Nord Stream, ce sont les Ukrainiens qui l’ont fait. Et voici qui en a profité

Mais qui l'aurait cru ? Qui aurait pu imaginer que l'Ukraine pouvait être à l'origine de l'attentat qui a fait exploser les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2 dans la mer Baltique, près de l'île danoise de Bornholm, le 26 septembre 2022 ? Les porte-drapeaux de l'"information de qualité" ne nous avaient-ils pas expliqué qu'il s'agissait de la Russie ? D'autre part, vous savez, tous les pays, dès qu'ils entrent en guerre, font sauter leurs infrastructures les plus importantes (Gazprom détient 51% des parts), les plus rentables et les plus sensibles politiquement. C'est bien connu, c'est comme ça que ça se passe.

Aujourd’hui, après deux ans d’enquêtes ridicules, de faux-fuyants, d’absurdités gratuites, l’État allemand émasculé, par l’intermédiaire de son système judiciaire, lance un mandat d’arrêt. Il s’agit d’un Ukrainien : Volodymyr Zhuravlov, un instructeur de plongée qui aurait coordonné les opérations d’une petite équipe de saboteurs. Manifestement, les Allemands ont agi à la manière du chancelier Scholz, déjà traité de "saucisse de foie" par l’ambassadeur ukrainien : Zhuravlov résidait en Pologne et, entre l’annonce de la justice allemande (le mandat d’arrêt a été émis en juin) et la bienveillance des autorités polonaises, il a pu rejoindre la mère patrie sans encombre. Deux autres personnes, un homme et une femme, sont soupçonnées d’avoir participé à l’attentat, mais aucun mandat n’a été officialisé par l’Allemagne.

Il existe également plusieurs photos de Zhuravlov. L’une d’entre elles aurait été prise par un radar sur l’île de Ruegen, en Allemagne, alors qu’il conduisait une camionnette dans laquelle il transportait le matériel pour la plongée décisive. À l’endroit de la mer Baltique où il devait placer les explosifs, le plongeur ukrainien serait arrivé à bord d’un voilier, l’Andromeda, qu’il avait affrété dans le port de Rostock. À bord, les enquêteurs allemands auraient trouvé des traces d’un explosif efficace sous l’eau.

Ainsi, le pays qui "se bat pour nous", à savoir l’Ukraine, n’a pas hésité à se battre contre nous lorsqu’il l’a jugé nécessaire. La destruction des gazoducs Nord Stream a certes porté préjudice à la Russie, qui a perdu une infrastructure coûteuse (8 milliards de dollars) et décisive dans les équilibres internationaux, mais elle a encore plus porté préjudice à l’Europe. La recherche effrénée de sources alternatives de gaz, en plus de nous exposer à une augmentation significative des prix, a également réduit l’Union européenne à un état de vassalité énergétique vis-à-vis des États-Unis et de leurs alliés. Comme l’a déclaré, peu après l’attaque, le génial ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, qui avait prédit l’effondrement rapide de l’économie russe, "... nous ne pouvons pas accepter que notre partenaire américain nous vende son GNL à un prix quatre fois supérieur à celui auquel il le vend aux industriels américains". Le problème, pour lui comme pour nous, c’est que nous ne pouvons peut-être pas l’accepter, mais nous DEVONS l’accepter.

Il est donc difficile de croire que les Ukrainiens ont décidé d’une mesure telle que la destruction du Nord Stream dans une parfaite solitude. Cette attaque a changé la configuration économique non seulement de l’Allemagne, mais aussi de tout le continent.

C’est peut-être une coïncidence temporelle, mais certainement pas politique ou économique, que le jour même de l’action de dynamitage des Ukrainiens ait été inauguré le Baltic Pipe, le gazoduc qui achemine le gaz naturel de la Norvège à la Pologne via le Danemark. Un "tuyau" de 10 milliards de mètres cubes par an qui a fait l’effet d’une pluie d’or pour la Norvège (210 millions de chiffre d’affaires gazier en 2021, 2 milliards en 2022), d’une rente de situation très forte pour la Pologne (qui fait en effet entendre sa voix comme jamais auparavant dans l’UE et aspire à devenir le véritable hub gazier du continent) et d’une excellente garantie pour le Danemark (3 milliards de mètres cubes de gaz garantis chaque année par la Pologne).

