Introduction : Parti sur la dénonciation d’une nouvelle taxe sur le carburant, le mouvement des « Gilets jaunes » s’est épaissi au fur et à mesure du temps, au rythme de l’agora citoyenne des ronds-points. Catalogué d’extrême droite au début, d’où la méfiance des organisations traditionnelles (C.G.T-P.C.F), les doléances majoritaires ont rapidement débouché sur une matrice constituées de trois branches :
- Injustice fiscale
- Injustice sociale
- Injustice Politique (non représentation et trahison du peuple).
Ces trois branches se nourrissant mutuellement au fil des informations et des analyses tant sur la corruption du pouvoir (Affaire Benalla) que des violences fiscales et sociales (rapport OXFAM et ATTAC, que le parti de « l’ordre juste » [1] ne peut contester, autrement qu’en agitant les marionnettes…
La question du R.I.C, doléance de caractère institutionnel donc politique, venant perturber, le bon fonctionnement institutionnel, de la dictature de la finance sur les peuples. Là aussi, sur cette question précise, les organisations traditionnelles, à l’exception de L.F.I, sont encore en retard d’une guerre et ayant oublié notre Histoire, dénoncent à tout va et s’opposent, voyant plus le R.I.C comme un « gadget politique populiste » sans prendre le recul historique de long terme nécessaire. Alors le R.I.C, « gadget populiste » ou « bélier révolutionnaire » ??? Pour répondre à cette question il faut se replonger dans l’Histoire
La première mondialisation : Le Royaume de France d’ancien régime est déjà inséré dans une première mondialisation du capital qui porte le nom de « commerce triangulaire ». Les navires partent des ports d’Europe (Bordeaux, Nantes) chargés de pacotille, vont jusqu’en Afrique où ils achètent des esclaves noirs, trimballés comme de la marchandise et vendus par la suite, en Amérique où ils sont utilisés comme de la « ressource humaine gratuite » pour cultiver les champs de coton…Les navires repartent alors vers l’Europe chargés des marchandises réservées à la noblesse et à la haute bourgeoisie (sucre, cacao, or, argent etc..). La guerre d’indépendance Américaine, parti d’une Révolution (« Boston tea party » fut soutenu par le royaume de France, voyant un bon moyen de faire la nique aux anglais, concurrents sur le plan commercial, s’acheva par le traité de Paris du 3 septembre 1783, consacrant l’indépendance des Etats-Unis. . c’est notamment pour rembourser les dettes crées par l’effort de guerre, que Louis XVI augmenta les impôts déclenchant des jacqueries et précipitant la Révolution. En France, c’est toujours et d’abord par l’injustice fiscale et sociale que commencent les Révolutions.
Société et fonctionnement d’ancien régime : Au de-là du premier commerce mondial, la société d’ancien régime est une société cloisonnée divisée en trois ordres. Le clergé, la noblesse et le Tiers Etat. Le schéma représente la stratification sociale de l’ancien régime qui est très cloisonnée. Seuls quelques très hauts bourgeois ont la possibilité en « vendant leur fille » (mariage) de pouvoir passer dans l’autre supérieur de la société. Le vrai pouvoir appartient à la haute noblesse et au haut clergé qui rayonne à Versailles. Les Paysans travaillent les terres du seigneur et payent impôts et taxes (iconographie de droite), sans compter les corvées (travail gratuit du paysan pour entretenir les douves du château ou les routes). Le paysan n’a évidemment pas le droit de chasse.
Le fonctionnement institutionnel du Royaume : Le système politique féodal repose sur le pouvoir du Roy, représentant de Dieu sur terre. Investi par Dieu, de fait le monarque possède tous les pouvoirs. Il décide des lois, signe les décrets et a aussi le pouvoir de justice. Sur le plan financier, il délègue aux « fermiers généraux » le soin de lui avance l’argent pour ses guerres et réalisations et leur concède le droit de récupérer par l’impôt sur le peuple, les avances consentis. Les fermiers Généraux jouent le rôle de banquier du Roy. Ce qui se passe en France se déroule aussi en Grande-Bretagne. Rappelons-nous ce que faisait Robin des bois, il récupérait l’argent des impôts du peuple pris par le shérif, pour le redistribuer aux pauvres. Le fait qu’aujourd’hui, le Président Macron soit appelé « le Robin des bois à l’envers » [2] révèle la profondeur de l’analyse historique nécessaire. Ce premier schéma constitutionnel qui représente le pouvoir en Jaune, sera notre fil conducteur.
