samedi 16 avril 2011
Prendre cette question, oui, mais par quel bout ?
Nous vivons dans cette partie du monde où l’anticommunisme a précédé l’avènement du premier Etat socialiste.
Tout commence sous la Révolution française. Et le Comité de salut public va laisser un traumatisme sanglant dans la mémoire collective travaillée par la propagande réactionnaire. Durant tout le XIXème siècle, alors que le prolétariat est exploité (des enfants de 5 ans travaillent dans les mines), qu’il n’a aucun droit reconnu, qu’il subit la répression au cours de révoltes pour le moins justifiées, qu’il se bat pour obtenir, un à un, des droits sociaux, l’idéologie dominante recourt aux pires abominations pour décrire et stigmatiser tout à la fois ouvriers et révolutionnaires.
Lorsqu’on lit l’oeuvre d’Emile Zola, Les Rougon-Macquart, Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le 2nd empire, on ne peut que constater ce fait : au départ, Gervaise donne naissance à Nana, Claude et Etienne. Pas à Jacques. Pourtant, Jacques, héros de La bête humaine, sera décrit comme fils de Gervaise et Lantier. Pourquoi cette entorse dans l’arbre généalogique pourtant si minutieux d’Emile Zola ?
Au départ, ce qui était prévu, c’est qu’Etienne Lantier, héros révolutionnaire de Germinal, devait devenir le héros fou et criminel de La bête humaine. Car, dans la conscience individuelle, créatrice et artistique d’Emile Zola, le révolutionnaire Etienne Lantier devait fatalement et nécessairement le fol assassin criminel de femmes qu’est Jacques.
Voilà qui en dit long sur les représentations de l’écrivain Zola qui rejoint les représentations collectives de classe de la bourgeoisie de l’époque. C’est au cours de l’affaire Dreyfus que, rencontrant les dirigeants socialistes, Zola modifie sont point de vue, double le nombre initial prévu des romans, passant de 10 à 20, et fait naître Jacques alors qu’il n’existait pas dans l’Assommoir. Un révolutionnaire est un fou assoiffé de sang, un sanguinaire sadique.
Journaliste, Zola commet des articles durant la Commune de Paris. Il décrit les communards comme étant des révolutionnaires ouvriers alcooliques, n’étant révolutionnaires parce qu’alcooliques avinés.
C’est l’époque où l’on fait dire et redire par ce peuple petit-bourgeois que les communistes ont le couteau entre les dents et mangent des enfants.
Tel est le décor idéologique à l’époque de l’immense charnier de 14-18. Les Rouges sont ces fous sanguinaires, immoraux et sadiques qui font de l’ordre social (bourgeois) un véritable chaos.
Nous sommes en 2011. On peut, à partir d’aujourd’hui, regarder ce décor idéologique avec un sourire amusé devant tant de candeur et de naïveté.
Sauf que, dès 1918, les USA, qui viennent de façon très réaliste s’assurer du leadership mondial, proclament très officiellement que l’ennemi planétaire est le communisme. Ils l’ont dit, ils le font.
Ce sera la guerre froide de 1945 à 1989. Soit 44 ans. Avec une logistique médiatique aux dimensions mondiales qui convoque presse écrite, radiophonique, télévisée et cinéma. Ce sera surarmement, ogives nucléaires et bases militaires à travers le monde. Ce sera exterminer les communistes en Corée, exterminer les communistes au Vietnam, exterminer les communistes en Indonésie. Ce sera les dictatures fomentées partout dans le monde pour massacrer les communistes, les rouges, les partageux, les mangeurs d’enfants, ceux qui ont le couteaux entre les dents, ces prolos lourdauds et alcolos.
Devant l’irruption du nazisme, quel pouvait être l’attitude US ? Car, au fond, le nazisme et le monde libre, démocratique, avaient EXACTEMENT le même ennemi et le même objectif. De là à dire que le nazisme fut instrumentalisé par ce monde libre, il n’y a plus qu’un petit pas. Et on n’ignore pas que certains hommes d’affaires US entretinrent d’excellentes relations avec l’Allemagne nazie pour réaliser de très bons coups industriels et commerciaux.
En 45, les USA dominent l’Europe occidentale et s’insinuent dans la décolonisation. Non pour rendre aux pays colonisés leur réelle indépendance, mais pour exploser les empires coloniaux et affaiblir la Grande Bretagne et la France. Dit autrement : pour réussir là où, par 2 fois, l’Allemagne avait échoué.
Quel pouvait être le regard US et, plus largement, occidental sur l’URSS, pays des rouges, du prolétariat, des ouvriers assommés par la vodka ?
Le même, exactement le même que celui de la bourgeoisie des historiens bourgeois du XIXème siècle, les Taine, les Guizot. Ou des hommes "politiques", les Thiers et autres Cavaignac, qui assassinèrent, exilèrent et emprisonnèrent les alcooliques mangeurs d’enfants ayant un couteau entre les dents.
Lorsqu’on lit Le livre noir du communisme, c’est exactement ce qui est réactualisé. Des morts à la louche. Par millions. En vrac. Au prix de gros. L’ouvrage n’est pas scientifique. Il est idéologique.
Nous vivons cette période particulière de l’Histoire qui est le lendemain de l’effondrement soviétique. La mort du communisme, comme ils disent. La fin des idéologies. La victoire historique du monde "libre". Et alors ? Tout va mieux ?
Non !
Non, car il y a désormais la menace islamiste, terroriste, extrémiste. Ils ne boivent pas, ne sont pas rouges, ne mangent pas les enfants, mais ils menacent le monde. Les USA ont donc décidé d’une guerre sans fin, morale, justifiée : la défense du monde libre et civilisé contre l’obscurantisme, l’anachronisme, le fanatisme. Les pays tombent les uns après les autres : Afghanistan, Irak, Libye... Toujours sur la base de l’élan du coeur, par générosité et même sacrifice. C’est humanitaire, c’est pour bâtir une démocratie, c’est pour défendre les populations.
Putain que le mensonge est gros. Enorme. Mais quoi ? Ben, ça marche, camarades. Ca marche.
Flash back en URSS. Il y a eu la déviation stalinienne qui reste à condamner. Pour autant, ne tombons plus dans le piège. Attendons les résultats des chercheurs et des penseurs. Ne nous précipitons pas, suite à l’idéologie bourgeoise du XIXème siècle, à Trotski et Kroutchev, échos exacts de la propagande US et occidentale. Regardez devant vous. Regardez les mensonges, les montages, les manipulations. Mesurez l’impact des campagnes médiatiques. Notre seule issue : un travail archivistique d’historiens travaillant pour la science et non l’idéologie.