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Une nation d’apothicaires ?

Vue de loin, la France semble être devenue une nation d’apothicaires. S’il n’y avait pas le contexte, on aurait pu dire que c’est un vrai virus.

C’est à celui qui calculera le mieux et le plus minutieusement (et plus ce sera précis, moins on pourra contrer ce formidable calcul) le nombre de morts en moins, en plus, de la grippe, du covid, les rapports entre eux, la pyramide des âges, les années passées, les années à venir etc., dont le but, inavoué mais toujours recherché : montrer qu’il y a moins de morts qu’avant (avant quoi ? et moins de morts de quoi ?) ou qu’il n’y en a vraiment pas beaucoup.

Pourtant il y a des morts. C’est bien ennuyeux, mais il y en a.

Alors, pour pallier cette gêne aux entournures, on appelle à la rescousse une vision globale, voire historique. Ce sont de celles qui donnent l’impression plutôt désagréable (mais est-ce vraiment une impression ?) de balayer d’un revers de la main les morts, et ceux du sud en particulier, parce que (je cite un commentateur du Grand Soir) « [au Brésil] Il y a bien des morts, y compris du COVID, mais c’est en raison du manque de prévention, d’une mal vie chronique de la population défavorisée, et du manque de structures hospitalières. »

Donc finalement (peut-être pas pour ce commentateur, d’où sa maladresse, mais pour beaucoup d’autres), il y a des morts, mais c’est normal.

Et s’il y a des morts, on sait pourquoi, et ce n’est pas nouveau : l’argent roi et ses corollaires, l’accumulation des richesses, le pouvoir et la corruption, c’est-à-dire le capitalisme.

Je trouve très curieux et assez révélateur que tout le monde s’accroche au nombre de morts (vrai ? faux ?) plutôt qu’aux vrais nombres de la baisse des investissements dans le service public et à la gabegie de l’état et des banques. Pourquoi faut-il que les articles de la presse alternative et leurs commentaires regorgent d’avis et de statistiques sur la (non)létalité et pas sur le nombre de lits et de services supprimés et d’autres baisses de l’engagement de l’état ?

Vous allez me dire que c’est aussi le cas. C’est faux. La plupart des gens ont leur mot à dire sur la mortalité du covid (souvent chiffres à l’appui) mais ne sauront pas être aussi précis sur les chiffres du désengagement de l’état.

Voyez bien la différence :

 comment réagit-on à des chiffres vrais/faux de mortalité ? On pense que l’on se fait avoir individuellement.

 comment réagit-on à des chiffres vrais de désengagement de l’État ? On pense que l’on se fait avoir collectivement.

Selon la question, la réaction est forcément différente, et la réponse à la seconde pourrait être un puissant levier, si on voulait...

Je pense ainsi que la plupart de ces Français soudain férus de statistiques font fausse route, et que cette fausse route est sûrement beaucoup plus appréciée par nos gouvernants que s’il y avait (entre autres) un incessant rabâchage de statistiques et de dénonciations sur le désengagement de l’état, qui pourrait bien aboutir à... un changement ?

En fait, ce que je pense est bien pire. Je pense que ce chemin est criminel. Il est d’autant plus criminel que les personnes malades ou proches de malades ou de morts du covid s’en trouvent presque marginalisés.

Et dans le sud, et au Brésil en particulier, ne vous en déplaise, il y a bien une catastrophe sanitaire.

Et celui qui la nie tient exactement le même discours que Bolsonaro.

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Maurice Tournier. Les mots de mai 68.
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« Les révolutionnaires de Mai ont pris la parole comme on a pris la Bastille en 1789 » (Michel de Certeau). A la base, la génération de mai 68 est peut-être la première génération qui, en masse, a pris conscience du pouvoir des mots, a senti que les mots n’étaient jamais neutres, qu’ils n’avaient pas forcément le même sens selon l’endroit géographique, social ou métaphorique où ils étaient prononcés, que nommer c’était tenir le monde dans sa main. Une chanson d’amour des Beatles, en fin de (…)
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Viktor Dedaj

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