Ce texte propose une séries d’alternatives concrètes à la crise que traverse l’Europe. Il contient dix-neuf mesures immédiates à prendre au niveau de la finance en général et de la banque en particulier. Au-delà de ces mesures, il propose la socialisation du secteur des banques et des assurances sous contrôle citoyen. Ensuite, il aborde les autres mesures à prendre pour une sortie de crise favorable à l’écrasante majorité de la population : stopper les plans d’austérité ; annuler la dette publique illégitime, insoutenable, odieuse ou/et illégale ; annuler les dettes privées illégitimes ou/et illégales ; augmenter les ressources des pouvoirs publics et réduire les inégalités par l’instauration de la justice fiscale ; réaliser des emprunts publics légitimes ; développer et étendre les services publics ; renforcer le système des retraites par répartition ; réduire radicalement le temps de travail pour garantir le plein emploi et adopter une politique des revenus pour réaliser la justice sociale ; questionner l’euro et agir pour une autre Europe ce qui implique de remplacer les traités actuels via un véritable processus constituant des peuples. Il s’agit de propositions soumises au débat.
par Eric Toussaint
1er avril 2014
A partir du début des années 1980, le secteur bancaire privé a réussi à se libérer des contraintes que les pouvoirs publics avaient établies et maintenues pendant plusieurs décennies afin d’éviter une répétition de la crise bancaire des années 1930. Les régulateurs et les gouvernements devenus adeptes du néolibéralisme ont laissé la bride au cou des banquiers capitalistes qui en ont profité au maximum. Le tout s’est déroulé dans un contexte où le grand capital prenait sa revanche sur une série de conquêtes sociales obtenues par les travailleurs dans l’intérêt de l’écrasante majorité de la population. L’actuelle crise qui a débuté en 2007-2008 n’a pas conduit les pouvoirs publics à imposer une véritable discipline au capital privé. Les quelques mesures adoptées et les mécanismes envisagés afin de remettre un peu d’ordre dans le secteur financier privé sont tout à fait insuffisants pour empêcher de nouvelles crises financières et pour mettre un frein aux comportements spéculatifs et dangereux des institutions financières.
Les droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans la déclaration universelle des droits humains de 1948, codifiés dans un pacte international en 1966 |1|, font l’objet d’une vaste entreprise de démolition |2|. Les droits civils et politiques des citoyens |3| sont également remis en cause au quotidien par les gouvernements et les institutions internationales |4| au service du grand capital : les peuples ne sont pas consultés sur des questions aussi importantes que le sauvetage et l’avenir des banques privées, la privatisation des entreprises et des services publics, l’adoption de traités européens, les choix effectués par les électeurs ne sont pas respectés, la constitution est foulée au pied |
5|, le pouvoir législatif est marginalisé ou réduit à une chambre d’enregistrement…
La crise financière s’inscrit dans un contexte plus large de crise systémique du capitalisme global, elle est multidimensionnelle : économique, écologique, sociale, politique, morale, institutionnelle,… |6|
Il faut rompre de manière radicale avec la logique qui guide aujourd’hui les gouvernements en place et prendre des mesures d’urgence. A l’opposé du système actuel qui offre l’impunité et des parachutes dorés aux responsables des débâcles, il est nécessaire de faire payer la facture des sauvetages bancaires à ceux et celles qui en sont responsables.
Les mesures annoncées pour discipliner les banques sont cosmétiques. La supervision centralisée des banques de la zone euro, la création d’un fonds européen de garantie des dépôts, l’interdiction de certaines opérations (ne touchant que 2 % de l’activité bancaire globale), le plafonnement des bonus, la transparence des activités bancaires ou encore les nouvelles règles bancaires ne constituent que des recommandations, des promesses ou, au mieux, des mesures tout à fait insuffisantes en regard des problèmes à résoudre. Or il faut imposer de véritables règles très strictes et incontournables.
Cette crise devrait être dépassée par la réalisation de mesures qui touchent la structure même du monde de la finance et du système capitaliste.
Le métier de la banque est trop sérieux pour être laissé dans les mains du secteur privé. Il est nécessaire de socialiser le secteur bancaire (ce qui implique son expropriation) et de le placer sous contrôle citoyen (des salariés des banques, des clients, des associations et des représentants des acteurs publics locaux), car il doit être soumis aux règles d’un service public |7| et les revenus que son activité génère doivent être utilisés pour le bien commun.
La dette publique contractée pour sauver les banques est clairement illégitime et doit être répudiée. Un audit citoyen doit déterminer les autres dettes illégitimes, illégales, odieuses, insoutenables… et permettre une mobilisation telle qu’une alternative anticapitaliste crédible puisse prendre forme.
Ces deux mesures doivent s’inscrire dans un programme plus large qui est proposé dans cette contribution en commençant par des mesures immédiates à prendre dans le secteur financier.
La mobilisation citoyenne et l’auto-organisation sociale constituent la condition sine qua non à la réalisation des différentes solutions proposées ci-après. Sans elles, il n’y aura pas de véritable issue émancipatrice à la crise actuelle.
I. Mesures immédiates à prendre au niveau de la finance en général et de la banque en particulier
L’objectif fondamental qui doit être poursuivi au niveau bancaire, comme mentionné dans l’introduction, c’est la socialisation de tout le secteur bancaire. Ceci étant dit des mesures très concrètes et minimales peuvent réunir autour d’une plate-forme commune des mouvements, des partis et des personnes qui ne sont pas nécessairement d’accord entre elles sur l’expropriation du secteur financier afin de le socialiser.
Quelles sont ces mesures ? Voici une liste de 19 mesures concrètes.
- Réduire radicalement la taille des banques afin de supprimer le risque « trop grande pour faire faillite » que représentent les banques systémiques |8|.
- Séparation des banques entre banques de dépôt* (voir glossaire) et banques d’affaires*. Cela implique de démanteler les banques universelles* (mêlant les métiers de banques de dépôts, banques d’affaires et assurances) en les forçant à créer des entités juridiquement séparées |9|. Les banques de dépôt « seraient les seules institutions financières autorisées à collecter des dépôts auprès des épargnants et à bénéficier d’un soutien public (garantie publique des dépôts d’épargne et accès à la liquidité de la Banque centrale). » |10| Ces banques de dépôt ne seraient autorisées qu’à octroyer des prêts aux particuliers, aux entreprises et aux acteurs publics locaux et nationaux. Il leur serait interdit de mener des activités sur les marchés financiers.
- Interdiction des produits dérivés. Cela signifie que les banques et autres institutions financières qui veulent se couvrir contre les risques de différents types (risques de change, de taux d’intérêt, de défaut de paiement…), doivent revenir à des contrats d’assurance classiques.
- Le député européen Philippe Lamberts propose de soumettre les produits financiers à une « autorisation de mise sur le marché ». Comme indiqué plus haut, nous sommes pour l’interdiction pure et simple des dérivés. Dans cette limite, nous appuyons la proposition de Philippe Lamberts et celle de la Fondation Copernic qui s’en rapproche |13| selon laquelle tout produit financier nouveau (à l’exclusion des dérivés qui sont automatiquement interdits) devra être soumis aux autorités de contrôle par les banques d’affaires afin d’obtenir une autorisation avant d’être mis sur le marché.
- Interdire les relations de crédit entre banques de dépôt et banques d’affaires. D’accord avec Frédéric Lordon pour imposer un véritable ’apartheid’ entre banque de dépôt et banque d’affaires, une banque de dépôt ne pourra en aucun cas être impliquée dans une relation de crédit avec une banque d’affaires |14|.
- Séparer les activités de conseil et les activités de marché. D’accord également avec l’économiste belge Eric de Keuleneer qui propose de séparer les activités de conseil et les activités de marché : « Il est en effet anormal que des banques prennent des risques de placement de titres, et conseillent leurs clients quant à la qualité de ces titres, ou soient actuellement en mesure de spéculer sur l’or, tout en conseillant de façon « désintéressée » à leurs clients d’acheter de l’or. » Pour cela il propose de recréer la fonction de courtage.
