Quand les politiques s’opposeront aux financiers

Les liens qui existent entre le pouvoir politique et le pouvoir financier sont nombreux : dans chaque grande banque les énarques ont leur place, et les allers et retours entre le « public » et le « privé » sont devenus monnaie courante, à tel point qu’on leur a donné un nom : le pantouflage. Ces liens sont connus et forment aujourd’hui une véritable alliance malsaine et parfois illégale, comme nous le prouvent le grand nombre d‘affaires « politico-financières » dont on nous accable régulièrement.

Mais cette alliance va à l’encontre des principes du système capitaliste et s’apparente à de la corruption : elle en est à la fois la cause et la conséquence, car elle crée les conditions d’un conflit entre l’intérêt général prétendument défendu par le politique et son intérêt particulier – que lui confère sa proximité avec le monde de l’entreprise (c’est d’ailleurs bien à cela que servent les lobbies qui font les lois à Bruxelles)

Au départ, cette alliance s’est opérée par la nécessité pour les pays riches de voir perdurer leur prédominance économique sur le reste du monde et éviter, ou retarder l’émergence inévitable de ceux qu’on appelait il y a encore peu les pays « sous-développés », « en développement » puis « émergents », et pour certains déjà « émergés ». N’étant pas en mesure de s’aligner sur la compétitivité de ces derniers, les pays riches ont par cette alliance créé une communauté d’intérêts dans laquelle les riches obtiennent le pouvoir politique en offrant aux politiques une part de leur richesse : ils obtiennent ainsi le droit de modifier les Lois à leur avantage, tandis que les autres en bénéficient eux-mêmes en tant que riches. Ensemble ils modifient les règles de concurrence libre et non faussée pour en changer non pas la lettre mais leur esprit : à force de subventions, de règles particulières ou la création d’espaces « offshore », ils ont permis la conservation ou l’augmentation du niveau de vie de leurs populations tout en créant par la spéculation et le crédit une bulle financière scandaleusement explosive, si bien qu’aujourd’hui la totalité des avoirs représente je ne sais même plus combien de fois le PIB de la planète – nous vivons certes à crédit, assis sur du vent, mais notre pouvoir d’achat est toujours le plus élevé.

Et c’est bien ce que traduit le décalage entre l’économie réelle et les cours de la bourse : le chômage augmente partout, tandis que les grosses multinationales engrangent toujours plus de profits. Ce décalage provient de la corruption des règles « pures » du marché par le conflit d’intérêts que constitue l’alliance des pouvoirs politique et financier (aujourd’hui la concurrence n’est pas libre et elle est faussée), et conduit inévitablement à l’émergence d’une crise dont nous subissons actuellement les effets. Et ce n’est rien à côté de ce qui nous attend.

Car le fait est que cette alliance, en plus d’être immorale et même parfois illégale (le conflit d’intérêts est un délit), est contre nature (si toutefois on peut parler de la « nature » du capitalisme). Et c’est dans la résolution de cette crise que l’on constate à chaque fois, dans cette Histoire qui se répète (l’âme humaine semble d’ailleurs n’avoir à cette occasion pas subi les conséquences du conditionnement dont elle est pourtant assaillie), une rupture de la communauté d’intérêts qui finit par dégénérer nécessairement : quand les riches demandent plus de dérégulation le pouvoir politique se met le peuple à dos, et quand le peuple réclame plus de régulation ce sont les riches qui menacent de sanctions…

Les politiques se retrouvent donc coincés entre deux feux sans réussir jamais à contenter ni l’un ni l’autre, si bien qu’avec la perpétuation de cet « entre-deux » la situation continue de se dégrader jusqu’à un point de non-retour, point que nous avons déjà dépassé. Aujourd’hui nous en sommes au « sauve-qui-peut », et que l’on régule ou qu’on dérégule ne changera plus rien à l’affaire.

S’ensuivra une explosion finale qui seule permettra d’établir les bases d’un nouveau système, qu’il soit capitaliste ou pas : les riches réclameront un nouveau Bretton Woods, les politiques tenteront de nous vendre une bonne vieille dictature (à la Orwell ou à la Huxley), et les pauvres rêveront de la démocratie – encore.

Ce n’est qu’à l’occasion de cette explosion que les partisans de la démocratie auront une chance de se faire entendre, lorsque les tensions entre les deux « frères ennemis » de la politique et de la finance seront les plus fortes qu’ils pourront se faire une place dans l’opinion. Et de ces trois options une seule l’emportera. Elle sera à l’origine de l’établissement d’une nouvelle société, d’un futur système dont les règles domineront le monde jusqu’à la fois suivante. Il faudra alors être prêts. Car ce moment approche.

