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France-Libye : "Aube de l’Odyssée"

Si le Nez de Cléopâtre Avait Été Plus Long...

Le cinq majeur de la reconquête coloniale moderne (France, Grande-Bretagne, États-Unis, Italie et Canada) y participent ; mais c’est une frappe française qui a déclenché le 19 mars l’opération « Aube de l’Odyssée" contre la Libye, avec l’objectif avoué de faire appliquer la résolution 1973 adoptée par le Conseil de sécurité de l’Onu d’instaurer une zone d’exclusion aérienne et d’imposer un cessez-le-feu. Un peu plus d’un mois après le début avorté de la révolution de Jasmin en Libye, la réaction avait été sanglante avec quelque 8.000 victimes, selon certaines sources. Samedi et dimanche, près de 200 missiles Tomahawk sont tombés sur des objectifs en Libye, avec, en retour, des menaces de riposte de Kadhafi déclarant nulle la résolution 1973 de l’ONU imposant une zone d’exclusion aérienne visant de fait la partition du territoire libyen.

La sollicitude française dans le dossier libyen appelle quelques commentaires. Contre la volonté des partenaires de l’Union européenne, Paris s’est lancée seule dans la reconnaissance du mouvement rebelle armé libyen. L’Élysée a conséquemment entamé les démarches diplomatiques nécessaires pour la mise en place de dispositions pratiques pour la préservation de cette entité, obligeant le nouveau ministre des Affaires étrangères à bousculer tout sur son passage pour obliger le Conseil de sécurité de l’Onu à adopter une résolution (la 1973) rapidement appliquée et mise en oeuvre, alors que d’autres décisions du même conseil sont demeurées sans suite ou n’ont jamais connu de début d’exécution, surtout dans le cas israélien. Enfin, la France a porté le premier coup, en se donnant la sale besogne d’attaquer des troupes au sol, sans discernement.

Lancée exactement huit ans, jour pour jour, après l’opération "Tempête du Désert" américaine de reprendre le contrôle de l’Irak en pleine journée internationale de la Francophonie, Paris a sans doute mal choisi sa dénomination d’une Odyssée, prolongement de la Guerre de Troie (Iliade ; entre 1334 et 1135 av. ...) causée par l’enlèvement de la belle Hélène par Pâris , Ulysse mettra dix ans d’une aventure pleine de rebondissements pour retrouver la belle Pénélope et son fils Télémaque. Le rapprochement serait excessif si, en plus de la diplomatie du chéquier dont il est le champion, Khadaffi se serait également montré fort élégant ailleurs.

L’urgence était signalée : la reconquête de Benghazi, dernier bastion rebelle, aurait rendu caduque toute velléité de secours à apporter à un peuple martyr appelé soudain à remettre en cause le bras nourricier qui a étendu ses doigts à travers l’Europe et aidé quelque président original à accéder au pouvoir. Ainsi s’expliquerait la hargne de Paris à en découdre coûte que coûte avec son ancien allié, terroriste hier, fréquentable jusqu’à récemment.

« Outre aussi le contentieux financier qui l’opposerait à Sarkozy et la volonté du peuple libyen de vivre dans un pays plus démocratique, Mouammar Kadhafi serait vraisemblablement victime de son projet de mettre en place les États-Unis d’Afrique... Un projet qui vise à rassembler toutes les richesses du continent, à en contrôler l’extraction ensemble entre africains et à en assurer la distribution équitable à tous, sans avoir besoin du diktat des Occidentaux, pour l’intérêt du continent africain. Vous conviendrez que la réalisation d’une telle oeuvre avec le soutien des pays émergents tels que la Chine, le Brésil, l’Inde, etc, pourrait changer la donne sur le plan international ». (LePoste.fr, 19 mars 2011)

L’explication des plus simplistes : Khadaffi n’est pas le timonier qui mènera l’Afrique au gouvernement l’Union, en cette période de récession où ses pétrodollars sont plus appréciés que ses idées par ses pairs africains ; partant alors du parallélisme entre l’Iran et l’Afghanistan et de la mauvaise querelle d’intention autour d’armes de destruction massive et de repaire du terrorisme international, il faut sans doute alors plus faire jouer l’aspect néo-colonial nouvelle formule de puissances ayant collaboré en toute intelligence avec l’ennemi d’hier et qui, à la faveur d’une "révolution" spontanée ou suscitée, cherchent désormais à s’en débarrasser, au mépris de la réalité interne à l’État de ce dictateur.

Dans l’exemple libyen, Benghazi a toujours été le fief de la rébellion, là d’où tout est parti : avec une poignée de rebelles, Khadafi réussit le coup d’État parfait le Premier septembre 1969 ; le fond contestataire restera chez les fidèles du roi Idriss qui ont cru leur heure venue le 15 février dernier, à la faveur du mouvement contestataire du bassin méditerranéen.

Le mouvement pacifique tunisien et égyptien, en particulier, se transforme en Libye en mouvement révolutionnaire armé. Refusant toute aide extérieure, les insurgés ont voulu rééditer l’exploit de 1969...avant de déchanter et d’appeler à la rescousse une France qui était allée un peu trop vite en besogne en les reconnaissant et en les recevant à l’Élysée, avant d’emballer sa diplomatie pour entraîner les autres à sa suite.

La bataille est lancée, il reste à trouver un cheval de Troie pour la gagner.

Par Pathé MBODJE,
journaliste, sociologue

20.03.2011

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