Emilienne Mopty (1907-1943) une figure de résistance en pays minier

Les nazis au pays de l’or noir

En septembre 1939, les troupes allemandes envahissent la Pologne. Le 3 du même mois, la France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’Allemagne. Le 22 juin 1940 Pétain signe l’Armistice. Le gouvernement se replie à Vichy (1) et le 24 octobre, à Montoire, le maréchal serre la main d’Adolphe Hitler. « C’est pour maintenir l’unité française (…) que j’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration », affirme-t-il (2). Les occupants ont vite compris l’intérêt économique (3) des industries minières dans le Nord et le Nord Pas-de-Calais (4). Le charbon servira la machine de guerre. « Afin d’accroître les rendements, les journées de travail sont allongées, les pauses supprimées tandis que les salaires restent bloqués » (5).

Au cours de l’hiver 1940-41, les conditions de travail se dégradent. Dehors les tickets de rationnement s’amenuisent et les files d’attente s’allongent (6). Les salaires ne suffisent plus pour vivre. Les conquêtes du Front Populaire sont loin. Les délégués mineurs ont été spoliés de leurs mandats. Les syndicalistes et représentants politiques progressistes sont poussés à la clandestinité (7). Les familles de mineurs ont faim. « Pas de charbon pour les boches ! » (8). C’est le sursaut patriotique, la grève. Les mouvements de protestation gagnent les fosses. Par palier. « La colère a le goût sauvage du charbon » (9).

Les grèves de mineurs

Avec les allemands et Pétain dehors, la lampe va mal et les lampistes sont tristes. Le ras le bol ne date pas d’hier. « Le 2 janvier 1941, les mineurs entament une série de grèves perlées, en procédant à des arrêts de travail d’une demi-heure au début ou en fin de service » (10). En mars, à l’Escarpelle, les troupes allemandes occupent les mines. Le 1er mai sera celui de la contestation. Des drapeaux rouges sont placés sur les fils électriques (11). Le 27 mai les puits débrayent. Les gueules noires exigent leur dû : « Dans un cahier de revendications, les mineurs demandent à leur direction des augmentations de salaire, de meilleures conditions de travail, l’amélioration du ravitaillement en beurre, viande rouge, savon.. » (12). Ils manquent de pommes de terre (13). Les doléances se communiquent aux autres concessions. Les campagnes de tractage appellent les habitants à la contestation « Pour le pain de vos enfants, femmes debout ! » (14). Les hommes sont incités à se joindre à la lutte.

Emilienne, la rebelle

Emilienne Marie Mopty-Wantiez prend la tête d’une manifestation de femmes, à Hénin-Liétard (Hénin-Beaumont) le 29 mai et à Billy-Montigny le 4 juin. C’est une « femme de mineur », mère de trois enfants, née à Harnes, le 29 octobre 1907. Une de ces travailleuses qui sait la dureté de la vie et la fierté du travail et des hommes. Qui sait l’humiliation de l’occupation, l’iniquité des lois vichystes, l’exploitation des patrons, le zèle des ingénieurs, les remontrances des porions. Elle « habite la cité du Dahomey à Montigny-en-Gohelle. Militante communiste, elle a fait ses premières armes dans les grèves de 1933-1934 » (15).

Emilienne Mopty et les manifestantes encouragent les mineurs à la lutte. Elles dissuadent les « jaunes » de reprendre le boulot (16). La gendarmerie réquisitionne les ex-prisonniers pour les envoyer dans les mines. Les allemands crient « Arbeit ! Arbeit ! ». Mais « pas question de faire les briseurs de grèves, confie un mineur, ex-détenu, en 1981, au fond [de la mine] on n’y faisait rien » (17). Jusqu’à la fin de la guerre les gueules noires vont ralentir les cadences (18). La marche des femmes est revendicative et patriotique (19).

Emilienne et les trieuses de charbon, les repasseuses, les couturières relèvent la tête en collectif. Et eux, les creuseurs, les galibots, les soutiers, les habitués de la mangeuse d’hommes (20), eux qui savent ce que c’est que de sillonner la terre, respirer l’air chaud et d’éviter le grisou, eux qui n’en peuvent plus de piocher, de porter, de pousser, sont à la révolte.