- Interdire la spéculation. Comme le propose Paul Jorion, il faut interdire la spéculation. « En France la spéculation a été autorisée en 1885, en Belgique en 1867. La spéculation était d’ailleurs définie très clairement par la loi qui visait à « interdire les paris à la hausse ou à la baisse sur des titres financiers ». Avec une telle interdiction, les gens qui la pratiquent seraient en infraction ; qu’ils se trouvent dans une banque X ou Y, cela ne changerait rien » |15|. On peut ajouter que les banques qui spéculeraient pour le compte de clients ou pour leur propre compte seraient condamnées.
L’acquisition par une banque ou une autre institution financière d’un bien matériel (matières premières, aliments, terres, immeubles…) ou d’un titre financier (actions, obligations ou tout autre titre financier) dans le but de spéculer sur son prix serait interdite.
- Qui doit prendre en charge les pertes des banques ?
- Exiger des banques une augmentation radicale du volume des fonds propres en rapport avec le total du bilan |18|. Alors que les fonds propres sont en général inférieurs à 5 % du bilan de la banque, nous sommes pour porter le minimum légal à 20 %.
- Interdiction des marchés financiers de gré à gré*. Toutes les transactions sur les marchés financiers doivent être enregistrées, traçables, réglementées et contrôlées. Jusqu’ici les principaux marchés financiers sont de gré à gré, c’est-à-dire qu’ils ne sont soumis à aucun contrôle : il s’agit du marché des changes* (5 300 milliards de dollars chaque jour |19|), du marché des dérivés*, du marché des commodities* |20|…
- Mettre fin au secret bancaire. Les banques doivent avoir l’obligation de communiquer toutes les informations sur leurs responsables, leurs différentes entités, leurs clients, les activités qu’elles exercent et les transactions qu’elles réalisent pour le compte de leurs clients et pour elles-mêmes. De même, les comptes des banques doivent également être lisibles et compréhensibles. La levée du secret bancaire doit devenir un impératif démocratique minimal pour tous les pays. Concrètement cela signifie que les banques doivent tenir à la disposition de l’administration fiscale : - une liste nominative des bénéficiaires d’intérêts, de dividendes, de plus-values et autres revenus financiers ; - les informations sur les ouvertures, les modifications et les fermetures de comptes bancaires en vue d’établir un répertoire national des comptes bancaires ; - toutes les entrées et sorties de capitaux avec l’identification du donneur d’ordre.
- Interdire les transactions avec les paradis fiscaux*. Il faut interdire aux banques toute transaction avec un paradis fiscal. Le non respect de l’interdiction doit être assorti de sanctions très lourdes jusqu’au retrait de la licence bancaire et le paiement de lourdes amendes.
- Interdire le trading à haut fréquence* et le shadow banking*. Limiter strictement ce qui peut être mis dans le hors bilan* |21|. Interdire les ventes à découvert* et les ventes à nu*.
- Conditions de travail, rémunération, emploi et temps de travail. Garantir le volume de l’emploi dans le secteur bancaire et les conditions de travail. Instauration de l’égalité complète de salaire entre les hommes et les femmes. Il devra y avoir une échelle des salaires de nature à élever les salaires les plus bas et mettre une limite aux plus hauts revenus. Il faut instaurer un plafond maximum de rémunération. On pourrait suivre la recommandation de Platon en fixant un écart de rémunération ne dépassant pas 4, ou celle d’Aristote la fixant à 5 |22|. Cela implique évidemment une réduction radicale des rémunérations autorisées (rémunérations fixes et autres émoluments globalisés) pour le personnel de direction |23|.
Les rémunérations aléatoires indexées sur les ventes et autres primes qui incitent au défaut de conseil et à la prise de risques doivent être abandonnées au profit d’une rémunération fixe. Par ailleurs, la réduction du temps de travail qui est préconisée plus loin devra évidemment être appliquée dans le secteur bancaire et être compensée par des embauches de personnel.
Il faut interdire le benchmarking |24| et le lean management |25|.
- Interdiction de la socialisation des pertes des banques et des autres institutions financières privées. Il s’agit d’interdire aux pouvoirs publics de mettre à la charge des finances publiques des dettes privées.
- Poursuite systématique des dirigeants responsables de délits et de crimes financiers. Retrait de la licence bancaire aux institutions qui ne respectent pas les interdictions et se rendent coupables de malversations.
- Taxer les banques. Les bénéfices des banques doivent être soumis strictement aux dispositions légales en matière d’imposition des sociétés. En effet actuellement le taux effectivement payé est très nettement inférieur au taux légal lui-même largement insuffisant. Les transactions bancaires sur les devises et sur les titres financiers doivent être taxées. Les dettes bancaires à court terme doivent être taxées afin de favoriser le financement à long terme.
- Sauver les banques d’une autre manière. Outre les trois dispositions mentionnées plus haut : responsabilité illimitée des grands actionnaires (sur leur patrimoine global), garantie des dépôts jusque 150 000 euros, interdiction de mettre des dettes privées à la charge des finances publiques, il s’agit de créer un mécanisme de mise en faillite ordonnée des banques avec la création de deux structures : une banque de défaisance privée (à charge des actionnaires privés et sans aucun coût pour les pouvoirs publics) et une banque publique vers laquelle sont transférés les dépôts ainsi que les actifs* sains. Certaines expériences récentes peuvent servir de source d’inspiration, notamment l’expérience islandaise depuis 2008.
- Il faut renforcer les banques publiques existantes et en recréer dans les pays où elles ont été privatisées (bien sûr en les soumettant comme toutes les autres banques aux mesures concrètes mentionnées plus haut). En France, s’est mis en place en 2012 un collectif « Pour un Pôle Public Financier au service des Droits ! » |26|. Dans le cas de la Belgique où le gouvernement a privatisé les dernières banques publiques dans les années 1990, l’État a racheté en 2011, la « partie » banque de Dexia et en est actionnaire à 100 %. Dexia Banque est devenue Belfius et garde un statut privé. Il faut que Belfius devienne une véritable banque publique et qu’on y mette en pratique les mesures concrètes formulées plus haut. Le montant payé par l’État s’élève à 4 milliards d’euros, ce que la commission européenne a considéré elle-même comme tout à fait exagéré. Ce qu’il aurait fallu faire : Belfius aurait dû être constituée sans coût pour les finances publiques comme institution bancaire publique bénéficiant des dépôts des clients chez Dexia Banque et de tous les actifs* sains. Cette banque aurait dû être mise sous contrôle citoyen. Les conditions de travail, l’emploi et les revenus du personnel auraient dû être garantis tandis que les rémunérations des dirigeants auraient dû être nettement réduites. Il fallait interdire aux administrateurs et directeurs d’avoir un mandat dans une institution privée. Les dirigeants de Dexia auraient dû être poursuivis en justice par le ministère public pour les différents délits qu’ils ont commis.
La mise en pratique des 19 mesures concrètes qui sont mentionnées plus haut constituerait une avancée dans la réforme du secteur bancaire mais le secteur privé continuerait à occuper une position dominante. Ce que démontre l’expérience des dernières années, c’est qu’on ne peut pas faire confiance aux capitalistes pour posséder et diriger des banques. Si, par la mobilisation sociale, on arrive à faire appliquer les mesures présentées plus haut (qui, je le répète, sont soumises à la discussion afin de les améliorer et compléter), les capitalistes chercheront par tous les moyens à récupérer une partie du terrain perdu, ils multiplieront les activités leur permettant de contourner les réglementations, ils utiliseront leurs puissants moyens financiers pour acheter l’appui de législateurs et de gouvernants afin de déréglementer à nouveau et d’augmenter au maximum leurs profits sans prise en compte de l’intérêt de la majorité de la population.
