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Le malaise égyptien des USA

La Maison-Blanche, pour la première fois depuis longtemps, fait profil bas. D’habitude c’est le doigt levé, le verbe haut et le regard menaçant que le Potus s’adresse à ceux, dont il désapprouve le comportement. Cette fois-ci, le peuple égyptien l’a décontenancé. Voilà un peuple qui n’a pas eu besoin et qui n’a pas besoin d’avoir des " amis " pour révolutionner son pays. Il ne s’y attendait pas. Il n’a donc pas aimé. C’est que rien ne va plus, du moins pas tel que c’était prévu. Puisque depuis le début de la contesta, lorsque les Etats-Unis croyaient encore pouvoir peser, ils ont tout tenté pour protéger le pouvoir des Frères musulmans. Le chef du département d’Etat, lors de sa tournée proche-orientale, a voulu faire reculer l’opposition à Mohamed Morsi, qui appelait au boycott des élections et presser l’Egypte de se soumettre au diktat du Fonds monétaire international (FMI). Des manifestants ont brûlé un portrait qui le représentait en barbu, un message clair des Egyptiens qu’ils savaient quel camp il défendait. Ensuite se furent les figures du mouvement populaire, qui refusèrent de le rencontrer, sachant par avance le contenu de sa démarche. Même Mohamed El Baradei avait déclaré, en tant que membre du Front du salut national (FSN), que par son refus il voulait " envoyer le message que nous rejetons la pression américaine ". Plus tard, lorsque la mobilisation a atteint son seuil fatidique et que les revendications se sont radicalisées au point d’exiger le départ du Frère président, ce fut l’ambassadrice étatsunienne au Caire, Ann Patterson, qui a eu sa photo brûlée, au cri de, "dehors la sorcière, la complice de Morsi !". En raison bien sûr, des efforts qu’elle a déployés en soutien à ce dernier. Elle avait, entre autre, tenté de convaincre les directions des insurgés de se calmer, n’y pouvant rien, elle a essayé de dissuader les responsables coptes de ne pas participer au soulèvement, elle avait eu une réunion avec Khairat al-Shater, délégué du morched de la Confrérie, pour " discuter de questions internes à l’Egypte " et notamment elle avait estimé publiquement que " les opposants ont plutôt intérêt à améliorer la performance de leurs structures électorales au lieu d’organiser des manifestations qui risquent de dégénérer en violence " et affirmé "les Etats-Unis ont choisi de travailler avec le vainqueur des élections ". Le lundi 1er juillet, Barak Obama s’est entretenu au téléphone avec Morsi. Et tout laisse à penser qu’il lui aurait donné des assurances, qui ont déterminé son rejet de l’ultimatum des forces armées. Hypothèse que confirme l’enregistrement de l’entretien entre le président déchu et le chef de l’armée, publié par le journal Al Watan (égyptien), où Morsi dit que les Etats-Unis empêcheront sa destitution. Autant d’imprudence devant un peuple réveillé à la réalité de la mainmise étatsunienne sur sa destinée, c’était trop de la moitié. Donc l’heure au sauvetage des apparences. Désormais " les Etats-Unis rejettent catégoriquement les fausses affirmations propagées par certains en Egypte, et selon lesquelles nous travaillons avec des partis politiques ou des mouvements spécifiques pour dicter la transition en Egypte ". Cette phrase est contenue dans le dernier communiqué de Washington sur la situation égyptienne. Elle ne convaincra pas grand monde.

Ahmed Halfaoui

 http://www.lesdebats.com

COMMENTAIRES  

12/07/2013 00:49 par NASSER

Durant la révolte contre Moubarak, le peuple Égyptien a poussé ce dernier à la porte de sortie en exigeant à l’armée de se tenir à l’écart. Ce que cette dernière a fait tout en gérant le court laps de temps de vacance du pouvoir.
Morsi et sa clique prennent le pouvoir. Un an plus tard ce même peuple, beaucoup plus nombreux, reprend sa révolte en exigeant le départ de Morsi, qui refuse de céder, en demandant cette fois à l’armée d’intervenir.
Après "réflexion" cette dernière intervient pour évincer Morsi tout en remettant, au même moment, le pouvoir aux civils devant un panel de personnalités politiques, civils et religieux.
Que dire ? Un coup d’État ? Dans les deux cas ou uniquement le dernier ? L’armée est la seule institution garante de la stabilité dans tous les pays du monde. Il est de son devoir constitutionnel d’assurer l’équilibre en intervenant si elle juge un risque de désordre. S’en abstenir serait une grave faute, voire un acte de trahison !
L’armée égyptienne, à notre avis, a bien jugé la situation avant de prendre sa décision.