« Les femmes barrent les routes pour interdire la circulation des voitures de police et des automitrailleuses allemandes. (…). Elles s’adressent aux maires pour obtenir du ravitaillement, elles vont aux grands bureaux des mines ; elles parcourent des dizaines de kilomètres pour échapper aux réactions brutales des différentes polices. » (21).

Elles crient « Du pain, de la viande et du savon ! » (22). Ils crient « Vive la grève ! ». Elles crient « Pas de Galette pour l’ennemi » (23 ; 24). Ils écrivent « Mineurs, tous debout et unis pour la défense de vos droits » ; « Mineurs en avant ! » ; « Tous unis jusqu’à la victoire » (25). Les rapports des préfets précisent que « la grève qui s’est déroulée dans la semaine du 1er au 8 juin, a été pratiquement totale ». En tout, près de 100 000 mineurs et sidérurgistes Français et Belges (26) cessent le travail (27) malgré les pertes de salaire. C’est la première grève de masse des travailleurs français contre les occupants (28). La « grande grève » comme l’appelaient les mineurs (29).

En France, de juillet 1940 à avril 1942, les femmes descendent au moins 149 fois dans la rue (30).

La répression des grévistes

Les allemands ont besoin de « l’or noir ». Les troupes dispersent les manifestants et occupent les puits. Pour le Préfet Carles, la cause tient à « l’insuffisance des moyens de répression » (sic). Les forces de Vichy traquent les clandestins. Les salaires sont suspendus et les cartes de ravitaillement ne sont plus distribuées. « Dans certains centres, les boucheries ont été « invitées » à ne délivrer de viande qu’aux consommateurs munis d’une autorisation de la Kommandantur - laquelle était évidemment refusée aux grévistes » (31). Les cafés sont fermés. Sur les façades s’affichent les menaces du général-lieutenant Niehoff (32) : « Quiconque commettra des actes de sabotage contre les installations ou la propriété militaire allemande ou de ses membres propres (…), contre des câbles ou autres moyens de communication ou quiconque sabotera l’économie dans la région occupée, sera frappé de peine de mort » (33). 30 000 affiches sont placardées par les autorités (34).

Les occupants prononcent la fermeture des théâtres et des cinémas, la suppression des suppléments d’alimentation, l’interdiction aux femmes de sortir de leur domicile une demi-heure avant et après l’entrée ou la sortie des postes de relève, dans les mines (35). L’administration allemande a fait connaître au Préfet qu’elle « ne reculerait devant rien pour les mater à l’avenir ».

Heinrich Niehoff somme les mineurs de reprendre le travail. Les condamnations tombent. Les soldats exécutent. Plus de 500 mineurs sont arrêtés. Cents seront fusillés. Les grévistes, hommes et femmes, sont condamnés aux travaux forcés (36). D’autres sont emprisonnés à Loos, Béthune, Douai et Arras. Deux casernes sont transformées en camp d’internement : celle de Kléber à Lille et celle de Vincent à Valenciennes (37). Des centaines d’hommes et de femmes sont conduits en Belgique (38). Le 6 juin, 244 personnes sont déportées en Allemagne. Ceux qui échappent aux arrestations rejoignent la clandestinité.

Déjà , dès janvier 1941, le représentant du Ministère de l’Intérieur affirmait que les allemands et leurs officiers soumettaient le département et les ouvriers à un « régime sévère ». Ces derniers avaient à supporter des « traitements que ne connaissent pas les autres parties du territoire » (39).

En attendant la libération

La grève n’est jamais vaine. S’il reste l’occupation et le régime de Vichy, le quotidien s’améliore à la marge. Des vêtements sont fournis par un service spécial de ravitaillement. Le gouvernement de Vichy décrète une augmentation des salaires. Le général Niehoff tente de sauver la face en annonçant des améliorations du rationnement : « En vue de remédier aux difficultés actuelles du ravitaillement en pommes de terre, une distribution supplémentaire de 500 gr de pain sera faite à tous les consommateurs pour la période du 16 au 22 juin… en outre, les travailleurs lourds recevront, durant 7 semaines, un supplément de 500 gr par semaine » (40). L’arrêt des extractions a fait perdre aux occupants 500 000 tonnes de charbon.

