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Thème : Communisme/Marxisme/Léninisme

Le socialisme à la chinoise est-il marxiste ?

Bruno GUIGUE

Par Bruno Guigue, ancien élève de l’École normale supérieure et de l’École nationale d’administration, Professeur invité à l’École de marxisme, Université normale de la Chine du Sud (Visiting Professor of the School of Marxism, South China Normal University)

S’interroger sur les rapports entre le marxisme et le parti communiste chinois, c’est s’engager dans un dédale vertigineux. Non seulement les questions jaillissent de toutes parts, mais on se heurte assez vite à un problème de méthode : faut-il évaluer le « socialisme chinois de la nouvelle ère » au regard du « socialisme de Marx » ? Qui plus est, ce problème de méthode – qu’il faudra traiter comme tel – recouvre un véritable problème de fond : le socialisme étant selon Marx une phase transitoire (le « premier stade du communisme ») entre la société capitaliste et la société communiste, à partir de quel moment peut-on dire que l’élément communiste l’emporte sur l’élément capitaliste ? Et comment peut-on déterminer ce point de bascule – à supposer qu’il soit possible et légitime de le faire – dans la trajectoire passée, présente et future (à titre d’hypothèse) du socialisme chinois ? Autrement dit, le socialisme au stade primaire dont se prévaut aujourd’hui le parti communiste (…) Lire la suite »
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Irradier les consciences pour éclairer les lignes de fuite hors du temps indigent de l’impuissance et de l’invariance (Partie 3)

Erno RENONCOURT

Comme convenu, mais avec un peu d’avance sur la date prévue, nous venons présenter la troisième partie de notre réflexion atypique et hérétique sur l’interprétation erronée de la notion de conscience dans le matérialisme historique par les avant-gardes de lutte anticapitalistes, pour ainsi dire gauchistes, un peu partout dans le monde. Nous précisons que ce texte a dû être scindé en deux pour en faire une quatrième partie afin d'approfondir la problématique en clarifiant notre raisonnance. Merci aux administrateurs du Grand Soir pour cette tribune, merci aux rares lecteurs et lectrices qui s'intéressent à ce qui vient d'Haïti et qui trouveront le temps d’aller au bout d’une longue lecture.

Alors que le matérialisme reste, comme outil scientifique, un produit de la conscience philosophique émergeant du contexte de production technique et économique du XIXème siècle, contre son essence dialectique, il a été promu et béatifié comme théorie universelle de l’action révolutionnaire et comme horizon indépassable de l’Histoire. Une histoire qui devait prendre fin, en supprimant à tout jamais, pour le bonheur de l’humanité, l’exploitation odieuse des masses aliénées par les fossoyeurs capitalistes. Si l’on suit le catéchisme du marxisme, tel que déformé dans le prisme enfumé, par l’absence de toute lueur consciente, des héritiers de Marx, le développement des forces productives, économiques et technologiques devait conduire à l’imminence du Grand Soir insurrectionnel, comme moment scintillant de rupture sociale qui doit éclairer la marche des masses aliénées, exploitées et déshumanisées vers la réalisation de leur destin ; lequel serait celui de s’approprier, par leur (…) Lire la suite »

Dépasser l’écosocialisme

Guillaume SUING

Une petite analyse du mouvement "écosocialiste occidental", sous la forme d'un hommage au grand Domenico Losurdo.

Renouer avec la notion de progrès social et scientifique, centre de toutes les attaques idéologiques bourgeoises actuelles post-modernes, suppose d'étudier sérieusement la forme la plus actuelle, voire ultime, du “marxisme occidental” : l’écosocialisme. De loin, ce point de vue, assimilant l’écosocialisme et le “marxisme occidental”, peut sembler cavalier, tant l’écosocialisme se pose comme une forme “radicale” d’anticapitalisme intégrant un retour assez franc à l’aspect anti-impérialiste de l’histoire du marxisme, à la manière “néo-léniniste” diront certains (Andréas Malm, Frédéric Lordon), donc, à première vue, anti-occidentale. Mais c’est oublier que les fondateurs écosocialistes revenant à la lettre de Marx, que j’appelle donc archéomarxistes, sont tous des penseurs issus de la sphère impérialiste (Bellamy Foster et Bookchin sont nord-américains, Malm est suédois, Kohei Saïto est japonais). D’une certaine façon, comme Français, je ne fais pas exception ; mon pays figure (…) Lire la suite »

Sahra Wagenknecht : Le marxisme contre la géopolitique

Alessio ARENA

Le prix insoutenable du révisionnisme. Réflexions sur les questions soulevées par l'essai de Sahra Wagenknecht "Stratégies anti-socialistes à l'ère de la contraposition des systèmes" (ACME Gallarate, 2009).