Toute ressemblance avec une situation actuelle, n’est donc ni fortuite, ni anodine.
La journée des tuiles : A se demander si l’expression « avoir une tuile », ne vient pas de là [3]…mais la première journée de la Révolution Française de 1789, commença le 7 juin 1787 à Grenoble et on se demande bien pourquoi bien sur les gardes royaux se reçoivent des tuiles sur la tête…Il suffit de lire pourtant : « La journée des Tuiles est le nom donné à une émeute, survenue le 7 juin 1788 à Grenoble, au cours de laquelle les insurgés ont affronté la troupe à coups de tuiles, dans le contexte de la fronde parlementaire consécutive à la tentative de réforme du garde des Sceaux Lamoignon et du contrôleur général des finances Loménie de Brienne, visant à annuler les pouvoirs redonnés aux parlements au début du règne de Louis XVI et comprenant la mise en place de nouveaux impôts (droit de timbre et nouvel impôt foncier général) et mesures de libre-échange, impopulaires depuis la guerre des farines. Cette émeute, prélude de la Révolution française, a fait trois morts et vingt blessés dans la population et un assez grand nombre de blessés parmi les membres du régiment de Royal-Marine.
Les cahiers de doléance : Suite à des mauvaises récoltes obligeant à manger le « pain de fougère », et vu le nombre de jacqueries du royaume, Louis XVI est contraint de convoquer les « Etats-Généraux », qui n’avaient plus été convoqué depuis 1614, en vue de pouvoir légitimer la levée de nouveaux impôts. 1.200 députés furent ainsi convoqués pour le 24 Janvier 1789. C’est dans ce cadre que la bourgeoisie aux manettes (à l’écritoire), se mit à rédiger les cahiers de doléances du peuple. Là encore, toute ressemblance avec une situation existante, ne serait pas anodine. La question de l’impôt et de sa juste répartition est centrale dans les cahiers de doléance.
Le serment du jeu de paume : Lors de la journée d’ouverture, forme de grand débat, la question du vote se pose. Faut-il maintenir le vote par ordre (chaque ordre ayant une voix quelque soient le nombre de députés) les privilégiés ayant alors toujours la majorité, ou faut-il compter par tête (un député une voix). Devant le refus du Roy, de compter par tête, certains députés de la noblesse et du clergé rejoignent les députés du « Tiers-Etat » et se réunissant à la salle du jeu de paume déclarent : « jurer solennellement, de ne pas se séparer avant que d’avoir donné une constitution à la France ». Et aux soldats du Roy, dépêchés sur place intimant l’interdiction de se réunir, le député Mirabeau eut cette cinglante réponse : « Nous sommes ici par la volonté du peuple. Nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes ». De fait la première assemblée Nationale été créée…
Soulignons qu’alors que le peuple crevait de faim, la première chose que firent les Révolutionnaires fut de s’atteler à l’écriture d’une constitution, car il y a toujours un rapport étroit entre domination économique et institution politique. Et ceci vaut tant pour le « blé » de 1789 que pour le « blé d’aujourd’hui » (pouvoir d’achat monétaire).
Manifestations non autorisées : Devant les difficultés de survivre, la spéculation sur les grains et les refus du Roy, d’entendre les doléances du peuple, les sans culottes attaquent et prennent la Bastille et les femmes manifestent sur Versailles pour ramener le Roy à Paris les 5 et 6 octobre 1789. Ajoutons la « grande peur » qui dans les campagnes conduisent les paysans à attaquer les châteaux et à bruler les titres de propriété débouchant sur la nuit du 4 Aout où les députés votent l’abandon des privilèges, créant de fait l’égalité citoyenne devant l’impôt, fondement de la République.
La constitution de 1791 : En s’appuyant sur le travail, les réflexions et analyses de penseurs Rousseau, Diderot et surtout Montesquieu qui voyant trois pouvoirs dans le monarque :
- Le pouvoir législatif (celui de proposer, discuter, amender et votre des lois)
- Le pouvoir exécutif (celui de faire exécuter les lois)
- Le pouvoir Judicaire (le pouvoir de condamner les infractions à la loi)
Et appliquant la sentence de Montesquieu : « Il faut que par l’organisation des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » les constituants de 1791 proposent cette organisation.
