La thérapie de choc ou la maïeutique néolibérale

« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres » Antonio Gramsci

Nous sommes les témoins et les acteurs d’une époque charnière caractérisée par l’éclipse des repères et par l’éfritement des échelles de valeurs. C’est ce vide insupportable régi par le chaos que viennent investir avec la violence d’un ouragan les obsessions mortifères de tous ces hallucinés de la pureté originelle. Nous vivons en effet une drôle d’époque où les tenants du néolibéralisme le plus sauvage se détournent des pseudo-valeurs décrépites de l’idéologie libérale et s’appuient de plus en plus sur les fanatismes religieux devenus plus porteurs, donc plus propices aux manipulations. Mais cette alliance apparemment contre-nature ne constitue en fait qu’un paradoxe formel. Comme le souligne Marc Luyckx Ghisi, l’intégrisme religieux est ce sacré de séparation qui impose à l’homme de dédaigner son vécu pour retrouver le chemin de dieu . Dans le même ordre d’idées, la modernité, avec toutes ses nuances idéologiques, n’a cessé pendant voila plus de deux siècles de déconnecter totalement l’homme de sa place dans le monde en le soumettant aux pulsions d’un ego inassouvissable. Deux visions du monde , diamétralement opposées mais qui se rejoignent en déniant à l’homme sa véritable identité, cette dimension duelle, tout à la fois matérielle et spirituelle, seule en mesure d’assurer à notre espèce un équilibre salvateur.

Le rouleau compresseur néolibéral qui a entamé depuis 1973 sa course macabre au Chili puis en Argentine n’a épargné ni la population britannique sous Thatcher ni américaine sous Reagan et a fini par écrabouiller l’économie de l’ensemble du bloc communiste. Avec l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak, l’hystérie reprend de plus belle et tente non seulement de mettre la main sur les ressources naturelles mais de disloquer irrémédiablement le tissu social et d’anéantir les états de ces pays. Voilà qu’aujourd’hui, tous ces peuples révoltés du Maghreb et du Proche Orient s’éveillant de leur euphorie, se retrouvent eux aussi pris dans le pire des cauchemars : Les chicago-boys islamistes assaisonnés à la sauce friedmanienne poussent à la vitesse d’une Caulerpa taxifolia et envahissent soudainement l’espace sous le soleil revivifiant du printemps arabe. Un tel enchainement de violences a retenu l’attention de la journaliste canadienne Noami Klein qui en 2007 écrit "la strategie du choc" et s’inscrit ainsi en faux contre la pensée ultralibérale de Milton Friedman et de son école, "l’école de Chicago". Noami Klein s’est probablement inspirée, pour mieux le contester, du leitmotiv friedmanien "thérapie" ou encore "traitement" de choc. Cela n’est pas sans nous rappeler la crise économique de 1929 qui sans laquelle Roosevelt ne serait jamais parvenu à imposer le New Deal à l’establishment de l’époque. C’est donc à la faveur d’une crise que le keynésianisme à pu s’installer au sein d’une société ultralibérale. S’inspirant probablement de ce schéma, Friedman a pensé que seuls les moments de crises aiguës , réelles ou provoquées , étaient en mesure de bouleverser l’ordre établi et de réorienter l’humanité dans le sens voulu par l’élite.

C’est donc à partir des années soixante dix que selon la thèse de Noami Klein le monde s’installe dans ce qu’elle appelle « le capitalisme du désastre » . Cataclysmes naturels ou guerres sont autant de chocs permettant d’inhiber les résistances et d’imposer les dérégulations néolibérales. La stratégie du choc s’appuie tout d’abord sur une violente agression armée ,Shock and Awe ou choc et effroi , servant à priver l’adversaire de toute capacité à agir et à réagir ; elle est suivie immédiatement par un traitement de choc économique visant un ajustement structurel radical. Ceux du camp ennemi qui continuent de résister sont réprimés de la manière la plus abominable. Cette politique de la terreur sévit depuis voilà quarante ans et se répand un peu partout dans un monde endiablé par l’hystérie néolibérale. Des juntes argentine et chilienne des années soixante dix en passant par la place Tiananmen en 1989, à la décision de Boris Eltsine de bonbarder son propre parlement en 1993, sans oublier la guerre des Malouines provoquée par Thatcher ni le bombardement de Belgrade perpetré par l’OTAN, ce sont là autant de thérapies de choc necessaires à l’instauration de la libre circulation du capital. Mais avec l’attentat du 11 septembre 2001, l’empire venait de franchir un nouveau palier dans la gestion de l’horreur. Susan Lindauer, ex-agent de la C I A (1) affirme Dans son livre Extreme Prejudice que le gouvernement des Etats Unis connaissait des mois à l’avance les menaces d’attentats sur le World Trade Center. Elle ajoute que les tours ont été détruites en réalité au moyen de bombes thermite acheminées par des camionnettes quelques jours avant les attentats. Le traitement de choc ne se limitait plus à susciter l’effroi dans le camp ennemi mais aussi dans son propre camp dans le but de terroriser sa propre population et de lui imposer les nouvelles règles du jeu. C’est ainsi qu’en un tour de main furent votées les lois liberticides du Patriot Act et les budgets nécessaires à l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak.

