15 novembre 2005
Le congrès du parti social-démocrate SPD ainsi que ceux des unions chrétiennes CDU et CSU ont approuvé hier le contrat signé entre ces partis pour constituer une « Grande coalition ». Ce contrat, intitulé « Ensemble pour l’Allemagne, avec courage et humanité » équivaut sur le plan économique mais aussi politique à une déclaration de guerre à la population laborieuse.
Le SPD, la CDU et la CSU ont répondu aux premières critiques en disant qu’il avait fallu faire des compromis, qu’il en était ainsi dans une grande coalition et qu’on n’avait pas eu d’autre choix étant donné les résultats électoraux. Mais la vérité est toute autre : avec leur contrat de coalition, les deux perdants de l’élection on conclu un programme droitier et anti-social qui avait été clairement rejeté par la grande majorité des électeurs le 18 septembre dernier.
La hausse de la TVA de 3% prévue à partir de 2007 est de ce point de vue symbolique. La CDU avait annoncé au cours de la campagne électorale qu’elle augmenterait la TVA de 2% et cela s’était soldé pour elle par une très forte perte de soutien dans les sondages. Le SPD avait réagit à la décision de la CDU par une campagne contre la « taxe Merkel ». A présent les deux partis se sont mis d’accord pour porter la TVA à 19% !
Pour les 38 millions de ménages allemands cette augmentation représente, pour des dépenses semblables, un coût supplémentaire de 350 Euros en moyenne par an.
L’âge légal de la retraite sera augmenté progressivement de 65 jusqu’à 67 ans à partir de 2012. Etant donné le chômage élevé des plus de 50 ans (seulement 40% des plus de 55 ans ont un travail actuellement) cela ne signifie rien d’autre qu’une nouvelle réduction des retraites. En outre, le gel des retraites en vigueur depuis plusieurs années sera maintenu pour les quatre ans de la présente législature. Avec un taux annuel de 2% ou plus de hausse des prix cela signifie une nette baisse des retraites en termes réels.
La grande coalition est aussi tombée d’accord pour éliminer de nombreux avantages fiscaux. Cela réprésentera 600 millions d’Euros l’an prochain et atteindra 7 milliards d’euros en 2009. C’est tout d’abord le complément pour ceux qui bâtissent une maison qui disparaît et à partir du 1er janvier 2006 ce sont les dédommagements pour licenciement qui ne seront plus exonérés d’impôts.
En 2007, le forfait de 30 centimes d’euro par kilomètre accordé aux banlieusards ne le sera plus qu’à partir du 21e kilomètre de trajet. L’épargne non imposable sera diminuée de moitié et réduites à 1500 euros pour les gens mariés et à 750 euros pour les célibataires. Les primes accordées aux mineurs ainsi que les aides financières au mariage et à la naissance payées par les employeurs ne seront plus exonérés d’impôt à partir de 2007.
L’élimination des subventions à l’industrie du charbon est diversement interprétée. Le gouvernement conservateur et libéral (CDU-FDP) du Land de Rhénanie-Westphalie voit dans le contrat de coalition la possibilité de se défaire de ces subventions de façon plus radicale que prévue jusque-là et de s’orienter vers une sortie du charbon. L’objectif du gouvernement de Rhénanie-Westphalie de réduire de 750 millions d’euros les subventions au charbon en 2010 était à présent réalisable, déclara le ministre-président de ce Land, Jürgen Rüttgers (CDU).
La coalition a, pour l’instant, remis à plus tard des décisions concernant d’autres coupes budgétaires. C’est en particulier le cas pour la Santé. Les assurances maladie et vieillesse doivent être restructurées l’an prochain. Les partis de la grande coalition entendent réexaminer les divers modèles « sans parti pris ». Ils se sont toutefois déjà mis d’accord sur le fait qu’à l’avenir le privé jouerait un rôle de plus en plus important dans le système d’assurance sociale allemand.
Le marché du travail
C’est dans la politique concernant le marché du travail que l’orientation antiouvrière du contrat de coalition est la plus nette. La période d’essai pour un nouvel emploi est étendue à deux ans. Comme l’employeur a, pendant ces deux ans, la possibilité de licencier un salarié en ne respectant qu’un préavis de deux semaines et sans avoir à fournir de justification, c’est ériger les licenciements abusifs en système. Comme le dit le contrat de coalition tous les règlements relatifs au marché du travail qui seront estimés « inneficaces et inefficientes » seront éliminés.
