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RIC : Une trilatérale qui promet (Russia & India Report)

Le ministre des Affaires Etrangères russe Sergei Lavrov (au centre) rencontre son homologue indien S.M. Krishna et son homologue chinois Yang Jiechi à Moscou, le 13 avril 2012. Source : AFP/East News

L’heure de la trilatérale Russie-Inde-Chine a sonné et elle aura de plus en plus d’influence sur les décisions internationales, selon Nivedita Das Kundu.

L’équilibre international des pouvoirs est en train de changer en faveur de la paix mondiale. La Russie, l’Inde et la Chine (RIC) entretiennent une collaboration trilatérale depuis 1996. La 11ième édition des rencontres des ministres des Affaires Etrangères de Russie-Inde-Chine (RIC) s’est tenue le 13 avril 2012 à Moscou. L’importance de ce récent meeting des ministres des affaires étrangères du RIC a été renforcée par le fait qu’il se soit tenu moins de 15 jours après le sommet des BRICS à New Delhi. Le principal projet au programme du RIC était de s’opposer à l’unilatéralisme et de promouvoir un ordre international démocratique et pluraliste. Les trois pays croient que les diverses menaces et problèmes ne peuvent pas être réglés seulement par les armes mais doivent aussi être appréhendés sous l’angle politique, social et économique.

La formation d’un axe Russie-Inde-Chine est un projet politique important qui a émergé dans la période qui a suivi la Guerre Froide. L’idée a été promue par le président russe Yeltsin en 1993 et par le premier ministre Yevgeny Primakov en 1996. Les relations indo-russes, sino-russes et sino-indiennes commencent à ouvrir de nouvelles perspectives. Si cela continue, cela stimulera le processus de multi-polarité et cela aura une influence considérable sur les relations internationales. Des pays comme la Russie, l’Inde et la Chine ont besoin d’un monde multi-polaire pour défendre leurs intérêts dans le monde et leur souveraineté. Pour construire un monde multi-polaire, le triangle Russie-Inde-Chine est indispensable. Bien qu’il y ait encore quelques problèmes non résolus entre ces pays, ils évoluent de manière évidente vers une meilleure compréhension les uns des autres.

Les relations entre les trois pays se sont développées pendant la Guerre Froide. Et après la Guerre Froide, elles se sont maintenues parce que la Russie a prouvé qu’elle était l’amie fidèle et à toute épreuve de l’Inde. De même, la relation entre la Chine et l’Inde s’est harmonisée dans les années 1980 et après l’accord de 1993, les relations économiques ont pris un nouvel essor. Les trois pays ont beaucoup d’intérêts communs qui contribuent à la coopération trilatérale. Ils pensent que les Nations Unies doivent avoir le premier rôle dans la résolution des crises et ils soutiennent le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’états souverains. Sur le long terme, c’est la confiance mutuelle qui permettra à ces trois puissances de jouer un plus grand rôle dans la politique internationale et de répondre ensemble aux défis du nouveau siècle. Ils ont cependant besoin de coordonner leurs actions parce que l’environnement international est devenu plus complexe. Leurs importants intérêts nationaux communs et leurs relations amicales de longue date dans les domaines culturel, économique, scientifique et technologique, sont des bases solides de coopération entre ces trois grandes puissances.

Les trois pays ont une longue histoire d’interaction, d’échanges, de coopération et de relations étroites. Dans la période qui a suivi la seconde guerre mondiale, il y a eu des moments de grande amitié et bienveillance entre elles. Il y a aussi eu des périodes de rupture presque totale et de conflits comme pendant la guerre entre l’Inde et la Chine de 1962. Cependant, les trois pays ont compris que leurs relations devaient s’établir à partir d’une réalité stratégique qualitativement différence. Par exemple, il est hors de question pour eux de ressusciter d’anciens types d’alliances contre un troisième pays, pour l’attaquer ou quoi que ce soit ou des accords garantissant un soutien inconditionnel à un autre pays.

Un des domaines principaux de coopération pour les trois pays est la sécurité énergétique. La Russie est un pays qui a des excédents d’énergie tandis que la Chine en manque. En collaborant ces trois états peuvent investir dans des projets communs qui pourraient faciliter le flux de pétrole et de gaz russes vers la Chine et l’Inde. La coopération trilatérale peut améliorer la sécurité énergétique en Asie et dans le monde.

Ils peuvent aussi s’épauler dans le combat contre les mouvements séparatistes. Ils peuvent éviter de soutenir ces mouvements dans les pays les uns des autres, échanger leur expérience pour résoudre les problèmes ethniques et coopérer dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme.

