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Il n’y a pas d’avenir avec Nicolas Sarkozy

Le calendrier électoral africain entamé par la Côte d’Ivoire, l’islamisme en France avec l’entrée en vigueur, le 11 avril dernier, de la loi interdisant le voile intégral et la candidature suspecte de l’écologiste Nicolas Hulot, le 13 avril, sont le programme de campagne du candidat Nicolas Sarkozy qui espère ainsi se retrouver au second tour avec Marine Le Pen (1).

L’extrême-droite favorisée par la tournure des événements internationaux, surtout dans le pourtour méditerranéen avec le printemps arabe et le réflexe anti-islamiste français sont en effet une source d’inspiration de la Droite française qui espère ainsi rééditer l’ « exploit » de Jacques Chirac en 2002 lorsque, à la surprise générale, Le Pen père avait damé le pion au Premier ministre Lionel Jospin pour se retrouver au second tour ; le ramollissement cérébral du peuple français n’ira cependant pas jusqu’au sacre de Le Pen puisque l’Europe rejetait quand même les effets politiques de cette extrême-droite qui montrait le bout du nez un peu partout dans le vieux continent.

Prise en défaut dans le dossier ivoirien pour destruction de biens appartenant à autrui, violences et voies de faits, agression, enlèvement et séquestration de chef d’État étranger, la France de Sarkozy se justifie a posteriori en évoquant un calendrier africain chargé pour lequel la Côte d’Ivoire servira de propédeutique. Les onze prochaines élections sur le continent deviennent ainsi une trompette que tout le monde embouche, jusques et y compris le président sénégalais dont on connaît l’amitié avec le président déchu.

Mitterrand avait trouvé mieux, au sommet de la Baule, au lendemain de la chute du Mur, en 1988, avec une aide "tiède" ou "enthousiaste" en fonction du respect des normes de démocratie. Depuis, les choses sont allées de mal en pis sur l’ancien continent et la France n’a pas su trouver la parade. Sarkozy qui se voulait la rupture dans une certaine perception de la françafrique aurait pu innover par une prime à la démocratie par une libération réelle des pays africains en accélérant le développement des États qui se conformeraient aux desiderata de l’Europe en matière de démocratie , confronté cependant à la réalité du pouvoir, il s’est laissé prendre au piège.

Car la cartographie actuelle donne peu de crédit à la théorie d’une prime négative à la démocratie avec le faux avertissement lancé aux dirigeants africains ; au Congo, une horde armée par Sassou Nguessou est venue à bout de l’armée nationale en octobre 1997 avec la guerre civile : les troupes du général Denis Sassou Nguesso, les "Cobras", aidées par les Angolais, prennent le dessus sur les "Cocoyes" de Pascal Lissouba...et la capitale. Denis Sassou Nguesso chassé du pouvoir revient ainsi par la force des armes et s’autoproclame président. En Centrafrique, François Bozizé a chassé par les armes le président démocratiquement élu en 2003, qui en mourra de honte huit ans plus tard à l’issue des élections du 23 janvier 2011 ; Yayi Boni vient de se proclamer vainqueur à l’issue de surprenantes élections et, le 15 mars 2011, l’Organisation des Nations-Unies s’est pourtant félicitée du déroulement des consultations ; le Tchadien Idriss Deby a joué dans la même gamme, ainsi que le Burkinabè Blaise Compaoré. En Guinée, à la surprise générale, la "communauté internationale" a validé l’élection de Alpha Condé qui n’a pourtant pas aimé l’accueil réservé à son malheureux challenger, le 03 avril, lorsque l’armée ouvre le feu sur les militants venus à l’accueil. En Mauritanie, Aziz s’est fait introniser par les armes, avant d’organiser des élections qu’il n’a pas perdues.

Cette complicité France-Afrique ne tient pas seulement à un fil culturel né de liens historiques ; Raïla Odinga du Kenya et le Zimbabwe sont caractéristiques du phénomène anglophone et même les derniers de la classe, les Lusophones, commencent à faire mieux : l’Angola de la redoutable Unita, le Mozambique de la non moins inquiétante Renamo, la Guinée-Bissau et le Cap-Vert du Paigc deviennent ainsi des modèles de démocratie à parfaire certes, mais donnent des joutes apaisées et la morale aux Occidentaux. Personne n’est cependant intervenu à date en Centrafrique, au Bénin, au Tchad, au Burkina Faso, en Guinée ou en Mauritanie, comme on l’a fait en Côte d’Ivoire et en Libye. C’est pourquoi le cas ivoirien encorné par la force française d’occupation est à verser dans les atouts que Sarkozy pense devoir collecter en direction de la présidentielle de 2012, de même que la Libye et l’islamisme en France.

