Bonjour,
Il est important d’être au courant de la chose suivante : si "Edvige" est mis en place, "elle" ne bénéficiera pas qu’à l’appareil d’état, mais aussi aux multinationales. En effet les corporations multinationales (ou transnationales) sont des entités fondamentalement totalitaires (dans la mesure où elles ne rendent de comptes à personne), et elles sont inextricablement liées à l’appareil d’état, d’où elles tirent leur richesse et leur puissance (cf. en France, autour de Sarkozy, des gens comme Arnaud Lagardère, Vincent Bolloré, Albert Frère, Paul Desmarais, Serge Dassault, Edouard de Rothschild, Bernard Arnault, François Pinault, etc, etc, la liste serait trop longue). L’histoire suivante se déroule en Suisse, mais imaginons seulement ce que cela aurait donné en France, avec un pouvoir politique à la solde des transnationales et bénéficiant d’ "Edvige".
"Nestlégate : Securitas et Nestlé persistent et signent
Le 12 juin 2008, l’émission Temps Présent révélait que des membres d’Attac Vaud qui rédigeaient un livre sur Nestlé avaient été infiltrés par une agente de Securitas pour le compte de la multinationale entre septembre 2003 et juin 2004. Après la diffusion de l’émission, les auteur-e-s objet de l’espionnage et Attac Suisse ont porté plainte sur le plan civil et pénal. Une première audience civile a eu lieu le 23 juillet dont l’issue a été défavorable à Attac. Pourtant, les mois d’été ont vu des révélations se succéder dans la presse.
Tiré de SolidaritéS
En 2002, Nestlé engage un nouveau chef de la sécurité, John Hedley1. Il aurait mis en place un nouveau et vaste système de sécurité chez Nestlé, à l’origine de l’infiltration d’Attac Vaud.
Le chef de la sécurité de Nestlé était un ancien du MI6
Heldey a fait une longue carrière dans les services secrets britanniques (MI6). Pour le compte du MI6, il a même été premier secrétaire d’ambassade en Suède et en Afrique du Sud où il serait resté jusqu’aux attentats du 11 septembre 2001.2 Hedley a quitté le MI6 parce que, selon L’Hebdo, il ne s’entendait plus avec sa hiérarchie, lui adepte de l’infiltration, alors que ses supérieurs misaient plutôt sur la technologie, comme la surveillance par satellite. Il rejoint cependant Tri-Mex International, une entreprise londonienne spécialisée dans le traçage satellite de marchandises justement, où il occupe une fonction dirigeante.
A son arrivée chez Nestlé, il décide de révolutionner le concept de sécurité de la multinationale. La sécurité des bâtiments et des employé-e-s est alors renforcée. Mais pour Hedley, il faut aussi veiller à ce que la réputation de l’entreprise ne soit pas entachée. Il fait donc équipe avec François-Xavier Perroud, alors chef de la communication de Nestlé. Aujourd’hui Perroud a pris sa retraite, quant à Hedley, il a quitté Nestlé en mai 2008… alors que l’équipe de Temps Présent menait son enquête. Aujourd’hui, Hedley est le chef de la sécurité de l’International Airport Association, basée à Montréal3. Le site de IATA rapporte que spécialiste de l’espionnage et du contre-terrorisme, Hedley dirigera une équipe forte, en utilisant notamment une technologie de pointe avec un budget de 100 millions de dollars par année.
