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Comment gagner 32 minutes entre Pau et Bordeaux,

A’liénor, mon amour d’un soir

Je rêvais d’une autoroute bien à moi, pour moi tout seul, et je sais gré aux élus socialistes et de droite d’Aquitaine, d’avoir exaucé mon rêve.
Hier soir, j’ai emprunté "la nouvelle autoroute" A65 de Pau à Langon, 150 kms pour le tarif modique de 23,20 euros l’aller... et autant le retour.

La moins chère de France pour les automobilistes, celle qu’ils chérissent le moins. J’ai pu zigzaguer à mon aise, ne rencontrant qu’une dizaine d’intrus à moteur et des campeurs sur les bandes d’arrêt d’urgence Je n’aurais jamais cru que cela serait aussi jouissif que de fendre le vent avec ce sentiment aristo de solitude parfaite. Quand on a du blé, que l’on est fonctionnaire, le capitalisme a du bon. Il se fout du "public", mais il rend toujours service aux affaires.

Toutes les études préalables avaient démontré la non-rentabilité, l’irresponsabilité de ce projet pharaonique : A65. Qu’importe ! Ils la voulaient leur autoroute les "décideurs", rentable ou pas. Qu’importe ! c’est toujours rentable que d’arroser le BTP . On a construit 160 « ouvrages d’art », dans la plus pure esthétique autoroutière et 15 viaducs, à faire pâlir d’envie ceux qui critiquent le coût des nouveaux stades brésiliens. On a creusé, bétonné, asphalté, pour 1,5 milliards, sans se soucier si cela répondait ou non aux besoins réels. Qu’importe ! Cela répond aux besoins du lobby du BTP, donc du pays.

Inaugurée en décembre 2010, deux ans plus tard, la belle autoroutière concessionnaire, le consortium A’liénor, du nom de la duchesse d’Aquitaine, a déjà déclaré pour 2012 un résultat net négatif de 35,1 millions d’euros. Une broutille. On dit que la cour d’Aliénor, devenue reine, était fastueuse. Aujourd’hui comme hier, on ne badine pas avec les fastes du capital, avec les GTSI (grands travaux socialement inutiles). Les élus du bipartisme consensuèrent, béarnisèrent, aquitainisèrent, en rond pour avoir enfin leur autoroute, et gagner 32 minutes entre Pau et Bordeaux, avec le bon vouloir des rocades. 32 minutes : toute une vie.

La belle A’liénor, détenue à 65% par le géant Eiffage, est concessionnaire pour 55 ans de ce grand corps ruineux.

Le trafic quotidien y est inférieur de 2000 véhicules aux prévisions, et le danger de faillite guette. Mais silence politique et médiatique à bord, comme au bon vieux temps du tunnel du Somport. Mensonge et opacité. Laissons la transparence aux miroirs. A’liénor pourra toujours actionner la clause scélérate dite "de déchéance" (amis de la poésie...) signée contractuellement et fort discrètement pour aliéner le contribuable, faire payer la dette à l’Etat, la région, le département, c’est-à-dire à moi et à toi.

Mais j’ai déjà payé 23,20 euros pour une croisière quasi solitaire de 150 kms ! Alors non, pas moi ! Pour une fois que je me suis pris pour un bourge... M’aurais-tu trompé A’liénor ?

Quant aux dégâts et atteintes irréparables à la biodiversité, adressez-vous à "Grenelle" si vous n’êtes pas contents. Bonne fille, A’liénor protège la nature après l’avoir balafrée. Elle applique, paraît-il scrupuleusement, les mesures compensatoires exigées pour respecter l’environnement.

Là, il ne faudrait pas nous prendre pour les derniers des ploucs !

A’liénor met en place des "corridors pour chauves-souris", si si, je ne blague pas, comme jadis les massacreurs de la vallée d’Aspe installèrent des passerelles pour les derniers ours béarnais, bien de chez nous. Le ridicule ne tue jamais les assoiffés de profits.

Après avoir détruit les habitats de 16 espèces menacées, comme les écrevisses à pattes blanches, le vison d’Europe et la loutre d’Europe, les prédateurs "réparent" quelques centaines d’hectares le long du trajet, soignent les écrevisses, cajolent les loutres, financent la chirurgie réparatoire. De fastueuses obsèques.

Jean Ortiz

Pau

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