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Mort de Pablo Neruda : « Il n’y a plus l’ombre d’un doute, il s’agit d’un assassinat politique »

Alors que la justice vient de clôturer l’instruction concernant la mort du Nobel de littérature, Rodolfo Reyes, avocat de la famille et neveu du poète, rappelle les éléments scientifiques qui mettent à mal la thèse officielle.

Voilà plus de douze ans que le Parti communiste chilien a saisi la justice pour clarifier la mort de Pablo Neruda, à la suite des révélations de son assistant et chauffeur, Manuel Araya, aux côtés du poète durant ses derniers jours, en septembre 1973. S’appuyant sur les résultats d’études indépendantes, Rodolfo Reyes, avocat de la famille et neveu du Nobel de littérature, affirme que la version d’une mort due au cancer, avancée par le régime militaire et maintenue jusqu’à aujourd’hui, est montée de toutes pièces. Entretien.

Nombreuses furent les voix qui dénoncèrent, dès le lendemain de la mort de Pablo Neruda, un coup ourdi par les sbires du général Pinochet. Peu ont cru à la thèse de la mort des suites du cancer de la prostate dont souffrait l’auteur du Chant général et pourtant, il a fallu attendre 2011 et le témoignage de son chauffeur, Manuel Araya, pour relancer cette affaire qui hante la mémoire du Chili. Pourquoi ?

Trop de temps est passé depuis la mort de mon oncle, le 23 septembre 1973, dans la chambre 406 de la Clinique Santa Maria, à Santiago du Chili. Les circonstances qui entourent son décès sont plus que troublantes, et il est primordial de prendre en compte le volet politique de cette affaire. C’est pourquoi nous sommes de passage en France aujourd’hui : en tant que famille et membres de l’équipe d’avocats, il est très important pour nous que la véritable cause de la mort de Pablo Neruda soit connue et portée à la connaissance du monde.

Ce n’est pas un cancer qui l’a tué, mais bien la souche Alaska E43 de la bactérie Clostridium botulinum qui lui a été injectée pendant son sommeil, quelques heures avant son dernier soupir. Pour être clairs : il a été assassiné par la junte. Pendant plusieurs années la presse chilienne n’a pas tenu compte du témoignage de Manuel Araya. Il y avait une chape de plomb autour de cette histoire, comme autour de beaucoup d’autres autour des crimes commis sous la dictature du général Pinochet.

Pouvez-vous nous rappeler les circonstances de la mort de Neruda et les éléments dénoncés par Manuel Araya ?

Cet homme courageux, aujourd’hui décédé, a raconté avec force détails ce qui s’est passé ces jours-là. S’il est vrai que Pablo Neruda était atteint d’un cancer, il ne faut pas oublier que sa maladie était contrôlée et que sa présence dans la clinique de Santa Maria faisait partie d’un plan, organisé par l’ambassadeur du Mexique, pour le sortir du pays. Le 22 septembre, c’est-à-dire la veille de sa mort, Neruda se portait très bien et recevait de grandes personnalités nationales et internationales, des hommes politiques et des ambassadeurs, dans la clinique. Tous l’ont vu en bonne santé.

La suite est plus que troublante. Le lendemain matin, Neruda envoie sa femme et Araya chez lui, à Isla Negra, pour récupérer des affaires personnelles, car l’ambassade de Mexico avait prévenu que l’avion affrété par son gouvernement partirait le lendemain, avec l’autorisation des militaires chiliens.

À quatre heures de l’après-midi, Neruda les a appelés, expliquant qu’on lui avait fait une injection pendant qu’il dormait, alors que son traitement ne prévoyait aucun type d’injection. Lorsqu’Araya le retrouve, en fin d’après-midi, Neruda est très fiévreux, rougeâtre, et il a une tache rouge sur l’estomac. Il meurt quelques heures plus tard, entre 22 heures et 22 h 30.

C’est peu de dire que les éléments troublants s’accumulent...

Il y a la présence inexpliquée d’un médecin, un certain docteur Price, sorti de nulle part et que personne n’a pu retrouver. Il a également été prouvé que le certificat de décès qui a été délivré à l’époque est frauduleux.

Il a été rédigé par trois personnes différentes et ne correspond pas à ce qui a été prouvé scientifiquement plus tard, lors de l’enquête. Et surtout une question : pourquoi cette injection, alors que nous savons aujourd’hui que la DINA – la police secrète du régime militaire – a utilisé ce type de poison pour éliminer ses ennemis politiques.

Pablo Neruda s’apprêtait donc à quitter le pays vers le Mexique. Il était impensable pour la junte de le laisser partir ?

Il était clair que la dictature ne pouvait pas le permettre. Tout comme Victor Jara, il avait une stature internationale et c’était impensable pour Pinochet de le laisser aller de par le monde en dénonçant le coup d’État et son régime criminel.

Il projetait de s’installer au Mexique et, de là, solliciter intellectuels et gouvernements du monde entier pour renverser la tyrannie et ramener la démocratie au Chili. Et il ne faut pas oublier que Neruda était membre du Parti communiste, une organisation largement décapitée et blessée dans toute sa structure par la répression.

À cette époque, être communiste était presque l’équivalent d’une peine de mort pour les citoyens chiliens. Les communistes étaient emprisonnés, torturés, on les faisait disparaître... Mais les militaires ne pouvaient pas s’en prendre directement de la sorte avec Neruda car c’était une trop grande figure, ils ont donc agi avec plus de perfidie.

