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Comment les enquêteurs de l’ONU ont pris de vitesse Israël

GAZA - Anticipant une campagne de dénigrement, la Mission d’enquête a livré ses accusations de « crimes de guerre » à la presse bien avant le débat au Conseil des droits de l’homme.

Le rapport de la Mission d’enquête des Nations Unies sur l’attaque de Gaza n’était pas attendu si tôt ; son caractère explosif et dévastateur pour Israël n’en a été que plus affirmé. Et depuis mardi, le débat ne fait que gagner en ampleur et en virulence dans les coulisses du Conseil des droits de l’homme (CDH). Si la présentation du document aux médias était en avance d’une quinzaine de jours sur celle au CDH (qui l’avait demandé), c’est que le chef de l’enquête, le juge Richard Goldstone, a voulu, semble-t-il, prévenir une offensive en préparation par Israël et ses ONG affidées contre son travail (lire ci-dessous).

Le ton de cette attaque en règle avait été donné la semaine dernière à New York par l’ONG « Eye on the UN », qui avait qualifié par avance toute critique contre Israël de « calomnie onusienne sanguinaire contre l’Etat juif ». M. Goldstone y a fait allusion mardi, en remarquant que « d’habitude on parle de tuer le messager qui porte la mauvaise nouvelle. Ici, il s’agissait de tuer dans l’oeuf le message avant même qu’il ne soit entendu. »

Crimes et délits

Car le message, lui même, est des plus sombres. Le catalogue de crimes attribués à Israël - de guerres et éventuellement contre l’humanité -, ainsi que de violations du droit international, est long et détaillé. Et les responsabilités sont imputées aux dirigeants politiques et militaires. Prenant les déclarations officielles des autorités au pied de la lettre, le rapport constate que « les forces armées israéliennes ont une capacité significative à effectuer des frappes de précision (...) Compte tenu de la capacité de planifier, des moyens d’exécution des plans en utilisant la technologie la plus poussée qu’il soit, et des communiqués des militaires israéliens affirmant qu’il n’y eut presque aucune erreur, la mission conclut que les incidents et la configuration des événements examinés dans le rapport sont le résultat d’une planification et de décisions politiques délibérées. »

M. Goldstone a également déploré le refus de coopération des autorités israéliennes, qui a obligé la mission à tenir des auditions de Palestiniens et d’ONG israéliennes à Genève.
« Israël ne se sentait pas à même de coopérer », réplique dans un communiqué la Mission diplomatique d’Israël, arguant que le mandat des enquêteurs « était manifestement partial et ignorait les milliers d’attaques par missiles du Hamas sur les populations civiles du sud d’Israël qui rendaient nécessaire l’opération à Gaza ».

Le poids du blocus

Pourtant, comme le rappellent les enquêteurs dans leur rapport, leur champ d’investigation incluait « toute action par toutes les parties qui aurait pu constituer des violations du droit international, des droits de l’homme ou du droit humanitaire international ».

Le problème, pour Israël, est simplement la béante disparité entre les dégâts causés par ces missiles artisanaux et la destruction colossale des infrastructures civiles. Le rapport mentionne entre autres que 14 466 maisons ont été endommagées - dont 3354 détruites - par les forces israéliennes. Pis, selon l’enquête, les autorités auraient appelé à la destruction de cent maisons pour chaque missile déjà tiré.

Les chiffres des victimes font écho à cette disparité. Du côté palestinien, le rapport estime les décès entre 1387 et 1417 morts (1444 selon l’Autorité palestinienne ; 1166 selon Israël). En face, l’Etat hébreux parle de quatre morts causées par des tirs de missiles dans le sud du pays. A Gaza, neuf militaires auraient péri, dont quatre victimes de tirs « amis ».