Le développement économique continue de la Russie, de l’Inde et de la Chine est devenu le moteur de l’économie mondiale. Il y a beaucoup de similarités entre la situation socio-économique de ces trois pays et la manière dont ils réagissent à la mondialisation. Il faut faire prendre conscience à la population de chacun des pays des avantages d’une coopération entre la Russie, l’Inde et la Chine pour obtenir le soutien des peuples. La mondialisation offre de nouvelles opportunités et pose de nouveaux défis à la Chine, l’Inde et la Russie. Afin de profiter de ces opportunités et de répondre aux défis, un mécanisme permanent qui leur permette de se consulter régulièrement et de coordonner leurs actions est devenu nécessaire.

La coopération trilatérale du RIC a une grande importance géopolitique parce que les trois pays totalisent 2,4 milliards d’habitants, soit 40% de la population mondiale et occupent 22,5% de la surface du globe. Il ne fait aucun doute que les trois pays possèdent d’immenses ressources humaines, un gigantesque potentiel commercial et énormément de ressources naturelles.

Les trois pays ont la difficile tâche de développer leur économie. La Chine a des frontières communes avec la Russie et l’Inde. Les trois pays sont opposés aux alliances militaires et aux guerres. La relation entre les trois pays influe sur les principes de base de la sécurité de l’Asie. Leur coopération aura certainement un impact positif sur la sécurité de l’Asie si elle s’améliore encore et si d’autres pays se mettent à respecter les mêmes principes.

La coopération trilatérale a beaucoup progressé depuis le premier meeting à Moscou en septembre 2001. Le format trilatéral s’est précisé au cours de réunions des ministres des affaires étrangères de ces pays en marge des sessions de l’Assemblée Générale de l’ONU à New York dans les années 2003 et 2004. Une réunion exceptionnelle notable des ministres des affaires étrangères a eu lieu en juin 2005 à Vladivostok en Russie. Suite à cette rencontre la triade a pris une forme plus claire. Au programme des réunions entre les ministres il y a des échanges sur des problèmes cruciaux régionaux et internationaux y compris la guerre contre le terrorisme international, le trafic de drogues et autres problèmes majeurs. L’interaction économique de la triade s’est intensifiée au cours des années suivantes. Au meeting d’octobre 2007 à Harbin en Chine, les ministres des trois pays se sont partagés les tâches : la Chine a pris l’agriculture, l’Inde la santé et la Russie la prévention et la réponse aux urgences. En février 2007 et plus tard en octobre 2007 au cours des réunions tenues à New Delhi en Inde et à Harbin en Chine, il a été décidé de donner un caractère structuré et dynamique aux relations trilatérales pour promouvoir la coopération pratique. Le mécanisme de consultation entre les dirigeants des départements territoriaux des ministères des affaires étrangères de Russie, d’Inde et de Chine s’est révélé le vecteur essentiel dans la réalisation de ces objectifs. Il a été décidé de se réunir de la sorte régulièrement et au moins une fois par an et depuis il y a un meeting annuel des ministres des affaires étrangères du RIC.

Ces dernières années la triade a fait preuve d’une coordination étroite sur les problèmes internationaux majeurs. Pendant la dernière réunion du RIC à Moscou, les trois pays ont pris la même position sur la crise syrienne et le nucléaire iranien en refusant l’intervention. Ils ont soutenu l’initiative de paix de Kofi Annan en Syrie. Selon le RIC, l’Iran a un droit souverain à l’énergie nucléaire pacifique et le RIC a fortement insisté pour que le problème soit résolu par le dialogue politique et diplomatique et par des consultations entre l’Iran et l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique. Dans sa déclaration conjointe, le RIC a réitéré son inquiétude par rapport à l’Afghanistan et aux victimes du terrorisme et du trafic de drogues généré par le conflit Afghan. Leur déclaration conjointe faisait état de leur engagement pour assurer la stabilité en Afghanistan et de leur engagement à contribuer à la stabilité et la sécurité dans le cadre de l’ONU ou à travers d’autres initiatives locales, comme l’Organisation de Coopération de Shanghai dont la Russie et la Chine sont membres ou observateurs et l’Inde observateur. Le rapprochement des membres du RIC se manifeste clairement dans différentes assemblées, des Nations Unies aux sommets du G20, en passant par l’Organisation coopérative de Shanghai, les réunions Asie-Europe, les réunions sur le climat, les sommets de l’Asie orientale, etc...

Ces trois pays sont très complémentaires en ce qui concerne les ressources naturelles, la qualité des services, la qualification des travailleurs, la capacité technologique et industrielle. Ils ont tous une forte activité entrepreneuriale et sont performants dans l’innovation et la technologie. De plus, le niveau d’interaction actuelle commerciale, économique et financière est très inférieur au potentiel. Il y a donc des perspectives considérables de coopération technologique et innovatrices. Le RIC a déjà créé des organes subsidiaires comme la réunion des experts du RIC sur la gestion des catastrophes, le forum trilatéral des affaires, le dialogue trilatéral des universitaires et il a organisé des projets et des conférences trilatérales dans ces domaines spécifiques. Toutefois pour les trois pays, c’est la sécurité alimentaire et des produits de première nécessité qui va devenir le premier souci et c’est un domaine dans lequel la coopération étroite et la compréhension seront de plus en plus nécessaires à mesure que l’intégration des trois états dans le marché mondial avancera.