II. Socialisation du secteur bancaire sous contrôle citoyen
Parce que les capitalistes ont démontré à quel point ils étaient capables de commettre des délits et de prendre des risques (dont ils refusent d’assumer les conséquences) dans le seul but d’augmenter leurs profits, parce que leurs activités entraînent périodiquement un lourd coût pour la société, parce que la société que nous voulons construire doit être guidée par la recherche du bien commun, de la justice sociale et de la reconstitution d’une relation équilibrée entre les humains et les autres composantes de la nature, il faut socialiser le secteur bancaire. Comme le propose Frédéric Lordon, il s’agit de réaliser « une déprivatisation intégrale du secteur bancaire » |27|.
Socialiser le secteur bancaire signifie :
- l’expropriation sans indemnité (ou avec comme seule indemnité l’euro symbolique) des grands actionnaires (les petits actionnaires seront indemnisés) ;
- l’octroi au secteur public du monopole de l’activité bancaire à une exception près : l’existence d’un secteur bancaire coopératif de petite taille (soumis aux mêmes règles fondamentales que le secteur public) ;
- la création d’un service public de l’épargne, du crédit et de l’investissement structuré en un réseau de petites implantations proches des citoyens ;
- la définition avec participation citoyenne d’une charte sur les objectifs à atteindre et sur les missions à poursuivre ;
- la transparence (de la comptabilité) des comptes qui doivent être présentés au public de manière compréhensible.
Le mot « socialisation » est utilisé de préférence à celui de « nationalisation » ou « étatisation » pour indiquer clairement à quel point est essentiel le contrôle citoyen avec un partage de décision entre les dirigeants, les représentants des salariés, des clients, d’associations, les élus locaux et les représentants des instances bancaires publiques nationales et régionales. Il faut donc définir de manière démocratique l’exercice d’un contrôle citoyen actif. De même, il faut encourager l’exercice d’un contrôle des activités de la banque par les travailleurs du secteur bancaire et leur participation active à l’organisation du travail. Il faut que les directions des banques remettent annuellement un rapport public sur leur gestion. Il faut privilégier un service de proximité et de qualité rompant avec les politiques d’externalisation menées actuellement. Il faut encourager le personnel des établissements financiers à assurer à la clientèle un authentique service de conseil et rompre avec les politiques commerciales agressives de vente forcée.
La socialisation du secteur bancaire et son intégration aux services publics permettront :
- de soustraire les citoyens et les pouvoirs publics de l’emprise des marchés financiers ;
- de financer les projets des citoyens et des pouvoirs publics ;
- de dédier l’activité bancaire au bien commun avec entre autres missions celle de faciliter la transition d’une économie capitaliste, productiviste à une économie sociale et écologique.
Comme l’écrit Patrick Saurin : « Aujourd’hui, l’heure n’est plus à socialiser les pertes des banques mais les banques elles-mêmes dans leur intégralité. » |28|.
III. Socialisation du secteur de l’assurance et son intégration au service public.
Vu l’imbrication des métiers de la banque et de l’assurance au sein des banques universelles*, vu que les grands groupes d’assurances adoptent des comportements aussi aventureux que les banques tout en étant soumis à encore moins de régulation que celles-ci, il convient aussi de socialiser le secteur privé de l’assurance. Rappelons que conformément au programme du Conseil national de la Résistance, les compagnies d’assurance ont été nationalisées en France en avril 1946 après la nationalisation des grandes banques intervenue à la fin de l’année 1945.
IV. Les autres mesures à prendre pour une sortie de crise favorable à l’écrasante majorité de la population
La réduction du déficit public n’est pas un but en soi. En effet, dans certaines circonstances, le déficit peut être utilisé pour relancer l’activité économique et réaliser des dépenses afin d’améliorer les conditions de vie des victimes de la crise. Une fois l’activité économique relancée, la réduction des déficits publics doit se faire non pas en réduisant les dépenses sociales publiques, mais par la hausse des recettes fiscales, en luttant contre la grande fraude fiscale et en taxant davantage les revenus des grandes entreprises, le patrimoine et les revenus des ménages riches, les transactions financières... Il est d’ailleurs parfaitement possible d’augmenter les recettes des taxes et impôts tout en diminuant la charge qui pèse sur les revenus et le patrimoine des 50 % d’en bas.
Pour réduire le déficit, il faut aussi réduire radicalement les dépenses entraînées par le remboursement de la dette publique dont la partie illégitime, insoutenable, odieuse et/ou illégale doit être annulée. La compression des dépenses doit aussi porter sur le budget militaire ainsi que sur d’autres dépenses socialement inutiles et dangereuses pour l’environnement (constructions de nouveaux aéroports, de nouvelles infrastructures autoroutières…).
En revanche, il est fondamental d’augmenter les dépenses sociales, notamment pour contrecarrer les effets de la dépression économique. Il faut également accroître les dépenses dans les énergies renouvelables et dans certaines infrastructures comme les transports en commun, les établissements scolaires, les installations de santé publique. Une politique de relance par la demande publique et par la demande de la majorité des ménages génère également une meilleure rentrée des impôts.
Au-delà, d’une politique de relance de l’emploi et de l’économie, la crise doit donner la possibilité de rompre avec la logique capitaliste et de réaliser un changement radical de société. La nouvelle logique à construire devra tourner le dos au productivisme, intégrer la donne écologique, éradiquer les différentes formes d’oppression (raciste, patriarcale…) et promouvoir les biens communs.
Pour cela, il faut construire un vaste front anticrise et anti austérité, tant à l’échelle internationale que localement, afin de réunir les énergies pour créer un rapport de force favorable à la mise en pratique de solutions radicales centrées sur la justice sociale et environnementale.
V. Stopper les plans d’austérité, ils sont injustes et approfondissent la crise
Mettre fin aux mesures antisociales d’austérité constitue une priorité absolue. Par la mobilisation dans la rue, sur les places publiques, par la grève, par le refus des impôts et taxes impopulaires, il faut forcer les gouvernements à abroger les plans d’austérité.
VI. Annuler la dette publique illégitime, insoutenable, odieuse ou/et illégale
Les audits citoyens en cours dans plusieurs pays |29| ont généré des débats très riches et intéressants qui permettent de clarifier ce qu’il faut considérer comme des dettes publiques qui ne doivent pas être honorées. Sans prétention d’être exhaustif et d’avoir le dernier mot, on peut avancer les définitions suivantes :
- a. Dette publique illégitime : une dette contractée par les pouvoirs publics sans respecter l’intérêt général ou au préjudice de l’intérêt général.
- b. Dette illégale : dette contractée en violation de l’ordre juridique ou constitutionnel applicable.
- c. Dette publique odieuse : crédits qui sont octroyés à des régimes autoritaires ou qui le sont en imposant des conditions qui violent les droits sociaux, économiques, culturels, civils ou politiques des populations concernées par le remboursement.
- d. Dette publique insoutenable : dette dont le remboursement condamne la population d’un pays à l’appauvrissement, à une dégradation de la santé et de l’éducation publique, à l’augmentation du chômage, voire à la sous-alimentation.
Bref, une dette dont le remboursement implique le non respect des droits humains fondamentaux. Tourné autrement : une dette dont le remboursement empêche les pouvoirs publics de garantir les droits humains fondamentaux.
La réalisation d’un audit de la dette publique effectué par les citoyens ou sous contrôle citoyen, combinée, dans certains cas, à une suspension unilatérale et souveraine du remboursement de la dette publique, permettra d’aboutir à une annulation/répudiation de la partie illégitime, odieuse, insoutenable ou/et illégale de la dette publique et de réduire fortement le reste de la dette.
