Des anciens pilotes de drones se disent « horrifiés » par la cruauté des programmes d’assassinat. (The Intercept)

Anciens pilotes de drones, Brandon Bryant, Michael Haas et Cian Westmoreland. Photo : Joe Fionda

Les pilotes de drones sont en train d’infliger de lourdes pertes civiles et ont développé une culture institutionnelle insensible à la mort d’enfants et d’autres innocents, ont déclaré quatre anciens pilotes lors d’une conférence de presse aujourd’hui à New York.

Les meurtres, qui font partie du programme d’assassinat ciblé de l’administration Obama, aident le recrutement de terroristes et sapent ainsi l’objectif du programme qui consiste à éliminer ces combattants, ont-ils ajouté. Les pilotes se réfèrent aux enfants comme des « terroristes miniatures » et comparent leur assassinat à « couper l’herbe avant qu’elle pousse trop haut », a déclaré l’un des pilotes, Michael Haas, ancien officier supérieur de l’Armée de l’Air. Haas a également décrit l’usage largement répandu de drogues et d’alcool, en précisant que certains pilotes avaient effectué des missions sous leur emprise.

En plus de Haas, les autres pilotes sont l’ancien sergent-major de la Force aérienne, Brandon Bryant ainsi que les anciens pilotes Cian Westmoreland et Stephen Lewis. Ces hommes ont effectué des missions d’assassinat sur un grand nombre des principaux théâtres de la guerre post-11/9 contre le terrorisme, dont l’Irak, l’Afghanistan et le Pakistan.

« Nous avons été témoins directs des abus », a déclaré Bryant, « et nous sommes horrifiés. »

Un porte-parole de l’Armée de l’Air n’a pas abordé les allégations précises, mais a écrit dans un courriel que « les exigences auxquelles les pilotes [de drone] sont soumis sont énormes. Une grande partie des efforts sont déployés pour apporter un soulagement, de stabiliser la force, et de maintenir une capacité de combat... Les pilotes sont tenus de respecter les normes de comportement établies. Un comportement jugé incompatible avec les valeurs fondamentales de la Force aérienne est examiné de manière appropriée et, si nécessaire, des mesures disciplinaires sont prises ».

Au-delà de la conférence de presse, le groupe a également dénoncé hier le programme dans une interview au quotidien The Guardian et dans une lettre ouverte adressée au président Obama.

Lors de la conférence de presse, M. Bryant a déclaré que le meurtre de civils par drones exacerbe le terrorisme. « Nous en tuons quatre et en créons 10 [militants], » a déclaré M. Bryant. « Si vous tuez un père, un oncle ou un frère qui n’a rien à voir avec quoi que ce soit, leurs familles vont vouloir se venger. »

L’administration Obama a fait de grands efforts pour garder secret les détails du programme de drones, mais dans leurs déclarations aujourd’hui les anciens pilotes ont révélé la culture qui s’est développé entre les responsables de sa mise en œuvre. Haas a dit que les pilotes deviennent acculturés au point de nier l’humanité des personnes visées sur leurs écrans. « Il y avait un très grand détachement quant à qui étaient ces personnes que nous avions dans notre ligne de mire, » a-t-il dit. « Ouvrir le feu était grandement salué et encouragé »

La morts d’enfants et d’autres non-combattants lors des frappes a été rationalisée par de nombreux pilotes de drones, a dit Haas. En tant qu’instructeur de vol, Haas a affirmé avoir été officieusement réprimandé par ses supérieurs pour avoir recalé un étudiant qui avait exprimé sa « soif de sang, » et une envie irrésistible de tuer.

Haas a également décrit l’usage répandu d’alcool et de drogues chez les pilotes de drones. Les pilotes de drones, a-t-il dit, étaient souvent ivres et utilisaient des sels de bain et de la marijuana synthétique pour échapper aux dépistages éventuels et dans une tentative de « changer la réalité et d’essayer d’imaginer être ailleurs. » Haas a dit qu’il connaissait au moins une demi-douzaine de personnes dans son unité qui utilisaient des sels de bain et que l’usage de drogues avait « compromis leurs facultés » au cours des missions.

