rançon (40000 euros) : ils le ruinaient, mais sa famille et lui pouvaient payer.

Sa captivité avait été très pénible : pendant sept mois, il avait vécu relié à un arbre par une chaîne de quatre mètres, sans pouvoir s’abriter du soleil ni se protéger des scorpions et autres bestioles malfaisantes. Il ne connaissait personnellement ni Serge July ni Philippe Douste-Blazy. Le ministère des Affaires Étrangères prétendit se mobiliser pleinement pour aider la famille. Il demanda en retour aux proches de Beck d’observer la plus grande discrétion. Et il ne fit rien. La famille fut reçue une seule fois au Quai d’Orsay par un fonctionnaire qui ne connaissait pas le dossier. Un psychiatre du ministère (ô Kafka !) se rendit à Perpignan pour décréter que les proches de Beck n’étaient pas fous. Jamais le ministère n’aida matériellement la famille.

Lorsque Beck fut libéré, sous l’égide de l’ambassade, le ministère suggéra de nouveau la discrétion. Quand son avion atterrit à Perpignan, il n’y avait pas un seul officiel, pas même le chien de Chirac, pour l’accueillir.

URL de cet article 6885
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Auteur
Philippe Bordas. Forcenés. Paris, Fayard 2008.
Bernard GENSANE
Ce très beau livre, qui montre à quel point le cyclisme relève du génie populaire et comment il a pu devenir une « province naturelle de la littérature française », me donne l’occasion d’évoquer des ouvrages qui m’ont, ces dernières années, aidé à réfléchir sur la pratique du vélo, sur le cyclisme professionnel et la place du sport dans notre société. Ce n’est pas l’argent qui pourrit le sport (l’argent, en soi, n’est rien), c’est le sport qui pourrit l’argent. La première étape du premier Tour de France en 1903 (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Ce n’est pas nous qui aidons Cuba mais Cuba qui nous aide. A comprendre, à rêver, à espérer, à tout ce que vous voulez. Nous, nous ne sommes que solidaires.

Viktor Dedaj

Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.