Ancien sénateur, candidat à la présidence, diplomate...

Et surtout un intellectuel, un prix Nobel de littérature et donc une figure très importante au niveau international dans le monde de la culture. À l’étranger, il aurait représenté un véritable caillou dans la botte de Pinochet. La dictature ne pouvait pas se permettre de le laisser partir vivant. Il aurait pu rassembler beaucoup de monde autour d’un mouvement de solidarité internationale pour dénoncer le régime.

C’est pourquoi toute la lumière doit être faite aujourd’hui, alors que les preuves scientifiques ne laissent plus l’ombre d’un doute : la mort de Neruda est le fruit d’un assassinat politique.

Quels sont les éléments scientifiques qui confirment la thèse de l’empoisonnement ?

Les restes de Neruda ont été exhumés en 2013, et nous avons la certitude scientifique, depuis 2017, qu’il n’est pas mort des suites de son cancer. Un groupe d’experts médico-légaux internationaux, qui a affirmé qu’il n’était pas en danger vital lorsqu’il a été admis à la clinique de Santiago, n’a pas exclu l’intervention possible de tiers dans son décès en signalant la découverte de la bactérie Clostridium botulinum dans l’une des molaires du poète. Au total, nous avons deux équipes étrangères et indépendantes – du Canada et du Danemark – composées de 17 experts qui ont écarté la théorie officielle selon laquelle sa mort serait due à une cachexie cancéreuse.

Leur dernier rapport, datant de février dernier, confirme que la bactérie Clostridium botulinum se trouvait dans son corps au moment de sa mort. Pourtant, la justice chilienne a ignoré ces résultats scientifiques qui confirment les témoignages des proches de Neruda.

Voilà maintenant plus de douze ans que le Parti communiste chilien a saisi la justice pour clarifier la mort du Prix Nobel. Où en est l’enquête aujourd’hui ?

Il faut d’abord rappeler que, dans ce dossier, le système judiciaire chilien ainsi que le ministère de l’intérieur ont vraiment fait le strict minimum : ils ont toujours été peu enclins à participer à un quelconque processus visant à éclaircir les conditions de la mort de Neruda, bien au contraire. On peut même dire que le service médico-légal a fait de l’obstruction dans cette affaire.

Par ailleurs, nous avons récemment eu la surprise d’écouter le ministre de la Justice déclarer qu’il n’y avait pas de preuves scientifiques qui valideraient la thèse selon laquelle Neruda ne serait pas mort des suites de son cancer, ce qui est totalement faux. Au contraire : nous pouvons maintenant certifier, preuves scientifiques à l’appui, que la version présentée à l’époque par le régime militaire était montée de toutes pièces, et que Neruda a été empoisonné douze jours après le coup d’État de Pinochet en 1973.

Aujourd’hui, l’enquête est menée par la Juge spéciale chargée des questions des droits de l’homme Paola Plaza González. Elle vient d’ailleurs de clôturer l’instruction, la semaine dernière. Nous l’avons appris par voie de presse, ce qui est très grave. Nous allons nous y opposer car il est impensable de clore la procédure alors que de nombreuses mesures doivent encore être prises pour faire toute la lumière.

À cinquante ans de la mort de Neruda, qui a intérêt à ce que la vérité ne soit jamais connue ?

C’est une vérité qui dérange encore la droite chilienne, celle-là même qui a toujours voulu enterrer l’homme de culture mais aussi l’homme politique, le militant, le poète et l’idéaliste. De la même façon qu’elle a voulu enterrer le coup d’État de 1973, les disparus, les torturés, les jetées à la mer, les exilés, les horreurs de la répression. Il faut se rendre compte qu’aujourd’hui encore une grande partie de la droite réfute l’utilisation du terme « coup d’État ».

Ils veulent occulter aux jeunes générations l’histoire de notre pays, comme si en Europe on racontait aux élèves que le nazi n’a commis aucun crime, en réduisant toutes les atrocités de la Seconde Guerre mondiale à un simple différent politique. Aujourd’hui le gouvernement Boric tente de faire ressurgir la vérité des faits, mais il a face à lui des forces très puissantes, soutenues par les pouvoirs économiques et médiatiques.

Mais avec les résultats scientifiques présentés par les laboratoires du Canada et du Danemark, c’est une nouvelle page de l’histoire qui est en train de s’écrire. À travers la science, c’est le corps de Neruda qui s’exprime : il nous dit que c’est cette piqûre qui lui a ôté la vie. Cinquante ans après, le doute n’est plus permis.

Il s’agit d’un assassinat politique. Les preuves scientifiques sont dans le dossier et ça, ils ne pourront pas l’effacer. Le mensonge ne peut prévaloir et nous sommes convaincus que tôt ou tard, le monde entier reconnaîtra la vérité. Nous demandons aux Français, qui ont déjà fait preuve de tellement de solidarité avec le Chili, de nous aider dans ce combat pour la justice.

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(...) je suis d’accord avec le fait que le tsunami a été une merveilleuse occasion de montrer, au-delà du gouvernement des Etats-Unis, le coeur du peuple américain.

Condoleezza "oui, j’ai un grain" Rice
devant la commission sénatoriale des relations étrangères US - janv. 2005

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