- Les trois pouvoirs sont nettement séparés, y compris le pouvoir judiciaire est vraiment indépendant, ce qui moins le cas aujourd’hui (Procureurs-Juges).
- Le pouvoir législatif est central (en jaune) mais il demeure un pouvoir excessif du Roy qui peut bloquer les lois par son droit de véto.
- Mais surtout la « souveraineté de la Nation » est très limitée du fait du suffrage censitaire (impôt permettant le droit de vote) qui de 28 millions d’habitants ne retient en définitive que 50.000 électeurs.
La République bourgeoise : On peut alors parler de « République bourgeoise » au sens où on passe d’un pouvoir monarchique de droit divin à un pouvoir financier qu’organise et institutionnalise la constitution.
Cependant des choses essentielles ont été obtenues notamment en termes d’impôt : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés », qui va être le fondement de l’impôt sur le revenu progressif et non proportionnel. Aspect qui avec les taxes actuelles reconstruit l’injustice fiscale d’ancien régime.
La Révolution ne s’est pas arrêtée en 1789. Contrainte à se défendre à l’intérieur (Chouans) et à l’extérieur et la constitution de 1793 fondée sur la justification de l’insurrection légitime : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs. »
Révolutions et système institutionnel : Toutes les révolutions, qui par la suite, se sont succédées ont cherché à améliorer le système institutionnel, système institutionnel, compris comme l’organisation des pouvoirs visant à répondre à « l’intérêt général » expliquant que nous ayons eu 15 constitutions en 300 ans, là où les Etats-Unis et la Grande bretagne n’ont eu qu’une constitution. A chaque fois, qu’on pose la question constitutionnelle, en fait c’est la question de la souveraineté du peuple qui est posée. Or derrière la souveraineté se posent les questions de choix politiques (fiscaux, budgétaires). Il n’y a donc pas de « neutralité » de la Constitution, la constitution est le premier acte politique d’un pouvoir.
Le temps des Révolutions : Si tôt, finit la Révolution de 1789, ses effluves (l’Empire de Napoléon) et le retour du royaume (Louis XVIII), que le XIXème siècle rentre dans une période de Révolutions populaires et prolétariennes successives. Pensons dans l’ordre d’apparition, « la liberté guidant le peuple » de la Révolution de 1830, puis ce fut la Révolution de 1848 et l’apparition du premier drapeau rouge du prolétariat [4]. Puis il y eut la Commune, Révolution prolétarienne, qui en définitive est à l’origine de ce que les « gilets jaunes » appellent aujourd’hui R.I.C.
La « Commune » a imposé des règles drastiques aux élus qui les représentaient au conseil communal. Ils étaient élus sur un « mandat impératif », c’est-à-dire qu’ils ne pouvaient changer d’avis au cours de leur mandat (chose interdite dans la constitution de 1958 / Art 27) et d’autre part, en cas justement de manque à cet engagement, ils pouvaient, être destitués…Là, le peuple était vraiment souverain [5].
Révolutions populaires et constitutions : Traiter en une page, un siècle d’histoire de révolutions est une synthèse osée, mais dont le seul objectif est de montrer l’articulation politique entre Révolutions prolétariennes et constitutions.
La constitution, une fois de plus n’est pas un simple texte, elle est le fondement des pouvoirs du peuple, celui qui définit sa souveraineté, d’où son importance dans le texte lui-même : « La Souveraineté est une, indivisible, inaliénable et imprescriptible. Elle appartient à la Nation ; aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s’en attribuer l’exercice. » Article 1 : Constitution de 1791
Le XXème siècle commence en 1917 : Que chacun cherche, mais le XXème siècle commence avec la Révolution bolchévique de 1917, où la « guerre du Capital » commence avec la guerre de 1914-1918 (là aussi conséquence des guerres commerciales du partage des colonies) et se termine par la Révolution soviétique de 1917, qui fait émerger un nouveau rapport politique mondial et où, comme en 1789, les puissances impériales dominantes tentent de détruire cette nouvelle irruption de fièvre (soutien aux blancs).