18 mars 2017 Sahra Wagenknecht est certainement le visage public le plus représentatif de la gauche de classe allemande. Présidente du groupe parlementaire Die Linke au parlement fédéral, son visage est identifié dans l'Allemagne contemporaine au radicalisme des secteurs qui, dans le Parti du socialisme démocratique (PDS) né sur les cendres du SED est-allemand, d'abord dans le nouveau parti de gauche fondé à la suite de la fusion avec les anciens sociaux-démocrates d'Oscar Lafontaine (compagnon de vie de Wagenknecht) ensuite, n'ont jamais renié l'expérience socialiste de la République démocratique allemande et ont fermement maintenu leur adhésion à la perspective de la construction d'une société socialiste dans les conditions nouvelles d'une Allemagne unifiée. Le parcours de Sahra Wagenknecht a certes été émaillé de contradictions, souvent en conflit ouvert avec les directions des deux partis dans lesquels s'inscrivait l'essentiel de son militantisme, parfois caractérisé par (…) Lire la suite »

L’importance théorique de L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme de Lénine

Prabhat PATNAIK

L'importance de L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme de Lénine réside dans le fait qu'il a totalement révolutionné la perception de la révolution. Marx et Engels avaient déjà envisagé la possibilité que les pays coloniaux et dépendants connaissent leur propre révolution avant même la révolution prolétarienne dans la métropole, mais ces deux séries de révolutions étaient considérées comme disjointes ; la trajectoire de la révolution dans la périphérie et sa relation avec la révolution socialiste dans la métropole restaient floues. L'impérialisme de Lénine a non seulement établi un lien entre les deux séries de révolutions, mais a également fait de la révolution dans les pays périphériques un élément du processus de transition de l'humanité vers le socialisme.

Il considérait donc le processus révolutionnaire comme un tout intégré ; il imaginait un processus révolutionnaire mondial unique qui, à partir de la rupture du maillon le plus faible de la chaîne, où qu'il se trouve, renverserait l'ensemble du système. Il affirmait également que le temps d'une telle révolution mondiale était venu, car le capitalisme avait atteint un stade où il allait désormais entraîner l'humanité dans des guerres catastrophiques : il avait "recouvert" le monde entier sans laisser d'"espaces vides", le divisant complètement en sphères d'influence de différentes puissances métropolitaines, de sorte que seul un repartage du monde pouvait désormais avoir lieu ; et ce repartage ne pouvait avoir lieu que par le biais de guerres inter-impérialistes, dont la première guerre mondiale était un exemple classique. La position théorique sur laquelle repose l'impérialisme a élargi le marxisme d'au moins cinq manières majeures. Premièrement, elle a fait entrer les "régions (…) Lire la suite »

Forum mondial du socialisme : l’incubateur d’un nouvel internationalisme

Francesco MARINGIO
Fin novembre, sous l'impulsion de l'Académie chinoise des sciences sociales (CASS), le 13e Forum mondial du socialisme s'est tenu à Pékin, en présence d'un grand nombre d'universitaires et de dirigeants chinois, ainsi que de 73 délégués internationaux venus de plus de trente pays étrangers, de tous les continents. Après le forum central de Pékin, l'expérience des délégués internationaux s'est poursuivie dans d'autres villes chinoises, puisque d'autres forums ont été organisés dans les villes de Jinan et Suzhou, dans les provinces orientales de Shandong et Jiangsu respectivement. Ce programme, en plus d'offrir aux délégués l'occasion précieuse d'un voyage unique dans la Chine contemporaine et de leur permettre de mieux la connaître, a mis en évidence l'importance pour les camarades chinois de renforcer les liens avec les communistes du monde entier et d'approfondir la réflexion et la recherche marxistes. Fin novembre, sous l'impulsion de l'Académie chinoise des sciences sociales (…) Lire la suite »

Domenico Losurdo. Philosophe de l’histoire, géographe de l’anticolonialisme.

