Une décennie après que le gouvernement Bush s’est servi du tristement célèbre prétexte des « armes de destruction massive » pour lancer une guerre d’agression contre l’Irak, le gouvernement Obama s’apprête à suivre la même voie pour lancer sa propre guerre en faveur d’un changement de régime en Syrie.
Dans une lettre adressée jeudi aux membres du Congrès, la Maison Blanche a dit que les services de renseignement américains croyaient avec plus ou moins de certitude que le régime syrien a fait usage à une petite échelle d’armes chimiques en Syrie, notamment du gaz sarin. »
La lettre réaffirme la menace d’Obama que tout recours aux armes chimiques « est une ligne rouge pour les États-Unis d’Amérique », ajoutant que la Maison Blanche « a communiqué le message en public et en privé aux gouvernements du monde entier, y compris au régime d’Assad. »
Le secrétaire d’État John Kerry a dit que le régime syrien avait « perpétré deux attaques chimiques, » et à Abou Dhabi le secrétaire à la Défense Hagel a parlé aux journalistes de la lettre de la Maison Blanche, en ajoutant que le recours à de telles armes « porte atteinte à toute convention s’appliquant en temps de guerre. »
Un responsable de la Maison Blanche a dit aux journalistes que « toutes les options sont sur la table en ce qui concerne notre riposte. »
Il n’y a pas davantage de raison de croire au bien-fondé de ces rapports qu’il n’y avait de raison de cautionner les affirmations du gouvernement Bush quant au tube d’aluminium, au yellow cake (concentré d’uranium) du Niger et aux laboratoires mobiles d’armes biologiques.
Aujourd’hui, tout comme il y a une décennie, ces affirmations sont utilisées purement et simplement comme prétexte à une guerre d’agression pour la défense des intérêts géostratégiques américains au Moyen-Orient.
Le Pentagone a déjà dépêché 200 soldats de plus à la frontière jordano-syrienne pour entraîner les soi-disant rebelles et, selon Hagel, « améliorer la détermination et être prêt à répondre à tous les scénarios possibles. » Selon de hauts responsables américains qui ont parlé la semaine passée au Los Angeles Times, ces scénarios comprennent le déploiement de 20.000 soldats et Marines américains pour envahir la Syrie au motif de « sécuriser » ses stocks d’armes chimiques.
Les déclarations du gouvernement Obama ont provoqué un flot de revendications en vue d’une action militaire immédiate.
Comme on pouvait s’y attendre, la coalition bricolée par Washington comprenant des Frères Musulmans et d’autres politiciens exilés a immédiatement réclamé que les pouvoirs occidentaux agissent « rapidement et résolument » pour démontrer que la ligne rouge d’Obama n’est pas juste « des paroles en l’air. » Cette coalition, proclamée par les Etats-Unis et leurs alliés être le « représentant légitime du peuple syrien », se verrait volontiers arriver au pouvoir sur des chars américains.
Le sénateur John McCain, républicain de l’Arizona et ancien candidat présidentiel, a demandé qu’Obama agisse pour appliquer sa « ligne rouge » en établissant sur le territoire syrien une « zone sécuritaire » et une « zone d’exclusion aérienne ». De tels objectifs nécessiteraient un bombardement américain à grande échelle et l’intervention directe de troupes américaines.
La sénatrice Dianne Feinstein (Démocrate de Californie), présidente de la Commission des renseignements au sénat, a affirmé qu’une « action [militaire] doit être menée pour empêcher une utilisation à une échelle plus vaste » des armes chimiques.
Auparavant, le gouvernement Obama avait fait preuve de scepticisme quant aux affirmations israéliennes, britanniques et françaises selon lesquelles le régime d’Assad avait employé des armes chimiques. Le changement d’orientation n’a rien à voir avec de nouveaux renseignements ou de nouvelles preuves scientifiques. Au contraire, l’impulsion immédiate a été un revers de fortune des « rebelles » qui sont soutenus par l’Occident et qui ont subi une série de défaites récentes aux mains de l’armée syrienne, et plus particulièrement la perte de la ville stratégique d’Otaiba, à l’Est de Damas, qui a servi de carrefour clé pour l’acheminement des armes et de l’aide fournies par l’Occident et ses alliés au sein des monarchies du Golfe.
Une intervention directe est en préparation afin d’éviter une déroute écrasante des forces intermédiaires de l’Occident qui sont de plus en plus dominées par les milices islamistes, y compris celles liées à al Qaïda.
Un argument crucial avancé par ceux qui réclament une intervention militaire américaine immédiate en Syrie a été résumée dans une déclaration de Martin Indyk, ancien ambassadeur américain en Israël et membre du groupe de pression pro-Israël, citée jeudi par le New York Times. Il a averti que si le gouvernement Obama donne « l’impression que le président ne souhaite pas appliquer sa ligne rouge, cela aura des conséquences dans la région, notamment pour ce qui est du programme nucléaire de l’Iran. »
En d’autres termes, Washington doit mener une guerre d’agression fondée sur des mensonges en ce qui concerne des armes chimiques de la Syrie dans le but de préparer une guerre encore plus catastrophique contre l’Iran sous le prétexte de freiner son programme nucléaire.
En effet, Hagel a fait ses allégations sur des attaques syriennes à l’arme chimique alors même qu’il faisait une tournée au Moyen-Orient, axée sur un contrat de 10 milliards de dollars de fourniture d’armes à Israël, à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, dont des avions de combat F-16, des missiles de précision air-sol, des avions-citernes de ravitaillement en plein vol et autres système d’armement conçus pour préparer une guerre contre l’Iran.
La motivation pour la guerre est attisée non pas par des préoccupations au sujet « d’armes de destruction massive » ou de vies syrienne, comme le prétendent ses promoteurs. Une guerre américaine contre la Syrie, tout comme celle menée auparavant contre l’Irak, fera des victimes à une échelle encore plus abominable que la guerre civile sectaire qui a été fomentée par l’Occident, et se chiffrera à des centaines de milliers de personnes voire des millions.
Les véritables objectifs qui sous-tendent ces préparatifs de guerre sont ancrés dans la crise continue du capitalisme américain et la tentative de l’oligarchie dirigeante américaine de stopper cette crise en recourant à la force militaire pour exercer le contrôle sur des régions stratégiques et riches en pétrole au Moyen-Orient et en Asie centrale.
Cette politique criminelle rappelle fortement la décision du régime nazi d’arracher le capitalisme allemand de la crise des années 1930 au moyen d’une guerre d’agression et de conquête.
L’agression militaire contre la Syrie et l’Iran représente une guerre bien plus sanglante que celles menées par les États-Unis au cours de cette dernière décennie en Irak et en Afghanistan. Elle risque de provoquer un embrasement bien plus vaste, impliquant la région tout entière tout comme des puissances extérieures, à savoir la Russie et la Chine, dont les intérêts sont menacés.
Ce ne sont pas seulement les populations syriennes et iraniennes qui paieraient le terrible tribut d’une telle guerre mais aussi la population laborieuse américaine, tant en termes de la vie de leurs fils et filles envoyés à la guerre qu’en termes de l’intensification des mesures d’austérité et des attaques contre le niveau de vie afin d’en régler la facture.
Pour empêcher une telle catastrophe il faut construire un nouveau mouvement de masse anti-guerre qui se fonde sur la mobilisation indépendante de la classe ouvrière dans une lutte pour la transformation socialiste de la société.
Bill Van Auken.