Les dettes publiques accumulées en raison des sauvetages bancaires tels qu’ils ont été réalisés sont typiquement des dettes illégitimes. Il n’est pas exclu que dans certains pays, elles soient illégales. Elles peuvent être également insoutenables, c’est le cas de la Grèce, de Chypre, de l’Irlande…
Les dettes réclamées par la Troïka à la Grèce, au Portugal, à l’Irlande et à Chypre sont à la fois illégitimes (elles vont à l’encontre de l’intérêt général), odieuses (elles sont liées directement à l’imposition de la part du créancier, la Troïka, de violations des relations contractuelles, de droits économiques et sociaux), insoutenables (vu la dégradation dramatique des conditions de vie d’une partie importante de la population) et dans certains cas illégales (c’est le cas en Grèce, où la constitution n’a pas été respectée sous la pression de la Troïka et avec la complicité du gouvernement qui lui était soumis).
Pourquoi réduire la dette publique ? Pourquoi l’État endetté doit-il réduire radicalement sa dette publique en procédant à l’annulation des dettes illégitimes ? D’abord pour des raisons de justice sociale, mais aussi pour des raisons économiques que tout un chacun peut comprendre et s’approprier. Pour sortir de la crise par le haut, on ne peut pas se contenter de relancer l’activité économique grâce à la demande publique et à celle des ménages. Car si on se contentait d’une telle politique de relance combinée à une réforme fiscale redistributive, le supplément de recettes fiscales serait siphonné très largement par le remboursement de la dette publique. Les contributions qui seraient imposées aux ménages les plus riches et aux grandes entreprises privées seraient largement compensées par la rente qu’ils tirent des obligations d’État dont ils sont de très loin les principaux détenteurs et bénéficiaires (raison pour laquelle ils ne veulent pas entendre parler d’une annulation de dette). Il faut donc bel et bien annuler une très grande partie de la dette publique.
L’ampleur de cette annulation dépendra des caractéristiques de la dette de chaque pays, du niveau de conscience de la population victime du système de la dette (à ce niveau, l’audit citoyen joue un rôle crucial), de l’évolution de la crise économique et politique, et surtout des rapports de force concrets qui se construisent dans la rue, sur les places publiques et sur les lieux de travail au travers des mobilisations actuelles et à venir. Dans certains pays comme la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Espagne, Chypre…, la question de l’annulation de la dette est une question de la plus grande actualité. Pour des pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas, la France, la Belgique, l’Autriche, le Royaume-Uni, les États-Unis…, la question ne se présente pas (encore) aujourd’hui comme un problème à résoudre d’urgence. Mais tôt ou tard, la plupart des pays seront confrontés au caractère insoutenable du paiement de la dette.
La suspension de paiement. Pour les nations d’ores et déjà soumises au chantage des spéculateurs, du FMI et d’autres organismes comme la Commission européenne, il convient de recourir à un moratoire unilatéral du remboursement de la dette publique. Cette proposition devient populaire dans les pays les plus touchés par la crise. Un tel moratoire unilatéral doit être combiné à la réalisation d’un audit citoyen des emprunts publics, qui doit permettre d’apporter à l’opinion publique les preuves et les arguments nécessaires à la répudiation de la partie de la dette identifiée comme illégitime. Comme l’a montré le CADTM dans plusieurs publications, le droit international et le droit interne des pays offrent une base légale pour une telle action souveraine unilatérale |30|.
Refuser les allègements de dette liés à des conditions antisociales par les créanciers. Il n’est pas question de soutenir les allègements de dette décidés par les créanciers à cause des sévères contreparties qu’ils impliquent. Le plan de réduction d’une partie de la dette grecque mis en pratique à partir de mars 2012 est lié à l’application d’une dose supplémentaire de mesures piétinant les droits économiques et sociaux de la population grecque et la souveraineté du pays |31|. Il s’agissait d’une opération visant à permettre aux banques privées étrangères (principalement françaises et allemandes) de se dégager en limitant leurs pertes, aux banques privées grecques d’être recapitalisées aux frais du Trésor public, et à la Troïka de renforcer durablement son emprise sur la Grèce. Alors que la dette publique grecque représentait 130 % du PIB en 2009, et 157 % en 2012 après l’annulation partielle de la dette, elle a atteint un nouveau sommet en 2013 à 175 % ! Il faut donc dénoncer l’opération de réduction de la dette grecque telle qu’elle a été menée, et y opposer une alternative : l’annulation de dette (c’est-à-dire sa répudiation par le pays débiteur) qui est un acte souverain unilatéral tout à fait légitime.
L’audit doit permettre d’identifier les responsables de l’endettement illégitime, odieux, insoutenable ou/et illégal. L’audit citoyen doit aussi permettre de déterminer les différentes responsabilités dans le processus d’endettement et d’exiger que les responsables tant nationaux qu’internationaux rendent des comptes à la justice. Si l’audit démontre l’existence de délits liés à l’endettement illégitime, leurs auteurs (personnes physiques ou morales) devront être sévèrement condamnés à payer des réparations, seront privés d’exercer une profession liée au crédit (des banques coupables pourraient se voir retirer leur licence bancaire) et ne devront pas échapper à des peines d’emprisonnement en fonction de la gravité de leurs actes. Il faut demander des comptes en justice à l’encontre des autorités ayant lancé des emprunts illégitimes.
Qui paiera la facture de l’annulation de la dette ? Dans tous les cas de figure, il est légitime que les institutions privées et les individus à hauts revenus qui détiennent des titres de ces dettes supportent le fardeau de l’annulation de dettes souveraines illégitimes car ils portent largement la responsabilité de la crise, dont ils ont de surcroît profité. Le fait qu’ils doivent supporter cette charge n’est qu’un juste retour vers davantage de justice sociale.
Il est donc important d’identifier les détenteurs de titres afin d’indemniser parmi eux les citoyens et citoyennes à faibles et moyens revenus. Le meilleur moyen d’identifier les détenteurs de la dette, c’est d’en suspendre le paiement car ils devront se faire connaître pour prétendre à un remboursement. Cela permettra à l’État de rembourser intégralement les petits porteurs de titres de dette publique. Ajoutons qu’à « l’occasion d’une annulation de dettes publiques, il conviendra de protéger les petits épargnants qui ont placé leurs économies dans des titres publics ainsi que les salariés et les retraités qui ont vu une partie de leurs cotisations sociales (retraite, chômage, maladie, famille) placée par les institutions ou les organismes gestionnaires dans ce même type de titres. » |32|. La partie de la dette publique identifiée comme légitime devra être réduite en mettant à contribution ceux qui en ont profité. Une des options pour leur faire supporter le coût de l’opération consiste à prélever un impôt exceptionnel progressif sur le décile le plus riche. Les recettes de cet impôt serviront à rembourser anticipativement une partie de la dette considérée comme légitime. D’autres formules sont envisageables, la discussion est ouverte.
Mesures complémentaires concernant la dette. Par ailleurs, la part du budget de l’État destinée au remboursement de la dette devra être plafonnée en fonction de la santé économique, de la capacité des pouvoirs publics à rembourser et du caractère incompressible des dépenses sociales. Il faut s’inspirer de ce qui avait été fait pour l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale : l’accord de Londres de 1953 qui consistait notamment à réduire de 62 % le stock de la dette allemande stipulait que la relation entre service de la dette et revenus d’exportations ne devait pas dépasser 5 % |33|. On pourrait définir un ratio de ce type : la somme allouée au remboursement de la dette ne peut excéder 5 % des recettes de l’État.
Il faut également adopter un cadre légal afin d’éviter la répétition de la crise qui a débuté en 2007-2008 : interdiction de socialiser des dettes privées, obligation d’organiser un audit permanent de la politique d’endettement public avec participation citoyenne, imprescriptibilité des délits liés à l’endettement illégitime, nullité des dettes illégitimes, adoption d’une règle d’or qui consiste à dire que les dépenses publiques qui permettent de garantir les droits humains fondamentaux sont incompressibles et priment sur les dépenses relatives au remboursement de la dette… Comme on le voit, les pistes alternatives ne manquent pas.