Encore bien des zones d’ombres chez Securitas
Revenons à notre affaire. En 2002 donc, Hedley débarque chez Nestlé. Au même moment - heureuse coïncidence ? -, Securitas crée une cellule d’investigation qu’elle baptise Investigation Services (IS). L’IS aurait été créé en prévision du G8, date à laquelle d’ailleurs plusieurs groupes ont été infiltrés. Cette nouvelle cellule, qui a fait ses preuves lors du G8, cadre bien avec les priorités du nouveau chef de la sécurité de Nestlé et du chef de la communication : contrôler l’information en particulier celles qui émane de voix critiques contre la multinationale.4 Bien après le G8, un des cadres de l’IS est par conséquent chargé de recruter un ou une agent-e pour infiltrer Attac Vaud. Ce cadre - que nous nommerons X dorénavant - était auparavant un ancien officier de la police fribourgeoise, qui a maintenant sa propre compagnie de sécurité dans le même canton.5 Après avoir fait chou blanc à deux reprises6, X recrute donc « Sara Meylan », 23 ans, déjà employée chez Securitas. Elle a une mission, une fausse identité, un téléphone mobile - qui répondait encore en juin 2008 au nom de X ! - et le même X se charge aussi de lui faire un faux abonnement demi-tarif, établi au nom de l’espionne, à l’adresse du chef de la police ferroviaire romande de l’époque. De fait, les liens entre Securitas et la police sont très étroits comme l’a démontré en particulier une enquête du Beobachter à ce sujet.7
Première audience : une décision de justice inadmissible
Alors que les révélations tombaient les unes après les autres, la première audience au civil a eu lieu le 23 juillet dernier au Tribunal de Lausanne. Il s’agissait pour le président Jean-Luc Genillard de maintenir l’interdiction de destruction des informations et de documents collectés par l’agente de Securitas pour le compte de Nestlé et de décider de leur confiscation. Coup de théâtre, lors de l’audience, l’avocat de Nestlé a sorti de son chapeau une liasse de rapports de l’espionne, en expliquant que Nestlé avait raclé ses fonds de tiroirs et qu’elle n’avait de toute façon rien à cacher. Des rapports qui portent le titre de « rapports intermédiaires ». Or, qui dit rapports intermédiaires dit rapport final, d’autant plus que l’ancien directeur de Securitas, Bernard Joliat, interrogé lors du Temps Présent sur la nature des documents versés au client lors d’une mission IS, déclarait : « […] oui c’est clair qu’il y a un rapport qui se fait sur la manière dont l’enquête s’est faite et les conclusions auxquelles elle a abouti. »8 En outre, aucun rapport ne figure sur le Forum organisé le 12 juin 2004 à Vevey, par Attac et d’autres ONG, intitulé « Résister à l’Empire Nestlé » auquel l’agente a participé activement.
Mais bien que lacunaire, la liasse de documents versés par Nestlé n’en est pas moins fort inquiétante. Des rapports précis et détaillés, des fiches où figurent nos engagements et nos activités, notre description physique, notre profession, notre personnalité et le plus choquant : une attention particulière semble avoir été accordée à nos contacts en Colombie et au Brésil. Cependant, bien que les rapports versés par Nestlé soient trop détaillés pour ne pas faire naître le soupçon légitime qu’ils ont été rédigés sur la base d’enregistrements, que le chef de la sécurité de Nestlé à l’époque des faits soit une ancienne pointure du MI6 tout à fait à la page des nouvelles technologies en matière d’espionnage, que le dossier versé par Nestlé ne semble pas complet, que la multinationale n’ait pas exclu de recommencer ce genre d’opération scandaleuse9 : tout cela n’a pas convaincu le président du Tribunal qu’il manque encore des pièces clés se trouvant chez Nestlé et Securitas. Le 12 août, il a rejeté les demandes provisionnelles. Cerise sur le gâteau, il a décidé qu’Attac devait verser à Nestlé et Securitas une somme de 2250 francs chacun à titre de dépens pour leurs frais d’avocats ! Un appel de soutien politique et financier a donc été lancé par Attac.
Il devient de plus en plus difficile de faire lumière sur cette affaire. Une lumière qui mettrait encore plus en évidence des pratiques scandaleuses, mais vraisemblablement aussi de nombreuses complicités « douteuses ».
Isabelle Paccaud
1 Voir en particulier, Julie Zaugg, « Les dessous de l’affaire Attac. L’espion aimait trop Nestlé », L’Hebdo du 17 juillet 2008, pp.13-16.
2 Idem ; ainsi que des informations données par Stephen Dorril. Stephen Dorril est journaliste indépendant et chercheur universitaire, spécialisé dans les services secrets britanniques.
3 Cf. www.iata.org
4 Cf. J.Zaugg, op.cit., L’Hebdo du 17 juillet 2008.
5 Voir Pierre-André Sieber, « Le Chef de l’infiltration était un ex-cadre de la police fribourgeoise » in Le Courrier du 19 juin 2008.
6 Il a tenté d’engager une Fribourgeoise qui a refusé jugeant les risques trop élevés, cf. Idem. Il a aussi approché un étudiant lausannois qui a également décliné, cf. notamment, Dinu Gautier, « Spion für dreissig Franken die Stunde », Woz du 26 juin 2008.
7 Cf. Otto Hostettler, « Wie die Securitas um sich greift », Beobachter du 14 août 2008.
8 « Securitas. Un privé qui vous surveille », Temps Présent du 12 juin 2008, www.tsr.ch. Souligné par moi.
9 Cf. La presse romande du 24 juillet 2008."
Source : http://www.suisse.attac.org/Nestlegate-Securitas-et-Nestle