Ce XXème siècle se poursuit par la crise de 1929, parti des U.S.A et engendrant fascisme et nazisme, le communisme apparaissant alors comme l’antidote essentiel (le peuple soviétique paye de 17 millions de morts, sa contribution à la libération de l’Europe du joug nazi…), d’où le surnom de Staline « petit père des peuples ».
La Révolution de 1944 : La domination du peuple sous le régime de Vichy, souhaité par le patronat français (retour à avant 1936) avec le soutien actif d’Hitler débouche sur une « insurrection nationale patriotique et populaire », qui se construit, non sur la simple notion de « chassez l’envahisseur », mais sur un programme politique progressiste clair (« Les jours heureux »), fondateur de l’unité de la Résistance.
C’est en ce sens que l’on peut qualifier la « résistance », « d’insurrection révolutionnaire » au sens où sa portée, n’est pas simplement que libératoire, mais de « projet politique commun ».
De Gaulle n’en sera que le « porte-parole », sachant de plus tout ce qu’il doit au mouvement communiste, seule véritable force d’insurrection nationale populaire et patriote, première force politique en 1945, au pont d’appeler son organisation militaire « Front National » [6].
Evolution de la structure sociale du XXème siècle : la question des structures sociales et de leurs évolutions est indispensable pour comprendre les évolutions du monde et des rapports de force. La situation en 1946 et sa comparaison en 2016 apparait déjà comme un motif suffisant de « révolutions », au sens où les révolutions ne se déclenchent jamais par hasard, mais sont le produit d’une histoire des transmutations et des contradictions inerrantes à ces processus. Beaucoup à dire sur la « baisse » des populations agricoles et ouvrières, que je n’ai pas ici le temps le traiter dans ses fondements explicatifs d’une « comptabilité des apparences », mais admettons, ce principe, comme découlant des « révolutions technologiques » en cours (faussement appelé « Révolution numérique »). Ce qui m’intéresse ici, ce sont les conséquences institutionnelles comme révélatrices des rapports de force de « lutte de classes ».
La constitution de 1958 : Sous contrainte américaine et libérale, le pouvoir monarchique repris le cours de son histoire. De fait la constitution exprime l’organisation des pouvoirs dans le cadre de la Présidence gaullienne, d’un chef d’Etat un peu particulier. Comme sous « l’ancien régime féodal », le pouvoir en jaune est concentré autour du « chef de l’Etat » et les assemblées sont à sa botte. Nous sommes donc plus dans un régime présidentiel de type monarchique que dans une République au point que Mitterrand a pu écrire sur cette constitution « le coup d’Etat permanent »… et piteusement comme dans les périodes précédentes, le pouvoir monarchique a pris le dessus sur les assemblées du peuple.. Le peuple n’est souverain qu’au moment de voter [7].
Du Capitalisme mondialisé : Ce qui est appelé « mondialisation financière », n’est que l’emprise de la finance sur l’économie réelle ou encore la prédation des marchés financiers sur l’activité productive. La « mondialisation » ne fait que reprendre et « copier-coller » les effluves des principes du commerce libre des esclaves d’Afrique, du « commerce triangulaire ». La mondialisation est d’abord une logique de « flux commerciaux » fondés sur une logique mondiale en vue d’optimiser les profits et diminuer les impôts et risques commerciaux, en les reportant sur les Etats (krachs boursiers). Les peuples étant alors pris en otage pour, être « plus compétitif » et « moins disant fiscal ». Tout ceci, au-delà des règles économiques imposées par la dictature des profits du « marché libre et non faussé » doit, être démocratiquement institutionnalisé, comme allant de soi et sans alternative possible.
La caricature qui dit tout : Je trouve cette caricature, comme la meilleure représentation synthétique de ce que nous subissons. Où l’on voit « Jupiter » manipuler les marionnettes des forces de l’ordre contre les « gilets jaunes » et lui-même est manipulé par les forces du marché dominant la société. La question centrale est : la caricature représente t’elle la réalité du fonctionnement de la société ou pas ?