Cependant, Quarante ans de pratique de la dérégulation n’ont pu dynamiser l’économie mondiale et la dégager du marasme dans lequel s’est englué le capitalisme productif. Mais cherche-t-on vraiment à dynamiser quoi que ce soit ?! La financiarisation de l’économie au lieu d’être la panacée tant escomptée a au contraire plongé le monde dans une crise systémique couronnée par le fiasco retentissant de 2008. Cette domination de la finance libéralisée a démontré en définitive que les mar­chés sont incapables de s’autoréguler. La crise a prouvé par ailleurs que la financiarisation n’est en fait qu’une dépravation de l’idée d’investissement, de projet, de projection dans l’avenir qui a toujours caractérisé le capitalisme productif. Ce qui se pratique aujourd’hui c’est essentiellement une économie usuraire, obsédée par l’immédiateté du profit et convaincue du fait que l’argent rapporte à lui seul et sans délai de d’argent. C’est donc dans ce tourbillon de l’autoreproduction du capital que le monde se trouve pris. Le néolibéralisme n’est en fin de compte qu’une vaste opération spéculative visant le transfert massif des richesses vers une grande bourgeoisie atteinte de thésaurisation compulsive, obnubilée par ses pulsions de destruction, ayant perdu définitivement la foi dans l’avenir.

L’agonie du capitalisme productif s’accompagne d’une déliquescence du politique. En effet, après la sécularisation du religieux, il semble aujourd’hui que c’est au tour du politique de subir le même sort. C’est bien en effet depuis le 19ème siècle que le politique s’est emparé progressivement de la gestion du sacré. L’État a fini par exiger de ses sujets la même allégeance que l’Église imposait à ses fidèles. La citoyenneté et la nation sont sacralisés et la patrie va jusqu’à exiger de l’individu le don de sa vie. Le vingtième siècle a été le témoin de ces "religions séculières" qui ont fait du politique un objet de foi et le fascisme a été la forme exacerbée de ce culte voué au politique. Mais avec l’effondrement du communisme et du keynesianisme l’institution politique commence à s’ébrècher et semble complètement se déliter de nos jours. Les prérogatives de l’Etat se réduisent comme une peau de chagrin et le politique a fini par être totalement vassalisé par l’économique . En effet, l’Etat n’a pour fonctions aujourd’hui que de promouvoir l’économique et d’assurer sa sécurité, encore que dans un pays comme les États Unis une bonne partie de l’armée soit tombée entre les mains de sociétés privées. Ainsi, les derniers remparts contre la déferlante subjectiviste viennent de s’écrouler et la mort de l’ État en sonnant le glas des transcendances annonce le triomphe insolent d’une modernité ayant atteint son faîte.