VII. Annulation des dettes privées illégitimes ou/et illégales
A l’échelle internationale, dans un climat de spéculation immobilière dans laquelle elles jouaient un rôle moteur, les banques privées ont abusé massivement de millions de familles en matière de crédit hypothécaire. Lorsque la bulle a éclaté et que les défauts de paiement se sont multipliés, elles ont fait procéder à des saisies et à des expulsions forcées. C’est le cas aux États-Unis, en Espagne, en Irlande, en Islande, dans plusieurs pays d’Europe centrale et de l’Est. Il faut obtenir l’annulation des dettes illégitimes, voire illégales, qui concernent au moins des centaines de milliers de familles et agir pour qu’elles ne soient pas expulsées de leur logement.
Les banques et les institutions universitaires privées ont abusé de centaines de milliers d’étudiants en leur imposant des conditions d’endettement inadmissibles et illégitimes. Rappelons que la dette étudiante aux États-Unis atteint 1 000 milliards de dollars. Il faut également des mesures d’annulation de ces dettes.
VIII. Augmenter les ressources des pouvoirs publics et réduire les inégalités par l’instauration de la justice fiscale
Depuis 1980, les impôts directs n’ont cessé de baisser sur les revenus les plus élevés et sur les grandes entreprises. Ces centaines de milliards d’euros de cadeaux fiscaux ont pour l’essentiel été orientées vers la spéculation et l’accumulation de richesses de la part des plus riches. Depuis 1975-1980, la tendance est à une remontée des inégalités, les 1 % et 10 % les plus riches augmentent fortement la part de patrimoine qu’ils accaparent.
En 2010, en Europe, le 1 % le plus riche détenait 25 % du patrimoine total. C’est grosso modo la classe capitaliste et elle concentre une part impressionnante du patrimoine. Si on élargit l’étude aux 10 % les plus riches, c’est 60 % du patrimoine total qui étaient entre les mains cette minorité. On peut considérer que les 9 % ainsi ajoutés représentent l’entourage ou les alliés au sens large de la classe capitaliste. Les 90 % restant devaient donc se contenter de 40 % du patrimoine. Et parmi eux, les 50 % les plus modestes n’en possédaient que 5 % |34|.
Ce qui vient d’être dit pour l’Union européenne peut être étendu au reste du monde car, du Nord au Sud de la planète, on a assisté à une augmentation impressionnante du patrimoine des plus riches.
On pourrait aussi s’intéresser à une minorité encore plus infime. Le 1 vingt millionième le plus riche de la population adulte au niveau planétaire en 1987 était constitué de 150 personnes, chacune ayant en moyenne un patrimoine de 1,5 milliard de dollars. Seize ans plus tard, en 2013, le vingt millionième le plus riche comptait 225 personnes dont chacune avait en moyenne 15 milliards de dollars, soit une progression de 6,4 % par an |35|. Le 0,1 % (1 millième de la population mondiale) le plus riche détient 20 % du patrimoine mondial, le 1 % détient 50 %. Si on prend en considération le patrimoine des 10 % les plus riches, Thomas Piketty estime qu’il représente 80 à 90 % du patrimoine mondial total, les 50 % les moins fortunés possédant certainement moins de 5 %. Cela donne là-aussi la mesure de l’effort de redistribution à réaliser. Redistribution qui nécessite la confiscation d’une part très importante du patrimoine des plus riches.
Revenons en Europe. Il faut combiner une réforme en profondeur de la fiscalité dans un but de justice sociale (réduire à la fois les revenus et le patrimoine des plus riches pour augmenter ceux de la majorité de la population) avec son harmonisation sur le plan européen afin d’empêcher le dumping fiscal |36|. Le but est une augmentation des recettes publiques, notamment via l’impôt progressif sur le revenu des personnes physiques les plus riches (le taux marginal de l’impôt sur le revenu peut tout à fait être porté à 90 %, voire à 100% |37|), l’impôt sur le patrimoine à partir d’un certain montant et l’impôt sur les sociétés.
Le produit intérieur brut de l’Union européenne s’élevait en 2013 a environ 14 700 milliards d’euros. Le total du patrimoine privé des ménages européens s’élève à environ 70 000 milliards d’euros. Le 1 % le plus riche détient à lui seul grosso modo 17 500 milliards d’euros (25 % de 70 000 milliards euros). Les 9 % qui suivent détiennent 24 500 milliards d’euros (35 %). Les 40 % du milieu détiennent 24 500 milliards d’euros (35 %). Les 50 % restants détiennent 3 500 milliards d’euros (5 %).
Le budget annuel de la commission européenne s’élève à environ 1 % du PIB de l’UE. Cela signifie qu’un impôt annuel de 1 % sur le patrimoine du 1 % le plus riche dans l’UE fournirait une somme de 175 milliards, c’est-à-dire davantage que le budget actuel de l’UE qui s’élève environ à 145 milliards d’euros. Que dire d’un impôt de 5 % ? Cela donne une idée de ce qui est potentiellement réalisable si on réussissait par la mobilisation sociale à obtenir un changement radical de politique au niveau européen ou même au niveau d’un seul pays de l’UE.
Un impôt exceptionnel (c’est-à-dire réalisé une seule fois au cours d’une génération) de 33 % sur le patrimoine du 1 % le plus riche dans l’UE fournirait près de 6 000 milliards euros (c’est-à-dire plus de 40 fois le budget annuel de l’UE !). Que dire d’un taux confiscatoire de 80 % ?
Cela doit permettre de prendre la mesure des enjeux portant sur la taxation du patrimoine privé des capitalistes et sur les possibilités qui s’ouvrent en matière d’élaboration de propositions pour trouver l’argent là où il est, afin de le mettre au service de la justice sociale.
Nombreux sont les économistes qui répètent sans cesse qu’il ne sert à rien de taxer les plus riches car ils sont tellement peu nombreux que le rendement ne peut pas être vraiment important. Or, le 1 % a concentré au cours du temps une telle quantité de biens immobiliers et mobiliers qu’une politique ciblée sur le 1 % le plus riche ou sur les 2,5 % les plus riches (voire les 10 % les plus riches) peut fournir une très grande marge de manœuvre pour réaliser la rupture avec le néolibéralisme.
A ceux qui affirment que ce patrimoine est inaccessible car il peut franchir facilement les frontières, il faut répondre que la mise sous séquestre, le gel des avoirs financiers, de lourdes amendes et condamnations à l’égard des banques qui sont complices de la fuite des fonds |38| et le contrôle des mouvements de capitaux sont de puissants outils qui peuvent parfaitement être utilisés.
Cette augmentation des recettes doit aller de pair avec une baisse rapide du prix d’accès aux biens et services de première nécessité (aliments de base, eau, électricité, chauffage, transports publics, matériel scolaire…), notamment par une réduction forte et ciblée de la TVA sur ces biens et services vitaux. De même, il faudrait exempter de la taxe foncière ou immobilière la maison de résidence en dessous d’une certain montant de manière à alléger immédiatement la charge fiscale sur les 60 ou 70 % de la population les moins fortunés.
Il s’agit par ailleurs d’adopter une politique fiscale qui favorise la protection de l’environnement en taxant de manière dissuasive les industries polluantes.
IX. Des emprunts publics légitimes
Un État doit pouvoir emprunter afin d’améliorer les conditions de vie des populations, par exemple en réalisant des travaux d’utilité publique et en investissant dans les énergies renouvelables. Certains de ces travaux peuvent être financés par le budget courant grâce à des choix politiques affirmés. Des emprunts publics peuvent en rendre possibles d’autres de plus grande envergure, par exemple pour passer du « tout automobile » à un développement massif des transports collectifs respectueux de l’environnement, pour fermer définitivement les centrales nucléaires et leur substituer des énergies renouvelables, pour créer ou rouvrir des voies ferrées de proximité sur tout le territoire en commençant par le territoire urbain et semi-urbain, ou encore pour rénover, réhabiliter ou construire des bâtiments publics et des logements sociaux en réduisant leur consommation d’énergie et en leur adjoignant des commodités de qualité.
