RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Syrie : Brahimi sur la piste du modèle yougoslave ?

La chaîne qatarie Al-Jazeera, son intello favori Azmi Bishara, et leur cortège d’intervenants affabulateurs voudraient continuer à nous subjuguer par la magnificence et le caractère exceptionnel du soi-disant « Printemps arabe ». Il n’empêche que nombreux sont ceux qui y voient un scénario déjà vécu dans les années quatre-vingt-dix du siècle dernier [1] [2].

En effet, quiconque accepterait de revenir sur l’expérience du « Printemps européen » qui a démarré par la révolution ouvrière du bassin de Gdansk en Pologne, sous la direction de Lech Walesa, pour la comparer à celle du prétendu « Printemps arabe » qui a débuté par l’immolation de Bouazizi en Tunisie, ne pourrait ignorer certaines similitudes. Notamment, entre le rôle joué par les États de l’Europe occidentale, leurs églises catholiques et l’ensemble de leurs médias dans la bénédiction de ces révolutions qui ont secoué les pays d’Europe orientale, d’une part ; et le rôle joué par les Pays arabes du Golfe, l’Islam politique principalement représenté par les Frères Musulmans, et les organisations d’al-Qaïda avec leurs composantes salafistes wahhabites dans les révolutions arabes, d’autre part. Ceci, non sans concéder que dans ce deuxième cas c’est Al-Jazeera qui a tenu, avec brio, le rôle joué par la BBC dans les révolutions en Europe !

Or, c’est en Yougoslavie que le « Printemps européen » a rencontré son premier obstacle. Cette Yougoslavie de la Chrétienté Orthodoxe où s’était arrêté le Catholicisme et où l’Islam politique, soutenu par l’Arabie saoudite et la Turquie avec un début de collaboration de l’astre ascendant qatari, a été mis à contribution pour inverser l’équation et, tirant profit de l’effondrement de l’URSS, créer un jeu différent alliant guerre civile, intervention militaire étrangère, et machinerie onusienne.

Plus de vingt ans après cette « Crise yougoslave » et suite à plus d’une centaine de décisions du Conseil de sécurité, de centaines de milliers de victimes, et de destructions dévastatrices nécessitant des centaines de milliards de dollars pour compensation, la Yougoslavie qui sous la direction du Maréchal Tito fut un partenaire de l’Egypte et avec Gamal Abdel Nasser l’un des catalyseurs du « Mouvement des Pays non alignés », s’est transformée en petits pays rivaux occupés par des troupes étrangères et a perdu son rôle, son économie et sa souveraineté.

Et voilà qu’aujourd’hui l’émissaire onusien Lakhdar Brahimi revient sur la scène syrienne, porteur des mêmes propositions que Peter Fitzgerald avait avancées à la Yougoslavie. En somme, l’État syrien devrait accepter de se laisser démanteler, à plus ou moins courte échéance, au nom d’un gouvernement de transition [3] sur la base d’une prétendue réconciliation avec un regroupement d’individus refusant ouvertement toute proposition sous prétexte qu’elle serait insuffisante !

Parmi ces propositions, deux sont particulièrement évocatrices :

1. la réduction des pouvoirs de l’Etat central représenté par le Chef de l’Etat syrien sous prétexte d’une phase de transition ; ce qui dans le cas de la Yougoslavie s’est soldé par les « Accords de Dayton » [4] venus confirmer la logique de son démembrement en quatre états : Serbie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, et Monténégro.

2. Le démantèlement des institutions militaires et des services de sécurité syriens sous prétexte de leur restructuration ; pour s’empresser ensuite de soumettre leurs commandants à un tribunal spécial calqué sur le « Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie » ou TPIY.

Ceci, sans oublier que diverses prescriptions ou « recettes » se sont succédées en ex-Yougoslavie. Il y a eu celle de la Pologne, puis celle de la Roumanie où l’exécution de Ceausescu rappelle étrangement celle ce Kadhafi en Libye, puis celles des Républiques Tchèque et Bulgare. Ayant échouées les unes après les autres, il ne restait plus que la recette finale d’une guerre féroce et dévastatrice ! Et aujourd’hui, de l’aveu même des instigateurs de cette guerre, nous savons que l’Occident a utilisé les éléments tchétchènes et afghans de l’organisation d’al-Qaida : 100 000 bénévoles financés par les Pays du Golfe, armés et entrainés par la Turquie, et soutenus par des états laïcs de l’Europe occidentale !

Poursuivant la comparaison, force est de constater que les recettes tunisienne, égyptienne, libyenne et yéménite ont échoué en Syrie, d’où la nécessité d’une « nouvelle recette » inspirée du modèle yougoslave. Et nous revoilà avec 100 000 volontaires terroristes couvés en Turquie, financés par l’Arabie saoudite et le Qatar, glorifiés médiatiquement par Al-Jazeera et ses consoeurs. Mais la tâche la plus complexe, pour la mise en oeuvre d’une stratégie onusienne débouchant sur une intervention militaire et politique étrangères en Syrie, revient à M. Lakhdar Brahimi, Président du « Panel Brahimi », lequel s’est chargé, en 2000, de rédiger un rapport du même nom, le « Rapport Brahimi » [5], censé améliorer la pratique de l’ONU dans le domaine du maintien de la Paix !