L’ego ainsi libéré de toute transcendance succombe à ses pulsions destructrices. La fièvre de la dérégulation qui s’empare du monde n’est pas synonyme de libéralisation comme le prétendent les ultralibéraux mais d’abolition systématique des règles et des lois qui ont toujours régi et organisé la société des hommes. Si le clivage traditionnel gauche/droite tournait autour du partage de la plus-value au sein d’une société régulée même si elle soufrait d’injustice, le clivage actuel oppose régulation et dérégulation et laisse présager l’avènement d’un monde chaotique. Mue par la pulsion narcissique de la toute puissance, l’oligarchie mondialiste nie toute altérité et s’engage frénétiquement dans un nihilisme destructeur parachevant de la sorte la trajectoire d’une modernité fondée entre autre sur la divinisation de l’ego, la compétition et la chosification de l’humain. Ce narcissisme délirant, pur produit du messianisme inhérent à l’histoire et à la culture nord-américaine a toujours caracterisé l’élite anglo-saxonne étasunienne. Une élite qui ne cesse depuis le milieu du 19ème siècle d’arborer son Manifest Destiny. A la fin de la première guerre mondiale, Wilson affirmait : « Je crois que Dieu a présidé à la naissance de cette nation et que nous sommes choisis pour montrer la voie aux nations du monde dans leur marche sur les sentiers de la liberté » et George W. Bush d’ajouter en s’adressant à ses troupes au Koweit en 2008 : « Et il ne fait pour moi pas un doute que lorsque l’Histoire sera écrite, la dernière page dira « la victoire a été obtenue par les États-Unis d’Amérique, pour le bien du monde entier » Depuis deux decennies, l’élite ploutocratique en versant dans le néolibéralisme semble irrémédiablement atteinte de perversion narcissique où se mêlent haine et mépris de l’altérité, volonté de puissance, sadisme et manipulation. Une interview du cinéaste américain Aaron Russo(2) enregistrée quelques mois avant sa mort permet de mesurer le degré atteint par une telle perversion. Les guerre menées contre le monde arabe et les restrictions des libertés en Occident annoncent l’univers stalinien dont rêve la ploutocratie étasunienne. Un univers qui rappelle bien "1984" de Georges Orwell que d’aucuns considèrent comme prémonitoire. Il serait plutôt plus pertinent d’y voir la source d’inspiration des think tank américains dans leur quête totalitaire.

Avec le néolibéralisme, nous passons d’une économie de l’exploitation du travail à une économie de la dépossession. La combinaison de l’endettement public, de l’endettement privé et de la spéculation financière constitue l’outil privilégié de ce hold-up du millénaire. En effet les conditions de remboursement sont arrangées de telle sorte qu’elles ne puissent aboutir qu’à la faillite des débiteurs, qu’ils soient individus ou états. Pratique systématique de l’usure, plans d’ajustement structurel, paradis fiscaux, délocalisations, compétitivité, flexibilité sont autant d’armes pour casser tous les acquis des travailleurs et démanteler les frontières nationales au profit d’une minorité avare de banquiers et de multinationales. Face à une telle escalade, la gauche européenne semble totalement hypnotisée n’ayant probablement pas encore digéré l’implosion de l’URSS. Mais quelle alterntive pourrait bien proposer une gauche qui a toujours hésité à mettre en doute le projet ambigu de la modernité et qui a toujours souscrit au développementisme ! En se battant uniquement sur le front du partage de la plus-value, la gauche, de compromis en compromission, a permis au système d’atteindre sa phase finale avec le risque d’ine déflagration tous azimuts.

Face à cette capitulation, l’oligarchie mondiale a renforcé encore plus sa domination en récupérant tout en les pervertissant un ensemble de valeurs libertaires. Elle a su si adroitement profiter du concept cher à Gramsci, celui de guerre de position. En effet, dans les pays Occidentaux, le démantèlement du politique s’effectue non par la coercition mais par l’hégémonie, cette "puissance douce" permettant une domination consentie, voire même désirée. C’est ainsi que l’idéal anarchiste, égalitaire et antiétatiste fut complètement faussé par l’idéologie néolibérale. Les anarcho-capitalistes en rejoignant les anarchistes dans leur haine de l’état, considèrent par contre que le marché est seul en mesure de réguler l’économique et le social. Déjà à partir des années soixante l’idée du marché autorégulateur commençait à prendre de l’ampleur. Le néolibéralisme naissant , rejeton du capitalisme sauvage du 19ème siècle, s’allie paradoxalement à l’anticapitalisme viscéral des soixante-huitards pour s’élever contre l’autoritarisme et prôner une société ouverte et libérée de toutes les formes de contraintes. Ainsi du mythe d’une société sans classes des années soixante dix on succombe au nom de la liberté aux charmes d’une société éclatée faite d’individus atomisés. Ce culte de l’ego, synonyme de désintegration de toutes les formes de solidarité, constitue la pierre angulaire de la pensée anarcho-capitaliste et se reflète dans les écrits de théoriciens tels que Murray Rothba ou David Friedman. Ces derniers n’hésitent pas de prêcher le droit au suicide, à la prostitution, à la drogue, à la vente de ses organes...et vont jusqu’à avancer que l’enfant a le droit de travailler, de quitter ses parents, de se trouver d’autres parents s’il le souhaite...C’est ce champs de la pulsuonalité débridée qui commande désormais les liens sociaux et ruine les instances collectives ainsi que les fondements culturels construits de longue date. Comme le souligne Dany-Robert Dufour (3), Dans une société où le refoulement provoqué par le " tu ne dois pas " n’existe plus, l’homme n’a plus besoin d’un dieu pour se fonder que lui même. Guidé par ses seules pulsions, il n’atteindra jamais la jouissance promise par les objets du Divin Marché et développera ainsi une addiction associée à un manque toujours renouvelé. Aliéné par son désir, excité par la publicité et les médias, il adoptera un comportement grégaire, la négation même de cette obsession égotiste qui le mine. Ayant cassé tous les liens traditionnels de solidarité, l’individu s’offre aujourd’hui pieds et poings liés à une ploutocratie avide, sure de sa surpuissance. Si la stratégie néolibérale triomphe de nos jours, c’est bien parce qu’elle a su gagner cette guerre de position en menant à bien son offensive... idéologique.