La grève des mineurs, « celle d’Emilienne Mopty », sonne comme un défi aux forces occupantes. Elle restera dans l’histoire des luttes ouvrières.

Emilienne, la résistante

Les mineurs retrouvent le chemin du terril. Mais quand on a le courage de l’indignation chevillé au coeur, comment ne pas résister ? Emilienne transportera des armes et des explosifs en qualité d’agent de liaison de Charles Debarge (41). Elle cherchera des planques pour résistants. « Elle est arrêtée une première fois par les gendarmes en janvier 1942, mais elle est relâchée huit jours plus tard, faute de preuves ». Le 14 mai au soir, les gendarmes français la serrent de nouveau. Mais elle s’évade de la gendarmerie, par la lucarne des toilettes.

Elle « rejoint le groupe Debarge. Son mari est arrêté et déporté en Allemagne. Emilienne partage la vie des francs-tireurs, sillonnant le Bassin Minier, en dépit des recherches incessantes de toutes les polices. Fin septembre 1942, elle reçoit mission de se rendre près de la citadelle d’Arras, dans le but d’attaquer un peloton d’exécution (…). Mais elle est trahie et au rendez-vous se trouve la Gestapo. Les Allemands, connaissant le rôle qu’elle joue chez les FTP veulent la faire parler, la livre à leurs tortionnaires : elle subit des traitements atroces ; son corps, bientôt, n’est plus qu’une plaie. » (42).

Emilienne est traduite devant le tribunal militaire « de la Feldkommandantur d’Arras, elle est condamnée à mort. Le 18 janvier 1943 à 19 h 30 (43), Emilienne Mopty est décapitée » à Cologne (44). Avant de poser la tête sur le billot, elle murmure « mes enfants », puis commence lentement le chant de l’Internationale, interrompu par la hache du bourreau » (45) :

Debout ! Les damnés de la terre !
Debout ! Les forçats de la faim !

Il faudra attendre la fin de la guerre pour que la France se débarrasse de la « Révolution Nationale » de Pétain et de l’occupation nazie. Il faudra encore attendre 1945, pour que le CNR propose de nouvelles lois sociales, pour que les femmes puissent poser dans l’urne un bulletin de vote, à l’occasion des élections municipales.

Eric W. Faridès

NOTES

1. Jean-Louis Tixier-Vignancour (1907-1989) sera nommé secrétaire général adjoint à l’Information de l’Etat Français du gouvernement de Vichy du 13 décembre 1940 au 25 janvier 1941. Puis il s’occupe des comités de propagande du Maréchal. Il est condamné à une peine d’inéligibilité de 10 ans, pour avoir voté les pleins pouvoirs à Pétain (4 décembre 1945). En 53-55, il fonde le « rassemblement national ». Jean-Marie Le Pen animera sa campagne présidentielle de 1965. Ce dernier est une des « chevilles ouvrières » de l’ancien secrétaire pétainiste. Voir site de l’assemblee-nationale.fr.

2. Pétain scandait « Travail, famine, Patrie » ; il voulait restaurer « l’autorité de l’État », la « France éternelle ». Il faisait de Jeanne d’Arc une « martyre ». Il luttait contre « l’Anti-France », les « étrangers », les « réfugiés », les communistes, les juifs, les francs-maçons, les… Il conduisit la France au désastre. Voir sur ce point Marc Ferro, Pétain, Paris, Fayard, 1987 et Gérard Miller, Les pousse-au-jouir du maréchal Pétain, Paris, Seuil, 1975.

3. La France devra débourser 150 milliards par an soit l’équivalent de son budget total pour, « officiellement », payer « l’entretien des troupes allemandes ».

