RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher
Auteur : Rosa LLORENS

El Presidente ou la démocratie à huis clos

Rosa LLORENS
Qu'arrive-t-il donc aux réalisateurs qu'on tenait pour des valeurs sûres ? Raoul Peck, auteur de l'anti-colonialiste Lumumba en 2000, plus récemment de I am not your Negro, réflexion sur le racisme consubstantiel aux Etats-Unis, a commis un Jeune Karl Marx, sorti cet automne, où notre Charly forme avec Jenny sa femme (parité oblige !) et Freddy (Friedrich Engels) un trio de joyeux lurons dont le slogan est "Je triompherai et [accessoirement] je changerai le monde". On y apprend essentiellement que Marx prenait à son petit déjeuner, non pas du café, mais de la soupe à l'oignon, soupe qui est devenue la tarte à la crème des critiques, s'extasiant sur l'exactitude de la reconstitution historique. Le Palestinien Hany abu-Assad (Paradise Now, Omar), après avoir réalisé pour le Qatar et autres émirats pétroliers un consensuel et hollywoodien Chanteur de Gaza (2015), est passé avec armes et bagages à Hollywood pour tourner avec Kate Winslet un film d'amour et de montagne (La montagne (…) Lire la suite »

Ce que les Catalans doivent à Cuba et à Fidel Castro

Rosa LLORENS
Selon Eric Hobsbaum, le "court XXe siècle" commence en 1917 et s'achève en 1989 : on pourrait avancer cette dernière date jusqu'au 25 novembre 2016, presque un siècle après le début de l'Age des Révolutions. Fidel Castro est le dernier géant de cet âge des Révolutions : sa mort révèle toute sa stature et réduit à l'insignifiance les gesticulations des pantins qui s'agitent ici sous nos yeux. Fidel a dirigé une petite île, mais sa mort est un événement mondial, qui touche tous les peuples d'Amérique, d'Afrique, et même notre provinciale Europe : elle me touche tout particulièrement en tant que Catalane, car, depuis le début du XIXe siècle, Cuba a marqué la culture, la physionomie et l'histoire de la Catalogne. Les havaneres, chants que les marins catalans rapportaient chez eux, sont toujours un élément indispensable des fêtes de village et de quartier de la Catalogne occidentale, jusqu'à Barcelone. Et les plus petites villes catalanes possèdent leurs maisons "modernistes" (…) Lire la suite »
Cinéma

Ici, les aubes sont calmes : un film d’actualité sur la Deuxième Guerre mondiale

Rosa LLORENS

Que peut-­on faire quand on est cinq filles jeunes et dynamiques ? Chahuter avec les garçons, aller voir un match de foot, revendiquer contre des parents grincheux son droit à s’éclater par tous les bouts, dans un film franco­turc, Mustang. S’engager dans l’armée, suivre une formation comme spécialiste de DCA, se battre pour sauver sa patrie de la barbarie nazie, dans le film de Renat Davletiarov, Ici, les aubes sont calmes.

Le Festival de cinéma russe qui se déroule au cinéma Arlequin, jusqu'au 17 novembre, montre décidément qu'il y a un abîme entre les regards occidental et russe. Les héroïnes d'Ici, les aubes..., lorsqu'elles arrivent dans le village où elles seront responsables d'une batterie de DCA, sont déjà marquées par la guerre, par le massacre de leur famille ou la mort sur le front de leurs maris ou fiancés et ont mis entre parenthèses leur vie personnelle : elles devront se battre pour le droit à l'existence, la leur et celle de la patrie russe, indissociablement liées : l'invasion nazie en URSS a fait plus de 30 millions de morts (chiffre hallucinant), majoritairement chez les civils. Leur mission, tranquille a priori (elles se trouvent à l'arrière du front), va se transformer en une course­-poursuite haletante au milieu des forêts et des marais de Carélie, lorsque l'une d'elles découvre qu'un commando de soldats d'élite allemands, des « surhommes », ont été infiltrés pour faire sauter (…) Lire la suite »

Sous-sols : U. Seidl nous enferme à la cave (avec notre consentement).

Rosa LLORENS

Après deux films de fiction sur le tourisme sexuel au féminin et l’intégrisme catholique, Seidl interroge cette fois les désirs inavouables dans un documentaire, d’une froideur entomologiste accrue.