Il convient de définir une politique transparente d’emprunt public : 1. la destination de l’emprunt public doit garantir une amélioration des conditions de vie, rompant avec la logique de destruction environnementale ; 2. le recours à l’emprunt public doit contribuer à une volonté redistributive afin de réduire les inégalités. C’est pourquoi il faut que les institutions financières, les grandes entreprises privées et les ménages riches soient contraints par voie légale d’acheter, pour un montant proportionnel à leur patrimoine et à leurs revenus, des obligations d’État à 0 % d’intérêt et non indexées sur l’inflation, le reste de la population pourra acquérir de manière volontaire des obligations publiques qui garantiront un rendement réel positif (par exemple 3 %) supérieur à l’inflation. Ainsi, si l’inflation annuelle s’élève à 3 %, le taux d’intérêt effectivement payé par l’État pour l’année correspondante sera de 6 %.
Une telle mesure de discrimination positive (comparable à celles adoptées pour lutter contre l’oppression raciale aux États-Unis, les castes en Inde ou les inégalités hommes-femmes) permettra d’avancer vers davantage de justice fiscale et vers une répartition moins inégalitaire des richesses.
Par ailleurs, il faut que la banque centrale de chaque pays et la BCE (dans le cas des pays membres de l’Eurozone) financent le budget de l’État à un taux d’intérêt proche de zéro.
X. Promotion et extension des services publics
Le développement des services publics au cours du 20e siècle jusqu’au tournant néolibéral des années 1980 constitue une des grandes avancées sociales et sociétales. Il s’agit non seulement de défendre ces services publics mais de les étendre à des secteurs d’activités qui ont été privatisés et les imposer dans des secteurs où ils n’existaient pas. L’enseignement, la santé, les transports collectifs, les télécommunications, l’internet, la radio télévision, la poste, la distribution et l’assainissement des eaux, la collecte et le retraitement des déchets, les soins de proximité, les administrations publiques, les services divers des administrations locales et régionales, les services d’incendie, de protection civile… sont des secteurs où les services publics doivent avoir un rôle dominant ou un monopole. Nous prônons l’élargissement des services publics aux secteurs de la banque et de l’assurance. Nous y ajoutons le secteur de l’énergie, ce qui est essentiel si on veut assurer la transition écologique.
Les services publics doivent recevoir une dotation financière suffisante pour assurer leur mission et rémunérer leurs salariés de façon décente. Les rémunérations, le statut du personnel, la stabilité de l’emploi, les conditions de travail doivent être améliorés. Le contrôle citoyen est aussi essentiel pour améliorer la qualité du service.
Il faut dé-privatiser les entreprises et les secteurs qui ont été livrés au secteur privé.
XI. Renforcer le système des retraites par répartition
Autre conquête fondamentale du 20e s., le système des retraites par répartition (le 1er pilier) doit être renforcé. Il faut progressivement éliminer les 2 et 3e piliers. Il faut refuser l’allongement de l’âge de la retraite. C’est parfaitement faisable si le premier pilier est renforcé et si grâce à la réduction du temps de travail dans tous les secteurs et au renforcement des services publics, on augmente le nombre d’emplois et donc le nombre de cotisants au système par répartition.
XII. Réduire radicalement le temps de travail pour garantir le plein emploi et adopter une politique des revenus pour réaliser la justice sociale
Répartir autrement les richesses est la meilleure réponse à la crise. La part destinée aux salariés dans les richesses produites a nettement baissé depuis plusieurs décennies, tandis que les créanciers et les entreprises ont accru leurs profits pour les consacrer à la spéculation. En augmentant les salaires, non seulement on permet aux populations de vivre dignement, mais on renforce aussi les moyens qui servent au financement de la protection sociale et des régimes de retraite.
En diminuant le temps de travail sans réduction de salaire et en créant des emplois, on améliore la qualité de vie des travailleurs, on fournit un emploi à celles et ceux qui en ont besoin. La réduction radicale du temps de travail offre aussi la possibilité de mettre en pratique un autre rythme de vie, une manière différente de vivre en société en s’éloignant du consumérisme et rompant avec la marchandisation des rapports sociaux. Le temps gagné en faveur des loisirs doit permettre l’augmentation de la participation active des personnes à la vie politique, au renforcement des solidarités, aux activités bénévoles et à la création culturelle, les « produits de haute nécessité » ainsi que les appellent des intellectuels antillais dans un manifeste publié début 2009. C’est en définitive un nouvel imaginaire qu’il s’agit de construire, à la place d’un vieil imaginaire réifié, aliéné par la marchandise.
Il faut également relever significativement le montant du salaire minimum légal, des salaires moyens et des allocations sociales. En revanche, il faut fixer un plafond très strict pour les rémunérations des dirigeants des entreprises, qu’elles soient privées ou publiques, rémunérations qui atteignent des sommets absolument inacceptables. Il s’agit d’interdire les bonus, les stock-options, les retraites « chapeau » et autres avantages injustifiés dérogatoires. Il convient d’instaurer un revenu maximum autorisé. Comme indiqué plus haut, nous recommandons un écart maximum de 1 à 4 dans les revenus avec une globalisation de l’ensemble des revenus d’une personne afin de les soumettre à l’impôt.
XIII. Questionner l’euro
Le débat sur la sortie de l’euro pour une série de pays comme la Grèce est tout à fait nécessaire. Il est clair que l’euro est une camisole de force pour la Grèce, le Portugal, Chypre, l’Irlande ou encore l’Espagne. Si nous n’y accordons pas ici la même attention qu’aux autres propositions d’alternatives, c’est que le débat traverse et divise tant les mouvements sociaux que les partis de gauche et qu’il est nécessaire d’y consacrer de nombreuses pages pour faire le tour de la question. Si certains pays sortent de l’euro, ils devront choisir entre une sortie de droite ou sortie de gauche comme le signale Costas Lapavitsas |39|. Notre préoccupation centrale est de rassembler sur les thèmes vitaux mentionnés plus haut, en particulier les solutions à proposer concernant les banques et la dette, en laissant de côté temporairement ce qui nous divise.
XIV. Une autre Europe : remplacement des traités actuels via un véritable processus constituant des peuples
Plusieurs dispositions des traités qui régissent l’Union européenne, la zone euro et la BCE doivent être abrogées. Par exemple, il faut supprimer les articles 63 et 125 du traité de Lisbonne interdisant tout contrôle des mouvements de capitaux et toute aide à un État en difficulté. Il faut également abandonner le Pacte de stabilité et de croissance. Le MES (Mécanisme européen de stabilité) doit être éliminé.
Il faut revoir complètement la politique monétaire ainsi que le statut et la pratique de la BCE. Les gouvernements et l’Union européenne qui ont créé la BCE se sont dotés d’un outil supplémentaire de destruction des conquêtes sociales et démocratiques.
La BCE et les banques centrales des États doivent pouvoir financer directement des États soucieux d’atteindre des objectifs sociaux et environnementaux qui intègrent parfaitement les besoins fondamentaux des populations.
Il faut abroger les traités actuels et les remplacer par de nouveaux dans le cadre d’un véritable processus constituant démocratique. Cela implique l’élection d’une assemblée constituante au suffrage universel suivie d’un référendum d’approbation du projet de nouvelle constitution. Il s’agira d’aboutir à un pacte de solidarité des peuples pour la démocratie, l’emploi et la transition écologique.
Une Europe bâtie sur la solidarité et la coopération doit permettre de tourner le dos à la concurrence et à la compétition, qui tirent « vers le bas ». La logique néolibérale a conduit à la crise et révélé son échec. Elle a poussé les indicateurs sociaux à la baisse : moins de protection sociale, moins d’emplois, moins de services publics. La poignée de ceux qui ont profité de cette crise l’a fait en piétinant les droits de la majorité des autres. Les coupables ont gagné, les victimes paient ! Cette logique, qui sous-tend tous les textes fondateurs de l’Union européenne, doit être battue en brèche.