4. Mai 1940, « Le Nord et le Pas-de-Calais sont immédiatement rattachés au commandement militaire de Bruxelles, puis l’administration de ces deux départements est confiée à l’OFK 670 (Oberfeldkommandantur) de Lille, dirigée par le général Niehoff », dans Collectif, « La grève des mineurs du Nord-Pas-de-Calais, 27 mai - 9 juin 1941 », Ministère de la défense et des Anciens Combattants, cheminsdememoire.gouv.fr, Collection "Mémoire et citoyenneté", N°16, extraction mai 2012.

5. Collectif, « La grève des mineurs du Nord-Pas-de-Calais, 27 mai - 9 juin 1941 », Ministère de la défense et des Anciens Combattants, cheminsdememoire.gouv.fr, Collection "Mémoire et citoyenneté", N°16, extraction mai 2012.

6. Malgré les rationnements différenciés suivant l’état, l’âge ou la pénibilité du travail, les rations imposées ne suffisaient pas à reconstituer les forces de travail.

7. Le 9 novembre 1940, Vichy interdit (dissolution) les centrales syndicales, les « organisations professionnelles nationales ». Le Parti Communiste est interdit (dissolution) depuis le 26 septembre 1939.

8. Voir à ce sujet le témoignage d’anciens mineurs, dans Jacques Renard, « La grève des mineurs de mai-juin 1941, Institut National de l’Audiovisuel (INA), Télévision Française 1, 2 décembre 1981.
9. Voir le poème de Louis Aragon, Enfer-les-Mines, sur le site : bernard-gensane.over-blog.com

10. « Les responsables communistes saisissent l’occasion de ce mécontentement pour engager les mineurs à l’action, par l’intermédiaire des militants qui sont dans les CUSA (Comités d’unité syndicale et d’action), c’est-à -dire les syndicats clandestins constitués à la suite de l’interdiction des centrales syndicales par le régime de Vichy », dans Collectif, « La grève des mineurs du Nord-Pas-de-Calais, 27 mai - 9 juin 1941 », Ministère de la défense et des Anciens Combattants, cheminsdememoire.gouv.fr, Collection "Mémoire et citoyenneté", N°16, extraction mai 2012. Parmi les grévistes, on compte des communistes puis des brigadistes, des CGTistes, des socialistes, des gaullistes…

11. Notamment par le Front National de lutte pour la Libération de la France (à ne pas confondre avec le FN, qui usurpe ce nom).

12. Collectif, « La grève des mineurs du Nord-Pas-de-Calais, 27 mai - 9 juin 1941 », Ministère de la défense et des Anciens Combattants, cheminsdememoire.gouv.fr, Collection "Mémoire et citoyenneté", N°16, extraction mai 2012.

13. Jean-Marie Pontaut, Eric Pelletier, Chronique d’une France occupée, 1940-1945, les rapports confidentiels de la gendarmerie, « Pas-de-Calais, grève dans la concession des mines de Dourges, le 28 mai 1941 », Neuilly-sur-Scène, Michel Lafon, 2008.

14. Eric Alary, Bénédicte Vergez-Chaignon, Gilles Gauvin, Les français au quotidien 1939-1949, Paris, Perrin, 2006.

15. http://www.resistance62.net/mopty_emilienne.htm, « La résistance dans le Pas-De-Calais, mai 2012.

16. Jean-Marie Pontaut, Eric Pelletier, Chronique d’une France occupée, 1940-1945, les rapports confidentiels de la gendarmerie, « Pas-de-Calais, grève dans la concession des mines de Dourges, le 28 mai 1941 », Neuilly-sur-scène, Michel Lafon, 2008.

17. Voir à ce sujet le témoignage d’anciens mineurs, dans Jacques Renard, La grève des mineurs de mai-juin 1941, Institut National de l’Audiovisuel (INA), Télévision Française 1, 2 décembre 1981.

18. « En effet, les charbonnages avaient été arrêtés en mai 1940 à la suite de l’exode. La reprise de l’extraction se fit à la mi-juin, à une échelle réduite, du fait du manque de bois de mines. (…). Les niveaux qui restent de toute façon et jusqu’à la fin de la guerre très inférieurs à la production d’avant-guerre », Rapports des préfets, 29 août 1940 ; « Le rendement journalier par mineur au fond tombe de 1 294 kilos en avril 1940 à 1 070 en janvier 41, 1 041 en mars 41. On en est à 74 % des possibilités ». Avec les grèves, « L’ingénieur en chef des mines, dans son rapport au préfet, avoue que 387 862 journées ont été perdues au fond et 85 281 au jour » dans Jean-Marie Fossier, 1941, cent mille mineurs en grève, le Patriotes Résistant, mars 1981.