La constitution de 1958 sous contrainte des marchés : La constitution de 1958 a été de nombreuses fois modifiées devant tenir compte et s’adapter à ce qui est appelé « les évolution du monde ». En fait d’évolution, ce n’est plus la souveraineté du peuple qui est représenté mais la souveraineté des marchés. De fait la constitution de 1958 et par la même la souveraineté du peuple est mise sous l’étau des marchés financiers dominants. C’est l’O.M.C qui définissant l’organisation du commerce mondiale définit les règles du jeu de l’économie mondiale, pensant sur l’Europe qui sous contrainte applique aux peuples les règles de la « concurrence libre et non faussée », qui désormais sans le dire et sans vote référendaire se substitue à la « souveraineté du peuple ». Le Président Macron soi-disant garant de la constitution, n’est plus qu’un simple serviteur zélé des marchés, d’où sa promotion pour les « premiers de cordée ».
Sur l’indépendance de la banque centrale et de la démocratie : Désormais en Europe, la B.C.E est indépendante des pouvoirs politiques. Elle définit une politique monétaire, en coopération avec l’O.M.C et les banques privées qui prêtent aux Etats sous condition d’intérêt (à l’image des fermiers généraux d’ancien régime). Est-ce que ce statut d’indépendance est en concordance avec les règles de la démocratie. C’est là où le retour aux sources (Montesquieu) est essentiel. La question étant : sachant que Montesquieu a précisément défini la démocratie comme la « séparation des pouvoirs » qu’il voyait au nombre de trois (Législatif, Exécutif, Judiciaire) pouvait-il oublier la monnaie ? Aurait-put-il oublier la monnaie et son rôle dans le financement des politiques publiques dans son analyse des pouvoirs ? Questions sous-jacente : La monnaie existait-elle de son époque ?
A la seconde question, la réponse est oui. Oui la monnaie existait. Elle était même de plus en plus imposée comme moyen de payer l’impôt. De plus, la monnaie définissait la souveraineté du royaume. La souveraineté étant le pouvoir de frapper monnaie, souvent d’ailleurs à l’effigie des rois. Dès lors si la monnaie existait du temps de Montesquieu et qu’elle était définie comme expression de la souveraineté, pourquoi Montesquieu, ne fait pas de la monnaie un pouvoir à part, nécessitant une institution spécifique indépendante du pouvoir politique ??? Montesquieu ne voit que trois pouvoirs, car il sait que la monnaie n’est que l’expression de la souveraineté, un outil au service de la politique.
De la démocratie à la « démocratie de marché » : En rendant la B.C.E, qui a le pouvoir de création monétaire (billets, crédits, financements), indépendante des pouvoirs politiques et en en faisant une institution, nous passons sans le dire de « la démocratie » (pouvoir du peuple) à la « démocratie de marché » où le marché est au-dessus de la démocratie, ce que le schéma formalise. Dans ce cadre, les peuples, leurs besoins deviennent des variables d’ajustement du « tout profit » et du « tout marchand ». La B.C.E devenant la « Bastille du Capitalisme Européen » trouvant dans la monnaie le subterfuge idéal pour imposer la dictature financière des 3 %. Or la B.C.E est une Institution renvoyant à une lutte institutionnelle.
Une structuration sociale reproduite : Comme le montre le schéma, la structuration sociale de 2019 renvoie à celle de 1789 en termes de « cloisonnement social ». C’est, comme en 1789, l’aggravation des inégalités, conséquence des injustices fiscales et sociales qui en cloisonnant la société déclenche le soulèvement du 17 Novembre qui s’ancre sur les « ronds-points » comme en 1789 autour des arbres de la liberté.
La vraie question du R.I.C : Dès lors que l’on replonge dans l’Histoire, on comprend que le RIC, n’est pas un gadget, mais le processus itinérant de conquête par le peuple lui-même de sa propre souveraineté, chose recherchée depuis 1789 et jamais vraiment réalisée. Il n’est pas écrit que le R.I.C en tant que tel soit la solution pour le combat de l’émancipation humaine, mais il est une pierre sur son cheminement, jamais définitivement gravé et toujours en cours d’écriture. Le R.I.C n’est donc pas un gadget, mais un outil institutionnel dans la lutte pour l’émancipation. Cet aspect est d’autant plus important que la société Française d’aujourd’hui est de plus en plus éduquée et mieux formée, combinée aux possibilités des nouvelles technologies (internet) donc mieux à même de pouvoir décider par elle-même, en réduisant ses dépendances aux élus et au système électoral fait pour reproduire le système. Le fondement du R.I.C est à rechercher dans la Commune de Paris de 1871, Révolutionnaire, par objet. La question n’est donc pas pour ou contre le R.I.C, mais le R.I.C pour faire quoi ?