Mais cette entreprise de désintégration du politique suit tout un autre cheminement lorsqu’elle s’applique aux pays de la périphérie. Le plan du Grand Moyen Orient mis en oeuvre depuis l’invasion de l’Irak et qui continue de fleurir dans les pays du printemps arabe combine à la fois la manipulation et la coercition. Si dans les pays du centre, la stratégie s’appuie sur l’atomisation post-moderne, dans le monde arabe, on tente par la fomentation des haines ethniques et religieuses de désintégrer ces sociétés et de les plonger dans les affres d’une pré-modernité montée de toute pièce. On essaie ainsi de les emmurer comme par magie dans un passé hermétique et prétendument barbare. Voici donc que le monde arabo-islamique se trouve soudainement embarqué à bord de cette machine à remonter le temps tant rêvée par Jules Verne. Egotisme post-moderne et tribalisme barbare formeront ainsi les deux pôles de cette dichotomie diaboliquement orchestrée qui est à l’origine de la pseudo fracture Orient Occident. C’est à l’ombre de ce show du choc des civilisations que s’opère la stratégie du chaos créateur.

Quelques actes terroristes spectatulaires par ci, campagne islamophobe surmédiatisée par là et le décor est dressé. Perversion narcissique et déni de soi, réminiscences de la déshumanisation coloniale, se font écho et s’étreignent. Les invasions occidentales deviennent d’autant plus légitimes qu’elles se prétendent garantes d’une civilisation menacée. A la violence répond paradoxalement la haine de soi et l’autodestruction. Celle-ci se manifeste par des réactions individuelles souvent suicidaires, témoignant d’un malaise social exacerbé face au désordre politico-économique régnant. Dans un pays traditionnellement paisible comme la Tunisie, le nombre des immolés par le feu et par l’eau se compte par centaines. Appeler la mort à son secours devient l’ultime alternative qui s’offre à tous ces désespérés. C’est sur ce fond pétri d’échecs cumulés depuis les indépendances que vient se greffer le rêve morbide de tous ces hallucinés régressifs fuyant la domination d’un Occident mégalomaniaque. L’aube de l’islam, devenue ce paradis perdu de la prime enfance constituera le refuge par excellence car situé derrière le rempart infranchissable et sécurisant des siècles. C’est ainsi qu’une irrésistible quête régressive ne souffrant aucune entrave et se dressant violemment contre toute alternative embrase depuis plus de deux ans le monde arabe. Or ce salafisme aveugle, impuissant face à la domination occidentale, préfère s’adonner à l’autoflagellation. L’Empire n’a pas mieux trouvé que de tourner le couteau dans la plaie narcissique de populations aliénées depuis longtemps par l’oppression coloniale. Il s’agit de raviver cette névrose du colonisé par des menées médiatiques où se mêlent l’offense et le mépris. Tout l’art consiste ensuite à orienter cette explosion de haine vers les présumés avatars locaux de l’Occident et de tous ceux qui de l’intérieur freinent cette marche à reculons. Les gourous islamistes à la solde des monarchies du Golfe et des services secrets américains se sont bien acquittés de cette tâche en poussant au Jihad contre leurs propres nations des dizaines de milliers de fanatiques survoltés. Un superbe gâchis qui en quelques années a fini par ruiner la majorité des pays arabes. Le chaos, faute d’être créateur resplendit par sa cruauté et sa gratuité, mais l’Empire ne fait aujourd’hui que s’enliser de plus en plus dans les sables mouvants de Bilad el-Cham. La forteresse syrienne ne semble pas ceder, cadenassant ainsi la route de la soie et le rêve hégémonique des néoconservateurs. Les dirigeants étasuniens, tout aussi prétencieux qu’ignorants de la complexité du monde arabo-musulman ont cru naïvement pouvoir tenir en laisse tous ces pays en louant les services de la confrérie des frères musulmans.

