Les Américains et les Saoudiens ont livré, pour la première fois, des armes sophistiquées en petite quantité aux groupes armés qui combattent en Syrie. Il s’agit, pour l’instant, de missiles antitanks M220/TOW, dans le cadre d’un programme plus large de livraison d’armes sophistiquées. Cette nouvelle stratégie américaine est, selon le Wall Street Journal (WSJ), motivée par l’échec des négociations de janvier et les avancées de l’armée syrienne sur le terrain. Elle fait suite, également, à la réorganisation des combattants soutenus par l’Occident, visant à créer une force militaire plus efficace. Il s’agit, semble-t-il, pour Washington de tester la capacité de ses mercenaires/rebelles à empêcher que ces armements ne tombent dans les mains des groupes extrémistes liés à al-Qaïda. Selon la porte-parole du Conseil national de sécurité américain, Bernadette Meehan, « les États-Unis s’engagent à construire la capacité de l’opposition modérée, y compris par l’apport d’une aide aux combattants de l’opposition armée modérée. Comme nous l’avons toujours dit, nous ne détaillerons pas chaque aspect de cette aide. » C’est la nouvelle stratégie des « modérés » qui est mise en place pour redorer l’image des mercenaires/rebelles.
Depuis des mois, l’Arabie saoudite et les États du Golfe font pression sur l’administration Obama pour qu’elle renforce l’aide américaine à cette opposition dite « modérée ». Dans un contexte de tensions entre les deux États, le voyage du président américain en Arabie saoudite, fin mars, a été le signe de la relance d’une collaboration plus étroite sur l’aide matérielle et militaire, et pour la CIA, de relancer son programme d’entraînement et d’armement dans ses bases en Jordanie. C’est un nouveau groupe dit « modéré », Harakat Hazm, qui a bénéficié de la livraison d’une dizaine de M220/TOW et de l’entraînement à leur maniement. Des missiles ont déjà été tirés contre l’armée syrienne en avril, comme on peut le constater sur les images mises en ligne sur internet.
Harakat Hazm a été créé en janvier dernier par les Occidentaux, ou plus précisément, l’Otan. C’est en réalité un regroupement d’organisations soi-disant laïques, dans le nord du pays. Son rôle est de remplacer l’Armée syrienne libre (FSL) soutenue par ces mêmes Occidentaux, avant que les divisions ne lui enlève toute efficacité et crédibilité aux yeux de ses « sponsors ». Harakat Hazm collabore étroitement avec le Front révolutionnaire syrien (SRF) créé, également, en janvier pour mettre fin à la division de l’opposition armée et, en alliance avec le Front islamique, pour combattre l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL). « L’accord entre SRF et Hazm est de travailler ensemble pour bénéficier du soutien de la communauté internationale sans se combattre mutuellement », explique un membre anonyme de l’opposition syrienne, basé en Turquie, à la presse internationale. « Les États-Unis veulent des groupes pragmatiques à l’intérieur de la FSA qui peuvent assurer l’après-Assad et garantir la sécurité des Alawites et des Chrétiens ».
Les missiles M220/TOW ont été exportés en Arabie saoudite (qui est elle-même équipée de ce type de missiles) et en Turquie avant d’entrer en Syrie par la Jordanie et la Turquie. L’Administration américaine avait bloqué, en début d’année, la livraison de manpads chinois (lance missile portable sol air type Stinger) que L’Arabie saoudite avait prévu de donner aux mercenaires/rebelles, et qui sont restés dans les dépôts en Jordanie et en Turquie. En relançant les groupes rebelles, Washington fait d’une pierre deux coups : les États-Unis relancent la guerre et font marcher leur industrie de l’armement.
Christine Abdelkrim-Delanne