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Un pas de Guéant

Ca y est ! Ils ont enfin fait le pas décisif qui nous projette vraiment dans l’ignoble. Le plus étonnant ne réside cependant pas dans le franchissement d’une ligne que l’intelligence doit continuer de considérer comme infranchissable mais bien dans l’étonnement que semble avoir provoqué la petite musique nauséabonde savamment entonnée par M. Claude Guéant. Comme si nous ne savions pas que ce conseiller spécial de l’Élysée depuis le mois de mai 2007 a précisément été nommé ministre de l’Intérieur pour durcir le ton et les manières du gouvernement de la France à l’approche de l’élection présidentielle. Nous en verrons d’autres, M. Nicolas Sarkozy et sa garde rapprochée étant prêts à tout pour sauver les meubles d’un clan aux abois. Ces hommes vont se conduire comme des minables, car ils le sont probablement au tréfonds d’eux-mêmes. Trop d’indices ou de faits concrets nous l’indiquent depuis cinq ans au moins et seule notre indulgence de citoyens endormis et la complaisance de nombreux intellectuels ou journalistes nous ont empêchés de le reconnaître plus tôt. Ils vont salir la République chaque jour davantage pour tenter de se maintenir au sommet de leur insuffisance teintée de morgue revancharde. Et tant pis si cela doit mal finir.

Pendant que nous débattons à l’infini sur la question de savoir si les civilisations sont hiérarchisables, la stratégie mise en oeuvre par la clique sarkozienne va produire les effets que ses auteurs en attendent. Un professeur de philosophie peut provoquer la réflexion de ses élèves en leur demandant si certaines civilisations sont supérieures aux autres. Dans l’espace fermé que constitue sa classe, il contrera les éventuels dérapages, définira précisément les concepts à mobiliser pour répondre sérieusement à la question posée, fera les rappels historiques et épistémologiques nécessaires. M. Guéant, quant à lui, n’est ni professeur de philosophie, ni anthropologue. Il ne le prétend du reste en rien. Il ne nous interroge pas, il affirme un propos spécieux destiné à provoquer un débat sur une question biaisée. Son but réside dans les fruits féconds que le mentor qui le téléguide espère retirer de ce débat stérile au strict plan de la connaissance. Le dessein de M. Guéant n’est évidemment pas de faire progresser le savoir du peuple, mais de sauver le pouvoir d’un clan sur ce peuple, et cela quel qu’en soit le tribut.

Le dernier pas - et non l’ultime - de M. Guéant n’est pas un faux pas. L’homme est bien campé sur ses deux jambes, droit dans ses bottes comme le dirait l’un de ses émérites collègues. Son propos résume toute la filiation de la Droite la plus réactionnaire de notre pays. Cette droite-là est en ligne directe avec celle qui, au XIXe siècle, a souscrit très volontairement aux thèses funestes du comte Arthur de Gobineau et à la culpabilité du capitaine Dreyfus, forcément coupable parce que Juif. Le député Serge Letchimi et l’écrivain Patrick Chamoiseau ne se trompent évidemment pas quand les propos de M. Guéant les renvoient immanquablement à la période coloniale, autre avatar de taille dans la part d’ombre de la République, que la Droite contemporaine s’emploie, non sans ardeur, à édulcorer au mépris de la vérité historique. Ici, le mieux est de donner la parole à leur compatriote Aimé Césaire.Dans son célèbre « Discours sur le colonialisme », il nous dit ceci : « Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au Vietnam une tête coupée et un oeil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. » C’était en 1950 !

Le temps béni des colonies est loin derrière nous, mais l’esprit d’une partie de nos concitoyens reste colonisé par le poison de cette époque aujourd’hui regrettée par certains. C’est cette France-là , haineuse et revancharde, sûrement moins nombreuse que MM. Guéant et Guaino ne le croient, qu’il s’agit de flatter bassement par de petites phrases insidieusement distillées en des moments bien choisis et reprises par des médias de masse toujours attentifs. Au début de « l’expérience » Sarkozy, des gens de gauche se voulaient rassurants en nous affirmant que la « bonne Droite », la démocrate et républicaine, allait vite reprendre le dessus sur celle incarnée par l’ancien ministre de l’Intérieur et ses fidèles lieutenants. Qu’en pensent-ils désormais ? Aux anciens ennemis d’autrefois, la Droite dure a substitué des ennemis de l’intérieur contre lesquels il faudrait mener croisade : les immigrés et les assistés. S’il est maintenu dans la fonction suprême, M. Sarkozy se promet d’interroger les Français par référendum sur l’indemnisation du chômage et sur la politique d’immigration. Existe-t-il une meilleure façon de désigner à la vindicte populacière des boucs émissaires ? Et quel autre qualificatif choisir pour dénoncer cette posture à la fois bête et méchante que le mot minable ? Les Français qui voteront pour ce programme accepteront explicitement que leur pays fasse un grand pas en arrière. Refusons cette éventualité. Chassons les falsificateurs. Il est temps de rouvrir les portes et les esprits.

Yann Fiévet

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RÉSISTANCES AU TRAVAIL
BOUQUIN, Stephen
Stephen Bouquin (coordination) Louis-Marie Barnier, José Calderón, Pascal Depoorter, Isabelle Farcy, Djordje Kuzmanovic, Emmanuelle Lada, Thomas Rothé, Mélanie Roussel, Bruno Scacciatelli, Paul Stewart Rares sont les romans, même de science-fiction, fondés sur l’invraisemblance. Il en est de même avec les enquêtes en sciences sociales. Il existe néanmoins des vraisemblances négligées. Les résistances au travail en font partie. Le management contemporain a beau exalter l’individualisme, (…)
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"Au Salvador, les escadrons de la mort ne tuent pas simplement les gens. On les décapite, on place leurs têtes sur des piques et on garnit ainsi le paysage. La police salvadorienne ne tuait pas seulement les hommes, elle coupait leurs parties génitales et les fourrait dans leurs bouches. Non seulement la Garde nationale violait les femmes salvadoriennes, mais elle arrachait leur utérus et leur en recouvrait le visage. Il ne suffisait pas d’assassiner leurs enfants, on les accrochait à des barbelés jusqu’à ce que la chair se sépare des os, et les parents étaient forcés de garder."

Daniel Santiago,prêtre salvadorien
cité dans "What Uncle Sam Really Wants", Noam Chomsky, 1993

Commandos supervisés par Steve Casteel, ancien fonctionnaire de la DEA qui fut ensuite envoyé en Irak pour recommencer le travail.

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