Après le grandiose mouvement de révolte égyptien et la destitution de Morsi, après la correction infligée à Erdogan et le renversement honteux de Hamad, les frères semblent irrémédiablement lâchés par leur suzerain. Un leurre de plus ? Ou alors, comme le souligne le politologue libanais Anis Nakach, les frères musulmans n’ont été hissés au pouvoir que pour mieux dégringoler eux et leur idéologie islamiste devenue totalement contre-productive..pour les néolibéraux. Il s’agit maintenant de remettre le Djinn dans la bouteille et de le plonger dans la mer de l’oubli après qu’il se soit acquitté honorablement de sa tâche. Les masses arabes, après deux ans de désordre sous la direction des frères finiront par se jeter sans hésitation dans les bras des libéraux. Mais une autre raison a certainement réorienté la politique étasunienne : c’est cette ténacité des russes à défendre leur peau coûte que coûte. La prochaine conférence de Genève sur la Syrie changera fort probablement la donne au Moyen Orient en accordant plus d’influence à la Russie dans la région. Le thalassokrator américain, balourd sur les continents, préfère apparemment tenter sa chance ailleurs, sur les eaux du Pacifique...

En attendant, l’incendie qui embrase le monde arabe n’est pas près de s’éteindre de si tôt et les apprentis sorciers, épouvantés par l’agonie de leur vieux monde, continueront d’écraser, dans ce clair-obscur de l’histoire, tout ce qui contrarie leur folie hégémonique. ..

Dans la théorie du chaos, soit le système se transforme, soit il s’effondre totalement. Un simple battement d’aile peut changer le monde semble-t-il...

Fethi GHARBI

1) [http://www.reopen911.info/News/2011/12/22/11-septembre-susan-lindauer-et-les-bandes-video-manquantes-du-world-trade-center/
2) http://www.dailymotion.com/video/xddh2k_aaron-russo-interview-sur-nicholas_news#.UZTAf7WEOdA
3) Dany-Robert Dufour ; Le Divin Marché - La révolution culturelle libérale

COMMENTAIRES  

12/07/2013 11:50 par Dominique

Fethi situe l’origine de la crise dans la financiarisation de l’économie. Rien n’est plus faux. Les bulles spéculatives n’ont aucune raison de péter quand l’économie est au beau fixe, bien au contraire, les spéculateurs feraient tous autre chose si c’était le cas. La cause de la crise est l’augmentation brutale des prix du pétrole consécutive à plusieurs années de hausse lente, hausse brutale qui a causé le ralentissement de l’économie, ce qui a fait baisser les marchés, ralentissement qui a à son tour fait péter la bulle immobilière aux USA. Ceci dans un contexte où la demande mondiale pour toutes les ressources naturelles non renouvelables ne cessent d’augmenter, et où pour la plupart de ces ressources, le temps où il était possible de les extraire facilement de la nature est terminé, et où en plus elles sont toutes, au rythme actuel de leur extraction, condamnées à disparaitre à court ou à moyen terme.

Ceci ne change pas la validité de cet article quand il dit que l’économie est en train de prendre le pouvoir à l’État, ni quand il dit que l’État joue le rôle d’opium du peuple que la religion a joué pendant des siècles, ni quand il dit que l’économie est dominée par un petit gang de banquiers et de multinationales.

Mais cela permet de comprendre qu’aujourd’hui, dans les pays occidentaux, comme l’économie a pris le pouvoir, elle est devenue l’opium du peuple à la place de l’État.

Et cela change tout quand au but de ces gens. Ils savent très bien que les ressources naturelles non renouvelables sont en train de disparaitre car ce sont eux qui commanditent une bonne partie des études qui le montrent,

A partir de là, pour trouver leur but, il n’y a qu’à faire le rapprochement entre cette réalité têtue et la propagande libérale qui sévit depuis les premières études démontrant le processus d’épuisement des ressources non renouvelables dans les années 60-70, propagande qui essaie de nous faire croire que nous sommes trop sur cette planète et qu’il faut donc, plutôt que de développer une agriculture biodynamique intensive de proximité comme ils l’ont fait à Cuba, et lutter contre la pauvreté et pour l’éducation, la culture, la santé et le sport, non pas d’élite, mais de masse, qu’il faut lutter contre les pauvres. Ceci montre clairement que le véritable enjeu du conflit Nord-Sud est non seulement le contrôle des ressources de la Terre, mais aussi à terme, l’extermination de la majorité de sa population.

