Dès l’instant où Mr Kofi Annan a été désigné émissaire international pour la Syrie, il est devenu certain que l’agression ourbano*-occidentale contre ce pays avait échoué et que cette nomination n’était là que pour permettre aux uns et aux autres de reprendre leur souffle, d’éviter encore plus de pertes pour sauver la face, ou tout au moins donner aux perdants un délai de réflexion.
C’est ce que la Syrie et ses alliés régionaux et internationaux n’ont pas tardé à comprendre. Mais certains pays de ce camp international ont considéré qu’il y avait certainement intérêt à prendre en compte cette mission [prétendument basée sur l’idée d’une « solution pacifique » de la crise qui respecterait l’État syrien et sa souveraineté], pour essayer de faire en sorte qu’elle réponde aux exigences des Syriens et aussi à leurs propres considérations stratégiques. C’est pourquoi, tous ont travaillé à la réussite de cette mission telle qu’elle a été formulée avec prudence et anticipation interdisant toute déviance.
De l’autre côté, le camp des agresseurs a persisté implicitement à refuser une solution pacifique à la crise [elle lui interdirait l’accès au pouvoir qu’il convoite], mais s’est trouvé contraint de « faire avec » pour des raisons objectives et subjectives. Parmi les moindres de ces raisons, l’incapacité de ce camp à modifier la donne politique, militaire et civile ; surtout depuis que ses gangs armés se sont effondrés sans réussir ni à isoler le gouvernement en place, ni à installer un pouvoir civil malgré la consécration du soi-disant « Conseil National Syrien » qui a déclaré reconnaitre la mission de Mr Annan. Mais cette reconnaissance est arrivée vide de toute signification politique selon les règles du droit international [elle est sans aucune valeur juridique, puisque déclarée par un représentant du peuple non habilité à parler au nom de l’État syrien dont l’autorité et la souveraineté sont officiellement reconnues dans sa région et à l’intérieur de ses frontières].
1. Par conséquent, chacun de ces deux camps a envisagé la mission de Mr. Annan sous l’angle de ses propres objectifs. En effet, nous voyons d’une part, la Syrie avec l’Iran, la Chine, et la Russie s’évertuer à faire de cette mission un chemin pacifique qui aiderait à sortir de la crise et qui consacrerait l’échec de la conspiration en maintenant la géographie, la souveraineté et la sécurité de la Syrie et des Syriens ; et nous voyons d’autre part, les États-Unis et ses comparses occidentaux, turcs et ourbans s’escrimer à faire de cette même mission une occasion qui gommerait leur échec et qui leur permettrait une nouvelle offensive à travers une stratégie basée sur la supercherie, l’intimidation et le gain de temps. Ce à quoi ils espèrent aboutir comme suit :
1.1. Profiter du point numéro quatre du plan de Koffi Annan, relatif à la liberté de manifester, pour déclencher des manifestations populaires qui réuniraient des millions d’opposants ; étant donné que les faussaires se sont persuadés que des millions de syriens répondront à leurs appels et qu’à défaut d’une telle réponse spontanée, ils avaient suffisamment d’argent, d’armes et de médias puissants capables d’obliger les gens à sortir de chez eux ; quitte ensuite, à dramatiser le spectacle en l’amplifiant et en l’exagérant au maximum, comme ils en ont pris l’habitude depuis le début de la crise.
1.2. Terroriser la Syrie par le spectre d’une intervention militaire de l’OTAN avec la Turquie pour fer de lance. Ici, il nous faut pleinement considérer le sous entendu du gouvernement de Mr Erdogan lorsqu’il a déclaré que conformément à l’article V de sa Charte, l’OTAN devait s’acquitter de ses responsabilités et défendre la Turquie menacée par la Syrie ! Bien que cette requête soit visiblement ridicule, il n’en demeure pas moins qu’elle dissimule l’essence même des visées hypocrites de la Turquie et de l’Occident qui, par là , signifient à la Syrie que ses frontières ne concernent pas uniquement la Turquie actuellement mains et poings liés pour de multiples raisons la rendant incapable d’intervenir militairement ; mais que ses frontières concernent autant l’OTAN et ses 27 États, et qu’elle ferait bien d’en tenir compte.
