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Chérir le sémantisme des Israéliens

Philippe Arnaud poursuit sa réflexion sur les mots utilisés par nos médias pour parler du conflit en cours.

Depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre, l’énorme majorité des médias (y compris les journaux de province comme La Nouvelle République de Tours) tendent à présenter le conflit palestino-israélien en privilégiant le point de vue israélien.

[N.B. L’ordre des mots n’est pas neutre : j’ai commencé par écrire "israélo-palestinien", et le correcteur d’orthographe n’a rien signalé. Lorsque, en revanche, j’ai inversé l’ordre des termes, et que j’ai fait figurer en premier le mot dérivé de "Palestine", j’ai vu cet adjectif composé souligné d’un trait rouge comme si c’était une graphie fautive – et fautive dans tous les sens du terme : fautive non seulement de manière orthographique, mais fautive surtout de manière morale et politique. Comme si ce conflit ne pouvait être considéré qu’au travers d’une vision israélo-centrée – voire, plus largement, occidentalo-centrée].

1. D’abord par l’ouverture des journaux télévisés - par exemple celui de 13 h de France 2, le dimanche 15 octobre - sur l’assassinat, par un terroriste, du malheureux Dominique Bernard, professeur de français au lycée Gambetta d’Arras. Ce qui est significatif, en l’occurrence, est que ce terroriste est aussi (et surtout) un islamiste... comme le Hamas. Or, le Hamas, dès les premières heures de son attaque, au matin du 7 octobre, a aussi délibérément assassiné des civils israéliens sans défense (hommes, femmes, enfants, vieillards...) dans des kibboutz et une rave-party. Or, le Hamas étant Palestinien et les actions précitées étant criminelles, odieuses, abominables, ses buts, ses objectifs ne peuvent être que criminels, odieux et abominables. Certes, l’actualité impose que les sujets sur l’assassinat d’Arras et la guerre de Gaza passent en premier, mais leur succession - et leur succession dans cet ordre - ne peuvent qu’instiller cette idée dans l’esprit des spectateurs.

2. L’usage du mot "Tsahal". Tsahal est un mot hébreu, abréviation de l’expression Tsva ha-Haganah le-Israel qui veut dire, en hébreu, "Armée de défense d’Israël". Or, l’usage de cette abréviation n’est pas innocente : elle n’est, initialement, employée que par les locuteurs de l’hébreu, c’est-à-dire, en pratique, par les Israéliens. C’est une sorte de diminutif familier, affectueux employé par les Israéliens pour parler de leur armée. Lorsqu’elle est reprise, servilement, par les journalistes, elle est reprise avec ses connotations familières et affectueuses. Un peu comme les dévots des États-Unis, lorsqu’ils parlent de l’aviation militaire de ce pays disent "l’Air force", ou "la Navy", prononcée à dessein "la Névy" (à la manière supposée des Étasuniens").

3. L’identification entre la prise de position en faveur des Palestiniens et l’antisémitisme. Le tour de passe-passe consiste à assimiler le concept de "Juif" et celui d’"Israélien". Or, ce n’est pas n’importe quelle acception du mot "Juif" qui est convoquée : c’est celle des Juifs des siècles passés sur le vieux continent, celle des Juifs enfermés dans les ghettos, des Juifs porteurs de l’étoile jaune, des Juifs victimes des massacres à l’époque des croisades, victimes des pogroms dans la Russie tsariste, des Juifs harcelés et stigmatisés par les antidreyfusards au tournant des XIXe et XXe siècles, et, bien entendu, des Juifs persécutés et exterminés par le régime nazi.

4. Or, dans tous ces cas, on avait affaire à une communauté minoritaire, fragmentée, dépourvue d’un pouvoir politique, sans défense, car dépourvue de moyens militaires, isolée dans un environnement hostile. Lorsqu’une communauté change de lieu, se regroupe et se retrouve parmi des populations plus faibles, la situation change du tout au tout. C’est le cas de la majorité des immigrants d’origine européenne, en particulier des immigrants vers les pays de civilisation anglo-saxonne (États-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande). Au départ, ces immigrants furent souvent de pauvres hères, chassés de chez eux par la misère, la dureté des seigneurs ou des magnats. Ou des dissidents religieux, persécutés par les tenants de la religion majoritaire. Or, que firent-ils arrivés dans le pays d’émigration ? Comme il n’y avait plus de seigneurs, plus de magnats, plus de tsars, plus d’Église officielle, ils changèrent de statut et se mirent alors à persécuter plus faibles qu’eux : les Cheyennes, les Sioux, les Séminoles, les Aborigènes, les Maoris, les Afro-Américains déportés du golfe de Guinée.

5. Un exemple parlant : en 1871, après la répression de la Commune de Paris, les Communards qui n’avaient pas été massacrés par le général de Gallifet furent déportés au bagne de Nouvelle-Calédonie. A l’issue de leur peine, certains rentrèrent en métropole et d’autres restèrent en Nouvelle-Calédonie. Eh bien, quelques années plus tard, ces anciens Communards aidèrent à réprimer une révolte de Kanaks. Lorsque les émigrants vont de leur lieu d’origine à leur lieu de destination, ils changent collectivement de nature. Identifier les israéliens de 2023 avec les juifs du Moyen âge, de l’époque tsariste ou de l’époque nazie est d’aussi mauvaise foi que de dire que la cathédrale de Tours date de 80 millions d’années parce qu’elle a été bâtie avec des pierres de tuffeau et que cette roche remonte au Crétacé supérieur...

6. Depuis la guerre de 1948, les Israéliens ont toujours été supérieurs, militairement, à leurs adversaires arabes. En 1948, un pont aérien parti de Tchécoslovaquie transporta (avec l’assentiment de Staline) des armements à destination de la Haganah. Et même lors de cette guerre, les Israéliens réussirent à mobiliser davantage d’hommes que les armées arabes qu’ils affrontaient. Et nombre d’Israéliens avaient servi, dans toutes les armes, dans les armées alliées. Ils avaient donc une expérience militaire que n’avaient pas leurs adversaires arabes. Depuis, la situation (si l’on ose dire...) n’a fait que croître et embellir. Israël bénéficie des derniers armements américains et possède l’arme nucléaire. Les thuriféraires des Israéliens présentent souvent le pays, sur une carte du monde, comme une minuscule île au milieu d’une mer arabe, elle-même partie d’un océan musulman. Mais on peut voir les choses autrement : Israël, comme la masse émergée d’un iceberg (1/10e du volume total), lesté, sous sa ligne de flottaison, par la masse monstrueuse (9/10e du volume total) de l’Occident tout entier (États-Unis et Europe).

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