Si on admet qu’une relocalisation totale n’est ni possible ni souhaitable, ainsi que veulent le laisser penser ceux qui ont encore dans l’esprit les bribes inconscientes du système capitaliste, à partir de là on aura sans nul doute vite refermé la porte de l’imaginaire.
Mais comme il n’y a aucune raison à ce que l’on ait des barrières intellectuelles figées, on peut sans à priori y réfléchir pour aller encore plus loin dans la déconstruction du système. En partant du principe que nulle utopie n’est à rejeter, rien n’empêche d’imaginer une relocalisation de base qui permettrait d’associer des initiatives de petites envergures permettant de tisser un réseau de démocratie horizontale. La somme des contre-pouvoirs pourrait ainsi se mettre en place pour tendre vers la masse critique…
La mondialisation nous fait consommer des chaussures dont on ne sait d’où elles viennent. On pourrait se dire, à la limite, peu importe, quelle différence y a-t-il entre un pied Tibétain et un pied maraîchin. Sans s’aventurer en terrain mouvant on ne peut que constater que la taille des pieds n’est pas la même…Ah, bon, il n’y a pas néanmoins que cela, le Marais Poitevin est baigné par le Gulf-Stream et la température au Tibet est en générale beaucoup moins clémente, donc à priori les chaussures ne devraient pas avoir la même épaisseur, et en imageant un peu plus la réflexion, nous dirions que l’on voit mal comment on pourrait aller dans le marais avec des bottes en peau poilue de yacks.
Rien ne pouvant arrêter la bêtise humaine quelques bobos inconséquents vont donc se balader avec les chaussures en poils de yack pour défendre le féodalisme religieux tibétain, tandis que les autres vont porter des chaussures en matière synthétique fabriquées à Taïwan avec un label connu et répandu, c’est vrai, les secondes seront moins chères et moins folkloriques mais monsieur tout le monde y trouvera son content, peut-être, en apparence….
Le système capitaliste va alors gueuler haro sur la contrefaçon, mais n’en fera pas plus de cas dans la mesure où c’est une entreprise multinationale qui fabrique ces chaussures en exploitant les femmes et enfants d’un pays en voie de développement. Ce qui en plus lui permet de les expédier en Europe dans des containers sur des bateaux pollueurs et surchargés ; containers aux conditionnements de contreplaqués autrefois fournis par des entreprises françaises, et maintenant par les multinationales en place au Gabon dont quelques unes sont d’ailleurs d’anciennes installées naguère sur notre territoire…. Tout un programme qui n’a aucunement réglé le problème des forêts tropicales tout en y a rajoutant aussi la continuité de l’exploitation de la main-d’oeuvre locale ; le colonialisme n’ayant pas quitté l’esprit des exploiteurs !
La question est toute simple, est-ce que chez nous on ne sait plus faire de chaussures ?
En effet, à partir d’un raisonnement simple on pourrait déjà penser que les dites chaussures seraient encore moins chères en les fabriquant sur place puisque l’on aura considérablement réduit le transport, réduit aussi la pollution inhérente en ne faisant pas venir de la marchandise des antipodes. C’est raisonner en tout bon sens ce qui n’est cependant pas le fonctionnement intellectuel d’un capitaliste. Pour lui, le seul concept, c’est le profit qu’il va tirer des intérêts du capital, et comme la main-d’oeuvre en est la principale variable d’ajustement il va chercher où elle est la moins coûteuse ; résultat, des chaussures à base de matière synthétique produites en grande série par des travailleurs sous-payés reléguant ainsi le prix du transport à un infirme pourcentage de la valeur sur l’étiquette du supermarché distributeur.
Godasses pas chères, uniformisation des modèles, produits renouvelables dans un temps très court par le fait d’une usure relativement rapide, pas réparable, l’exemple même de ce que nous offre la société de consommation. Consumérisme capitaliste auquel on accole l’expression « pouvoir d’achat » tel un leitmotiv incontournable, et autour de ces principes, on mondialise, on pollue, on déstructure industriellement des pays trop évolués socialement pour en favoriser momentanément d’autres, jusqu’à ce que ceux-ci ayant atteint un certain niveau on inverse le système, tout ceci avec un seul et unique but, une seule constante, le maximum de profit pour une oligarchie dominante. Parfois, un semblant d’attention sur le bien-être des peuples, sur la préservation de la planète, en réalité que des faire-valoir pour endormir les velléités des mécontents car si l’on gratte le superficiel on s’aperçoit que les exploiteurs n’en ont cure. Donc, si l’on ne veut plus être ballottés au gré des désidératas des multinationales nous devons relocaliser.