Le programme d’assassinat de l’administration Obama a fait l’objet d’un examen accru au cours des derniers mois. Au mois d’octobre dernier, The Intercept a publié un lot de documents classifiés, transmis par un lanceur d’alertes du gouvernement, qui montre comment le programme a tué des gens sur la base de renseignements non fiables, que la grande majorité des personnes tuées dans la campagne d’Afghanistan, qui dure depuis des années, n’étaient pas les cibles visées et que l’armée a classé par défaut les personnes tuées par erreur non comme des civils mais comme des ennemis.

Les pilotes ont dit qu’ils se sentaient encore plus en devoir de parler au lendemain des attentats terroristes meurtriers à Paris la semaine dernière ; ils croient que les assassinats par drones ont alimenté la montée du groupe extrémiste l’Etat islamique qui a revendiqué la responsabilité des attaques.

Westmoreland a déclaré à propos des drones : « A court terme, ils sont efficaces pour tuer des gens, mais à long terme, ils ne le sont pas. Il y a des gamins de 15 ans qui ont grandi sans avoir connu une seule journée sans vols de drones au-dessus de leurs têtes, mais vous avez aussi ceux qui vivent à l’étranger et qui regardent ce qui se passe dans leur pays d’origine et qui voient régulièrement les violations qui s’y déroulent, et ça c’est quelque chose qui peut les radicaliser ».

Dans leur lettre ouverte à Obama, les anciens pilotes de drones ont exprimé un point de vue similaire, en écrivant que pendant leur service, ils « ont fini par réaliser que l’assassinat de civils innocents ne faisait qu’alimenter les sentiments de haine qui sont à l’origine du terrorisme et des groupes comme l’EI, » et en décrivant plus loin le programme comme « une des forces motrices les plus dévastatrices du terrorisme et de déstabilisation dans le monde entier. »

Lors de la conférence de presse, les pilotes ont exprimé ces sentiments. « Il semble que nos actions ces derniers temps n’ont fait qu’aggraver le problème... Les drones sont efficaces pour tuer des gens, mais pas pour tuer les bons », a déclaré M. Bryant. « Avons-nous perdu notre humanité dans notre poursuite de vengeance et de sécurité ? »

Murtaza Hussain

Traduction « sommes-nous réellement conscients de ce que nous faisons ailleurs ? » par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

 https://theintercept.com/2015/11/19/former-drone-operators-say-they-were-horrified-by-cruelty-of-assassination-program/

COMMENTAIRES  

24/11/2015 01:13 par latitude zero

Qu’on m’arrête si j’me trompe , mais se pourrait- il que le but principal de ces campagnes d’assassinats par drones soit d’alimenter les réseaux djihadistes en chair à canon assoiffée de vengeance !?

Une campagne de recrutement en quelque sorte …

24/11/2015 18:57 par Diviser pour règnier

Assoiffés de vengeance... peur-être pour certains... Mais s’ils ne l’étaient pas assez, on pourrait les droguer - pas au gentil LSD ni au gentil Cannabis pas OGM ? Et les rendre dépendants ?

24/11/2015 20:22 par Rauch

On peux frôler la paranoïa et dire que tout est manipuler dans un sens puis à l’inverse pourquoi pas.
Les choses sont peut -être beaucoup plus simple que cela " la bêtise humaine seulement la bêtise est insondable"
Le far west nous en as donné d’épique exemple.

25/11/2015 18:29 par pat

L’alignement sur les US et l’OTAN doit cesser.
Nous sommes les otages des cartels et des financiers.
L’union nationale se fera sur nos valeurs : liberté, égalité, fraternité.

26/11/2015 17:16 par mischa loudmar

Je suis une fille et je fais tout ce qui est en mon possible pour que soit rajoutée la sororité à la fraternité. Il est urgent de penser autrement que : LOI DU TALION. Je suis persuadée que seul cela sera efficace pour lutter contre une fuite en avant, SI masculine. Quelle misère !

26/11/2015 18:35 par legrandsoir

C’est vrai que les femmes au pouvoir sont moins brutales (Margaret Tatcher, Condoleezza Rice, Hillary Clinton, Madeleinel Albright...).
Et n’oublions pas comment M.A.M. a aidé le printemps tunisien.
On mise beaucoup sur Marine Le Pen pour la grande fraternité/sororité.