La comparaison animalière s'impose dès la première séquence, où un cobaye et un boa s'observent dans un terrarium, sous les yeux d'une femme immobile.Le cobaye s'enhardit, s'approche pour jouer avec le boa, mais celui-ci, d'une détente, le happe. C'est de l'humour noir, pour nous annoncer, (ou s'en excuser), qu'il va faire de même avec les gens qui lui ont confié leurs fantasmes : la caméra va impitoyablement les happer ; mais le spectateur aussi est partie prenante dans ce jeu de voyeurs, représenté par la femme propriétaire du reptile. Inutile donc d'accuser Seidl, comme le fait un critique, d'avoir dans sa propre cave des fantasmes encore plus inavouables que ceux de ses « héros » : c'est lui-même qui nous encourage à réfléchir sur les personnages, sur le cinéaste, et sur nous-mêmes. Mais le film, bien sûr, ne nous donne d'éléments de réponse que sur les hommes et femmes interviewés : comme le cobaye, il semble qu'ils aient envie de jouer avec le cinéaste et, à travers lui, de (…) Lire la suite »

Much loved : qui sont les hypocrites ?

Rosa LLORENS

La cause semble entendue : Nabil Ayouch est un cinéaste courageux, qui a fait un film magnifique, qui brise les tabous, ce qui lui attire la haine des fanatiques. Une avalanche de critiques dégoulinantes de beaux sentiments et nobles principes s’est ainsi déversée sur Much loved.

A lui seul, Télérama nous offre un florilège de clichés : les quatre héroïnes prostituées sont seules contre tous, « les flics corrompus, et bien sûr, les clients, tartuffes, prédateurs et frustrés imprévisibles » ; « dans une société qui réprime la pulsion, condamne le désir », elles « doivent, ici plus qu'ailleurs, payer le prix fort du mépris et de l'hypocrisie. » Ayouch et son actrice principale ont reçu des menaces de mort : « Leur crime ? Avoir osé donné chair à un tabou ». Le mot est lâché, on ne peut qu'applaudir ou se taire. Il revient d'ailleurs dans L'Express, dans un article intitulé : « Much loved, un film sous la menace : « Nabil Ayouch brise un tabou dans ce pays et se retrouve victime d'une fatwa ». C'est le nouveau Salman Rushdie, menacé par une nouvelle génération d'ayatollahs – sunnites. Mais L'Express n'a peur de rien (en tout cas pas du ridicule) et il continue : Ayouch est aussi un Zola consciencieux et avide de savoir, qui a mené une enquête de deux ans (…) Lire la suite »
La politique des USA au Soudan : le pétrole et les intérêts d’Israël

“ Nous venons en amis ” : le cauchemar du Soudan du Sud.

Rosa LLORENS

Après Le Cauchemar de Darwin en 2006, Hubert Sauper continue son voyage autour du Nil blanc : de Tanzanie (où se trouve le fameux Lac Victoria sinistré par l’élevage des perches du Nil), il passe, un peu plus au Nord, au Soudan du Sud, pour poursuivre sa dénonciation des effets meurtriers de la mondialisation.

Hubert Sauper est aujourd'hui une référence en matière de documentaires (et l'on pourrait être fiers que, comme Peter Handke, il ait choisi la France pour y vivre), aussi les critiques sont-elles en général positives. Une note discordante, toutefois, celle de Vincent Malausa qui nous assène "5 raisons de fuir cette supercherie" ! On se demande quelle corde sensible du trio infernal propriétaire de L'Obs (Bergé-Niel-Pigasse) ce film a pu toucher... Cependant, d'autres critiques, apparemment positifs, cherchent à désamorcer le film en restant dans des généralités humanistes, déplorant les crimes sans nommer les coupables : ainsi, abusdeciné conclut qu'une fois de plus on voit "que notre monde ne tourne pas rond". Ou bien, si on est parfois plus précis, on ne nomme qu'un des coupables ; L'Obs accuse Sauper de tout mettre sur le même plan : "le témoignage cynique d'un Chinois, la parole humiliée d'un chef de village victime d'une entreprise de spoliation ou le grognement d'un chien (…) Lire la suite »

Youth ou : Toute l’Europe n’est qu’un Spa pour pays retraités de l’Histoire.