Les réunions régulières des ministres des affaires étrangères des trois pays jouent une rôle essentiel dans la consolidation trilatérale. Le rôle principale des échanges de la triade est de créer un bon climat entre les trois pays, d’améliorer le paradigme de la sécurité dans la région et de renforcer la compréhension et la confiance mutuelles qui sont nécessaires pour solutionner d’éventuels problèmes bilatéraux. Les principes mis en oeuvre dans le dialogue trilatéral sont l’égalité, la confiance mutuelle et le consensus. La coopération trilatérale a énormément progressé et aussi longtemps que la patience et la persévérance ne se tariront pas, la coopération entre ces trois pays ne fera que croître et embellir.

Nivedita Das Kundu

Nivedita Das Kundu est directeur adjoint (recherche) à Indian Council for Social Science Research, New Delhi, Inde et analyste de politique étrangère.

Pour consulter l’original : http://indrus.in/articles/2012/04/24/ric_trilateral_set_to_scale_new_heights_15568.html

Traduction : Dominique Muselet pour LGS

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COMMENTAIRES  

02/05/2012 16:24 par Bonjour

Voilà une information qui va renforcer l’inquiétude des atlantistes européens face à l’Asie et leur tendance rétrograde à se replier sous la protection et la domination des Etats-Unis.

L’invasion de l’Irak fut un moment charnière qui a détourné l’Europe de sa propre voie.

A partir de ce moment charnière (2004-2005), l’Europe est repassée brusquement sous la domination militaire et capitalistique états-unienne.

En France par exemple, la punition lancée par le gouvernement Bush contre la France et la campagne de "French Bashing" semble avoir porté ses fruits puisqu’elle a été entérinée profondément par la politique de Nicolas Sarkozy lorsqu’il a purgé le mouvement gaulliste, placé la France dans l’OTAN et appliqué une intense politique d’américanisation de la société française.

Ce retour en arrière a aussi provoqué la crise financière et économique que nous connaissons en Europe.

Outre la perte de souveraineté nécessaire à son développement et à son émancipation, l’Europe si elle continue à accepter la domination états-unienne, s’enferme dans un groupuscule d’anciens colonialistes, avec des conséquences dommageables pour ses relations à l’international.

Pour avoir fait le choix de la soumission aux Etats-Unis, l’Europe a perdu les bénéfices du rayonnement (développement socio-économique durable et pacifique) dont elle jouissait auprès des pays émergents avant la guerre d’Irak.

Nous regretterons alors l’ouverture que des pays comme la Russie nous avaient offerte. Par sa faiblesse politique et économique, son retour au colonialisme, l’Europe a aussi perdu tout attrait en l’Amérique latine.

L’Europe est sur le point de rater le train de l’évolution du monde pour ses choix militaires et diplomatiques erronés.

02/05/2012 22:13 par tchoo

Cela ne met que plus en relief la volonté du Front de Gauche de conclure des alliances commerciales avec la Chine et sa volonté de se démarquer de la soumission aux diktats otano-etasunien.

03/05/2012 05:50 par boa monthy python corail

Merci pour cette traduction.

"Voilà une information qui va renforcer l’inquiétude des atlantistes européens face à l’Asie et leur tendance rétrograde à se replier sous la protection et la domination des Etats-Unis."

Ils travaillent dessus oui

http://www.scribd.com/doc/80627361/La-cooperation-militaro-industrielle-au-coeur-des-relations-indo-russes

Les Indiens et les Chinois ne désirent plus être la poubelle du monde occidental et la Russie a elle aussi de grand travaux pour être respectable (elle n’est pas la seule) avec son dévelloppement énergétique (torchage gaz et pétrole).
Economiquement ils ont des choses à faire et il est sur que le trafique de l’US army en Afghanistan est une tare importante. J’espère seulement que ces 3 nations mettront eux même en route des programmes nucléaire avec du thorium et d’autres types de solutions pour techniquement avoir une meilleure carburation des énergies à la Malkonine Ivan.
Ces 3 là ont de très bons scientifiques, restent qu’ils ne se décident pas à faire la vérité sur bien des mythes scientifiques occidentaux. L’économie sans un dévouement à faire de la rééducation et à promouvoir la vérité ne servira à rien.
J’espère qu’ils essayeront de sauver le Japon.

03/05/2012 16:00 par dominique

Il y a une très bonne analyse de cet article sur Dedefensa, intitulé le RIC du BRICS : http://www.dedefensa.org/article-le_ric_du_brics_27_04_2012.html

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