La dialectique révolutionnaire / Ouverture
Arrivé au terme de ce papier, il faut souligner les lignes de force.
- Il n’y a pas de Révolution sans prise de conscience des violences sociales (extraction des richesses du travail) et fiscales (imposition des prolétaires, exonération des possédants) du capitalisme en tant que système d’exploitation, ce dont les « gilets-jaunes » ont une conscience de plus en plus grande au vu de leurs revendications sociales (zéro S.D.F, hausse du SMIC, rétablissement de l’ISF etc…). La question est cependant de savoir si l’on peut révolutionner le système productif, sans toucher aux institutions qui pilotent cette exploitation ??? et qui de fait en sont les garants juridiques et institutionnels…
- Discuter des institutions, n’est donc pas un gadget, mais le moyen de structurer les progrès fiscaux et sociaux en termes de règles politique intangibles. La Constitution définit les règles fondamentales de la société y intégrant à la fois la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, définissant les droits individuels, mais aussi le préambule, qui définit les droits collectifs (et le préambule de 1946, dans ses écritures est une sacrée avancée).
Structure / Superstructure, l’approche marxiste : Karl Marx, a été un analyste très pointu et rigoureux des évolutions historiques. Son approche de la société se fondait sur le rapport structure / Superstructure : « dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives matérielles. L’ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base concrète sur laquelle s’élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociales déterminée (« Contribution à la critique de l’économie politique »).
Règles fiscales et sociales [8] et Règles constitutionnelles sont les deux faces de la même pièce, celle du fonctionnement concret de la société. Si dans l’apparence des choses, la « superstructure étatique » doit être séparée du système d’exploitation proprement dit, expliquant le concept bourgeois « d’Etat impartial au-dessus des idéologies », donnant à voir le fonctionnement institutionnel, comme garant de « l’intérêt général », il existe des périodes où le capitalisme trop sûr de lui, en vient, non seulement à dominer les rapports sociaux de production (Structure), mais à prendre aussi la place de « grand timonier politique », détruisant la mince frontière entre « structure et superstructure ». Cela s’est d’ailleurs déjà passé en France lors de la Révolution de 1848 : « Après la révolution de Juillet, lorsque le banquier libéral Laffitte conduisit en triomphe son compère le duc d’Orléans à l’Hôtel de ville, il laissa échapper ces mots : « Maintenant, le règne des banquiers va commencer. » Laffitte venait de trahir le secret de la révolution » [9].
La constitution de 1958, modifiée et sous contrainte des marchés (schéma), mettant de plus à sa tête, un Banquier (Macron), comme en 1848, fait alors disparaitre la séparation artificielle, mêlant ainsi étroitement Structure et superstructure, au point que ce sont les doléances du MEDEF, qui deviennent, la matrice des politiques gouvernementales (I.S.F, C.I.C.E, flat-tax etc…).
A ce moment-là très particulier, se battre sur le plan institutionnel revient à combattre de fait la structure elle-même puisq
ue structure et superstructure ne font plus qu’un.
C’est en ce sens, que la proposition de 6ème République de la LFI ou le R.I.C des G.J, deviennent des outils objectifs de « lutte de classe » remettant en cause de fait tout le système.
Et l’on peut affirmer que, dans ces conditions historiques particulières, l’écroulement de la superstructure, entraine aussi l’écroulement de tout le système économique dominant, car n’ayant plus possession de la passerelle, il ne peut plus édicter les lois favorables à son accumulation (loi travail, I.S.F, C.I.C.E etc…).
La cécité des organisations et des dirigeants : Il est vraiment désolant de constater qu’au lieu de réfléchir à partir des outils théoriques que nous a donnés Marx, le réflexe des organisations et de leurs dirigeants (à tout niveau), à l’exception notable de Jean-Luc Mélenchon, ne soit que de voir des fascistes partout et de considérer que toute revendication qui ne fait pas partie du cahier revendicatif central (défini par les Directions), ne serait que du populisme ou pire, de la manipulation d’extrême droite. Et y compris, si tel était le cas, le rôle d’un révolutionnaire est toujours de s’emparer du manche, justement pour que la « lutte des classes », ne tombe pas du « côté obscur de la Force ».