Mais M.Brahimi et ceux qui se cachent derrière lui auront à se confronter à quatre obstacles, avant de prétendre installer en Syrie un « gouvernement de transition ayant tous les pouvoirs » ! Quatre obstacles qui ne leur permettront pas de réussir leur dernière manoeuvre pour torpiller le rôle du Président syrien et, du même coup, réussir à démolir l’État syrien et ses institutions politiques et militaires. En effet :

1. La Russie d’aujourd’hui n’est plus la Russie d’hier. Après les expériences vécues en Yougoslavie, en Irak et en Libye, elle ne couvrira pas des résolutions, tirées du chapitre VII, pour « camoufler la manoeuvre » et autoriser une intervention militaire qui mettrait la Syrie sous tutelle onusienne au nom d’un prétendu maintien de la paix.

2. Une intervention militaire des USA et de l’OTAN dépasse les capacités des mêmes va-t-en-guerre après leur défaite en Afghanistan et en Irak, et aussi à cause de la situation géostratégique de la Syrie où une telle initiative s’accompagnerait de conséquences dévastatrices sur Israël et la Turquie ; ce qu’ils voudraient absolument éviter.

3. La Syrie n’est pas la Yougoslavie. Malgré toutes leurs tentatives pour briser l’unité nationale et territoriale, installer des émirats et des roitelets sectaires, et étendre le conflit vers l’Irak, le Liban et, éventuellement, la Jordanie, les Syriens sont restés majoritairement solidaires de leurs autorités légitimes ; majorité garante de la survie de l’État et de ses institutions sous la direction du Président Bachar al-Assad.

4. Le « Printemps européen » a connu son apogée quand l’État Yougoslave est tombé, alors que le « Printemps arabe » est en passe de tomber sans que l’État syrien ne cède en rien de sa souveraineté. Si bien que les Egyptiens et les Tunisiens désireux d’échapper à la dictature humiliante des Frères musulmans se dirigent désormais dans la direction indiquée par la « boussole syrienne ». Il en est de même pour tous les Arabes qui soutiennent la Résistance du peuple palestinien, maintenant qu’ils ont constaté la complicité éhontée des Frères Musulmans et de leurs alliés avec l’occupant sioniste. Une complicité qui a dépassé de loin celle de Sadate et de Moubarak avant eux.

Par conséquent, en Syrie, M. Brahimi découvrira que « le travail de guerre », pour lequel il a été missionné, est loin d’être une tâche facile contrairement à ce qu’on aurait pu lui assurer.

La seule solution en Syrie n’a besoin ni d’un gouvernement provisoire, ni de ceux qui se laissent gouverner. Elle passe par un cessez-le-feu qui devra être garanti par M. Brahimi et Cie, et par Jamaat al-Nousra et équivalents, ainsi que par des observateurs, intègres et neutres, issus du Haut commissariat des Nations Unies pour s’assurer de la transparence d’élections mises sur pied dans les trois mois. Dès lors, celui qui obtiendra 50% des voix plus une formera le gouvernement, celui qui détiendra les 2/3 des voix rédigera la constitution, et celui qui en sortira avec le 1/3 des voix aura le droit de veto ; l’ensemble du processus aboutissant, dans un délai maximum d’une année, à une nouvelle constitution soumise à référendum et à des élections législatives. Le temps sera venu de passer aux élections présidentielles et la vérité sortira des urnes. Celui qui se lancerait à la recherche d’une autre solution aura à poursuivre sa guerre !

Nasser Kandil

Nasser Kandil est libanais, ancien député et directeur de TopNews-nasser-kandil

28/12/2012

Texte original : Top News http://www.topnews-nasserkandil.com/topnews/share.php?art_id=1699

Article traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal

Notes :

[1] Serbie, 1999 : calomnies, trahisons, et ingérence humanitaire…
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/serbie-1999-ca...

[2] Serbie, 1999 : de la dislocation de la Yougoslavie au projet de « Grand Moyen-Orient »…http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/serbie-1999-de...

[3] Syrie : M. Brahimi plaide pour un « gouvernement de transition »
http://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2012/12/28/syrie-m-brahimi-plai...

[4] L’accord de Dayton
http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/kosovo/dayton

[5] Rapport Brahimi
http://www.operationspaix.net/137-resources/details-lexique/rapport-brahimi.html


URL de cet article 18816
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

L’Espagne dans nos coeurs
Loic RAMIREZ
On a beaucoup écrit sur la guerre civile espagnole et si peu sur ses suites. Refusant la défaite, les républicains ont poursuivi leur combat durant plus de trente ans contre la dictature franquiste. Majoritairement exilés en France, ils ont eu pour principal soutien le parti communiste français et ses militants. Diffusion de tracts et de propagande, campagnes de solidarité, déplacement de clandestins et soutien logistique, les femmes et les hommes du PCF ont prêté main-forte aux "rouges" tout au (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

C’est très dur d’être libre lorsqu’on est acheté et vendu sur le marché. Bien sûr, ne leur dites jamais qu’ils ne sont pas libres, parce qu’alors ils vont se mettre à tuer et estropier pour prouver qu’ils le sont. Pour sûr, ils vont vous parler, et parler, et parler encore de droits individuels. Mais lorsqu’ils voient un individu libre, ça leur fout les jetons.

Jack Nicholson, dans le film "Easy Rider"

Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.