1.3. Ouvrir la porte du Conseil de sécurité à travers une résolution qui prétendrait renforcer la mission d’Annan par l’envoi d’observateurs internationaux en Syrie mais qui, en réalité, consisterait essentiellement à tenter de garder le dossier syrien à l’ordre du jour des travaux du Conseil, à nommer un observateur permanent comme ce fut le cas du Liban avec les résolutions 425 et 1701, à revenir à une politique de menaces et de durcissement des sanctions, à fixer des délais ou ultimatums ; pour enfin court-circuiter la souveraineté de la Syrie par l’intermédiaire des observateurs, transformés pour la circonstance en une sorte d’organisme chargé de diriger et de contrôler la Syrie en relation directe avec le Conseil de sécurité, lequel deviendrait un organisme de tutelle permettant le contournement du veto russo-chinois.
2. Mais l’exécution de cette conspiration se heurte à des obstacles qui risquent de la faire avorter de ses 3 fondements cités plus hauts. En effet :
2.1. Concernant les manifestations, les conspirateurs ont été choqués de constater que le peuple syrien a découvert leur complot, qu’il en est profondément conscient et convaincu, qu’il ne suivra pas leurs attroupements ; et que comme il les a laissé tomber durant les 14 derniers mois, il continuera à le faire au-delà même de la cessation des opérations militaires. Ensuite, sont arrivées les décisions et dispositions de l’État syrien visant à protéger la population de la désinformation et du terrorisme, la mise en alerte des forces armées prêtes à intervenir, et l’imposition d’une autorisation préalable de manifester pacifiquement. Autant d’éléments suffisants pour faire échouer cette manipulation.
2.2. Concernant la menace d’une éventuelle intervention militaire de l’OTAN, elle était vide de sens avant même que son encre ne sèche ; particulièrement parce que tous ceux qui sont concernés savent que l’OTAN est dans l’impossibilité d’un affrontement militaire direct avec la Syrie, étant donné les erreurs accumulées et son concept actuel d’une stratégie contraire au « hard power ». D’autant plus, que la Syrie n’est pas seule pour l’affronter et qu’il est de notoriété publique que l’appel à la rescousse de la Turquie, sous prétexte qu’elle aurait été agressée par la Syrie, relève d’une flagrante hypocrisie. Tout le monde sait que la Turquie est l’agresseur et qu’elle s’est engagée contre la Syrie dans un grand nombre de crimes répertoriés par le droit international, à commencer par son ingérence dans les Affaires syriennes, puis par son accueil des terroristes et de leurs dirigeants sur son territoire, et enfin par sa complicité permanente avec ceux qui travaillent à y semer les troubles et l’insécurité. Par conséquent, que la Turquie invoque quelques coups de feu tirés par les forces de l’ordre lors d’une poursuite de terroristes entrés par sa frontière avec la Turquie est une piètre excuse qui lui renvoie sa propre accusation.
3. Nous en arrivons à la manoeuvre la plus importante… à la supercherie : le retour au conseil de sécurité ! A ce stade nous nous devons de souligner ce que signifie l’adoption de la résolution 2042 :
3.1. La résolution 2042 a été adoptée en vertu du Chapitre VI et non du Chapitre VII, comme cela avait été demandé par le dit « Secrétaire général des ourbans » [qui est évidemment l’ennemi de toute idée de sécurité nationale]. Elle est exempte de toute expression qui pourrait être exploitée pour aboutir à des menaces ou des sanctions et consiste, tout au plus, en un voeu pieux invitant le gouvernement syrien à faciliter la mission. Elle constitue une reconnaissance internationale, sans aucune ambiguïté ou confusion possibles, de la souveraineté syrienne exercée par son gouvernement actuel qui est le seul à posséder le droit de négocier avec les pays étrangers pour le compte de la Syrie, sans que nul ne puisse ignorer cette souveraineté ; y compris les observateurs eux-mêmes qui ne pourront entrer en Syrie que sans armes, et avec l’approbation obligatoire de l’Etat syrien.
3.2. Le camp des agresseurs, qui depuis des mois n’a cessé de dénigrer la légitimité du gouvernement syrien et d’insister sur l’existence d’une révolution pacifique, a été contraint à reculer et a reconnu explicitement par une résolution adoptée à l’unanimité des membres du Conseil de sécurité, qu’en Syrie existe un État et un gouvernement qui fait face à la violence d’actes terroristes commis par des éléments qui lui sont étrangers. Il n’est donc nullement question d’une révolution pacifique comme ils le prétendaient, mais de « groupes armés » et de « violations des droits de l’homme » justifiant un appel à la « cessation de la violence armée ». Toutes ces expressions sont contenues dans la déclaration ; nous y voyons la négation, voire l’annulation de toutes les allégations précédentes qui sont allés jusqu’à parler d’un « régime qui tue son peuple ».