19. Daniel Mermet, Hénin-Beaumont, Front contre Front, Là -bas si j’y suis, France-Inter, 24 mai 2012.

20. Métaphore pour désigner la mine.

21. Jean-Marie Fossier, 1941, cent mille mineurs en grève, le Patriotes Résistant, mars 1981.

22. En absence de savon, les mineurs se lavent avec de l’argile.

23. Galette de Charbon.

24. Dora Isabel Paredes Bermudez, Le silence de la nièce : amour-passion ou syndrome de Stockholm ?, A propos de « Le silence de la mer » de Vercors, Faculté des Lettres, Ecole de Langue et de Civilisation Françaises, Mémoire de Diplôme d’Etudes Françaises, Université De Genève, Février 2004, http://semiotique.perso.sfr.fr/spip.php?article71, 11 novembre 2008.
25. « Tract appelant à la poursuite de la grève », Musée de la Résistance Nationale - Champigny.

26. Sur un total de 143 000 ouvriers. Pour la journée du 4 juin, les rapports de police du Pas-de-Calais totalisent 64 086 grévistes. Voir à ce sujet Jean-Marie Fossier, Zone interdite, Paris, Editions Sociales, 1977.

27. Collectif, « La grève des mineurs du Nord-Pas-de-Calais, 27 mai - 9 juin 1941 », Ministère de la défense et des Anciens Combattants, cheminsdememoire.gouv.fr, Collection "Mémoire et citoyenneté", N°16, extraction mai 2012.

28. Il existait une multitude de formes de contestation : la grève, le ralentissement des cadences, les sabotages, les manifestations…

29. Voir à ce sujet Jacques Sémelin, Sans armes face à Hitler, la résistance civile en Europe, 1939-1943, Paris, Payot, 1988.

30. Sur un total de 238 démonstrations classifiées dans les archives des préfets, dans Danièle Tartakowsky, Les manifestations de rue en France, 1918-1968, Thèse de doctorat, Paris I, 1994.

31. Rapport des préfets, 7 mai 1941, IHTP, Cnrs.fr.

32. « Général Heinrich Niehoff (1882-1946), chef de la OFK 670 de juillet 1940 à novembre 1942, puis Kommandant des Heeresgebiets Südfrankreich », in IHTP, Cnrs.fr.

33. Jean-Marie Fossier, 1941, cent mille mineurs en grève, le Patriotes Résistant, mars 1981.

34. « Les commissaires de police reconnaissent que toutes les affiches officielles (de la préfecture ou de la Kommandantur) sont immédiatement lacérées, » dans Jean-Marie Fossier, 1941, cent mille mineurs en grève, le Patriotes Résistant, mars 1981.

35. Rapports des préfets, 25 juin 1941, IHTP, Cnrs.fr.

36. Rapport des préfets, 7 mai 1941, IHTP, Cnrs.fr.

37. Centritis.fr, le site des « gueules noires ».

38. « 300 hommes et 150 femmes auraient récemment été embarqués pour la Belgique », dans Rapport des préfets 7 mai 1941.

39. Rapport des préfets, 14 janvier 1941, IHTP, Cnrs.fr.

40. Jean-Marie Fossier, 1941, cent mille mineurs en grève, le Patriotes Résistant, mars 1981.

41. Groupe « Organisation Spéciale » dit FTP en avril 1942. Louis Aragon évoque cette figure de résistant dans L’Homme communiste, Paris, Gallimard, T.1, 1946.

42. Jacques Estager, Ami entends-tu ? La Résistance populaire dans le Nord-Pas-de-Calais. Paris, Editions Sociales, 1986. Pour la mention relative au réseau Saint-Jacques, voir également René Lesage, dans les fonds du BCRA aux Archives Nationales, cité dans http://www.resistance62.net/mopty_emilienne.htm, « La résistance dans le Pas-De-Calais, mai 2012.