Il est déprimant de voir des camarades dirigeants, me reprocher d’aborder cette question de fond, comme si je me trompais de combat.
L’intelligence d’un communiste n’est pas de nier la réalité, mais de partir de celle-ci dans toutes ses contradictions, pour la faire évoluer du côté de l’émancipation collective. « C’est la vérité qui est Révolutionnaire » [10] et trop souvent nous partons de l’assertion inverse (« La Révolution est la vérité »).
La démocratie condition de la fin des famines : Rappelons qu’en 1789, les sans culottes confrontés à la famine, commencèrent par écrire une constitution. C’est la marche des femmes sur Versailles, qui mit fin à la disette qui existait du fait de la spéculation sur les grains opérées par la Noblesse…
Certains Pays africains ont commencé à régler leur problème de famine, en introduisant de la démocratie.
Sans cette approche globale, on ne peut comprendre comment un texte constitutionnel, de fait « peu producteur de blé », contribue efficacement à la résorption des famines.
La « paix du pain » et la révolution bolchévique : Quand aux dirigeants qui critiquent, sans recul en appelant juste au « grand soir » dénonçant dans le RIC, juste une opération « référendum » de courte vue, le fait que Lénine lui-même, peu suspect de « social libéralisme », a su s’appuyer sur les doléances du peuple pour, par le meilleur S.M.S du monde, déclencher la révolution : « la paix, du pain ». Or le communisme, tel que le parti bolchévique l’entendait, ne se limitait pas à « la paix du pain », mais visait à aller bien au-delà.
C’est l’intelligence des dirigeants de l’époque que d’être parti des besoins les plus matériels immédiats que scandaient le peuple, de se l’approprier, pour en faire le « porte étendard » d’une Révolution, qui ne se limita pas, de fait, à la « paix du pain ».
Il s’agit donc de concevoir la révolution comme un processus de long terme et non juste un « grand soir », ce qui n’a jamais existé, y compris en 1917.
C’est à cet enjeu que sont mis au défi les « gilets jaunes » et au-delà l’ensemble du peuple, en vue de pouvoir se réapproprier sa souveraineté, fondatrice de la démocratie, « pouvoir du peuple ».
Revendiquer le R.I.C comme bélier, c’est donc combattre le capitalisme et le dépasser
Le 12 Février 2019,
Fabrice
P.S : mon ami et camarade Alain Rondeau, avec qui j’ai échangé cet article avant publication m’a envoyé ce petit texte : « Le referendum, la souveraineté populaire et nationale, c’est un outil démocratique, permettant le pouvoir par et pour le peuple. Un outil fondamentalement incompatible avec l’Union Européenne. Referendum ou Union Européenne, il faut choisir. Et dire cela, ce n’est pas une analyse théorique mais un constat pratique. L’Union Européenne n’est compatible avec les referendums que s’ils n’autorisent qu’une réponse, celle décidée par Bruxelles. L’actuel président de la commission européenne l’a avoué, en 2015 à la suite du referendum conduit en Grèce qui a vu le très large rejet du mémorandum austéritaires imposé par l’Union Européenne, la BCE et le FMI par un OXY incontestable de près de 2 électeurs hellènes sur 3. ” Il n’y a pas de choix démocratiques contre les traités européens” a alors déclaré Jean Claude Juncker, tandis que le premier ministre grec mettait en application le mémorandum rejeté dans les urnes par les citoyens grecs.
Si le referendum de la Vème république était une sorte de plébiscite tu type 21 décembre 1851 (Napoléon III), visant à légitimer le pouvoir en place, depuis le référendum de 2005 sur la constitution, ce procédé est devenu « l’arme des peuples » pour s’émanciper du pouvoir des monarques présidentiels. Il serait idiot de ne pas s’en servir. Le R.I.C est la matérialisation actuelle de la Constitution de 1793 : « quand le gouvernement viole les droit du peuple, l’insurrection est pour le peuple le plus indispensable et le plus sacré des devoirs ». Réfléchissons-Y.