3.3. Les participants à la Conférence des « Ennemis de la Syrie » à Istanbul, qui ont décrété que "le Conseil de Ghalioun l’istanbouli » était le représentant du peuple syrien, peuvent désormais constater l’effet nul et non avenu de leur décision ; puisque le texte de la résolution ne tient compte que des différents partis de l’opposition syrienne et de l’État syrien. Ce prétendu Conseil National Syrien n’existe donc plus sur la carte de la région et ne représente qu’une infime minorité au sein d’une opposition, elle-même minoritaire.
3.4. Néanmoins, et malgré tout ce qui précède, nous ne nions pas que la simple adoption de cette résolution constitue une brèche dans le mur dressé face à l’Occident et autour de la Syrie par le véto russo-chinois, deux fois répété. Mais nous y voyons aussi un intérêt pour la Syrie, car cette résolution 2042 pourrait aboutir à une solution pacifique qui serait un gain stratégique et qui confirmerait la victoire de la Syrie contre la conspiration dont elle est l’objet. Ici, il n’est pas inutile d’attirer l’attention sur la vigilance de la Russie qui a fait coïncider l’adoption de cette résolution avec la livraison d’armes, le renforcement du réseau de missiles syrien, et l’envoi de navires de guerre au large des côtes syriennes. En de telles circonstances, ce sont là des décisions qui ont valeur de messages.
4. Au point où nous en sommes, cette résolution a consacré les résultats d’une étape essentielle de cette violente attaque où les ennemis de la Syrie ont subi un échec civil et militaire venu de l’intérieur du pays, et un revers politique du fait qu’ils n’ont pas réussi à atteindre leurs objectifs par des moyens soi-disant pacifiques. Nous remarquons que c’est justement pour cela que le camp des agresseurs ne peut plus cacher son embarras, tente de faire capoter la mission d’Annan, déclare qu’elle est morte tout en essayant de la mettre à profit uniquement pour gagner du temps, tout comme le souverain du Qatar qui a estimé que ses chances de réussite étaient aux alentours de 3%. Pourcentage évidement ridicule, qui illustre le voeu de celui qui l’a calculé et qui semble user désormais d’une balance en or massif lui permettant d’estimer le pourcentage des espérances. C’est pour cela qu’il faut nous attendre à ce que le camp des agresseurs puisse :
4.1. Pousser vers une escalade de la violence et du terrorisme en Syrie, perpétrer des crimes et des attentats, faire saigner l’Etat pour tromper sa vigilance et amener les forces de sécurité à répondre ; pour ensuite l’accuser comme unique responsable de la violation du cessez-le-feu, ce qui justifierait le renvoi du dossier syrien devant le Conseil de sécurité afin "de prendre des mesures supplémentaires si nécessaire", tel que stipulé dans le texte de la résolution 2042.
4.2. Intensifier les capacités militaires des gangs armés par la contrebande d’armes et de munitions vers la Syrie.
4.3. Augmenter la pression pour amener la population à manifester, avec l’espoir que les manifestants puissent se heurter aux forces de sécurité qui seront tenues pour responsables du non respect du plan de Kofi Annan.
En résumé, nous disons qu’après la résolution 2042 du Conseil de sécurité, cette étape de la scène syrienne a consacré une nouvelle équation internationale établissant un nouvel équilibre international. Elle a aussi confirmé la capacité de la Syrie et de ses alliés à faire face à l’agression dont ils sont sortis victorieux tous ensemble, mais la voie est désormais ouverte pour une nouvelle étape.
Dr. Amin Hoteit
18/04/2012
Le Docteur Amin Hoteit est libanais, analyste politique, expert en stratégie militaire, et Général de brigade à la retraite.
Source : Arabi Press
http://www.arabi-press.com/?page=article&id=32436
*Ourbans : désigne ici les arabes alliés de l’OTAN
Article proposé et traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal (Biologiste)
le 19/04/2012