Les salauds qui mènent le monde sont aussi ceux qui contrôlent la technologie. Ils sont persuadés, qu’avec le répit que leur donnerait une telle apocalypse des peuples, ils pourront remplacer dieu et produire non seulement la technologie, mais aussi les matières premières et même les conditions nécessaires à la vie supérieure sur une planète à l’environnement détruit par leur mode de vie.

Quand à la faillite idéologique de la gauche occidentale, elle est bien antérieure à ce que dit l’auteur. Elle remonte à ses origines car depuis toujours, après avoir analysé un problème, plutôt que de se mettre d’accord sur un plan d’action et se battre pour y remédier, elle a toujours préféré se battre entre elle pour savoir à qui reviendrait le pouvoir si jamais elle résolvait le problème, ce qui n’a jamais profité qu’à des opportunistes. Regardons la Russie. Dés Lénine, celui-ci avec son économie de guerre, a privé les soviets du pouvoir pour le donner au parti. Pour être sur que le pouvoir du parti ne souffre d’aucune concurrence, il a développé une police politique et il a combattu non seulement les contre-révolutionnaires, mais également ceux qui ne voulait pas donner le pouvoir à un parti qui ne les représentaient pas. Entre autres, les anarchistes le savent très bien, eux qui ont payés le prix fort de cette politique. Ceci montre qu’il y a une continuité entre Lénine, Trotsky (qui s’est chargé d’une bonne partie du sale boulot, comme le montre l’ouverture des archives du l’URSS et d’autres textes marxistes de cette époque) et Staline, celle de l’opportunisme d’un parti au pouvoir totalitaire.

Pour abattre un tyran, il faut commencer par l’abattre. Et pour ça, l’union fait la force. On a encore rien trouvé de mieux même avec toute notre technologie. Après, il ne faut pas être bête et ne pas crier viva, viva ! ou heil, heil ! après le premier libérateur autoproclamé qui croise notre chemin. L’histoire montre qu’il est plus facile de faire une révolution que de conserver notre liberté, Paris à donné Pétain et Laval, Viennes Hitler, et Moscou Lénine, Trotsky et Staline. Cette réalité de la révolution russe peut être difficile à comprendre pour les communistes qui ne regardent que les bonnes choses apportées par Lénine et les mauvaises apportées par Staline. Il n’empêche que Lénine s’est bien loupé en privant les soviets de tout pouvoir pour le remettre au parti - l’histoire n’aime pas revenir en arrière. La suite on la connaît, ce parti à donner naissance à Staline, lequel allait rendre son pouvoir encore plus totalitaire.

Ce qui montre que faire une révolution ne suffit pas pour réellement changer le monde, il faut encore savoir garder sa liberté. Pour cela il n’y a pas de solution miracle, chacun doit prendre ses responsabilités en refusant d’être un Untermensch de la révolution de quelqu’un d’autre pour devenir son propre libérateur. C’est tous ensemble que ce fait une révolution, et c’est tous ensemble qu’elle se garde.

12/07/2013 14:58 par Fethi GHARBI

@ Dominique
Merci , néanmoins je ne partage pas tout à fait votre point de vue lorsque vous dites "Fethi situe l’origine de la crise dans la financiarisation de l’économie. Rien n’est plus faux. Les bulles spéculatives n’ont aucune raison de péter quand l’économie est au beau fixe,.." Justement ; c’est bien parce que l’économie réelle n’est plus au beau fixe que l’économie virtuelle est devenu envahissante, le capitalisme productif ; en raison entre autre de la raréfaction des matières premières, a préféré se transformer en usurier et de s’accaparer des biens publics et privés par l’usage systématique de la dette. Je pense qu’on est passé d’une économie de l’exploitation du travail vers une économie de la dépossession.

Quant à la gauche, j’ai toujours considéré qu’elle n’était pas en mesure de proposer d’autres alternatives pour la simple raison qu’elle a toujours cru au mythe du progrès avec toutes les formes d’aliénations qu’il implique. J’ai d’ailleurs développé ce thème dans un article précédent :

http://www.agoravox.fr/actualites/i...