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr

COMMENTAIRES  

10/08/2013 14:32 par Al Damir

Il ne faut pas se leurrer et croire à des chimère, car c’est bien les financiers qui placent les hommes politique en place dans les centres de décision, en étant aidé par les médias qui sont aux ordres puisque appartenant à ces multinationales et groupes financiers pour manipuler l’opinion publique et tromper tous les citoyens. Donc les ne peuvent en aucun cas s’opposer aux financiers. Les conditions d’éligibilité de tout candidat doivent t être revues totalement, de sorte que les citoyens puissent s’assurer en toute quiétude de leur attaches réelles et surtout aussi s’ils ne sont pas membres d’organismes étrangers de toute nature. Les membres des partis politique de la Gauche et de la droite dont le nombre tourne autour de 200 000 membres chacun ne reflètent pas la composition véritable de la population et ont perdu toute crédibilité, en raison de leur gestion et la politique du pays qui s’apparentent à ceux des milieux financiers dont ils reçoivent les directives.

11/08/2013 02:22 par ADSkippy

Quand les politiques s’opposeront aux financiers ?
Moi je sais monsieur. Quand les poules auront des dents.
Ou, plus réaliste et probable ; quand on les auras tous envoyés dans la grande poubelle de l’Histoire, avec la chute du capitalisme.

11/08/2013 18:16 par Dwaabala

Aux début de la Ve République, la politique ne se faisait pas à la corbeille, selon le mot du général, pour la bonne raison que la finance ne jouait pas encore le rôle purement spéculatif qu’elle a aujourd’hui.
Si je fais erreur un historien corrigera.
Il n’empêche qu’alors les postes ministériels s’échangeaient en nombre et réciproquement avec les postes de direction des grandes entreprises, ce qu’on appelait les monopoles, les multinationales du privé.

11/08/2013 19:13 par Michel Rolland

Bonsoir Caleb,

Comme toujours je suis d’accord dans l’ensemble avec vos constats, mais je trouve que vous édulcorez quelque peu la réalité. Vous ménagez des gens qui ne méritent que le mépris. Je suis assez d’accord avec les commentaires d’Al Damir et ADSkippy. Il m’apparaît évident qu’il n’y a pas d’alliance entre les politiques et les financiers. Il y a plutôt subordination des politiques aux financiers. La réalité est que la bourgeoisie capitaliste n’a qu’une idée : faire du fric ; et elle en a tant fait au cours des dernières décennies qu’elle a pu prendre le contrôle de tous les médias, donc de la pensée de tous ceux qui les lisent, écoutent ou regardent assidûment. Les partis politiques dépendant de la visibilité de leurs candidats pour se faire élire sont devenus le jouet du capital. La bourgeoisie capitaliste a tué la démocratie... ou ce qui en restait. Le parti au pouvoir et les partis d’oppositions sont ceux que la dictature médiatique a choisis. Conséquemment, les gouvernements sont tombés sous son contrôle. Ils sont, pouvoir et opposition réunis une oligarchie au service du capital.

La preuve est faite que le système capitaliste ne favorise que les riches au détriment du reste de la société. Seule la guerre sans merci contre la bourgeoisie capitaliste et, en bout de ligne, un régime socialiste, vraiment socialiste, reposant sur autre chose que le suffrage universel comme vous le défendez vous-même, redonneront ses droits à la majorité.

Michel

11/08/2013 22:53 par Caleb Irri

Bonjour,

je vous remercie pour vos commentaires, et j’entends bien vos réserves : effectivement les politiciens sont sous la domination des financiers : en tous cas pour l’instant. Car toute domination qui s’exprime est un lien qui se crée inévitablement, et peut à tout instant se retourner : comme les maîtres commandent aux esclaves, jusqu’à ce que l’esclave détienne la vie même de son maître entre ses mains : s’il part ou décède, le maître s’apercevrait alors qu’il n’est plus rien.

C’est un peu le même principe avec la relation de dépendance entre les politiques et les financiers : les politiques ont beaucoup fait pour les financiers, tant même qu’ils ont parfois une seule tête pour deux casquettes. Et tous les deux se trouvent désormais liés : sans les politiques accommodantes les financiers prendront leurs pertes, sans les financiers les politiques ne seront pas réélus. Mais si même ainsi les politiques ne sont plus réélus, quel intérêt auront-ils alors à continuer de les protéger ?

Ne manquerait plus qu’à cet instant le peuple s’aperçoive que ce n’est pas lui qui a besoin et des financiers et des politiques mais bien le contraire, et la domination changerait de sens presque instantanément !

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