Une autre Europe, axée sur la coopération entre États et la solidarité entre les peuples, doit devenir l’objectif prioritaire. Des politiques globales à l’échelle européenne, comprenant des investissements publics massifs pour la création d’emplois publics dans des domaines essentiels (des services de proximité aux énergies renouvelables, de la lutte contre le changement climatique aux secteurs sociaux de base), doivent s’imposer. Une autre politique passe par un processus coordonné par les peuples afin d’adopter une Constitution pour construire une autre Europe.
Cette autre Europe démocratisée doit œuvrer pour imposer des principes non négociables : instauration de la justice fiscale et sociale, réalisation de l’égalité homme – femme, choix tournés vers l’élévation du niveau et de la qualité de vie de ses habitants, désarmement et réduction radicale des dépenses militaires, choix énergétiques durables sans recours au nucléaire, réduction radicale des émissions de gaz à effet de serre, refus des organismes génétiquement modifiés (OGM). Elle doit aussi résolument mettre fin à sa politique de forteresse assiégée envers les candidats à l’immigration, pour devenir un partenaire équitable et véritablement solidaire à l’égard des peuples du Sud de la planète. Le premier pas dans ce sens doit consister à annuler la dette du Tiers-Monde de manière inconditionnelle. L’annulation de la dette est décidément un dénominateur commun à toutes les luttes qu’il est urgent de mener au Nord comme au Sud. Doit émerger une Europe des peuples qui remettra à plat ses relations avec le reste du monde en restituant ce qui leur est dû aux populations des autres continents victimes de siècles de pillage et de domination européenne.
Ces propositions ne trouveront de concrétisation que si les citoyens et citoyennes se mobilisent, que si les peuples se lèvent, que si, au travers de l’auto-activité et de l’auto-organisation, les populations deviennent actrices de leur propre émancipation.
Eric Toussaint
http://www.cadtm.org
Eric Toussaint, maître de conférence à l’université de Liège, préside le CADTM Belgique et est membre du conseil scientifique d’ATTAC France. Il est auteur des livres Procès d’un homme exemplaire, Editions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 201. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège, http://www.cadtm.org/Le-CADTM-recoi....
Prochain livre : Bancocratie à paraître chez Aden au premier semestre 2014.
Glossaire :
ACTIF : En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
ACTION : Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
ACTIVITÉS DE MARCHE / TRADING : opération d’achat et de vente de produits financiers (actions, futures, produits dérivés, options, warrants, etc.) réalisée dans l’espoir d’en tirer un profit à court terme.
ALÉA MORAL : Terme d’origine anglo-saxonne (moral hazard) désignant les changements de comportement que suscite pour un acteur économique le fait d’être couvert contre un risque donné. Il est en général amené à prendre plus de risques. Par exemple, sauver les banques sans condition renforce leur aléa moral.
BANQUE CENTRALE : Établissement qui, dans un Etat, est chargé en général de l’émission des billets de banque et du contrôle du volume de la monnaie et du crédit. En France, c’est la Banque de France qui assume ce rôle sous le contrôle de la Banque centrale européenne (BCE, voir infra).
BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE (BCE) : La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matière monétaire et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans ladite zone. Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
BANQUE D’AFFAIRES ou BANQUE D’INVESTISSEMENT : Société financière dont l’activité consiste à effectuer trois types d’opérations : du conseil (notamment en fusion-acquisition), de la gestion pour le compte d’entreprises (augmentations de capital, introductions en bourse, émissions d’emprunts obligataires) et des placements sur les marchés. Une banque d’affaires ne collecte pas de fonds auprès du public, mais se finance en empruntant aux banques ou sur les marchés financiers.
BANQUE DE DÉPÔT ou BANQUE COMMERCIALE : Établissement de crédit effectuant des opérations de banque avec les particuliers, les entreprises et les collectivités publiques consistant à collecter des fonds pour les redistribuer sous forme de crédit ou pour effectuer à titre accessoire des opérations de placements. Les dépôts du public bénéficient d’une garantie de l’Etat. Une banque de dépôt se distingue d’une banque d’affaires* qui fait essentiellement des opérations de marché.
BANQUES SYSTÉMIQUES : Ces banques sont dites systémiques du fait de leur poids et du danger que la faillite de l’une d’entre elles représenterait pour le système financier privé au niveau international.
BANQUE UNIVERSELLE : Appelée également « banque à tout faire » ou « banque généraliste », elle représente un grand ensemble financier regroupant et exerçant les différents métiers de la banque de dépôt et de la banque d’affaires tout en jouant également le rôle d’assureur (on parle ici de bancassurance).
BÉNÉFICE : Résultat comptable net positif dégagé par l’activité d’une société. Le bénéfice net est le bénéfice après impôts. Le bénéfice distribuable est la part du bénéfice net qui peut être distribuée aux actionnaires.
BIENS COMMUNS : En économie, les biens communs se caractérisent par un mode de propriété collective, à distinguer de la propriété privée et de la propriété publique. En philosophie, ils désignent ce que partagent les membres d’une même communauté, cité ou même de l’humanité, d’un point de vue juridique, politique ou moral.
BULLE IMMOBILIÈRE : Une bulle immobilière est une bulle spéculative sur tout un marché immobilier, caractérisée par une hausse rapide de la valeur des biens immobiliers. Elle se traduit par un écart important et persistant entre le prix des immeubles et la variation de ses déterminants fondamentaux économiques comme les salaires ou le rendement* locatif.
BULLE SPÉCULATIVE : Une bulle économique, bulle financière, ou encore bulle spéculative, se forme lorsque le niveau de prix d’échange sur un marché (marché d’actifs financiers, marché des changes, marché immobilier, marché des matières premières, etc.) s’établit bien au-dessus de la valeur financière intrinsèque (ou fondamentale) des biens ou actifs échangés. Dans ce genre de situation, les prix s’écartent de la valorisation économique habituelle sous le jeu de croyances des acheteurs.
CAPITAL DUR : Capital apporté par les actionnaires et les profits non distribués.
COMMODITIES : Les commodities regroupent le marché des matières premières (produits agricoles, minerais, métaux et métaux précieux, pétrole, gaz…).
CRÉANCES : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur).
DÉRIVÉ DE CRÉDIT : Produit financier dont le sous-jacent est une créance ou un titre représentatif d’une créance (obligation). Le but du dérivé de crédit est de transférer les risques relatifs au crédit, sans transférer l’actif lui-même, dans un but de couverture. Une des formes les plus courantes de dérivé de crédit est le Credit Default Swap (CDS).
DETTE PUBLIQUE : Ensemble des emprunts contractés par l’État, les collectivités locales, les entreprises publiques et les organismes de sécurité sociale.
DETTE SOUVERAINE : Dette d’un État ou garantie par un État.
DETTE SUBORDONNÉE : C’est une dette dont le remboursement, en cas de liquidation, n’intervient qu’après celui des autres dettes (dites privilégiées ou senior). Les créanciers subordonnés supportent donc un risque plus important que les autres créanciers, qui justifie un taux d’intérêt plus élevé.
EFFET DE LEVIER : L’effet de levier désigne l’effet sur la rentabilité des capitaux propres d’une entité (entreprise, banque, etc.) qu’aura son recours à l’endettement. Le ratio de levier calcule le rapport entre les fonds propres d’une telle entité et le volume de ses dettes.
FONDS DE PLACEMENT MUTUEL : fonds de placement réunissant l’argent de plusieurs investisseurs. Les administrateurs du fonds doivent administrer l’argent selon un document décrivant comment l’argent sera placé. On parle de mutual funds aux États-Unis, d’investment funds en Grande Bretagne.
FONDS PROPRES : Capitaux apportés ou laissés par les associés à la disposition d’une entreprise. Une distinction doit être faite entre les fonds propres au sens strict appelés aussi capitaux propres (ou capital dur) et les fonds propres au sens élargi qui comprennent aussi des dettes subordonnées à durée illimitée.