De surcroît, Israël doit trouver fort inquiétant le cadre temporel du rapport, qui commence le 19 juin 2008, moment où le gouvernement d’Ehoud Olmert et le Hamas concluent un cessez-le-feu. Le récit du conflit intègre donc le blocus et relève qu’il constitue une violation grave des Conventions de Genève.

Le rapport soulève aussi le problème du manque total d’enquête digne de ce nom de la part des autorités israéliennes, tant militaires que civiles. « La Cour suprême n’a jamais abordé les questions de droit international », a notamment déploré M. Goldstone, qui indique que « sur les centaines de cas très graves d’abus par les forces armées signalés aux autorités d’Israël », le seul qui ait abouti concerne un vol d’une carte de crédit. « Tous les autres ont été entourés du secret militaire absolu et classés. Pis, les autorités n’ont interrogé que les soldats, jamais les victimes. »

Saisir le Conseil de sécurité

Dans ses recommandations, le rapport souhaite l’intervention du Conseil de sécurité pour obtenir des deux parties la réalisation de vraies enquêtes. Sinon, martèle M. Goldstone, il faudra saisir la Cour pénale internationale.

Etant donné que les Etats-Unis siègent pour la première fois au CDH, le débat de la présentation officielle s’annonce houleux.

ROBERT JAMES PARSON

Le Courrier
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* * * *

DES TRACES D’URANIUM ENRICHI

Tapis au fond des presque six cents pages du rapport Goldstone, quatre paragraphes traitent des armes utilisées par Israël contre les Gazaouis. Ils parlent du phosphore blanc, « qui doit être interdit ». Un peu plus loin, on lit : « La mission a également reçu une information qui prétendait que l’analyse d’un filtre à air d’une ambulance qui roulait dans la région de Beit Lahia pendant les opérations militaires montrait des niveaux inhabituellement élevés d’uranium non appauvri et de niobium dans l’air. Etant donné les limites du temps disponible, la mission n’a pas pu enquêter davantage sur cette affaire. »
Les sources citées sont le docteur Chris Busby, membre de la Royal Academy, et Dai Williams, chercheur et analyste d’armes anglais. En fait, ces deux chercheurs ont fait analyser au laboratoire de Harwell des prélèvements du sol, avec les mêmes résultats (non spécifiés dans le paragraphe cité), à savoir la présence d’uranium légèrement enrichi et du niobium, métal utilisé en très faible quantité dans des alliages (moins de 0,1%). Des résultats conformes à ceux de nombreuses analyses effectuées par ces mêmes chercheurs sur des prélèvements réalisés dans le sud du Liban suite à l’assaut israélien en août 2006.

Quand l’équipe du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) avait enquêté sur les dégâts environnementaux au Liban, Dai Williams l’accompagnait. Le chercheur avait prélevé des échantillons en même temps et sur les mêmes sites - surtout de l’eau dans les cratères créés par des missiles -, notamment à Khaim. M. Williams les a fait analyser à Harwell, l’un des laboratoires nucléaires les plus performants du monde. Le PNUE n’a pas trouvé de radioactivité dans ses échantillons. Interpellé par M. Williams, Mario Burger, du laboratoire de Spiez en Suisse (qui collabore avec l’OTAN dans le cadre du Partenariat pour la paix), chargé des analyses, a reconnu avoir fait filtrer l’eau avant de la faire analyser. Il a également reconnu avoir utilisé comme appareils de mesure pour la radioactivité des compteurs Geiger, complètement incapables de capter ce type de radiation.

Le rapport Goldstone fait remarquer : « Les tactiques utilisées par les forces armées israéliennes à Gaza sont conformes aux pratiques précédentes, plus récemment pendant la guerre au Liban en 2006. A l’époque, un concept connu comme la « doctrine Dahiya » en a émergé, qui implique l’application d’une force disproportionnée et la provocation de gros dégâts et destruction à la propriété et à l’infrastructure civiles ainsi qu’une grande souffrance aux populations civiles. » Quitte à les empoisonner par radiations ? RJP

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