Observons
La réaction des EU qui menace par le blocage des 1,5 milliards de dollars. Si elle le fait ce serait un acte contraire aux accords de "Camp David". Cela donnerait un argument inespéré à l’Égypte d’y mettre fin légitimement !

12/07/2013 07:18 par pilhaouer

@ Nasser

L’armée est la seule institution garante de la stabilité dans tous les pays du monde. Il est de son devoir constitutionnel d’assurer l’équilibre en intervenant si elle juge un risque de désordre. S’en abstenir serait une grave faute, voire un acte de trahison !

C’est un texte de Videla ou de Pinochet ?

12/07/2013 10:43 par Dwaabala

@ pilhaouer
Comme quoi tout est affaire de circonstances : il est des guerres justes, et des armées garantes des intérêts du peuple. C’est à ces dernières que pense Nasser, évidemment.
Ceci répond aussi à @ babelouest qui sous l’article La Marseillaise estime, si je l’ai bien compris, que tout hymne national est un appel au meurtre : alors que le 5e couplet, comme le précise le texte, dit exactement le contraire.
Et ramène aussi aux dernières paroles de Manouchian : Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense , immortalisées par le poème d’Aragon et la voix de Léo Ferré.

12/07/2013 13:00 par Quidam

Malaise des USA à propos de l’Egypte ? Pourquoi donc ? Durant la révolte populaire visant à chasser Mohammed Hosni Moubarak Uncle Sam a eu quelques sueurs froides ne l’ayant étrangement pas anticipée, mais il a très rapidement repris du poil de la bête en faisant accéder au pouvoir des caniches de remplacement du MB en demandant aux monarchies absolues obscurantistes du Golfe persique d’arranger le coup en pétrodollars sonnants & trébuchants ... lors de cette nouvelle révolte populaire, l’armée égyptienne corrompue jusqu’à la moelle, autre de ses caniches du fait de sa dépendance aux subventions conséquentes des USA, prend les choses en main & change la donne, où voudrait-on que les Yankee y voient une source de préoccupation ? Ils contrôlent parfaitement tout ce joli monde & se contre-foutent de savoir qui prend le pas sur qui, à partir du moment ou tous ces acteurs sont à sa botte... Il n’y qu’une seule chose qui intéresse Uncle Sam à propos de l’Egypte, c’est qu’elle laisse les mains libres au régime sioniste d’occupation de la Palestine pour finir de déposséder les autochtones palestiniens & les éradiquer à petit feu ... le reste ils s’en moquent !

12/07/2013 13:23 par Ahmed

@pilhaouer
Vous avez un texte de vous ? Juste pour comparer avec ce que dit Nasser. Que pensez-vous de l’article de M.Halfaoui

12/07/2013 15:03 par pilhaouer

@ Dwaabala

Votre réponse s’adresse à deux commentateurs d’articles différents. Le lien entre ces deux articles est pour le moins ténu.

Comme quoi tout est affaire de circonstances : il est des guerres justes, et des armées garantes des intérêts du peuple. C’est à ces dernières que pense Nasser, évidemment.

C’est votre réponse, à la place de Nasser, à ma question provocatrice sur cette phrase incroyable :

L’armée est la seule institution garante de la stabilité dans tous les pays du monde. Il est de son devoir constitutionnel d’assurer l’équilibre en intervenant si elle juge un risque de désordre. S’en abstenir serait une grave faute, voire un acte de trahison !

Et je demandais s’il s’agissait d’un texte de Videla ou Pinochet.
Je me doute bien que Nasser n’est pas un émule de Videla, Pinochet, Franco ou des colonels grecs.
C’est gentil de le confirmer ... évidemment !
Mais vous auriez du mal à nier que tous ces personnages se sont bien justifiés de façon similaire.
D’où votre explication légère :

Tout est affaire de circonstances ...