La résurgence de l’extrême droite en Europe se résume en effet en France depuis quelques années par les répliques sismiques des crises au Moyen-Orient, singularisées ces dernières années par les profanations de cimetières et de lieux de culture arabes et juifs, l’affaire du voile déjà visible sous Jacques Chirac et qui vient de connaître son apogée avec l’entrée en vigueur, le jour où la France arrête et séquestre Gbagbo l’Ivoirien, de la loi interdisant le voile intégral.

Le 7 Décembre 2010, Clément Abélamine aidait à "Comprendre la vague populiste" des mouvements qui pèsent de plus en plus sur les scènes politiques nationales européennes depuis une décennie. « L’extrême-droite évolue, se transforme, se rajeunit aussi. Elle passe du « vieux nostalgique » puisant sa culture politique nationaliste et autoritaire dans les années 30 au « jeune dandy » débarrassé de ses liens avec les mouvements fascistes, se voulant défenseur des femmes et des homosexuels, souvent même philosémite, mais violemment xénophobe et populiste avec une obsession particulière sur l’Islam. Cette « nouvelle extrême-droite » désarçonne ses adversaires, et en particulier les sociaux-démocrates ».

Il s’agit en fait d’une incapacité des Européens à répondre à deux questions liées à leur survie immédiate et à leur avenir culturel, "la question sociale et la question nationale, qui devront former pour la gauche les bases d’une réponse à cette vague d’extrême-droite en Europe". C’est sans doute sur ce double plan qu’il faut comprendre l’intervention de l’Ecologie sociale dans le débat politique et la candidature surprise de Nicolas Hulot, propice à un autre Nicolas. Alors qu’en 2007 on le pensait venir avec ses gros sabots, l’écologiste est passé par le hublot et n’a pas souhaité faire acte de candidature pour cet homme de droite mais aux actions de gauche. Son implication aujourd’hui, au moment des tensions internationales extrêmes et des crises qui amènent l’Italie à douter de l’efficacité du parapluie européen, cette entrée donc pose problèmes dans certains milieux, surtout que l’espoir d’une Europe de gauche s’amenuise aujourd’hui.

A la veille de la présidentielle française de 2007, les populations ont poussé un cri de désespoir qui rejetaient une Europe libérale ; en Amérique latine, les régimes virent à gauche : Venezuela de Hugo Chavez, la Bolivie de Morales qui veut renationaliser tout, l’Equateur de Correa et peut-être prochainement le Pérou. Ces cris donc n’ont pas été entendus ; les dysfonctionnements sociaux, révélateurs de malaises, sont souvent peu payés en retour de la part des gouvernants : d’où la poussé de la vague populiste sur laquelle Sarkozy essaie de surfer en exagérant les crises favorables au repli identitaire de populations en butte à une survie honorable dans l’Europe des 27.

Pourtant, les avertissements existent : au-delà d’une délinquance renouvelée sous des formes et normes nouvelles diverses, certains penseurs se sont évertués, depuis près de dix ans, à jouer les Cassandre sans jamais être écoutés comme de bien entendu, pour respecter la mythologie. Ainsi, certains experts du monde du travail avaient déjà vu venir le danger quand ils appelaient à « remembrer la classe moyenne et éviter les écarts trop grands entre les trop riches et les extrêmement pauvres exclus du développement, pour résoudre cette équation fondamentale d’une pauvreté grandissante qui sévit à l’état endémique et d’un développement qui s’enlise » (2). Soixante-huitard sur le tard, Clinton préférait l’amour à la guerre, à une période ou un monde plus à gauche favorisait la compréhension et la fraternité entre les hommes en réduisant les distances sociales. Bush Jr a voulu relever l’affront du père des années 90 et a lancé sa guerre des sables à travers l’Irak de Saddam Hussein et l’indomptable Afghanistan sur lequel même les Russes s’étaient cassé les dents. Depuis, le surprenant Nobel de 2009 a joué au cave de l’oncle Nicolas avant de se rétracter sur le tard, en remballant son armement et son armada dans le dossier libyen ; la Côte d’Ivoire, poumon de l’Afrique de l’Ouest, va déstabiliser toute cette partie du continent du fait de dissensions entretenues et défendues par les armes depuis 2002, alors que la zone des Grands Lacs était déjà sujet de réflexion et de déstructuration du tissu social et économique de l’Afrique du centre en guerre du Tchad à la Corne. Avec l’armement détourné de Al Qaïda au Maghreb islamique par une subtile infiltration des insurgés de Benghazi, Nicolas Sarkozy et l’Occident chrétien font peser une menace durable sur l’Afrique. Il n’y aura pas de développement durant les 20 prochaines années. Il n’y pas d’avenir avec Nicolas Sarkozy !

Pathé MBODJE
Journaliste, sociologue

(1) Pour un duel Sarkozy-Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, lire notamment l’éditorial du journal "L’Express" dans le numéro 3119 du 13 avril 2011, page 35.

(2) « Pour une dimension sociale de la mondialisation », document de la Fédération internationale des Employés et Travailleurs (FIET), 1995.

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