43. Il s’agit du mois de janvier et non de juin comme indiqué dans le document. Voir à ce sujet, Jean-Marie Fossier et Chemins de mémoire.gouv.fr.

44. De Cologne.

45. Jacques Estager, Ami entends-tu ? La Résistance populaire dans le Nord-Pas-de-Calais. Paris, Editions Sociales, 1986.

COMMENTAIRES  

04/06/2012 07:40 par CN46400

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La gendarmerie réquisitionne les ex-prisonniers pour les envoyer dans les mines.

Cette phrase manque de précision, peu de mineur avaient été mobilisés dans l’armée (le charbon est alors une denrée stratégique). Par contre, contrairement aux usages de la guerre, les prisonniers français (presque 2 millions) ne sont pas libérés suite à l’armistice du 22 juin 1940. Ils resteront en Allemagne jusqu’en 45, remplaçant de fait dans l’économie allemande les millions de mobilisés dans l’armée allemande. C’est un des multiples volets de la participation française à la guerre au coté des nazis !

05/06/2012 08:52 par Eric W Faridès

Votre remarque me donne l’occasion de vous répondre et de préciser d’autres points qui me paraissent d’importance.
Il y a des limites à ce travail : 3000 signes pour tenter de décrire des faits, des vies, des grèves, l’exercice est délicat. Il n’est pas aisé de lier le destin d’une femme, dont nous avons peu de renseignements, celles des travailleurs et de travailleuses en lutte, l’histoire des mines et du charbon, l’histoire de l’Occupation et du gouvernement de Vichy, l’histoire des services de l’Etat, histoires des prisonniers. Plusieurs histoires en une… Une même histoire pourtant… Une histoire sociale et culturelle du travail, c’est ce dont je m’occupe en tant qu’ethnographe.
Le passage de mon texte que vous évoquez ne concerne pas l’ensemble des prisonniers de guerre, mais les travailleurs des mines d’Hénin-Beaumont et environ, en mai-juin 1941. Je vous fais le crédit que la notion de prisonnier peut prêter à confusion puisqu’elle peut désigner les soldats français de 39-40, les mineurs emprisonnés pendant les grèves et les mineurs envoyés dans les camps en Allemagne... Il faudrait aussi distinguer les prisonniers des différentes sections « Pendant toute l’Occupation, on trouve, dans chaque prison du Nord-Pas-de-Calais, deux sections distinctes : l’une allemande, l’autre française, celle-ci restant sous la responsabilité de l’administration pénitentiaire de Vichy. Trois établissements ont concentré la grande majorité des milliers de prisonniers enfermés par l’Occupant : Saint-Nicaise à Arras, Cuincy, près de Douai, et Loos-lès-Lille, principal centre de détention de la région ». [Source : cheminsdemémoire.gouv.fr]

Lorsque j’évoque « la gendarmerie » et les « ex-prisonniers. », je m’appuie sur deux sources : la mémoire orale d’un ex-prisonnier d’Hénin-Liétard et le texte d’un résistant de la région nord.
Le témoignage de l’ex-mineur, ex-prisonnier est émouvant. Il disponible sur le site de l’INA. Je le retranscris. Il évoque les grèves de 1941 : « Nous, nous étions à l’autre bout du bassin et les communications étaient difficiles puisque le couvre feu était permanent et nous avons appris que la grève s’étendait à travers tout le bassin et bien sûr on y a pas échappé. Malheureusement il faut dire que cela n’a pas été le même problème pour ceux qui ont été renvoyé dans les foyers, de captivité. Parce que on avait bien participé à la grève mais quelque jours après, qu’est-ce qu’on voit, je me rappelle, j’étais encore au lit et un gendarme se pointe chez moi, et il a demandé à mes parents
-  « Et votre fils, où est-ce qu’il est ? » ;
-  « Et bien il est là , il dort » ;
-  « Pourquoi il est gréviste ? Et bien pourtant sa place, c’est un ex-prisonnier, sa place est à la mine ! ».
Et c’est comme ça que tous les jours, pendant toute la grève, ben, on était convoyé. Les gendarmes passaient dans la cité ramasser tous les ex-prisonniers et on nous amenait à la mine… ».
Puis ce brave homme, (j’ai un faible pour son témoignage) affirme qu’il n’était pas question pour lui de faire le « briseur de grève » et avec la complicité de l’agent de maîtrise, il s’arrangeait pour ralentir la production… [Source : Jacques Renard, La grève des mineurs de mai-juin 1941, Institut National de l’Audiovisuel (INA), Télévision Française 1, 2 décembre 1981]

