« Des chiffres hors contexte et sans fondement solide peuvent inciter ou aggraver un conflit, pouvant même entraîner un carnage encore plus terrible », selon le Guardian.
La comptabilité quotidienne des victimes des conflits modernes est aujourd’hui à la fois, un instrument de prise de conscience et de manipulation de l’opinion publique, et contribue à l’escalade des crises et des divisions meurtrières, éloignant toute possibilité de résolution pacifique du conflit, explique le journaliste Sharmine Narwani. L’évaluation provient généralement, comme c’est le cas pour la Syrie, d’ONG partisanes basées à l’étranger, appendices le plus souvent des mouvements rebelles. Impossible de contrôler la justesse de l’information au jour le jour.
Qu’en reste-t-il à la fin du conflit ? Le nouveau gouvernement libyen a annoncé récemment que le nombre de mort de la guerre civile de 2011 avait été exagéré. La majorité des victimes avaient été, selon les médias, le fait des forces loyales au régime. Il y aurait eu 5000 morts de chaque côté et non « des dizaines de milliers de victimes » qui ont « justifié » l’intervention « humanitaire » des forces de l’OTAN. En Syrie, les chiffres de 45 à 60 000 sont avancés, y compris par l’ONU. Mais selon l’Observatoire syrien pour les Droits humains, il s’agit de « propagande ». Rami Abdulrahman affirme que de nombreuses victimes citées par l’ONU n’existent pas. Interrogé, Rupert Colville, de l’ONU, déclare : « Nous ne pouvons pas prouver que la plupart de ces gens sont morts ». Et Megan Price, qui dirige le « projet d’analyse des victimes » de l’ONU pour Benetech, un organisme partiellement financé par le Département américain d’État, déclare de son côté : « On ne nous a pas demandé de vérifier si les victimes étaient réelles ». La mission de Benetech était d’étudier statistiquement des listes identifiées par l’ONU de 60 000 noms sans vérifier les données. « Des chiffres hors contexte et sans fondement solide peuvent inciter ou aggraver un conflit, pouvant même entraîner un carnage encore plus terrible. Les données contemporaines sur les victimes ont été inexactes dans tant de conflits récents qu’il est temps de les supprimer », conclut le journaliste Sharmine Narwani.
Source :
Sharmine Narwani, What the Syrian death tolls really tell us, http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2013/feb/15/syrian-death-tolls-tell-us
via Christine Abdelkrim-Delanne