13/07/2013 02:20 par Dominique

Je considère, avec d’autres comme par exemple Alphonse Allais,, que l’économie est devenue spéculative parce que cela rapporte plus aux capitalistes que de construire des usines. Surtout que sur des usines, ils doivent payer des impôts. Le calcul est vite fait, même dans une économie au beau fixe, la spéculation rapporte beaucoup plus.

Quand au problème de la modernité, je le situe au niveau de notre rapport avec la nature. C’est aussi un problème religieux car les dogmes de base de toutes les religions organisées attribuent aux choses des qualités superstitieuses comme le bien et le mal en occident, ou le yin et le yang dans le reste du monde, pour ensuite les mettre en conflit ou en complémentarité.

La première conséquence est d’établir une hiérarchie entre les dieux (le bien), l’homme et la nature (le mal). La deuxième conséquence est d’établir une hiérarchie entre les hommes, certains se retrouvant plus près des dieux que les autres, ou plus égaux que les autres en version démocratique, ou plus riches que les autres en version capitaliste.

Ces croyances religieuses se sont répandues à partir de l’Antiquité et de l’arrivée des peuples de guerriers. Elles marquent une séparation de l’homme et de la nature, de la nature et de la culture. Marx dit une chose très simple dans "L’idéologie allemande" : « Le comportement borné des hommes en face de la nature conditionne leur comportement borné entre eux. »

Comme le fait remarquer Wilhelm Reich dans "Écoute, petit homme", c’est trop simple pour être compris car les gens préfèrent admirer des concepts qu’ils ne comprennent pas comme la physique quantique que ce qui est à leur portée.

Plekhanov, dans "La conception matérialiste de l’histoire", transforme cette pensée très simple de Marx en un véritable dogme religieux :

« cette cause, cause fondamentale de toute l’évolution sociale et partant de tout mouve­ment historique, c’est la lutte que l’homme mène avec la nature pour son existence. »

Comme la bible, Plekhanov sépare l’homme de la nature, et très grande différence, il remplace un conflit par une lutte - :), s’inscrivant ainsi dans la même logique de justification de ce qui est que les théologies religieuses.

Reich est un psychiatre marxiste, et il montre en quoi l’homme est aliéné sur le plan psychologique :

"Tu te dis partisan de la « tolérance religieuse ». Tu réclames pour toi la liberté d’adhérer à ta religion. Parfait. Mais tu vas plus loin : tu voudrais que ta religion soit la seule admise. Tu es tolérant pour ta religion, tu n’es pas tolérant pour les autres. Tu deviens fou furieux quand quelqu’un, au lieu d’adorer un Dieu personnel, adore la nature et s’efforce de la comprendre."

Et bien des marxistes, quand on leur dit qu’un marxisme qui pose la satisfaction des besoins des prolétaires comme but ultime revient à reproduire une société d’exploitation pètent un câble. Sans satisfaction des besoins de la nature, une société ne peut être durable, et comme notre rapport avec la nature conditionne les rapports humains, il est évident que si nous voulons satisfaire nos besoins, nous devons commencer par satisfaire ceux de la nature.

Pour moi, Marx et Reich sont complémentaires. Leurs démarches partent de la nature humaine pour expliquer le monde. Marx montre pourquoi nous sommes aliénés, Reich montre en quoi nous sommes aliénés. Et tous les deux montrent que la clé est en nous car il ne tient qu’à nous d’être nos propres libérateurs.

Un anthropologue comme Philippe Descola ne dit pas autre chose. Pour lui, il y a autant de forme de rapports de l’être humain avec la nature qu’il y a de formes de société. Une ontologie est à la fois une représentation du monde, c’est à dire une forme de rapport avec la nature, et un système de société, un mode de vie. Le naturalisme est l’ontologie occidentale contemporaine. le marxisme, qui est une vision du monde matérialiste, devient naturaliste avec Plekhanov. Il ne peut donc pas prétendre appréhender correctement des sociétés correspondant à d’autres ontologies que le naturalisme. et comme la séparation de la nature et de la culture est propre au naturalisme, il ne pourra pas changer autre chose que la forme de l’exploitation de la nature, et donc, que la forme de l’exploitation de l’homme par l’homme. Il faut donc libérer le marxisme du dogme de Plekhanov pour redonner au marxisme une vision du rapport de l’homme avec la nature, ce rapport qui conditionne toute notre vision du monde, qui ne soit pas dogmatique mais ouverte sur d’autres visions du monde.