Le texte est celui du résistant Jean-Marie Fossier. Il confirme et précise ce point : « Les préfets du Nord et du Pas de Calais dans leur rapport mensuel d’avril 1941 avouent leur amertume : « La production n’augmente pas, disent-ils, malgré les efforts tentés dans tous les domaines ; propagande, (…), libération et mise en congé de captivité consenties par le haut-commandement de la Wehrmacht ». [Source : le Patriote résistant, mars 1981]

Vous avez raison de préciser que les congés de captivité ne concernent pas l’ensemble des prisonniers de guerre, bien évidement. Du reste, comme vous le savez, les rapports de préfets témoignent de la difficulté de faire respecter le Protocole de Berlin [Source Rapport des Préfets, IHTP, 6 décembre 1940 / AJ41 397]

Vous dites « les prisonniers français (presque 2 millions) ne sont pas libérés suite à l’armistice du 22 juin 1940. Ils resteront en Allemagne jusqu’en 45, remplaçant de fait dans l’économie allemande les millions de mobilisés dans l’armée allemande ».

Le sort des mineurs du Nord est exceptionnel à plus d’un titre. Y compris en ce qui concerne le sort des prisonniers. Mais que s’est-il passé juste après la grève ?

Sur le site Chemins de mémoire, on peut lire ceci : « Pendant la grève des mineurs, la Feldgendarmerie et les gendarmes français ont procédé à près de 450 arrestations. (...) 244 d’entre eux sont déportés au camp de concentration de Sachsenhausen, sans avoir été jugés. Il s’agit du premier grand convoi de déportation de détenus français arrivant dans le système concentrationnaire nazi. Les hommes du "train des mineurs" ont ensuite été dispersés dans divers camps (Dora, Natzweiler-Struthof, Buchenwald, Auschwitz, Dachau, Mauthausen, etc.). Cependant, 65 détenus ont, cas rare dans l’histoire des camps de concentration, bénéficié de mesures de libération, entre décembre 1941 et décembre 1943, après avoir signé un document certifiant qu’ils n’intenteraient pas d’action en justice contre leurs gardiens et resteraient muets sur leurs conditions de détention... Un avis de libération leur fut remis, leurs effets personnels rendus, et ils purent rentrer chez eux. L’origine et le motif de cet élargissement sont inconnus. Pour les autres, moins chanceux, le bilan est très lourd : au moins 140 des hommes du "train des mineurs" ont péri dans les camps nazis. La déportation des mineurs constitue le premier épisode d’une lutte sans merci contre les communistes ».
[Source : cheminsdemémoire.gouv.fr]

Malgré ces « exceptionnalités », je voulais surtout montrer la pression exercée par Vichy et l’occupant à l’endroit des travailleurs, des jeunes mineurs ou galibots, ex-prisonniers, syndicalistes, femmes de mineurs :

« Gare à tout refus de travail ». Quand on ne parvient à joindre le mineur dénoncé par ses chefs, et bien, il n’y a pas d’hésitation ; c’est dans la nature du nazisme de choisir les otages. Aussi le plus souvent on se saisit de l’épouse, voire de la mère et les camions qui partent vers les casernes de Lille ou de Valenciennes, ou vers les différentes prisons, emportent presque autant de femmes que de mineurs. Les tribunaux militaires s’empressent de juger et immédiatement est porté à la connaissance de toute la population que le tribunal de l’Oberfeldkommandantur V 670 a condamné le 3 juin onze mineurs à cinq années de travaux forcés et deux femmes à deux et trois années de la même peine ».

Bien à vous

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