Réflexion sur les objectifs de l’article « Des systèmes politiques à bout de souffle ? Le cas du Chili » de Derien AURAN

Réflexion sur les objectifs de l’article « Des systèmes politiques à bout de souffle ? Le cas du Chili » de Derien AURAN

Un article publié par LGS sur le système politique chilien sous la signature de Derien Auran a retenu notre attention. Plusieurs commentaires sont nécessaires pour rétablir certaines affirmations qui nous paraissent plutôt éloignées de la réalité.

Tout d’abord il est difficile de trouver un fil conducteur dans la critique émise par l’auteur, lorsqu’il essaie d’expliquer les difficultés de l’actuel gouvernement chilien par un amalgame de stratégies historiques qu’il attribue à l’Occident tout en en profitant pour disqualifier les Révolutions française et russe.

L’auteur qui ne s’attarde pas à confronter ses affirmations à la réalité, nous présente comme acquises des situations qui existent uniquement dans son imagination.

Il se propose de dénoncer la crise de corruption dans laquelle est plongé le Chili mais évite soigneusement d’en expliquer les origines. Il veut faire croire aux lecteurs que la crise qui affecte le pays a débuté avec l’élection de la présidente Bachelet. Pour étayer cette hypothèse il nous affirme que sa candidature a été appuyée par « tout l’Occident » représentant l’oligarchie financière et présente comme une évidence l’appui de la présidente à sa belle-fille dans une affaire controversée d’achat et vente de terrains. S’il est vrai qu’il est difficile de croire que la Présidente n’ait pas été au courant, il n’existe, en revanche, aucune preuve de l’appui de celle-ci à cette opération immobilière (1).

De plus, déduire de là un appui de l’Occident, est un exercice d’analyse un peu osé et pas très sérieux.

Ces affirmations paraissent d’autant plus fantaisistes lorsqu’on sait que des journaux phares du système tels que « Wall Street Journal », « Washington Post » ou encore « The economist » ont à maintes reprises publié dans de nombreux articles des attaques en règle dès qu’ils ont compris que le gouvernement de la Nouvelle Majorité avait la ferme intention d’appliquer le programme de transformations radicales (2). Si l’on ajoute que même l’ambassadeur états-unien est intervenu au Chili contre le gouvernement de Bachelet (3), on se rend compte du manque de clarté et de profondeur des analyses de l’auteur en terme de maniement de l’information.

En effet, ce programme se propose de changer profondément les institutions que Pinochet a imposées après le coup d’État de 1973 contre le gouvernement d’Allende, dont le but était d’instituer le socialisme démocratique. Le régime de Pinochet, dont l’instauration a été largement planifiée et financée par la Maison Blanche (le maître de l’Occident, donc), est à l’origine de la crise de corruption que subit le Chili aujourd’hui. Pinochet ayant négocié son départ en 1989 -avec l’appui de Washington toujours-, a en effet laissé en place des institutions et pratiques mafieuses. Ainsi, la droite et le patronat dominent sans partage la vie politique et sociale du Chili depuis 1973 dans tous les domaines : économique, militaire, communicationnel, politique (grâce au système électoral binominal, unique au monde), etc. Vu l’ampleur du chantier, le programme de la Nouvelle Majorité projette de s’attaquer en priorité à quelques-uns de ces domaines : fiscalité, éducation, travail et constitution. Alors les raccourcis que nous offre l’auteur en guise d’analyse favorisent une confusion dont les seuls bénéficiaires sont les extrémismes.

L’auteur n’hésite d’ailleurs pas à recourir à la calomnie pure et simple. Cet agissement dévoile non seulement son ignorance de la réalité chilienne, mais aussi sa mauvaise foi. En effet, la Commission Parlementaire de la chambre des Députés (dont aucun communiste ne faisait partie), a définitivement et clairement écarté l’accusation de malversation ou malveillance au sujet de fonds de l’Université Arcis (4), alors que l’auteur n’hésite pas à accuser de vol Pascual Barraza, militant communiste devenu ministre. S’il était au Chili, votre auteur aurait déjà écopé d’un procès en diffamation.

Finalement nous pensons que les lecteurs du LGS méritent mieux que ces « analyses » dont l’objectif est plus qu’obscur et suspect et qui ne contribuent pas à relever le prestige de la publication.