Marcos Aurélio DA SILVA
Domenico Losurdo, l'éminent philosophe italien qui a visité le Brésil à de nombreuses reprises et y a été largement publié, nous a quittés dans la matinée du 28 juin. Tout en pleurant la perte d'un intellectuel d'une telle envergure, nous pouvons toutefois nous réjouir de l'énorme héritage que Losurdo nous a laissé à travers ses nombreux ouvrages. Nous pouvons en tirer de nombreuses leçons sur la manière de lire l'histoire et de prendre position dans le débat d'idées visant à surmonter ce monde "grand, terrible et compliqué", comme l'a dit Gramsci (Lettres de prison, 1926-1937. Org.A.A. Santucci, Palerme : Sellerio, 1996, p.421). Ce même Gramsci qui a été l'une des principales sources d'inspiration de Losurdo et dont il a donné une interprétation rigoureuse et très intéressante. En effet, pour Losurdo, le grand auteur marxiste italien est avant tout conscient que "l'absorption de la partie vitale de l'hégélianisme" dans le matérialisme historique est "un processus historique (…) Lire la suite »

Enki Bilal sénile, ou la nécessité d’un renouveau artistique marxiste et réellement progressiste

Ambroise-JRCF

Enki Bilal n’est pas un inconnu dans la sphère culturelle française. C’est un grand auteur de bande dessinée, avec un travail particulier, comme Moebius, dans la science-fiction. On lui doit notamment la trilogie Nikopol, dystopie fasciste où des dieux égyptiens, au plus bas de leur condition, font leur chemin bon gré mal gré parmi les mortels. Une saga qui sera adaptée au cinéma par le même Bilal. Son style est fait de personnages sombres, naviguant dans des villes futuristes et sales, où les pouvoirs arbitraires font la loi. En bref, c’est un artiste qui a marqué plusieurs générations, et qui continue à les marquer par son activité. Dans un passé pas si lointain, il se disait encore de gauche.

Pourquoi en parler ? A l'occasion d'un entretien avec le journal La Tribune (1), cet auteur a exprimé (et répété) un florilège de pensées réactionnaires. Entre le « wokisme », terme qu'il ne prend pas la peine de définir (et qui, par ailleurs, est impropre, car il ne désigne rien, si ce n'est le courant post-moderniste, qui lui existe, et est extrêmement diversifié), qu'il accuse de produire « la haine d'Israël », car il est bien connu que l'injustice flagrante et la mauvaise foi criante d'un État du Moyen-Orient adossé aux EU n'est pas un motif légitime de colère, du « capitalisme » (c'est encore de l'auteur)... et de « l'homme blanc », on se sent presque soulagé lorsqu'il déclare avoir du mal à se revendiquer de la gauche. Et de nous lancer sur la prétendue islamisation du monde, et de nous citer les combats justes selon lui qui sont, étrangement, à la manière d'un Raphaël Glucksmann, les mêmes que ceux des États-Unis. S'il se désole de la perte des idées humanistes dans la (…) Lire la suite »

Sur les rouges bruns et leurs alentours. Logique mécaniste et dialectique

Emilio ALESSANDRONI
par Emiliano Alessandroni, Comité central du PCI L'un des cas les plus fréquents où la logique binaire prend le pas sur la logique dialectique se trouve dans la tendance commune à réduire l'ontologie marxiste complexe au déconstructionnisme. Lorsqu'un terme est fréquemment utilisé par une force politique avec des connotations idéologiques précises, la force opposée a souvent tendance à nourrir un certain mépris à son égard et à le rejeter d'emblée. Or, le marxisme, qui constitue entre autres une "critique de l'idéologie", ne peut mener une telle opération de démasquage de la "fausse conscience" que dans la mesure où il oppose aux processus d'idéologisation une certaine objectivité. Le langage lui-même est soumis à des relations de pouvoir, qui agissent non seulement sur le processus de sélection des termes, mais aussi sur leur utilisation. "Liberté", "progrès", "démocratie" sont des lemmes qui ont connu de nombreuses variantes idéologiques, des usages instrumentaux multiples, (…) Lire la suite »

Le renoncement à l’éthique et à l’esprit du capitalisme (ou l’extermination des communistes du tiers-monde par les États-Unis)

Patrizio PAOLINELLI
Est-ce à cause du climat culturel qui règne aujourd’hui en Italie (1) ? En tout cas, on a pratiquement passé sous silence un livre humainement et politiquement bouleversant : La méthode Jakarta. La croisade anticommuniste de Washington et le programme d’assassinats de masse qui ont modelé notre monde [traduit et publié en italien en 2021]. L’auteur en est Vincent Bevins, un courageux journaliste étasunien très bien inséré dans le circuit de la presse mainstream nord-américaine. Le livre consiste en une enquête qui a duré dix ans, et qui s’appuie sur des documents officiels, des informations déclassifiées, des opinions d’historiens, des témoignages directs. Il ressort de cette enquête que, dans 23 pays du tiers-monde, la Guerre froide fut en réalité et sans l’ombre d’un doute tout à fait chaude, causant la mort de millions de femmes et d’hommes de gauche, par l’œuvre directe et indirecte des États-Unis. Les communistes étaient évidemment la cible principale, et la méthode Jakarta (…) Lire la suite »