On pourrait extrapoler sur le problème de la chaussure, mais pour démonter les possibilités concrètes qui s’ouvrent on va s’intéresser à un territoire particulier avec des spécificités propres, le Marais Poitevin. Pour une démonstration rapide et significative prenons des exemples très précis comme les toitures des maisons, un élément incontournable de l’usage, le mésusage étant la piscine individuelle, et qui plus est, avec Linder (bâche plastique).
Ici, c’est le pays de la tige de botte que l’on devrait aux Romains qui auraient moulé les tuiles sur leurs cuisses. A la limite peu importe, on ne peut simplement constater que si ces tuiles ont la fâcheuse tendance à glisser, elles sont cependant remarquable dans les tempêtes car il est rare de voir les toitures traditionnelles du Marais s’envoler. Tuiles de toitures que l’on devait aussi à la matière première locale, le « bri » (argile grise). Ce qui fait que le Marais avait encore au début du XXéme siècle des petites tuileries qui fournissaient la région. Lors de la grande mécanisation, on a délocalisé ces tuileries et fabriquée la tige de botte plus industriellement, de moins bonne qualité d’ailleurs.
Comme souvent les fonds d’aide aux entreprises vont à celles qui délocalisent, ne pourrait-on pas dans le cadre de subventions allouées par la région, ou autres, remettre en route ou créer de petites entités de fabrication, et non en faire un musée comme de l’ancienne tuilerie de la Grève-sur-le-Mignon ; l’obsession touristique étant la seul réponse de certains incompétents politiques ou « irresponsables » de parc interrégional….
Le support des tuiles était autrefois en volige de peuplier qui a été remplacé peu à peu par le sapin sans qu’il y ait de raisons véritablement valables, si ce n’est que celles des facilités commerciales. On sait pourtant que le peuplier est l’un des arbres qui poussent le plus aisément dans les Marais Mouillés et que son exploitation va être réduite avec la diminution de la fabrication des contreplaqués pour les raisons que nous avons déjà évoquées (les peupleraies trop consommatrices en eau aussi interdites de par le fait). Toutefois, les alentours de marais étant toujours plantés, par conséquence rien n’empêche que l’on remette des petites scieries en marche pour exploiter les peupliers et faire de la volige ; voire installer aussi des petites dérouleuses pour favoriser et augmenter la fabrication de l’emballage léger naturel qui remplacerait de belle manière l’ensachage plastic issu du pétrole.
Et puis, nous allons isoler notre couverture, là , certains prétendront qu’il s’agit d’une innovation, ce serait cependant une erreur car l’utilisation du chanvre (le roseau aussi) comme isolant n’est pas nouvelle. Mais surtout, c’est que la culture du chanvre, qui y pousse aussi à l’état naturel, est dans ce Marais une longue tradition. Il était courant d’ailleurs, au milieu du XIXéme siècle de recenser dans certains villages une dizaine de tisserands occasionnels ou continus. Chanvre qui aussi était source de pollution importante des cours d’eau lors du rouissage, comme quoi certaines pollutions ne datent pas d’aujourd’hui. Bref, en autorisant la culture du chanvre en Marais Mouillé, chanvre qui est peu gourmand en eau, donc pas d’arrosage contrairement au maïs, on redonnera ainsi une activité pour l’usage, et évitera le non-sens du « tout » prairie humide (interdiction de labour en Marais Mouillé pour éviter la « maïsiculture » intensive, ce qui bloque en partie les autres formes culturales avec en plus des aides unilatérales pour les prairies).
Une nouvelle fois on peut imaginer de petites entreprises locales, autogérées, coopératives qui vont pérenniser l’emploi, limiter les transports, freinant aussi un productivisme corollaire d’une croissance inconsciente et polluante, ce qui redonnera vie à l’espace rurale tout en limitant l’expansionnisme des tentaculaires métropoles et mégalopoles globales, et à fortiori préservera intelligemment la planète…
On ne peut que constater à travers ces quelques exemples volontairement concrets, dont on pourrait multiplier le nombre, qu’il ne s’agit pas d’utopie, mais de volonté politique hors des sentiers battus !
Relocalisons, là est notre avenir…
Michel MENGNEAU
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