Rosa LLORENS
"Sorrentino est vulgaire, il est arrogant" : ces critiques (qui sont celles par exemple de Jacques Mandelbaum, dans Le Monde), Sorrentino s'en moque en les faisant répéter par son héros porte-parole, le chef d'orchestre retraité, mais au faîte de sa gloire, Fred Ballinger. Et quand bien même elles seraient justifiées, qu'est-ce que ça peut faire ? "Il n'y a que les émotions qui comptent", dit l'ami et complice de Fred, le vieux cinéaste Mick Boyle, – et le plaisir qu'elles procurent, pourrait-on ajouter. Le cinéma de Sorrentino est un cinéma-plaisir. Pourquoi le bouder, alors que les écrans sont pleins de films vulgaires, prétentieux, et, en plus ennuyeux, comme Cemetery of Splendour ? Les critiques doivent se mordre les doigts de n'avoir pas, en son temps, reconnu dans Oncle Boonmie un chef-d’œuvre ; aussi en remettent-ils des couches pour Cemetery, s'extasiant même sur la métaphore des soldats endormis qui, selon eux, traduit la colère de Weerasethakul contre le régime (…) Lire la suite »

La Isla mínima inaugure un nouveau genre : le film-Podemos.

Rosa LLORENS
Le film d'Alberto Rodriguez est bien parti au box office, dépassant fin juillet les 150000 entrées ; et fin août encore, la salle où je l'ai vu était pleine, ce qui est remarquable pour un film espagnol portant une signature presque inconnue en France. On peut se féliciter de cette dynamique : La Isla mínima est un bon film, et un bon spectacle, et il était temps de tourner la page du cinéma de papa, le cinéma-Almodovar. Mais on peut se demander, comme le blog La Passeur critique, ce qu'il en est vraiment de ce film, coqueluche de la critique officielle, "vendu chez nous comme "le thriller phénomène du cinéma espagnol"" (il a trusté aux Goya, les César espagnols, 10 récompenses) : est-ce bien un film exceptionnel ? Le choix du paysage est certes bluffant, mais il souligne les faiblesses du "buddy movie" (les relations entre deux flics que tout oppose), ainsi que de l'analyse sociale. On ne s'attendait pas à ce paysage : les rizières du delta du Guadalquivir. Les auteurs du (…) Lire la suite »

Dheepan en salle : oui, c’est bien un film "dégueulasse".

Rosa LLORENS
Marianne a une section "Dégonflons les baudruches", qui, peut-être, ne s'en prend qu'aux têtes de Turc du politiquement correct. Une baudruche qu'il serait, en tout cas, d'utilité publique de dégonfler, c'est Jacques Audiard. Du reste, au moment où le pathétique Festival de Cannes sacre Audiard, les critiques, eux, semblent mettre la pédale douce : Dheepan n'est pas son film le plus réussi, on semble d'accord là-dessus, et même dans les critiques positives, on sent des réserves, voire de la gêne. Mais il faut aller plus loin et parler clair, comme le fait Critikat, dans deux articles aussi nets que pertinents : "Racaille" de Raphaëlle Pireyre et "C'était quoi, ce "dégueulasse" ?" d'Arnaud Hée, qui reprend sa chronique sur le Festival de Cannes, où il qualifiait Dheepan de "dégueulasse" et parlait de "l'imaginaire -l'idéologie ? - nauséabond" d'Audiard. Je me contenterai donc de prolonger ces deux articles en développant le sujet : En quoi Dheepan est-il un film dégueulasse ? (…) Lire la suite »

La Nuit de Walenhammes d’Alexis Jenni ou le Nord comme métaphore.

Rosa LLORENS
En parcourant le rayon nouveautés d'une grande enseigne, je suis tombée sur l'événement de la rentrée (bien que le roman soit sorti, à petit bruit sans doute, en mai) : La Nuit de Walenhammes. On est loin de la précédente rentrée, où commençait la promotion du sinistre Soumission, finalement sorti en janvier, le jour même de l'attentat Charlie ! Souhaitons-nous donc une année Walenhammes plutôt qu'une autre année Soumission. Le parallèle entre Houellebecq et Jenni a déjà été fait : tous deux font passer dans leurs romans des analyses lucides et pessimistes de notre société. Mais là où le premier les fait dériver vers des "solutions" catastrophiques (le transhumanisme pour les Particules, l'union sacrée contre l'Islam façon Bat Ye'or dans Soumission), Jenni, lui, désigne les vrais responsables des problèmes soulevés : dans le racisme anti-musulman et anti-arabe, agit toujours la peste colonialiste, aggravée par le caractère fasciste de la guerre contre l'Algérie (c'était l'idée de (…) Lire la suite »