On maintient la décision prise par le précédent gouvernement de réduire à partir du 1er février 2006 la période d’obtention de l’allocation chômage pour les plus de 55 ans. Ceux-ci n’auront plus le droit de toucher l’allocation chômage que pendant 18 mois au lieu de 32 jusqu’à présent. Les chômeurs âgés ayant travaillé et cotisé pendant 30 ans ou plus se retrouvent ainsi vite relegués aux mesures Harz IV (l’équivalent de l’aide sociale).
Le SPD et les chrétiens-démocrates veulent économiser en tout 4 milliards d’euros sur les allocations destinées aux chômeurs que selon eux « on ne maîtrise plus ». On veut aussi rendre plus difficile l’obtention d’allocations de chômage pour les personnes vivant en couples. Ce sont les moins de 25 ans qui sont les plus touchés. A l’avenir les majeurs de moins de 25 ans non mariés seront « inclus dans le revenu de leurs parents » et n’auront donc plus droit qu’à 276 euros mensuels.
Les coupures massives dans l’allocation chômage sont soutenues par une campagne, menée parallèlement, de lutte contre les « abus ». La brochure publiée sous l’égide de l’ancien ministre de l’Economie et du Travail, Wolfgang Clement (SPD,) « contre les abus et les fraudes » à l’égard de l’Etat social et dans laquelle ceux qui reçoivent les allocations sont traités de « parasites » dans un jargon semblable à celui utilisé dans les années trente par les nazis, a posé la base idéologique d’une campagne contre les plus pauvres parmis les pauvres. Les enquêtes tous azimuts grâce auxquelles on compare déjà les informations sur les chômeurs avec celles des caisses de retraites, des caisses d’assurance maladie et des banques, dans le but de découvir des « abus », doivent dorénavant avoir lieu quatre fois par an.
Selon les plans de la grande coalition, les chômeurs doivent tous être transformés en une immense armée de travailleurs à bon marché et de sans-droits. De nouvelles mesures doivent développer le secteur des bas salaires. Les chômeurs allemands devront remplacer les travailleurs à bas salaire d’Europe de l’Est qui travaillaient jusqu’à présent comme saisonniers dans les récoltes d’asperges et de fruits.
L’Agence pour l’emploi allemande tient déjà compte de ces considerations dans son budget pour l’année qui vient. La Bundesagentur für Arbeit (BA) part du fait que le nombre de chômeurs qui trouveront un emploi à bas salaire augmentera de 100 000 et que le nombre total des salariés bénéficiant des assurances sociales diminuera d’un demi-million. C’est-à -dire que l’augmentation du nombre total d’emplois salariés sera du à l’augmentation du nombre des « mini-emplois » et des « emplois à un euro ».
Des palliatifs
Afin de minimiser l’opposition aux coupes budgétaires on a décidé d’ajouter au contrat de coalition quelques palliatifs à caractère symbolique. On veut donner l’impression que « les choses inévitables et prévisibles » comme les appelle le Frankfurter Rundschau, ne frapperont pas essentiellement les revenus faibles et moyens mais aussi les plus riches. « On prendra à presque tout le monde » titre la Süddeutsche Zeitung ; « la vague d’austérité frappe tout le monde », écrit la Westdeutsche Allgemeine Zeitung.
Parmi ces « symboles » on a mis en évidence le soi-disant « impôt sur la richesse ». A partir de 2007, les riches célibataires gagnant plus de 250 000 euros par an et les riches mariés au revenu supérieur à 500.000 euros annuels verront leur taux d’imposition augmenter de 3 % (45 % au lieu de 42 %). Ce nouveau taux d’imposition est bien en-dessous du taux encore en vigeur en 1998 (53 %) et ne touche que le revenu qui dépasse les sommes mentionnées. Il n’y a que peu de riches dont le revenu total soit imposé. Ils ont maintes possibilités de réduire leurs impôts.