HORS BILAN : Le hors bilan assure le suivi comptable des activités qui n’impliquent pas un décaissement ou un encaissement de la part d’une entreprise ou d’une banque mais qui fait courir à celle-ci un certain nombre de risques. Il s’agit régulièrement de contrats en cours d’exécution qui n’ont pas fait l’objet d’un paiement.
INSTRUMENTS FINANCIERS : Les instruments financiers sont les titres financiers et les contrats financiers.
Les titres financiers sont : les titres de capital émis par les sociétés par actions (actions, parts, certificats d’investissement, etc.), les titres de créance, à l’exclusion des effets de commerce et des bons de caisse (obligations et titres assimilés), les parts ou actions d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières.
Les contrats financiers, également dénommés « instruments financiers à terme », sont les contrats à terme sur taux d’intérêt, les contrats d’échange (swaps), les contrats à terme sur toutes marchandises et denrées, les contrats d’options d’achat ou de vente d’instruments financiers et tous les autres instruments de marché à terme.
INTÉRÊT : Somme versée en rémunération d’un placement ou perçue par un prêteur. L’intérêt est calculé en fonction du montant du capital placé ou emprunté, de la durée de l’opération et du taux retenu.
MARCHÉ DE GRÉ À GRÉ : Un marché de gré à gré ou over-the-counter (OTC) en anglais (hors Bourse) est un marché non régulé sur lequel les transactions sont conclues directement entre le vendeur et l’acheteur, à la différence de ce qui se passe sur un marché dit organisé ou réglementé avec une autorité de contrôle, comme la Bourse par exemple.
MARCHÉ FINANCIER : Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. A côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimum.
MES : Le mécanisme européen de stabilité (MES) est un dispositif européen de gestion des crises financières de la zone euro qui remplace depuis 2012 le Fonds européen de stabilité financière et le Mécanisme européen de stabilité financière qui avaient été mis en place en réponse à la crise de la dette publique dans la zone euro. Il ne concerne que les États membres de la zone euro. Cette institution financière européenne est censée, en cas de menace pour la stabilité de la zone euro, accorder une « assistance » financière (des prêts) à un/des pays en difficulté, moyennant des conditionnalités strictes.
OBLIGATIONS : Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt* et au remboursement du montant souscrit. Il peut aussi, si la société est cotée, revendre son titre en bourse.
PARADIS FISCAL : Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants : (a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ; (b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ; (c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ; (d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ; (e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière. La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong et d’autres lieux exotiques.
PASSIF : Partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (capitaux propres apportés par les associés, provisions pour risques et charges, dettes).
PIB : Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. Le PIB recense à la fois la production marchande et la production non marchande, composée exclusivement de services. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
PRODUITS DÉRIVÉS : Famille de produits financiers qui regroupe principalement les options, les futures, les swaps et leurs combinaisons, qui sont tous liés à d’autres actifs (actions, obligations, matières premières, taux d’intérêt, indices...) dont ils sont par construction inséparables : option sur une action, contrat à terme sur un indice, etc. Leur valeur dépend et dérive de celle de ces autres actifs. Il existe des produits dérivés d’engagement ferme (change à terme, swap de taux ou de change) et des produits dérivés d’engagement conditionnel (options, warrants…).
PRODUITS FINANCIERS : Produits acquis au cours de l’exercice par une entreprise qui se rapportent à des éléments financiers (titres, comptes bancaires, devises, placements).
PRODUIT STRUCTURÉ : Un produit structuré est un produit généralement conçu par une banque. C’est souvent une combinaison complexe d’options, de swaps, etc. Son prix est déterminé en utilisant des modèles mathématiques qui modélisent le comportement du produit en fonction du temps et des différentes évolutions du marché. Ce sont souvent des produits vendus avec des marges importantes et opaques.
PROPRIETARY TRADING : Activité de trading des banques pour leur propre compte.
RECAPITALISATION : Reconstitution ou augmentation du capital social d’une société pour renforcer ses fonds propres, mis à mal par des pertes. Dans le cadre du sauvetage des banques par les Etats européens, le plus souvent, ces derniers ont recapitalisé sans conditions et sans exercer le pouvoir de décision que leur confère la participation au capital des banques.
SHADOW BANKING (la « banque de l’ombre » ou la banque parallèle) : Les activités financières du shadow banking sont principalement réalisées pour le compte des grandes banques par des sociétés financières créées par elles. Ces sociétés financières (SPV, money market funds…) ne reçoivent pas de dépôts, ce qui leur permet de ne pas être soumises à la réglementation et à la régulation bancaires. Elles sont donc utilisées par les grandes banques afin d’échapper aux réglementations nationales ou internationales, notamment à celles du comité de Bâle sur les fonds propres et les ratios prudentiels. Le shadow banking est le complément ou le corollaire de la banque universelle.
SHORT SELLING : cf vente à découvert.
SPÉCULATION : Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
TITRISATION : Technique financière qui permet à une banque de transformer en titres négociables des actifs* illiquides, c’est-à-dire qui ne sont pas (ou pas facilement) vendables. Initialement, cette technique a été utilisée par les établissements de crédit dans le but de refinancer une partie de leurs prêts à la clientèle. Les prêts sont cédés à un véhicule juridique qui émet en contrepartie des titres (généralement des obligations) placés sur les marchés financiers. Avec la titrisation, les risques afférents à ces crédits sont transférés des banques aux acheteurs.
TRADING / ACTIVITÉS DE MARCHÉ : Opération d’achat et de vente de produits financiers (actions, futures, produits dérivés, options, warrants, etc.) réalisée dans l’espoir d’en tirer un profit à court terme.
TRADING À HAUTE FRÉQUENCE (de l’anglais high-frequency trading) : Exécution à grande vitesse de transactions financières faites par des algorithmes informatiques. Ces opérateurs virtuels de marché peuvent ainsi exécuter des opérations sur les marchés financiers en quelques microsecondes.
TRANSACTION SUR MARCHÉ DE CHANGE : Le Forex (foreign exchange) ou marché des changes est le marché sur lequel les devises dites convertibles sont échangées l’une contre l’autre, à des taux de change qui varient sans cesse. Le marché des changes est un marché interbancaire. La quasi totalité des opérations s’opère de gré à gré, il s’agit d’un marché non régulé.
TROÏKA : La Troïka désigne la Commission européenne, la Banque centrale européenne* et le Fonds Monétaire International.
VENTE A DÉCOUVERT (short selling en anglais) : La vente à découvert consiste à vendre à terme un actif que l’on ne détient pas le jour où cette vente est négociée mais qu’on se met en mesure de détenir le jour où sa livraison est prévue. L’actif vendu à découvert est généralement un titre mais on peut aussi vendre des devises ou des matières premières à découvert. Si la valeur de l’actif baisse après la vente à découvert, le vendeur peut le racheter au comptant et dégager une plus-value. Le gain potentiel est limité à la valeur de l’actif. Si, à l’inverse, elle monte, le vendeur s’expose à un risque de perte illimitée, tandis qu’un acheteur ne peut pas perdre plus que sa mise de fonds.
VENTE A DÉCOUVERT A NU : dans ce cas, l’acheteur n’emprunte rien : il se contente de vendre à terme des titres qu’il ne possède pas encore. Il parie alors sur la baisse du cours de ce titre pour pouvoir l’acheter à moins cher que ce qu’il a promis de le vendre. Pratiquée massivement, cette technique peut provoquer la baisse des cours que souhaitent les vendeurs.
ZONE EURO : Zone composée des 18 pays qui utilisent l’euro comme monnaie : Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Lettonie (à partir du 1er janvier 2014), Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Slovaquie et Slovénie. Les 10 pays membres de l’Union européenne qui ne participent pas à la zone euro sont : Bulgarie, Croatie, Danemark, Hongrie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni et Suède.