Ce qui implique que nous sommes très mal barrés. Avec le temps, l’être humain s’est de plus en plus coupé de la nature, et ainsi il s’est coupé de sa vraie nature. La dernière coupure en date est celle causée par l’industrialisation, et elle est effroyable. Bien des parent préfèrent polluer l’air de leurs enfants avec des grosses voitures que les tenir par la main en s’amusant avec eux pour les accompagner à l’école. Ainsi, ils ne respectent ni la nature, ni même leurs propres enfants.

« Ô Nature, ma Mère,
Qu’ont il fait de notre Terre !
A tort, ils se sont pris pour des Dieux,
Leurs cœurs sont devenus haineux.
Dominés et motivés par l’argent,
Ils détruisent la pureté des Océans.
Les rivières aujourd’hui troublées,
Déversent dans la mer leurs amas de saletés.

Ô Nature, ma Mère,
Qu’ont il fait de notre Terre !
Aveuglés par une technologie dévastatrice,
Ils sont incapables de trouver les idées salvatrices.
Des somptueuses Forêts Anciennes et Equilibrées,
Il ne subsiste aujourd’hui que quelques morceaux éparpillés.
L’air pur et frais que nos Ancêtres respiraient,
Ne se trouve encore que sur les plus hauts sommets.

Ô Nature, ma Mère,
Qu’ont il fait de notre Terre !
Du contrôle des Espèces ils se vantent,
Afin que jamais le remord ne les hantent.
De nombreux Animaux à jamais disparaissent,
Afin que eux, en nombre et en bêtise, ils ne progressent.
La Banquise d’Hier, sous son infinie blancheur,
Ne reflète aujourd’hui plus aucune lueur.

Ô Nature, ma Mère, je t’en conjure,
Montre leur le chemin du futur.
Je ne suis moi-même qu’un Homme comme les autres,
Même si près de toi je me veux leur Apôtre.
Capables d’Amours et de Compréhension, ils le sont j’en suis certain,
Il leur suffit juste de comprendre que leur Avenir est incertain.
Montre leur le chemin vers la Raison,
Et ils s’ouvriront vers de nouveaux Horizons. »

Geronimo

21/07/2013 19:17 par Bonjour

J’ai lu et relu cet article de Fethi Gharbi.
Je le trouve excellent, avec des observations très sensibles et pertinentes concernant la situation actuelle.
J’espère avoir encore la possibilité de lire d’autres articles de sa plume.
Tony Meuter

31/07/2013 13:57 par Fethi GHARBI

@ Tony Meuter

Merci, mais j’avoue que j’aurais préféré me tromper dans mon analyse. Malheureusement, les faits apportent chaque jour leur lots de malheurs qui ne font qu’enfoncer le monde arabe dans le chaos le plus total.
Il y a juste deux jours, dans cette douce Tunisie, jadis si paisible, huit jeunes soldats sont criblés de balles, cinq d’entre eux seront égorgés, leurs sexes coupés, l’horreur personnifiée !

Depuis que les takfiristes frères musulmans se sont hissés au pouvoir, le pays s’est comme par magie scindé en deux. Comme elle est facile la manipulation des esprits ! En moins de deux ans, une partie de la population s’est métamorphosée en secte. Pour réussir une pareille performance, il faut bien entendu posséder les moyens matériels et l’art d’agir sur le mental.
En creusant le déficit narcissique de tous ces hallucinés on les pousse à l’autodestruction , pour ces derniers massacrer des compatriotes c’est comme si l’on tirait haineusement sur sa propre image dans un miroir. L’empire aidé par ses vassaux a réussi à installer une partie de la population arabe dans une psychose collective, une arme d’autodestruction massive à très bas prix, qui de l’Irak à la Tunisie a réussi en quelques années à disloquer les états et la société.

07/08/2014 10:17 par Nathanaël

Bonjour mr Gharbi.

Votre façon d’écrire et d’analyser en profondeur les racines et les ramifications du libéralisme est très pertinente. En poussant le lecteur a faire des liens avec ce qu’il voit dans l’actualité et surtout a le digérer avec une grille de lecture appropriée, on crée de réels citoyens capables d’exprimer une pensée cohérente et ancrée dans le réel. Merci donc ! Je vous conseille un ouvrage que j’ai lu dernièrement qui est sur votre ligne et complète les thématiques que vous développez ici, notamment celle de la stratégie du choc et la posture du politique : "la virtuosité du mouvement libéral" de Barthelémy. Bonne continuation !

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