L’ « impôt sur la richesse » n’est rien d’autre qu’une tentative de jeter de la poudre aux yeux de la population. S’il sert vraiment à quelqu’un, c’est à la categorie professionnelle des experts comptables.
L’intention colportée, dans les jours précédant les négociations pour une grande coalition, d’imposer les possesseurs d’actions et de valeurs immobilières à partir du 1er janvier 2007 avec un impôt global de 20 % sur les gains issus de leur vente est partie en fumée et les promesses d’amélioration de la situation des jeunes familles ne se sont pas matérialisées.
Les associations de bienfaisance ont déjà vivement protesté contre les mesures du nouveau gouvernement l’association Caritas y voyant « une redistribution du bas vers le haut ». D’autres responsables d’association déclarèrent que les plans de la coalition en ce qui concernait les prestations aux familles avec des enfants seraient fortement en faveur des universitaires et des riches et aux dépends des chômeurs et des bas salaires.
Outre les hauts salaires ce sont les entreprises qui profiteront des changements prévus. Les entreprises profiteront d’abord de la baisse de 2 % du taux de cotisation de l’assurance chômage. A partir de 2008, elles seront exonérées plus amplement par une réforme fiscale. De généreuses possibilités de dégrèvement sont également prévues pour les investissements tout comme pour l’impôt sur les héritages, qui vont jusqu’à sa complète disparition dans le cas où une affaire est reprise pour plus de dix ans. Ces « mesures de relance de l’économie » représentent selon le contrat un volume total de 6,5 milliards d’euros.
L’Agenda 2010 aggravé
La politique de la grande coalition s’avère ainsi être une version aggravée de l’Agenda 2010 du gouvernement précédent qui représentait déjà une énorme redistribution de richesse du bas vers le haut.
Et on fait porter aux dépenses accrues en faveur des chômeurs et des pauvres la responsabilité du trou budgétaire et non pas aux pertes de recettes résultant des cadeaux fiscaux faits aux riches et aux entreprises par la gouvernement de coalition SPD et Verts.
« La situation est grave et la pression qui s’exerce pour consolider le budget est grande, si nous voulons transmettre à la prochaine génération des finances publiques viables » écrivent sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates dans leur document de coalition. « Depuis des décennies on répand systématiquement l’illusion que l’Etat peut satisfaire à des désirs de prestations toujours nouveaux et toujours plus importants. La dynamique des charges et des dépenses a déclenché une spirale de l’endettement qu’il convient de casser ».
Une représentation tout à fait fallacieuse de la réalité.
Le contrat de coalition prend officiellement congé d’une conception selon laquelle la politique peut régler les questions fondamentales de la société et pourvoir aux besoins élémentaires de la société. On ne prends même pas la peine de prétendre que la grande coalition peut resoudre le problème le plus urgent, celui du chômage de masse. Il s’agit seulement d’assainir les finances publiques dans l’intérêt du patronat.
On n’y trouve aucune trace de la doctrine de l’après-guerre selon laquelle le capitalisme ou l’économie de marché sont capables de réaliser un équilibre social. Les mots « économie sociale de marché » n’apparaissent qu’une seule fois dans un document long de 191 pages et cela en tête du chapitre intitulé « Politique du droit pour une économie sociale de marché ».
Le journal Süddeutsche Zeitung remarqua à ce propos dans un long commentaire : « Le pragmatisme politique que l’on dénote ici et qui caractérisera probablement le prochain gouvernement, suit une logique tant paradoxale que conséquenteToute politique qui se consacre à la crise écnomique et sociale ne peut être, dans un avenir prévisible, que la gestion d’assymétries. Aucun complexe de recettes politiques n’est plus capable d’empêcher l’écart de plus en plus dramatique qui s’ouvre dans les revenus et les fortunes, aucun n’est plus capable de retenir la fragmentation de plus en plus grande de la société, sans même parler des assymétries entre les pays pauvres et les pays riches et qui sont à l’origine de l’énorme pression pour une redistribution à l’échelle mondiale. »
C’est aussi un rejet de toute forme de démocratie. Si on ne peut pas empêcher « l’écart de plus en plus dramatique dans les revenus et les fortunes » alors on ne peut pas non plus maintenir la démocratie. Une telle politique n’est imposable que par des méthodes autoritaires de gouvernement.