Ah bon ? Le problème est qu’il est la plupart du temps difficile de connaître et d’évaluer les circonstances et c’est particulièrement le cas en Egypte avec une armée dont on sait qui la finance et pourquoi et dont personne ne devrait oublier le rôle qu’elle a joué dans le passé.
Je suggère de lire ce blog très informé : http://snony.wordpress.com/2013/07/...

... il est des guerres justes, et des armées garantes des intérêts du peuple ...

D’abord, il ne s’agit pas de guerre mais de putsch militaire !
Mais il n’y a pas de guerres justes ! La guerre est toujours une saloperie même lorsqu’on ne peut pas l’éviter (guerres défensives ou de libération) et malheureusement même les guerres de libération se terminent souvent à l’avantage d’une clique et non du peuple.

12/07/2013 15:27 par pilhaouer

@ Ahmed
Vous avez remarqué que mon commentaire ne portait pas sur l’article mais sur le commentaire de Nasser qui écrit cette phrase incroyable de portée générale :

L’armée est la seule institution garante de la stabilité dans tous les pays du monde. Il est de son devoir constitutionnel d’assurer l’équilibre en intervenant si elle juge un risque de désordre. S’en abstenir serait une grave faute, voire un acte de trahison !

(c’est moi qui souligne)

Vous me demandez de commenter l’article de Ahmed Halfaoui.
Il me semble que la première précaution à prendre est de ne pas sous-estimer l’adversaire en estimant que les USA perdent pied . Je ne crois pas non plus au miracle d’une armée égyptienne qui rejetterait la main qui la nourrit et lui permet de faire des affaires.
Le règne de Moubarak a duré presque 30 ans !
Expliquez moi pourquoi l’armée égyptienne avait oublié le peuple pendant toutes ces années.
Ah oui, j’oubliais : l’armée intervient "si elle juge un risque de désordre ..." C’est vrai que ce n’était pas le cas sous Moubarak, un peu grâce à l’armée ...

12/07/2013 16:30 par Dwaabala

@ pilhaouer
Ah ! bon, la guerre contre l’Allemagne nazie n’était pas une guerre juste, parce que la guerre en général est toujours une belle saloperie, ou la guerre de libération nationale du peuple vietnamien sous l’arrosage des bombes au napalm par les B 52 américains, les exemples peuvent se multiplier.
Ce qui est dit de la guerre peut être étendu sans peine aux coups d’État.
Pour revenir à l’Égypte et à (Gamal Abdel) Nasser, il fonda et prit la tête du Mouvement des officiers libres, un groupe de jeunes militaires qui avaient pour but de renverser le roi Farouk. Le 23 juillet 1952, par un coup d’État militaire, ils chassèrent le roi Farouk Ier du pouvoir, et proclamèrent la république un an plus tard, mettant ainsi fin au Royaume d’Égypte... Source et suite : Wikipedia.
Et pour revenir à aujourd’hui, l’armée égyptienne subventionnée par les États-Unis et dirigée par des potentats n’est certainement pas idéale ni sans doute monolithique. Sur ce dernier point, ce fut déjà le cas au temps de Farouk.
En tous cas, et telle qu’elle est, elle a au moins eu la vertu (en quelque sorte) de renverser les Frères musulmans, donc de déchirer une partie du voile religieux derrière lequel se cachait la main-mise impérialiste sur les destinées du pays.

12/07/2013 19:11 par pilhaouer

@Dwaabala
Les exemples de guerre que vous citez correspondent à des guerres nécessaires (je crois avoir parlé des guerres de résistance et de libération) mais vous avez sans doute raison avec Machiavel qui nous dit, je crois, qu’une guerre juste est une guerre nécessaire.

Il n’empêche, la guerre est toujours une saloperie, toujours synonyme d’horreur et devoir la faire n’oblige pas à l’aimer.
Lutter contre les nazis est une chose mais finir par griller les habitants de Dresde, de Tokyo, d’Hiroshima et Nagasaki ou éliminer la résistance communiste en Grèce rapproche ceux qui ont perpétré ces crimes des nazis
Quant à la lutte incroyable du peuple vietnamien, ne me faites pas dire autre chose que ce que j’ai écrit, s’il vous plait.*
Je n’aime pas le mot "juste" s’agissant de la guerre, c’est tout.

12/07/2013 21:08 par Dwaabala

@ pilhaouer
Que vous n’aimiez pas le terme est une chose, qu’il ait été défini par et depuis Lénine au moins en est une autre.

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