27/11/2015 17:13 par Professeur Chitour

J’ai en à rapporter dans une contribution récente les état d’âme de Bryant pilote de drones en écrivant
"La mort par joystick

Un article du journal Le Monde a attiré mon attention, il raconte un cas de conscience d’un militaire étasunien qui, du fin fond d’une salle climatisée des États-Unis profonds, a décidé de voler la vie d’un enfant à 10.000 km de là en le ciblant « grâce » à un drone prédateur Cette autre technologique infernale concernant la mort est le drone avec des noms qui font froid dans le dos : drone predator, drones furtifs, drones reapers (faucheuses, les drones sont de plus en plus utilisés. Dans cet ordre, l’histoire que nous allons rapporter est celle d’une bavure parmi des dizaines. Brandon Bryant était pilote de drone au sein d’une unité spéciale de l’armée de l’air étasunienne. Depuis l’Etat du Nouveau-Mexique, il a tué des dizaines de personnes. Jusqu’au jour où il a déclaré forfait. Pendant plus de cinq ans, Brandon Bryant a travaillé dans un container allongé de la taille d’une caravane, sans fenêtres, à température constante de 17 °C, Il suffisait que Brandon presse un bouton au Nouveau-Mexique pour qu’un homme meure à l’autre bout de la planète. A l’intérieur du container, des ordinateurs ronronnent. C’est le cerveau d’un drone. Brandon se souvient très précisément des huit que décrivait le Predator dans le ciel afghan, à plus de 10.000 kilomètres de l’endroit où il se trouvait. Dans le réticule du drone, une maison aplatie en terre, avec une étable pour les chèvres, se rappelle-t-il. Lorsque l’ordre de faire feu tombe, Brandon presse un bouton de la main gauche, « marque » le toit au laser, et le pilote assis à côté de lui déclenche le tir à l’aide d’un joystick. « Plus que sept secondes, pas l’ombre d’un humain. Soudain, un enfant qui court à l’angle de la maison. Au moment de l’impact, le monde virtuel de Brandon et le monde réel d’un village situé entre Baghlan et Mazar-e Charif se télescopent. Brandon voit une lueur sur l’écran : l’explosion. Des pans du bâtiment s’écroulent. L’enfant a disparu. Brandon a l’estomac noué. « On vient de tuer le gamin ? » demande-t-il à son collègue assis à côté. « Je crois que c’était un gamin », lui répond le pilote. « C’était un gamin ? » continuent-ils de s’interroger dans la fenêtre de messagerie instantanée qui s’affiche sur leur écran. C’est alors que quelqu’un qu’ils ne connaissent pas intervient, quelqu’un qui se trouve quelque part dans un poste de commandement de l’armée et qui a suivi leur attaque : « Non, c’était un chien. » (4)

Tout est dit : Quand on passe de l’humain au chien on a la conscience tranquille on croit se dédoudaner

Donner la mort d’une façon anonyme. L’inhumanisme nouveau est arrivé
http://www.legrandsoir.info/donner-la-mort-d-une-facon-anonyme-l-inhumanisme-nouveau-est-arrive.htm

Prof.Chems Eddine CHITOUR

28/11/2015 23:07 par alain harrison

Parmis les lanceurs d’ALERTE, je veux citer :

Albert Jacquard :

Oui a toute la connaissance, NON à toutes les réalisations.

Et les drones font parti de la deuxième catégorie.
Même civile, cette invention deviendra tôt ou tard détestable.

À mois d’une légifération très restrictive.
Domaine de la sécurité, de secours, feu de forêt......

Un drone n’est pas un jouet, rien à voir avec l’hellico qui vole à vue point, dans des endroits prescrits point.

Il y a bien des choses à reconsidérer, côté technologie.

La guerre est le déni de l’Humanité.
Et les drones ne font qu’ anhestésier ce qui reste d’insensibilisation.

09/12/2015 11:40 par mischa loudmar

je vous parle de Femmes et non d’ersatz masculins

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