J.C. Cartagena et Nadine Briatte.

NOTES :

(1) http://www.latercera.com/noticia/politica/2015/02/674-617953-9-bachelet-por-caso-caval-para-mi-como-madre-y-presidenta-han-sido-momentos.shtml

http://www.t13.cl/noticia/politica/caso-caval-michelle-bachelet-reconoce-que-sebastian-davalos-fue-imprudente1

(2) http://www.latercera.com/noticia/negocios/2014/05/655-576723-9-wall-street-journal-critica-proyecto-de-reforma-tributaria.shtml

http://www.24horas.cl/politica/the-economist-habla-de-futbol-politico-en-la-reforma-tributaria-1164587

http://www.washingtonpost.com/world/chile-tax-reform-plan-to-tackle-inequality-through-education-boost/2014/05/04/b5d52c71-9f0c-4a46-9867-6e86dcdf5b4c_story.html

http://www.elmostrador.cl/2014/22/05/the-economist-sale-a-defender-el-modelo-chileno-y-cuestiona-reformas-de-bachelet/

(3) http://www.elclarin.cl/web/noticias/politica/11627-embajada-de-ee-uu-en-campana-contra-la-reforma-tributaria.html

(4) http://www.camara.cl/pdf.aspx?prmID=13804&prmTIPO=INFORMECOMISION

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COMMENTAIRES  

27/06/2015 00:26 par Dwaabala

la droite et le patronat dominent sans partage la vie politique et sociale du Chili depuis 1973

Avec cependant l’entracte de 4 années qu’il ne faut pas oublier de S. Bachelet elle-même, qui a dû céder la place à la droite avant d’être réélue en 2013.
Il ne s’agit pas d’une question portant sur la personne de la Présidente, qui est incontestablement de gauche, ni même sur les forces de la coalition hétéroclite qui la soutiennent.
Il y aura un an et demi qu’elle a été réélue, et elle en encore à essayer de faire passer la réforme fiscale tant attendue. Elle "rapportera environ 8,3 milliards chaque année, ce qui assurera un financement permanent pour les transformations nécessaires dans des domaines tels que l’éducation, la santé et la protection sociale"... mais les difficultés viennent de ce que, en arrière-plan, la réforme constitutionnelle n’a pas eu lieu non plus.
Et si cette réforme constitutionnelle indispensable pour espérer aller de l’avant ne se fait pas, c’est parce que le programme ne comporte aucune disposition concernant l’organisation des secteurs industriels et financiers, peut-être impossible à envisager dans l’état du rapport des forces, mais tout comme celui de son précédent mandat.
J’écrivais à l’époque de l’arrivée au pouvoir de S. Bachelet : « Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il n’est pas difficile de prévoir que les limites des réformes sociales à venir seront vite atteintes. »
C’est bien ce qui semble se dessiner. Puissé-je être dans l’erreur !
Ce qui différencie S. Bachelet de F. Hollande, c’est qu’elle n’ a rien renié pour passer comme lui dans le camp néolibéral.

28/06/2015 08:06 par J.C. Cartagena

Grâce au système électoral binominal, la droite a toujours eu, même minoritaire, un droit de veto sur toute loi susceptible de faire évoluer la situation du pays. Avec la fin de cette forme de scrutin, récemment votée par le parlement, les majorités vont pouvoir, enfin, décider des destinées du pays.

Concernant la réforme fiscale, M. Bachelet n’en est plus à essayer de la faire passer, puisque la loi a été approuvée par les deux chambres du Congrès. Elle devrait en effet rapporter entre 8,2 et 8,3 milliards par année.

28/06/2015 12:11 par Dwaabala

Effectivement, les choses vont dans le bon sens au lieu de s’enliser. Alors se comprend mieux le sens de l’agitation autour des scandales financiers qui touchent pourtant essentiellement la droite.
Le début de la rédaction de la réforme constitutionnelle est promise pour le mois de septembre. Le scrutin binominal ayant été abandonné, pourquoi le reste ne passerait-il pas ? Même si les parlementaires actuels sont toujours ceux qui ont été élus suivant l’ancien mode de scrutin.
En tous cas merci pour votre article qui permet de remettre sa pendule à l(heure.

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