Ce n’est pas un hasard si l’élection législative anticipée fut, sous la pression des associations patronales et en trichant avec la constitution, mise en scène comme une sorte de coup d’Etat. La déclaration de guerre à la population laborieuse que représente le contrat de coalition est le résultat de ces élections illégitimes.
Armement de l’Etat et abolition de droits démocratiques
La grande coalition est très consciente des répercussions que ne manqueront pas d’avoir ces mesures et elle se prépare en conséquence aux conflits futurs avec la population. Des droits démocratiques sont restreints, on procède à l’armement de l’appareil d’Etat. La police et les services secrets obtiennent des pouvoirs accrus. Le nouveau gouvernement peut s’appuyer ici sur le travail réalisé par le gouvernement précendent, en particulier sur celui de son ministre de l’Interieur, Otto Schilly (SPD).
Les lois anti-terreur qui furent votées à la suite des attentats du 11 septembre 2001 seront révisées et comme on l’indique, étendues. « Nous regarderons dans quelle mesure les réglementations juridiques concernant par exemple la protection des données, s’opposent à une lutte efficace contre le terrorisme et la criminalité » dit le contrat de coalition. On prévoit de développer l’usage de la biométrique pour les passeports et les cartes d’indentité. En 2007, on doit vérifier « s’il faut développer les analyses ADN à des fins de politique visant la criminalité ».
L’intervention de la Bundeswehr, l’armée allemande à l’intérieur des frontières de la RFA fait fermement partie des plans gouvernementaux. Les membres de la coalition attendent ici encore le jugement du Tribunal constitutionnel fédéral concernant la loi relative à la sécurité aérienne. On s’est déjà mis d’accord pour modifier la constitution dans le cas ou celui-ci se déclarait, dans ce cas, opposé à une utilisation de l’armée allemande à l’intérieur.
Le Bundeskriminalamt, la plus haute administration policière, doit être abilité à mettre en uvre des soi-disantes « mesures anti-terroristes préventives » ce qui était jusqu’à présent la prérogative de la police des Lands. On s’est aussi entendu sur des mesures de types juridique. Il s’agit ici par exemple de la réintroduction d’une mesure permettant à la Justice d’accorder des remises de peines aux auteurs de crimes qui en dénonceraient d’autres. L’Etat avait déjà tenté d’introduire ce genre de mesure dans les années 1970 lors de sa campagne contre les anarchistes de la Fraction Armée Rouge. Une mesure dans ce sens fut introduite en 1989 pour dix ans qui ne fut pas reconduite par la coalition SPD-Verts en 1999.
A l’époque, le gouvernement Schröder avair encore argué que l’offre d’une remise de peine constituait un « attrait pour les fausses suspiscions et la délation ». Les membres sociaux-démocrates de la coalition ont à présent abandonné leurs réticences d’ordre légal et constitutionnel.
Au vu de la rebellion des jeunes qui a lieu en ce moment en France un des accords de cette coalition est particulièrement remarquable. Ce ne seront plus seulement les gens psychiquement malades et les condamnés pour délits sexuels qui devront faire l’objet d’une « détention préventive » c’est-à -dire une détention sans limite dans le temps. On décida d’étendre aussi cette mesure barbare aux jeunes. « Une condition de l’imposition [de la détention illimitée] sera en outre le fait que le caractère particulièrement dangereux du coupable se sera avéré durant la détention ». Cet accord a d’énormes implications : on peut trouver durant la détention des raisons pour enfermer des jeunes pendant des années et même des décennies.
Dietmar Henning
– Source : World Socialist Web Site www.wsws.org
Le 8 octobre 2005, le premier équipementier d’automobiles américain, Delphi, se met en faillite. Son nouveau patron, en place depuis juillet, Robert S. « Steve » Miller déclare : « Del phi est simplement un point de combustion, un cas qui fera jurisprudence pour l’ensemble des orientations économiques et sociales qui vont au-devant d’une collision dans notre pays [Etats-Unis] et de tous côtés sur la terre. »
– Lire : USA : Delphi, un nouveau laboratoire d’une politique anti-ouvrière par Charles-André Udry.