Trois alliés de fer des États-Unis, trois piliers de l’OTAN, trois partisans infatigables de l’Ukraine qui se battent plus pour eux que pour nous. Faut-il s’étonner que le sous-marin Zhuravlov ait pu quitter la Pologne sans encombre malgré le mandat d’arrêt allemand ? Faut-il s’étonner qu’au début de l’année 2024, le Danemark ait décidé de clore l’enquête sur Nord Stream en raison d’un problème de compétence ? Faut-il s’étonner que la Suède ait fait de même, malgré les enquêtes dont InsideOver s’est fait l’écho et qui préconisaient le contraire ?

15 août 2024

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Fulvio Scaglione a été correspondant en Union soviétique dans les années 1980 pour l’hebdomadaire catholique Famiglia Cristiana. Pour ce journal, il a couvert la guerre en Afghanistan, au Liban, en Irak. Il a été correspondant de guerre dans de nombreux conflits au Moyen-Orient et est l’un des journalistes les plus expérimentés dans ce domaine. Il est devenu rédacteur en chef adjoint de Famiglia Cristiana avant de prendre sa retraite. Il continue aujourd’hui à écrire sur les guerres et la géopolitique. Il est considéré par beaucoup comme la voix du Pape François sur les questions internationales et représente la voix de la gauche catholique et de base sur la géopolitique, les conflits et le multipolarisme.

 https://italienpcf.blogspot.com/2024/08/nord-stream-ce-sont-les-ukrainiens-qui.html

COMMENTAIRES  

28/08/2024 11:40 par Vincent

Bien sûr qu’on peut faire péter 3 tuyaux de 4 cm d’épaisseur d’acier semi-enterrés par environ 80m de fond, recouverts d’une gangue de béton, qui supportent 220 bars de pression en fonctionnement, en 3 points différents de la Baltique, et faire dérailler les sismographes jusqu’en Norvège, avec quelques pétards, un petit voilier de 15m et 5 gus équipés de quelques bouteilles du mélange idoine de gaz, pourvu qu’ils soient guidés par un moniteur de plongée ukrainien très vénère.

Il serait vraiment ridicule -que dis-je : "Complotiiiiste"- d’envisager qu’on ait peut-être plutôt pu profiter des manœuvres navales rituelles "Baltops" de l’OTAN qui s’étaient déroulées juste là, pour déposer les charges en profitant de la présence de navires militaires spécialisés dédiés à de telles opérations des unités de commandos de Marine qui ont justement cette compétence spécifique. Tssss.

Heureusement que le bon sens reste de mise, et que les meilleurs "factcheckers" sont tous des journalistes chevronnés qui ont le récit des faits chevillé au corps, et l’omission en horreur.
D’ailleurs, quand les meilleurs spécialistes de plateau accusaient illico la vile Russie d’avoir saboté sa propre infrastructure (qui était aussi la nôtre), la grande intelligence, mêlée à l’impeccable cohérence et à l’irréprochable compétence des journalistes pour recouper les informations, leur a tout de suite permis de dire que la Baltique est un lac où l’Otan entend littéralement péter le moindre hareng depuis la guerre froide pour être bien certaine de ne pas y louper le moindre submersible russe : Non ? Alors.

Aaaah ! je me réjouis de notre chance de vivre dans le Monde Libre où la presse est si saine, et qu’on ait su se débarrasser de notre affreuse dépendance à une énergie russe non seulement sale mais non-conforme à nos belles Valeurs Universelles.
Dépendre du schiste étasunien est ainsi infiniment plus sûr, plus durable, plus propre et plus éthiquement responsable, surtout s’il est Démocrate.
La lignite allemande, elle, est carrément estampillée "Die Grünen" : L’industrie ne s’en porte que mieux.

Et puis au fond, avec toutes ces éoliennes Bien-pensantes non-pilotables et globalement inefficientes qui assurent 15% de rentabilité sur 20 ans avec de l’argent public à des investisseurs privés dont l’écologie et l’intérêt public sont les leitmotivs puisqu’ils détestent les dividendes, question énergie on est vraiment peinards finalement : Nos investissements vont exactement là où il le faut.
Il n’est qu’à voir comme EDF se porte bien mieux depuis que l’UE l’a enfin contrainte à se plier à la Concurrence-Libre-ET-Non-Faussée qui assure aussi au consommateur le meilleur prix.

C’est ça la vraie politique : L’infrastructure publique, le temps long, l’éthique, tout ça. Le Progressisme c’est l’avenir. Surtout si on intègre l’Ukraine, d’ailleurs.
Alors bof, tout ce foin avec le gaz (et le pétrole) est-ce que ce n’est pas finalement qu’un truc de droitards souverainistes conservateurs attardés, hein ?

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